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Amiens ; les avocats n’ont jamais été que des dé-
fcnfeurs officieux, tels qu'ils le feront a 1 avenir.
Les procureurs, au contraire , ne recevront qu’une
indemnité modique , üc verront diiparoître une partie
de leurs torréfions. Après avoir combattu en commun
les avocats & les juges , vous verrez les procureurs
fe divifer entre eux, d’abord en deux clalTes
principales: les officiers miniftériels des juridiélions
ordinaires, & ceux des tribunaux d’exception.
Les premiers diront que les matières d’exception
font anéanties, ou en partie confiées aux corps ad-
miniflrarifs ; que d’ailleurs les officiers miniftériels auprès
des tribunaux d’exception, ont d’autres reffour-
ces, qu’ils fe font continuellement livrés à d’autres
fonétions que celles que vous déléguez aux avoués, &.c.
Mais ne croyez pas que les procureurs des tribunaux
d’exception mis à l’écart, les autres fe
trouvent d’accord ; ils élèveront encore entre eux des
préférences. Les jurifdiéfions de première inftance
font remplacées par les tribunaux de diftriél ; les
procureurs de ces juridiélions diront qu’ils ont plus
de droits que ceux des cours fupérieures Supprimées
fans remplacement ; qu’ils font d’ailleurs accoutumés
à l’inftruélion des affaires de première
inftance, & qu’ils ont toujours^ été chargés de cette
înftruélion. Us réclameront encore la préférence
comme domiciliés auprès de tribunaux, & repouffe-
ront ceux qui viendront des villes ou ily.avoitdes
tribunaux d’appel, s’établir près les tribunaux de diftriél.
Les plus anciens voudront obtenir la préférence
fur les nouveaux , les plus âgés fur les
plus jeunes..... Il eft donc indifpenfable d’établir
des règles d’admiffion.
Il y aura d’autres difficultés : les juridiciables voudront
conferver ceux dans lefquels leur confiance
eft placée.
Les procureurs ci-devant attachés aux tribunaux
de première inftance , font ceux que je vous pro-
pofe d’employer, non pas exclufivement, mais
de préférence aux autres, dans le tribunal du lieu
de leur domicile ; enfuite les • procureurs des ci-
devant tribunaux fupérieurs & d’appel , dans le
territoire qui reffortiffoit de ces tribunaux : dans le
cas d’égalité d’ancienneté,'je donne la préférence
au plus âgé.
Mon principe eft le même que celui que vous
avez décrété dans la conftitution eccléfiaftique, où
vous avez donné pour curé aux paroifîes réunies
celui de la paroifle à laquelle fe fait la réunion,
& vous avez accordé la préférence, pour le vicariat
, aux pafteurs des paroifles fupprimées. L ’intérêt
public fe joint aux autres confidérations ; il
exige d’abord'que le juridiciable n’éprouve aucun
retard , aucun préjudice, que les procureurs terminent
l’inftruàion des procès qn’ils ont entre-
pris.
L ’intérêt public exigç encore que les nouveaux
officiers miniftériels aient la confiance des jufticia-
bles & les connoiflances locales : o r , les procu-
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rênrs ci-devant exerçant près les tribunaux de prë^
mière inftance, ont aôuellement dans leur domicile
& la confiance des cliens & la connoiffance
des pratiques locales ; entourés de juridiciables qui
connoifloient leurs moeurs, ils ne pourront plus être
dangereux. Je connois les inconvéniens d’un trop
grand nombre de fonctionnaires publics ; mais,
pour ne pas violenter la confiance, je vous pro-
poferois j i ° . de laiffer aux procureurs établis dans
une ville, la liberté de continuer tous l’exercice
de leur profeffion, fauf leur réduction , après décès
, s’ils font en trop grand nombre ; de décider
que dans les diftricts où il y a plufieurs tribunaux ,
les officiers miniftériels pourront exercer dans toute
l’étendue du diftriCt.
M. Guillaume propofe un projet de décret con-s
forme aux principes qu’il vient d’énoncer.
M. Legrand. Examinons les droits des citoyens
& l’intérêt public. Vous avez détruit les procureurs ;
vous les avez rappelés: en régénérant ainfi cette
clafle d’hommes, votre intention n’a-t-elle donc
été que de leur rendre le privilège exclufif ? Vous
avez voulu que les fonctions délicates de l’inftruc-
tion des procès , de la confervation des formes,
du dépôt des pièces, ne fLflent confiées qu’à des
hommes inftruits, qui, avoués auprès des tribunaux,
puffent garantir aux jufticiables la probité
& la capacité néceffair.és : la complication aCtuelle
des formes de la procédure a rendu cette reftric-
tion indifpenfable ; mais toute reftri&ion nouvelle
eft inadmiftible. Lorfque Tentant les inconvéniens
de l’ancienne diftinCtion entre-les avocats & les procureurs
, & des doubles emplois qui en réfultoient,
vous avez permis à ces derniers de plaider le fond
des affaires, vous ne pouvez plus, fans injuftice,
exclure des fonétions d'avoués ceux q u i, après de
pénibles études , ont exercé les fonctions délicates
de juges / ou d’avocats. Vous avez dépouillé les
anciens juges de leurs privilèges, de leurs gages,
de leurs épices ; les procureurs conferveroient-ils
feuls tous les leurs ? voulez-vous laiffer dans l’inaction
tous les jtirifconfultes qui s’occupoient auprès
des anciens tribunaux, des fonctions honorables de
défendre leurs concitoyens ? Je propofe que tous les
ci-devant juges, avocats ou procureurs autre? que
ceux dès tribunaux d’exception, l'oient admis de
droit à remplir les fonétions d’avoués.
