
Pemhlêvre, ont pris & faccâgé la ville de Ca-
-vailfôn, le ïo de ce. mois : en retournant, ils
ont également pillé le bourg de Gaumont-,. & menacent
de faire éprouver le même fort à tous les
lieux de cette province & de cet état.
Les machinations les plus infernales, les en-
treprifes les plus odieufes, & les calomnies les
plus atroces font employées contre nous : la voix
d’un peuple innocent a droit de fe faire -entendre
au milieu de votre affemblée. Permettez, M. le
préfident , que nous empruntions votre organe
pour y porter nos inftances & nos fupplications ;
lie laiffez point périr ce même peuple, qui s’honore
d’être François, fous une domination étrangère
, qui s’enorgueillit d’être libre, d’après vos
ioix & fous votre égide. C hristict, prefidênt, <S*
RAVOUX fils y -fioréfaire.
Séance du 23 mai 179*.
M. le préfident donne le&ure de la lettre fuî-
vante, écrite par les officiers municipaux d'Avignon.
L’état affreux où nous fommes réduits nous
force de vous adreffer de nouveau nos réclamations
& nos voeux. Hélas 1 nous nous flattions
qu’une main fecourable alloit nous être tendue;
nous efpérions que vous étiez fur le point de
mettre fin à nos malheurs , cependant la difcuffion
de notre affaire eff interrompue & renvoyée. Nous
refpeclons , Meffieiirs, tout ce que votre. fagefle
pourra vous diéler à notre égard ; nous ne prétendons
pas pénétrer les motifs qui ont pu retarder
rémiffiou du décret que tous les départemens défirent
& attendent avec impatience.
Mais il eff de notrè devoir , il nous eff impé-
rieiuenlent commandé par l’intérêt de tons nos
concitoyens qui nous eff ' confié, de vous repré-
fenter que l’anarchie eff à fon comble, que nous
fommes au dernier période de nos forces , que
toutes nos facultés font ufées, que tous nos moyens
font épuifés, que le tombeau eff ouvert devant nous,
& que nous y fommes tous: entraînés, fi votre
jüffice , fi votre prote&ion , fi votre humanité ne
volent à notre fecours, & ne nous arrachent au
fort affreux qui nous menace. — Illuffres défen-
feurs des droits des nations, amis vrais de l’humanité
,j le peuple avignonois attend au plutôt
la fixation de fon fort>, & . vous conjure de ne
plus la différer. Le voeu de ce peuple pour être
réuni à vous eff bien réel, bien authentique,
bien eonftaté ; daignez, ail moins prononcer fans
délai fur ce voeu. Si vous craignez, que celui des
Comtadjns ne foit pas auffi bien caraciérifé, hâtez-
vous de faire ceffer les horreurs qui nous environnent
& auxquelles nous déclarons folemnelle-
ment, devant l’auteur de notre exiffence & devant
vous, que nous n’avons jamais pris aucune part.
Rien n’égale ,1’excès de nos maux ! . . . . Mais les
grandes douleurs ne s’expriment pas longuement.
Le tableau de. nos calamités vous feroit frémir ;
& dans l'étaf affreux où nous fommes, nous ne
pouvons que fentir & nous plaindre. Ne nous
laiffez pas mourir, au nom de la nation augufte
que vous repréfentez, & de laquelle nous avons
été cruellement féparés. Ne permettez pas qu’un
bon peuple périffe pour avoir voulu vivre fous
vos loix.
M . Boijjy cTAnglas. Des brigands de je ne fais
quel parti., fortis des terres du Gomtat, font entrés
à main armée dans le département de la Drôme ;
ils ont incendié plufieurs villages, pillé des habitations.
Rien n’eft plus affreux que les nouvelles
qui nous font parvenues.
M. Rcwbel. L’affemblée fe déshonore , fi elle
refte en ftagnation fur ces malheurs qui font frémir
l’humanité. Le rapport de l’affaire ' d'Avignon eff
prêt. Je demande que la queftion foit décidée
demain fans défemparer. — L’affemblée décide que
le rapport fera fait demain.
M. l'abbé Maury. J’ai appris que l’on avoit mis
à l’ordre de demain l’affaire d'Avignon, d’après la
lettre dont on vous a donné connoiffance ce matin.
