
deux ans,' èn înfurrefiion , par tous les moyens
de la fédufiion & de la terreur, on n’ofe vous
citer ici que la moitié de ces communautés, dont
je vais difcuter les pétitions. O r , dans un fi
grand intérêt, le voeu populaire-devroit être fondé
fur les réfuîtats les plus unanimes, pour devenir
un titre, au moins coloré, d’un changement de
domination. D ’ailleurs, quelle confiance doivent
infpirer des afiès rédigés au milieu d’une guerre
civile, extorqués , les armes à la main, par une
fafiion dominante , & foufcrits en préfence des
gardes nationales françoifes ? Loin d’y troüver
l’exprelHon libre du voeu des citoyens, je n’y
apperçois que le ftyle & les formules dune capitulation.
Je vois que les communes du Corntat
fe réfugient dans votre fein , pour fe fouftraire
au poignard des brigands. On ne trouve pas, dans
ces délibérations , un feul mot qufvâccufe le gouvernement
du pape, pas la plus légère plainte
d’oppreffion, pas la moindre apparence d’un grief
contre la cour de Rome. Ce malheureux peuple,
ÜVré à toutes les horreurs de l’anarchie, cherche
en vain autour de lui la protection des loix & de
la force publique ; il gémit d’être abandonné , dit-
i l , par fon fouverain, dont les infurgens avoient
chatte le repréfentant , fuborné les troupes, 8c
dilapidé le tréfor. On y lit le voeu de la commune
dt Avignon, exprimé par quatorze cens citoyens,
fans titre & fans niilîïon, dans une ville
compofée de trente mille habitans. Voulez-vous
mieux juger encore de la liberté & de l’autorité
de ces pétitions ? La ville à'Avignon a eu l’in—
croyable démence de vous envoyer les délibérations
des villes du Th o r, de l'îsle & de Ca-
vaillon , lefquelles prélentent à l’affemblée nationale
des adreffes pompeufes, en l’honneur de ces
mêmes déferteurs françois qui lés avoient facca-
géës ! .
Qui ne feroit révolté de trouver parmi les
titres envoyés par la municipalité dAvignon ,
la pétition des villes de Cavaillon & de Car-
pentras , qui ont effuyé , qui eflùient encore,
dans ce moment, un fiege formé par l’armée avi-
gnonoife ?
Ce contraire de la guerre qu'Avignon pourfiiit
contre Carpentras avec tant d’acharnement, &
de la prétendue fédération qui réunit les Comta-
diris 8c les Avignonois, vous indique aiTez le
concert 8c l’union de ces cités malhcureufes. Il
n’exifte entre leurs habitans que la {impie différence
d’affiégeans -& d’afliégés ; car , fur tout le
refie, M, de Menou trouve leurs opinions parfaitement
uniformes.
La plupart de ces afies , que M. le rapporteur
n’a pas ofé lire dans cette tribune, & dont
nous avons obtenu fi difficilement la communication
dans les bureaux du comité , font de
{impies lettres par lefquelles les habitans , fans
s’expliquer fur leur réunion à la France, conjurent
l’aifemblée nationale de prononcer définitivement
fur leur fort. Plufieurs de ces lettre^
annoncent que pour oppofer aux brigands â'Avi*
gnon, accoutumés à ne refpefier ni la religion^
ni la juftice, ni l’humanité, une dernière barrière
que leur fureur n’ofe franchir, on vient d’arborer
dans le bas Corntat les armes de France, C ’eft cette
précaution tutélaire que M. de Meno,u appelle le
voeu d un peuple impatient d’être François l II eft
des communautés qui ne. difent pas un mot du
changement de domination, 8c qui réclament uniquement
desindemnités pour les dommages qu’elles
fbüfferts. On trouve dans cette fingulière collection
diplomatique, des pièces dans lefquelles
les communes du Corntat,épouvantées du détordre,
des menacesdu défaut de fecours, contraintes ,
félon l’expreffion des habitans de Piolenc , par la
violence & par les circonfiances, follicitent leur réu-
Îr ^ -Â n° n Pas a ^emP*re François, mais au feul
diftrifi d’Orange. Il en eft , comme Sérignan , qui
déclarent arborer les armes de France , & demandent
Amplement leur réunion à la ville d’Orange.
