
7 3 § A V I
a été librement confentiç , que lorfque les conditions
en ont été réglées par les individus qui la
compofent. Un engagement fans volonté eft nul.
Cette vérité eft hors de toute atteinte, & les
Etats-Unis d’Amérique lui ont rendu un hommage
folemncl lors de la formation de leur gouvernement.
Il n’y a qu’un inftant que la France -a une vraie
fédération politique. Chacune des provinces qui
compofent ce bel empire , étoit un état féparé ,
qui avoit fes ftatuts particuliers , fes privilèges.
Vous avez vous-mêmes vu la Navarre prétendre
à être un royaume. Tant que les parties d’un , empire
ne s’incorporent pas volontairement enfemble,
il n’y a point d’affociation , il n’y a point d’alliance;
la force feule établit les rapports : or, la
force viole les droits au lieu de les confacrer. Le
filence & la foumiffion des peuples, loin d’être
une approbation', eft la marque certaine de la
ferviiude & de l ’efclavage. Qui eft-ce qui niera
que la Hollande ait eu le droit de brifer fes fers ,
& de fe détacher de l’Efpagne ? Qui eft - ce qui
niera que la Suiffe ait pu fecouer le joteg de la mai-
fon d’Autriche ? On traite les peuples de rebelles ,
îorfqu’ils rentrent dans leurs droits. Les tyrans feuls
font des révoltés. (O n applaudit à plufteurs re-
prifes ). Qui eft-ce qui niera que la force , depuis
. des fiècles, foit le feul droit public des rois ? A
examiner la manière dont ils trafiquent des peuples,
dont ils les échangent, dont ils les conquèrent,
dont ils leur diélent des loix,n’eft-il pas "évident qu’ils
les traitent comme de vils troupeaux dont ils font
propriétaires ? C’eft cependant ce droit public qu’on
invoque , ce font ces maximes qu’on ne peut toucher
,. dit-on , fans troubler l’ordre des fociétés,
fans en détruire l’harmonie. Quel ordre , grand
Dieu , que celui qui renverfe toute morale & toute
juftice 1 Nous le répéterons fans ceffe , il n’y a
de fociété entre les individus , il n’y a d’alliance
entre les, parties d’un empire , que par un con-
fentement libre & général ; & c’eft ce confente-
inent de réunion qui n’exifte pas entre Avignon
& les autres états de la.cour du pape ; & j.’ai
déjà prouvé qu’Avignon a toujours été regardé,
même par les papes , comme un état diftlnâ &
feparé.
Il eft donc prouvé que le peuple d’Avignon a
pu fe déclarer indépendant ; qu’il s’appartient à
lui-même, & qu’il veut fe réunir à la France. De-
yons-noHS le recevoir ? Eft—il de notre intérêt &
d ’une faine politique de le f a i r e ? .... Avignon
eft au centre de nos belles provinces méridionales
; il en coupe la communication ; il gêne le
Languedoc, la Provence , le Dauphiné, la principauté
d’Orange dans leurs relations ; il en ralentit
le cours ; on l’environne de barrières , pour
prévenir la fraude , 6c. ces barrières contrarient
aujourd’hui le régime intérieur & bienfaifanr que
vous voulez établir dans tout le royaume , &
vous ne favez comment brifer ees chaînes fifcales.
A V I
Avignon eft donc voifin de nos frontières ; fa pofr.
tion au confluent du Rhône & de la Durance
le rocher qui domine la ville en font un pofte
important. En cas d’attaque dans cette partie , en
cas d’irruption de l’ennemi du côré du Milanez
ou de la Savoie,, Avignon feroit pour nous un
rempart redoutable ; i l a fervi fouvent d’afyle à
nos ennemis ; il a ete le foyer des confpirations ,
de ces guerres de fanatifme qui ont défolé la
France 8Ç fait couler des flots de fang___Si' les
Avignonois retour noient fous le joug facerdotal,
fr jamais ils demeuroient imbus de ces principes
odieux & tyranniques, qui ont abruti les peuples
pendant tant‘de fiècles , quel danger n’y auroit-il
pas alors de conferver dans notre fein un tei peuple,
qui a des rapports journaliers & habituels avec
nous ? La fervitude eft la maladie la plus pefti-
lentielle des nations ; elle gangrène tout ce qui
l’environne. Avignon nous offriroit le fpe&acle
impur de tous les mécontens, de tous les ennemis
de la liberté; le centre des-complots, qui dé-
borderoient enfuite fur nos contrées , pour ren-
verfer . notre conftitution. , .