Je ne vois pas pourquoi on repréfente une
câufe trois fois difeutée dans cette affemblée : ce
n’eft pas lorfque Avignon nous donne un exemple
inoui dans l’hiftoire des peuples policés , lorf-
qu’il combat fe s concitoyens, qu’il doit renouveller
une pétition fi fagement repouffée ; il ne peut
demander ancun fecours , puifqu’il attaque Gar-
pentras ; c’eft à Avignon à avoir pitié dé la p ro-.
vince qu’il dévafte. Je demande donc que l’ajournement
foit encore reculé.
M. Rewbel. Si M. l’abbé Maury avoit été ici
au commencement de la féance, il auroit appris
que le mal s’étend jufque dans nos départemens ,
& qu’il eff inoui de prétendre que nous ne devons
pas nous y oppofer. Ceux qui foutiennent le parti
de Carpentras vous ont long-temps fatigués pour
qu’on lui donne des fecours; pourquoi n’en veulent-
ils plus ? Je demande que l’on paffe à la difcuffion
fur le complément de l’organifarion du corps légif-
latif. — L’affemblée paffe à l’ordre du jour.
Séance du 24 mai 1791.
M. de Menou, au nom du comité de conflitu-
non , diplomatique & d'Avignon. Je viens encore ,
d’après le s . ordres formels de Paffembléé , vous
parler, au nom de'la juftice & de Phumaniré, des
malheurs auxquels font livrés depuis long-temps
les habitans de ces contrées qui demandent la même
liberté que vous & qui défirent votre conftitution,
qui n’ont, au lieu de liberté , qu’anarchie , au lieu
de conffitution, que la guerre civile ; q u i, voulant
être François, ont été jufqu’ici repouffés par une
influence fecrète dont j’ignore les motifs •, mais
dont les auteurs font refponfables de la deftru&ion
de plufieurs milliers d’individus. Encore quelques
jours
jours de délai, & ces hommes feront effacés de la
lifte des peuples5. Quel reproche l’affemblée nationale
n’auroit-elle pas à fe faire, f i, par une
politique fauffe, par une crainte mal fondée', par
des confidérations non méritées pour une cour qui
ne cherche qu’à nous faire du mal, qui allume,
dans nos provinces , le feu de la guerre civile
C on murmure dans la partie droite & on applaudit
dans, la gauche') & les torches du fanatifme........
Sans doute nous ne cherchons point, comme des
millionnaires, à prêcher nos principes & nos opinions
aux autres peuples. Nous ne voulons troubler
la tranquillité d’aucun pays ; mais auriez-vous pu
croire que vous n’auriez pas d’imitateurs ? La liberté
eff comme une étincelle éleétrique qui fe communique
à quiconque eff préparé a la recevoir.
Quoi ! nous trouverions étrange qu’un peuple,
place au milieu de nous & dans le même atmosphère,
voulût, comme nous, refpirer l’air delà
liberté , tandis qu’à quatre cents lieues d’ici Je fénat
jufqu’alors le plus ariftocratique , compofé de. la
nobleffe la plus orgueilleufe de l’Europe, vient,
par un élan fublime d’amour pour la liberté &
de refpeét pour les droits des peuples, d’adopter
les principales bafes de notre conffitution ? (L a
grande majorité applaudit à plufieurs reprifes ; la
partie droite murmure. )
M. Vabbé Maury. La révolution n’eft pas faite,
comme vous le croyez.
M. de Menou. J’entends dire que la révolution de
Pologne, cet événement glorieux qui donne une
grande leçon aux princes de l’Europe , & qui mérite
tant d’éloges au roi-citoyen qui en a conçu le
projet, n’eft qu’une belle chimère. Cependant,
cette nuit M. de Sainte-Croix eff parti pour la
Pologne à caufe de la révolution........Quoi ! la
liberté aura pu pénétrer jufque dans les forêts de
la Lithuanie , & la France ne voudra pas que fon
empire s’étende à des peuples qui font en contact
avec elle ! L’affemblée nationale fentira que les
Avignonois ont le droit d’être libres , & qu’ils ne
peuvent véritablement l’être qu’en devenant fran-
çois. ( La partie droite murmure. )
Je prouve cette affertion. Ces peuples peuvent-
ils être libres en reftant féparés, vous les entourez
de barrières ; car fi les matières premières dont
leurs manufa&ures ont befoin, ne payoient aucuns
droits, ces manufactures ruinerôient votre commerce.