Il en efi , comme la ville de Bollène , qui
annoncent une nouvelle fédération définitive avec
cette même ville d’Orange. Il s’y trouve une pièce
plus étonnante encore i dont vous ne fauriez entendre
la lefiure fans verfer des larmes : c’efi une
lettre de la commune de SarriansN, qui déclare avoir
arboré les armes.de France, 8c-qui demande pro-
tefiion ; de ce même Sarrians que les Avignonois
ofent vouspréfenter comme une ville alliée,’
tandis qu ils viennent de la réduire en Gendres,
pour mieux prouver à la France les fenrimens
fraternels qui unifient ces deux communes.
Je demande maintenant, fi c’eft à de pareils
carafieres , fi c’efi dans de telles circonfiances
que des hommes de bonne-foi peuvent reconnoî-
tre les deliberations legales d’un peuple libre ? Ah !
c’efi fans doute ainfi qu’on livre fa bourfe fur un
grand -chemin ; mais ce n’eft pas ainfi que fe nia-
nirefte le voeu national, pour folliciter un changement
de fouveraineté. Ce n’eft donc point à la
domination du pape , c’eft à la domination des
brigands avignonois que les Comtadins veulent
fe fouftraire. Ils n’ont, je vous le jure, aucune
envie de devenir François ; mais , certes, ils ont
grande envie d’échapper au pillage & aux mafla-
cres. Ils ont fait, à l’approche de vos idéferteurs
quon lance d’ici fur le Corntat, ce que firent les
Provençaux leurs voifins, en 1708 & en 1747 , à la
vue desPiemontois 8c des Allemands. Toute la haute
Provence prêta ferment de fidélité à Vifior Arnédée.
Etoit-ce là le voeu libre des Provençaux ? Le duc
de Savoie auroit-il ofé dire qu’il ne s’agiflbit
plus de fon droit de conquête, & qu’il étoit devenu
légitimement comte de Provence, en vertu
de la volonté générale des habitans ? La parité
efi exàfie ; & fi j’apperçois ici quelques différences,
elles fonr toutes en faveur des Comtadins. La municipalité
8 Avignon- a une armée, une artillerie
des prote&eurs dans le département des Bouches
du
f
Su Rhône; elle a fur-tout je ne fais quel complice
fanatique 8c fangtiinaire, qu’on appelle M.
Antonelle, maire d’Arles, qui lui fournit des bombes
; elle a depuis long-temps à fes ordres des
potences & des bourreaux; elle déclare la guerre ;
elle la fait ; elle ofe écrire aux communes du
Corntat des lettres infolemment ftupides, dans
le ftyle d’un fultàn qui voudroit épouvanter, de
fon courroux, des efclaves révoltés contre fon
brutal defpotifine; 8e c’eft ainfi que la municipalité
d'Avignon décrédite elle-même tous ces a «fies
évidemment contraints ou infignifians, par Ief-
qtiels le Corntat femble demander fa réunion à
la France.
Enfin, Meilleurs, voici une dernière obferva-
tion qui achèvera de vous démontrer la nullité
de toutes ces pétitions du Corntat. Vous allez
juger, par un fimple rapprochement de dates,
de la liberté qui a préfidé aux prétendues délibérations
des cinquante-une commun^ du Comtat
Venaiffm. Tous ces afies ont été rédigés à. deux
époques bien marquées ; fa voir, dans le mois ce
juin 1790 , & dans , le mois de janvier 1791. 11
faut vous expliquer les motifs de cette coïncidence
remarquable , qui ira point été l ’effet du
hafard..
Le 11 du mois de juin 1790 , quatre citoyens
irréprochables de la ville d'Avignon furent pendus,
à la porte de la maifpn commune ; par ordre de
la municipalité. T e l fut le premier plaidoyer des
infurgens avignonois, en faveur de la France. De
pareils argumens dévoient intimider les fujets
fidèles à leur fouverain. A u fli, toutes les communautés
voifines d'Avignon , telles que Morières ,
Sorgues, Château neuf, fe hâtèrent de folliciter,
avec les Avignonois , leur réunion à la France.