Quelque parti que 'vous preniez , le peuple
avignonois n’eft plus au pape , puisqu’il ne veut
plus l’avoir pour chef. Qu’un prince , les armes
à la main, conquerre un .peuplé , le conferve
on célèbre fa vi&oire ,' on vante fes triomphes ,
-fon. titre eft refpeâé. Eh quoi 1 ce que fait la
force d’un defpote., ce que légitime fa puîfTance
le confentêment libre & volontaire d’une nation
ne pourra pas le faire -î
Gomment cette réunion pqurroit - elle porter
quelque ombrage ? Avignon , dans l’Europe , eft
un point imperceptible ; A v ig n o n n’ajoiitéroit rien
à notre force ; Avignon, ne- peijt point rompre
l’équilibre politique. Cette réunion , nous dira-t-on
fervira de prétexte aux puifTances voifin es pour
nous inquiéter. Si l’on parle de prétextes pour, nous
attaquer, il en eft mille; pour mieux dire , les
prétextes n’étant que des enfans de la fantaifie ou
du caprice , ils font fans nombre , comme fans
bornes, & il eft impoiîible de les éviter. Croyez
que fi les cours de l’Europe , qui brûlent de ren-
verfer notre conftitution , poûvoient *Vous attaquer
avec impunité, elles ne prendroient pas la peine,
d’expliquer leurs motifs.. Mais les rois craignent
que le bandeau, qui couvre les yeux des peuples ,,
ne tombe, qu’ils n’apperçoivent qu’ils font les vils
inftrumens de leurs vengeances , le jouet de leurs
caprices ; qu’ils o’apperçoivent les préjugés fuperf-
titieux dont ils font idolâtres & vi&imes;. 8c que
les armes qu’ils leur auroient jnifes à la. main '
pour opprimer la liberté d’une nation généreufe ,
ne leur fervent pour la conquérir , cette même
liberté. Ils tremblent aufli des efforts magnanimes,
de l’énergie que déplieroit un peuple fier , qui a juré de maintenir fon ouvrage,. de le cimenter
, s’il le falloit, de. fon propre fang, ou de s’en-
fevelir fous fes ruines. ( On applaudit ).
mBÊÊÊÊKÊÊM WÊÊÊÊ
A V I
Ainfi ne vous abandonnez pas à des idées pufil-
lanimes. Soyez perfuadés qu’une contenance timide
n’eft propre qu’à enhardir vos ennemis.. * *
* Je me réfunie , 8c je foutiens que , fous quelque
point de vue que vous envifagiez cetre grande
affaire , vous ne devez pas balancer pour déclarer
qu1 Avignon fait partie de l’empire François.'Si vous
confidérez lé" droit pofitif, Avignonrètoit une portion
intégrante de cet empire , 8c ne pouvoit pas
en être démembré ; il l’a été d’une manière illégale
8c frauduleufe. Sans ceffe nos rois ont réclamé
fans ceffe ils ont fait valoir les droits de la'
nation. La poileffion des papes a été précaire , interrompue;
elle a été en tout femblable, àlapiîif-
Jarice d’un engagifte.
Si vous’ confidérez, les droits facrés & impref-
criptibles des peuples, Avignon appartient encore
à la France, puifque les Avignonois veulent être
François. 11 eft do vôtre dignité, il eft de votre
grandeur de reconnoître' hautement cette fouve-
raineté des peuples, outragée depuis tant de fiècles ;
de reconnoftre que. .les rois appartiennent aux
peuples, & que les peuples n’appartiennent pas
aux' rois. ( On applaudit ). Ces vérités faintes ,
vous les avez confacrées ; 8c il y auroit de la lâcheté,
à les taire ou à les trahir dans une oçca-
fion de cette importance.
Si vous confidérez enfin l’intérêt , les convenances
, les raifons moral* 8c politiques , tout
concourt pour qui Avignon refte à jamais uni à la
• France.;... Voici le décret qui, contient lé voeu de
la majorité relative, de vos comités d'Avignon 8c
diplomatique.
