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s agiffoit de changer les bafes qui forment le caractère
, & , pour ainfi dire , la phyfionomie de la
conftitution , nous ferions les premiers à vous en
détourner j mais ici rien de femblable n'eft changé,
les bafes reftent 3 le principe de l'éleétion médiate
eft conferve j on n'altère en rien le principe qui
veut que la nation ait une garantie contre les erreurs
des corps électoraux partiels qui choifilîent ,
non pas pour eux , mais pour la fociété entière.
C e principe de la garantie eft , non pas changé
dans fon effence , mais déplacé. Vous avez voulu
que tous les citoyens payaffent deux journées de
travail pour^ être électeurs , à condition quais ne
pourroient elire que parmi les citoyens ayant une
propriété , & payant la valeur d'un marc d'argent.
La conftitution eft définitivement déterminée j les
légiflatures ne doivent pas avoir, j'en conviens ,
Je pouvoir de l'altérer en rien 3 d'en changer la
moindre difpofition de détail ; mais ici le corps
conftituant qui , ayant fait la conftitution par
partie , s'occupe d'en rédiger l'enfemble , qui
eft-ce qui 1 empêche de changer , non pas aucune
des bafes de cette conftitution , aucun des articles
qui font la nature du gouvernement , mais un article
de détail feulement ? ( On murmure ) . Auffi
les adverfairés de la propofition du comité ont
moins placé la force de leur objection dans la
confédération , que ce que le comité vous pro-
pofe, eft un changement à la conftitution , que
dans la crainte qu'ils ont manifeftée que le chan-
'.gement aétuel n entraînât d'autres changemens
dangereux. Ici , je remarquerai , fans amertume,
que le fondement de cette objeétion. renferme
un germe de méfiance, & même de difcordej
( ? n murmure? ). Tandis qu'au contraire tous les
extrêmes tendent oudevroïent tendre à fe rapprocher.
Mais fi cette objection a été faite férieufe-
ment 3 elle doit s anéantir par la-feulé infpeétion
du travail du comité. Il vous a préfenté ce travail
avec toute la franchife qui le caraâérife. ( Il s'élève
des rumeurs dans l'extrémité gauche ).
M. h préjîdent. On ne peut interrompre le rapporteur.
M. Thouret. Je dis donc que le travail du comité
eft public depuis dix jours , qu'il eft dans vos mains
à tous y vous pouvez y vérifier qu'il ne vous pro-
pofe aucun autre changement, fi ce n'eft une observation
qu'il fait fur le décret de la rééligibilité.
On y voir avec évidence quels font les articles
qu’ il regarde comme conftitutionnels , & quels
font ceux qu il regarde comme réglémentaires. Il
fait à l'aiTembiée des propositions fimples , fur lef-
quelles elle ne peut être trompée , & par-deffus
lefquelles elle fe trouve avec fon droit éminent
d’approuver dans fa fagefTe ce qui lui paroît !
convenable. La crainte que le changement aétuel
ne renverfe la conftitution ne peut donc faire la
matière d’une obje&ion férieufe. Le comité s’eft
jpQPtré tout entier dans fon travail i & quand il
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auroit eu d'autres vues qu'il auroit montrées, ou
en outrant la fuppofition, quand il en auroit eue I
qu'il auroit cachées, l'affemblée en auroit toujours I
eté là , avec fon droit de les rejetter.
Il faut donc fe renfermer dans le fens de la quef. I
tion. La propofition du comité me paroît telle-1
ment évidente, qu'il ne me femble pas douteurI
que, non-feulement la majorité de l'affemblée I
mais les adverfaires du comité, voudroient que le I
changement que nous propofons n'en fût pas un I
c,eft;â-dire , que notre propofition eut été dé-1
cretée il y a deux ans. ( On murmure ). L'évidence I
de cette utilité fe démontre par cette confidéra- I
tion très-fîmple , que le marc d'argent, condition I
qui doit dans le fyftême aétuèl garantir la nation I
contre les erreurs dès éleétions partielles, ne l'en I
garantit point du tout y car il eft évident que fi I
les corps éleétoraux font malcompofés, que n leur I
compofition offre des chances à la corruption v ils I
ont, malgré le marc d'argent, une telle latitude & I
une telle facilité .pour faire de mauvais choix, I
qu'il n'y a véritablement pour la nation aucune I
garantie. Il y a plus , la condition du marc d'ar-1
gent, pour la députation au corps légiflatif, ex-'|
dut un très-grand nombre de citoyens , là^où,
fur-tout, la chofe publique ne permet d’en exclura
aucun.