Tous ces afies font datés du 12, du 13 & du
14 du mois de juin 1790. Le fan g de Rochegude,
dè d’Aulan, d’Offray oc d’Aubert fumoit encore ;
ou plutôt, en coulant, fous le fer des infurgens ,
il effaçoit tous ces afies criminels qui accufoient
leurs affafiins, & les dénonçoient à l’exécration de
toute l’Europe. Voilà , Meilleurs, l’époque remarquable
du premier voeu populaire, énoncé
dans le voifinage d'Avignon. Quant aux Avignonois
, ils avoient eu la folle imprudence de dater
leur pétition, pour devenir François, du lende- ;
main de ces fanglantes exécutions. Voici mainte- j
liant l ’explication delà date, non moins impor- !
tante, de tous les afies d’adhéfion, par lefquels ■
certaines communautés du Comtat ont paru fe |
réunir aux Avignonois , pour voter leur réunion
à la France.
La ville de Cavaillon fut emportée d’affaut ,
livrée au p illa g e 8 c entièrement faecagée par les
Avignonois, le 10 du mois de janvier 1791; Les
mafiàcres & les facrilèges qui fignalèrent cette
horrible journée, imprimèrent dans tout le Comtat
la plus profonde terreur. L ’affemblée repréfentative
de Carpentras, cette afl'emblée fi coupable, qui
Ajjemblét Nationale» Toute II, Débat».
après avoir tout détruit, avoif en quelque forte
expié tous fes crimes , en fe détraifant elle-même ;
cette afiemblée, frappée à fon tour du même effroi
qu’elle avoit infpiré à fes commettans, venoit alors
de fe difperfer. Il ne reftoit plus dans le Comtat
aucun centre de force publique, aucune apparence
de gouvernement ; & cette malheureufe contrée
fe voyoit réduite aux dernières extrémités de la
foibleffe politique, c’eft-à-dire , à la force individuelle
de chaque citoyen. Les défaftres de Cavaillon
achevèrent les converfions commencées par les
mifiüonnaires armés. d'Avignon. Toutes les communautés
voifines du champ de bataille capitulèrent;
& Carpentras même, jufqu’alors fi fidèle au pape *
Carpentras, que des fafiieux peuvent bien égarer
un moment, mais qui n’aura befoin , pour rentrer
dans le devoir, que de fe fôuvenir de fa gloire ,
Carpentras , cédant à la nécsffité , comme les autres
paroiffes de fon'voifinage , aima mieux voter fa
reunion à la France, que fon anèanriffement. Ce
fut dans ces circonfiances, que l’on rédigea tous
ces afies , qu’on vous préfentc comme le voeu
libre d’un peuple indépendant. Les mafi'acres de
Cavaillon fe confommèrent le 10 janvier; 8c toutes
les pétitions font datées du 12, du 13 8c du 14
du même mois. Je défie formellement M. le rapporteur
de défavouer ces faits;-8c je lai demanda
quelle autorité peuvent avoir des: afies foufcrits à
une telle époque ? Le haut Comtat, qui étoit encore
éloigné du théâtre de tant de calamités , eut le
noble courage de déclarer qu’il vouloit refter
fidèle au pape. Les adreffes de réunion à la France
furent rejettées dans toutes les paroiffes où les
brigands avignonois ne dominoient pas. On voit
fenfiblement cette contagion politique s’arrêter au
point où finit la peur. Le voeu d’union à la France
ne fe manifefte qu’au moment où le danger le
fait éclorre. A mefure que les fcélérats approchent,
les communes fe profternent, 8c arborent les lys.
Les citoyens fe jettent dans le fein de la France',
je l’ai déjà dit , comme on fe réfugie dans un
temple, au moment d?une grande calamité. Oh I
fi le voeu réel des habitans eft compté pour quelque-
chofe dans cette délibération ,, vous fauverez aujourd’hui
mon pays ; mais vous refuferez avec,
indignation de l’envahir. Mes malheureux compatriotes
n’avoient befoin que de dater les afies
qu’on leur arrachèit, pour vous en dénoncer tous
les vices : comme, da rts le dernier fiècle , l’habile'
cardinal de Retz, auquel on demandoit la démif-
fion de fon archevêché de Paris , avant.de lui'
rendre fa liberté, eut l’adreffe de brifer fes fers,
en datant, pour toutê proteftation , cet afie involontaire,
du donjon de Vincennes.
Je ne daignerai pas difeuter le voeu partiel de.
la ville de Carpentras. Quelie_ valeur peut avoir
la délibération d’une ville afliégée , qui invoque
des libérateurs ? Les admîniftrateurs de cette cité
n’ont pas le droit de l’offrir à une puiffance étran-v
gère. C® n’eft pas au bruit du canon , en préfence
E e eee