On a propofé un abonnement; mais pour
que cet engagement ne vous fût pas préjudiciable
l ’abonnement devroit être tellement combiné
que leurs manufactures fuffent forcées de vendre
un peu plus cher que les nôtres ; car votre premier
devoir eff de maintenir la balance de notre' commerce:
ainfi leurs marchandifes n’auroient pas de
débit, & . forcés de venir chez nous^ chercher les
denrées pour leur confommation ; ils feroient
bientôt ruinés. S’ils fe donnent au pape , ils éprouveront
les mêmes inconvénient, joints ;à ceux du
Ajfimbüe Nationale. Tome II, Débats,
gouvernement la defpotique. Au contraire, réunis à France, ils rentreront dans la claffe des citoyens
& jouiront de tous les avantages de la liberté.
Je ne vous -parlerai point du droit pofitif. Ceux
qui ont étudié avec impartialité rhiftoire de ce
pays , ont vu que vos droits & vos titres font in-
conteftables, & je crois l’avoir prouvé dans mon
premier rapport. ( M. l’abbé Maury interrompt.__
On le rappelle à l’ordre). Mais je dois vous parier
ici du voeu libre , formel des Avignonois. Je
dois vous dire à quelles horreurs ce peuple eft
livré; je dois vous foire connaître" les malheurs
incalculables réfultant de la non-réunion ; je ne
vous parlerai point du voeu qui a été manifefté
par les Avignonois au mois de juin 1790, puifque
l’on m’objeéle lesuroubles & les défordre qui pourraient
faite croire que ce voeu n’eft pas libre;
je vous parle du voeu manifefté par des ailes
fubféquens , multipliés de la manière la plus authentique.
Le premier , c’eft le ferment prêté fur
la roche de Dom en date du 14 juillet, enpré-
ferice de plufieurs détachemens de gardes-nationales
françoifes. Le fécond , c’eft une lettre écrite
par les officiers municipaux au nom des habitans
. ,en date du 13 août 1790, Le troifième , un nouveau
ferment prêté for la roche de Dom , en
date du 5 feptembre 1790, & revêtu de plus de
4000 ftgnatures. Le quatrième , une adhéfion donnée
à ce ferment par les habitans de Morrières .
bourg dépendant d'Avignon. Le cinquième , le
voeu formé par les neuf feélions ou diftriâs formant
la réunion des citoyens aâifs d’Avignon
en date du 6 octobre 1790. Le ftxième , le voeu
réitérativement formé par les neuf feélions pour
fe réunir à la France , en date du 26 oflobre 1790.
A c'et aéte étoit jointe une lettre d’envoi. Le fep-"
tième, la lettre des commiffaires du roi dans le
département du Gard, en date dit 15 mars i 7QI
qui conftate le voeu libre des Avignonois. Le huitième
la lettre de l’afleniblée éleélorale formée
à Vauclufe, en date du 18 mars 1791 '; revêtue
des ftgnatures de tous les élcâeurs. E n fin , la
lettre écrite par la municipalité au nom du peuple
avignonois , en date du 16 de ce mois , qui
vous a été’ lue hier marin.
Je penfe que ces différens aôes vous paraîtront
fuffifans; pour conflater de la manière la
plus évidente, lé voeu libre des Avignonois: on
ne pourra pas objefler qu’il a été formé au milieu
des troubles , car j’ai écatté tous lés aéles qui
portoient la daté du mois 3e juin , époque de ces
troubles , quoique plufieurs fuffent revêtus des
formes .les plus légales & les plus authentiques:
Je dois obferver que la population d’Avignon n’étant
que de vingt-quatre mille ' anies , ne peut
donner que quaire à cinq mille citoyens aSifs.
Ce voeu a été encore conftaté par une infinité
d’adreffes des villes voifines qui n’ont ceffé d’écrire
à l’affemblée pour l’engager à prononcer la
réunion. Les événemens n’ont que1 trop prouvé