Il n a donc été dénoncé qu'un feul inconvé- I
nient r é e l , & j'avoue qu'il m’a frappéî je veux
.parler de l'écueil donné par M. Dauchy. Certainement
le comité n'a point voulu exclure uneclafle
très-pure, très-faine , ttès-ùtile en morale, celle
des cultivateurs ; mais il ne pouvoit pas foupçonr
ner qu'un fermier qui .fait une exploitation de 4 I
ou 5,000 liv ., avec un capital de 30,000 liv. , ne I
payât pas à la chofe publique la contribution mo~ I
dique que nous exigeons pour être éleéteur; nous I
n’avions pas prévu que tel dût être le réfultat du I
nouveau fyftême de contribution ? nous avons I
donc été obligés de reprendre , dans notre féance I
d’hier, en confédération le réfultat annoncé. Ef- I
feétivement, il fe trouve des fermiers très-riches I
qui ne paieront pas 20 liv. ( Il s'élève des rumeurs I
& des altercations particulières dans toutes les I
parties de la falle ). Ceci devient infiniment grave, I
je ne dirai pas fous le rapport des finances, parce I
que je ne fuis pas inftruit dans cette partie, & I
que d’ailleurs j’ ai une pleine confiance dans les I
lumières du comité des contributions publiques ; I
mais quant à l’application de la bafe de la contri- I
bution , à l'exercice cjes droits politiques d'un I
grand nombre de citoyens. Il paroît indifpenfable I
de réformer, quant à eux , les bafes actuelles, & I
de mettre leurs droits politiques à l’abri des fyf I
têmes de finance. Nous avons penfé qu'il falloir I
appliquer aux fermiers , non pas la bafe de h con- I
tri bution., mais la bafe de leur revenu évalué d’a- I
près le prix de leur exploitation. Nous croyons I
donc „ en infiftant fur les confidérations majeures I
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| uî nous ont déterminés à vous faire la propofi-
fion de porter fur lès éleéteurs la garantie dont la
fociété a befoin pour'fe préferver des mauvais
•thoix, qu'on peut choifir un nouveau mode d'exécution
qui évite tous les inconvéniens qu'on a ob-
:eûés.Nous propofons que dans les villesau-deflus de
|îx mille âmes, la contribution exigée foit de 40 ,
fournées de travail, & dans les villes au-deffous
île fîx mille âmes , ainfi que dans les campagnes ,
l e trente journées de travail. Quant aux fermiers,
iomme cette cotifation ne les attendront pas,
i|]0us penfons qu'ils doivent avoir une exploitation
Me 400 liv. de revenu évalué en feptier de b led ,
ïans les pays de petite culture. Peu de cultivateurs
ont, a la vérité , des propriétés aufti confi-
Kérables j mais beaucoup de fermiers ont en outre
«le petites propriétés à eux appartenantes y ce qui
Ses rend contribuables pour la fomme que nous
Exigeons. Il y a d'ailleurs un intérêt à ce que ces
|petits fermiers ne puiffent pas être électeurs y car
Ëin propriétaire de revenu fermier de 20,000 l i v . ,
peut avoir cinquante ou foixante fermiers dans fa
dépendance , & la fociété ne peut pas permettre
■ que dans les éleétions, qui fe font pour elle en
Ifoïi feul nom, il s'introduife des grouppes de crente
Jo» quarante hommes à la dépendance d’un feul.-
■ Il n'y a donc plus d'objeétions à faire qu'en fa-
lyeur de l'intérêt particulier de ceux à qui nous
■ croyons qu'il' eft auffi convenable pour leur ppfi-
jtion 8c pour leur intérêt, bien entendu, d’être
■ exclus des éleétions, que cela eft convenable pour
llà sûreté de la fociété. Ainfi il n’y a plus àcrain-
idre les fecouffes dont on vous parloit hier, puif-
Ique ce n’eft qu’ après deux ans que ce décret pourvo
it être exécuté. Les corps éleétoraux feront
■ mieux compofes, & il n’arrivera plus ce que l’on
|a v u , que des intrigans feroient perdre les pre-
|mièrès journées des éleétions, par des incidens ,
■ pour en éloigner les pauvres éleéteurs, & devenir
■ maîtres des éleétions.