L’affembléè nationale déclare que la ville d'Avignon
& fon territoire font partie de l-’émpire
François. Elle prie le roi de négocier avec la cour
de Rome, fur les indemnités qui pourrôiënt lui
être dues, pour enfuite les - articles ainfi négociés,
être fournis à fon examen , admis , modifiés ou
•rejettés par elle. Elle prie en outre d’envoyer iu-
ceflamment à Avignon, une quantité de troupes de
ligne fuffifaiitq; pour prévenir les troubles Sc main -
«tenir la paix.
M. de. Cabales. Je pÿe raffemblée d’obferver
que le difepurs de M. Pétion n’eft point un rapport
de vos comités , mais une opinion particu-
jière. Après de très - longues difeuflions dans le
•comité d’Avignon ’& le comité diplomatique réunis,
1 on y avoit adopté un projet de décret rédigé
par M. de Mirabeau 8c amendé par M. Bar-
nave. J’ignore les motifs pour lefquels ce projet
ne vous a point été préfenté.
. M. Bouche. Le préopinant n’a pas affifté aux
féances fuivantes de vos comités. N’ayant pu nous
mettre d’açcord dans la rédaftion , il a été déterminé
qu’il feroit fait une pétition à Raffemblée pour
'qu’elle décidât fans rapport.
a v i 7 3 9
M. de Cabales. Quand une délibération eftprife
aux comités, comme à l’afTemblée, elle eft irrévocable.
Je demande que le rapport foit fait. La
fageffe de raffemblée a été égarée.. . . ( I l s’élève
des murmures ). On décide de paffer à l’ordre du
jour.
M. Malouet. J’attaque le projet de décret du
préopinant, avec d’autant plus de confiance , qu’il
ne .vous eft point préfenté au nom du comité diplomatique.
Il vous a parlé du droit pofitif,
du droit des peuples ; je fuivrai la même marche.
Avignon a fait ferment de fidélité au pape. Cette
Ville pourra appartenir à la France, fi la proferip-
tion de près de la moitié de fes habitans , fi les
meurtres., les-incendies., fi les maximes affreufes
qui tendent, à diffouclre les empires font les droits
des peuples.... Nous, devons la pétition d’Avignon
à line motion de M. Bouche, qui.. . .
M. Bouche. Si elle peut avoir des fuccès, je
regarderai cette époque comme la plus belle de
ma vie.
M. Malouet. Nous devôns aufli à ^ cette motion
les malheurs affreux du io .juin. Lïnfurre&ion
d?Avignon eft le dernier expédient qu’on ait imaginé.
. .. ( I l s’élève de violens murmures). Le
droit du.• pape fur Avignon eft l’afte de ceffion
qui lui en fut donné par Jeanne, en 1348, afte
confirmé par le diplôme de .Charles IX .. . . Nos
rois ont plufieurs fois repris - Avigrron ; mais les
reftitutions qu’ils en ont faites, n’ont fait que confacrer
la fouveraineté du p a p e .... L’affemblée
nationale de France ne peut aujourd’hui profefler
une dodririe, une politique qu’elle a déjà repouf-
fée. Des légiflâteurs qui ont fait ;la déclaration
des droits, q u i, par une déclaration non moins
foïemnelle, ont renoncé à toute conquête.. . . ( I l
s’élève quelques murmures provenant des interruptions
que l’opinant met lui-même dans la prononciation
de fon difeours).
M . . . . Parlez donc.. . . parlez toujours.
M. Malouet. Si vous ne faites filencç, je n’ai pas
de moyen de me faire entendre.
M. Muguet. Allez donc.. . .
M. Malouet. Des légiflâteurs.... des légiflâteurs
qui.... ont fait une déclaration.
M. Legrand; Vous nous récitez là un libelle imprimé
que nous connoiffçns déjà;
M. Lahorde. M. Malouet lit un papier imprimé;
il ne veut pas qu’on le v o ie , & il ne peut
pas le lire.
M. Malouet.. Si j’ai le droit de parler , j’ai le
d?oit de lire.. . . Je dis. donc que raffemblée ne
peut , pas dépouiller un prince étranger, parce qu’il
eft foible , ni prendre fes domaines, parce qu’ils