K M. Thouret lit un projet de décret concernant
Jla rédaétion des nouvelles difpofitions qu’il vient
Ide préfenter.
K. Une partie de l’affemblée demande la queftion
■ préalable.
■ M. Grégoire , évêque de Blois. J’aurai, je crois,
»empli mon but*, fi je parviens à établir que l’affcmblée
ne doit pas tranfigeravecles décrets qu’elle
|a rendus , & qu’elle ne doit fe permettre d’en ré-
: |former aucun. ( Il s'élève des murmures & des ap-
Iplaudiffemens ). Certainement , c’eft celui au
■ marc d’argent que j'ai été le premier à combattre
■ avant qu'il fut rendu y mais rappeliez-vous vos
■ principes conftans, lés principes invoqués fans
■ eelfe dans nos difcuflîons, c'eft que vos décrets ne
a Peuvent être réformés par vous-mêmes , & toutes
fies fois qu’un opinant s'eft permis de dire la moin-
, dre chofe contre un décret rendu , on n'a pas
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manqué de le rappeller à l’ordre. Je prie l’affem-
blée de réfléchir fur l’étonnante contradiétion où
elle fe trouve avec la conduite qu'elle a tenue à
l'égard de M. Màlouet. M. Malouet voulant parler
fur le fond de la conftitution , M. le Chapelier
s’empreffa de lui dire qu'il ne s'agiffoit pas de faire
de nouveaux décrets , mais de claffer les décrets
rendus, 8r vous applaudites à cette obfervation.
( On murmure dans le milieu de la falle ). — Les
membres de l’extrémité gauche fe lèvent, en criant
fimultanément, au filence,
M. le préfîdent. Lorfque M. Thouret étoit à h
tribune , une partie de la falle murmuroit, actuellement
c'eft l'autre partie qui murmure y je de-:
mande à tous les membres de l’affemblée le plus
profond filence y & l’imparti alité qui convient dans,
une difcuffion de cette importance.
M. Grégoire. Si vous revenez contre un décret3
il en réfulte que vous avez fait jufqu'ici non pas
des décrets, mais des projets de décrets y il en
réfulte que vous pouvez revenir non feulement
contre les décrets que vous n'avez pas’ encore
revifés y mais-contre ceux que vous avez déjà
claffés- dans Ya&e conftitutionnel, parce que pei>*
fonne ne s'étoit permis de propofer jufqu'ici des
changemens, dans la perfuauon qu'il ne pouvoit
pas en être propofé. ( On applaudit. ) Mais qui
peut prévoir le terme où s’arrêter oient ces vacillations.
Achevons la conftitution , q u faifons en une riouvelle.Ne fuppofons pas qu'il fe trouve ici des
gens qui, au lieu de faire une conftitution pour la nation,ne voudroient en faire que pour eux mêmes.
Toutes les reflexions que pourroit faire M. Thoure
t, s'appliquent à tous les syftêmes 5 & j'obferve
qu'il n a pas parlé des pays de vignobles y même-
dans les nouvelles propofitioas du comité, il y
aura dans ces pays un grand nombre de cantons où
on ne pourra trouver d'éleéieurs. Qu'arrivera-t-il ?
La plupart des citoyens n'iront plus dans les af- fembiées primaires 5 ils ne fe foncieront pas d'aller
. aflifter à des affemblées ou ils ne pourront pas être
nommés électeurs y car ils n'iroient que pour le
donner des maîtres. ( Il s'élève des murmures. }
Des difpofitions de cette nature ne font propres
qu'à étouffer le caractère national, la vertu & la
moralité. Les nominations ne feront l ’ouvrage que
d'une petite partie de citoyens y les électeurs
feront héréditaires , & ces inconvéniens fe feront
fentir à mefure que le rembourfement de la dette
nationale fera diminuer les impofitionsj & on nous
parle d’ariftocràtie, n’eft-ce pas là la véritable arif-
tocratie ? ( On applaudit }. Et qu’on ne dife pas
que les citoyens* peu fortunés feront dédommagés
par l'éligibilité de la légiflatore. Leséledteurs riches
defeendront-ils pour faire leurs choix , parmi
les humbles habitans des campagnes ? Alors vous
verrez une nouvelle nobleffe renaître, vous aurez
des patriciens, & vingt millions de plébéiens;
i fous leur dépendance.