M. Prieur. Par quels principes étranges verroit-
on les procureurs de premiere inftance s’armer contre
les procureurs d’appel ; les domiciliés dans le lieu
des tribunaux, contre ceux qui ne le font pas ; les
juges , les avocats contre tous ? Rétablira-t-on en
faveur de quelques hommes , tous les privilèges
que vous avez détruits en faveur dé la fociété ?
Quel çft le motif qui doit vous conduire ? L ’inté-
têt public. Quand l’affemblée n’a pas voulu admettre
aux fondions d'avoués tous les citoyens ,
ellç
» 11 WÊÊÊÊË SBp|9§BHB!
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elle s’éft déterminée par cette unique confidératîon
vdu bien général, que la loi devoit affurer aux plaideurs
des défendeurs probes & honnêtes: la liberté
■ du choix des avoués, périlloufe pour la partie qui
choififfoit , eût été nuifible à la partie acîverfe, &
par conféquent ne poiivoit être exercée par aucune.
■ Probité, capacité, voilà les feüles conditions que
la loi a exigées pour l ’exercice des fondions
d'avoués: au-delà, tout feroit privilège exclufif, &
tout privilège détruit l’émulation.
G r , les anciens juges, les avocats, ne font-ils
pas affez inftruits pour exercer les fondions de
procureurs ? La fécondé queftion eft celle-ci : Le
nombre des avoués fera-t-il déterminé? C ’eft comme
ii vous difiez : je ne veux pas que la confiance
.porte fur tous les hommes probes & inftruits. Le
droit de tout citoyen eft de donner fa confiance
a tout homme digne de la garantie de la lo i, &
la loi ne peut reftifer cette garantie, ce certificat
de probité & d’inftrudion à aucun homme qui
remplit les conditions déterminées par la loi. Le
malheureux plaideur traîné devant un tribunal,
voyant à la porte un homme de confiance , dirait
avec raifon a la loi : As-tu le droit de me priver
des fecours de cet honnête citoyen ?... On m’ob-
..jedera que cette concurrence va augmenter les
frais des procès, parce que les procureurs auront
moins d’occupations. La concurrence, au contraire,
fait naître l’émulation. 11 .faudra être honnête
homme, fi l’on veut obtenir des cliens ; fi un
procureur exigeoit trop de frais, un falaire exorbitant
& injufte, il perdroit la confiance, & bientôt
l ’opinion publique l’auroit proferit du temple de
la juftice qu’il auroit fouillé. L ’objet de la conftitution
eft d’améliorer les hommes , & vous lés
améliorerez en les mettant les uns vis-à-vis les
autres , en mettant leurs qualités morales corps à
corps. Autrefois le defpotift'ne refferroit les penfées ;
on n’ofoit exprimer fes ferïtimens, pas même dans
le fein de fes foyers ; on- fe défioit de fes propres
■ domeftiques. Aujourd’hui, Taine des citoyens eft
finguliérement agrandie. Les vertus reprendront
leur empire. Chaque jour , dans les élevions publiques
, on fe demandera : Un tel homme eft-il
horïnête , a-t-il du mérite , du pafrîotifme ? La
réputation fera la vie morale du citoyen , & le
feul moyen de parvenir aux placés & d’obtenir
du fnccès dans les ptofeftiôns de confiance.,... Je
propofe le projet de décret fuivant :
Les d devant juges royaux , les avocats & procureurs
du ro i, leurs fübftituts , lés juges & procureurs
fifeaux des juftices feigneurialès, reffortiffant
aux parlemens ; les avocats aux confèils , les procureurs
des parlemens , cours des aides', confèils
fupérieurs , grand-confeil , bailliages | préfidiaux
fenechauffèeS & autres frèges royaux ; les procureurs
des jurifcli&kms feigneurialès, fi tuées dans les
Tont aujourd’hui établis les tribunaux de
diftriét, & reffortiffanttes aux parlemens & àUx
cours fupérieures ; les avocats inferîts fur lé tableau
slffemblée Nationale. Tome 1I% Débats.
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dans les lieux où il étoit en ufagê j feront admis
de droit à remplir les fondions d'avoués, en le
faifant préalablement înferire auprès du' tribunal
du lieu où ils voudront fe fixer.
M. Chabroud. Avant d’établir des raifonnemens
fur 1 inadmifiibilite des privilèges, il faut les définir.
J ’entends par privilège, une exception d’o-
beiffance à la loi. Lorfque la loi attribue à des
citoyens quelques fondions , ces individus n’ont
point de privilège, mais une commiflion déléguée
par la loi......... Dans le moment préfent, il faut
pourvoir aux befoins du fervice des tribunaux, &
ne rien préjuger. Si vous donnez une trop grande
latitude à Tadmiffion des avoués , vous préjugerez
plufieurs queftions délicates. Vous avez voulu que
le droit de repréfenter les parties fût délégué par
’ |)É ^aut confuher les befoins du moment »
car , s’il eft vrai que les fondions d'avoués ne
peuvent occuper un grand nombre de citoyens,
il faut neceffairement reftreindre le nombre de ceux
à qui on les confie. Les ci-devant procureurs étoienf
plus que néceffaires ; leur nombre eft à celui des
nouveaux tribunaux , à-peu-près comme 100 eft à
i. Je n’ai pas béfoin de dire que cette proportion
fera, à l’avenir trop confidérable. Il eft donc im-
propofable d’ajouter encore à ce nombre énorme
d officiers miniftériels, celui des avocats, J ’obferverai
d’ailleurs que les avocats font peu propres à maintenir
les formes. J ’ai vu des hommes infiniment
ëftimablCs, St ayant la confiance des parties, n’être
Pas en état de dreffer des conclufions.... Comme
il eft impoffible de déterminer précifément le nombre
d'avoués néceffaires pour les nouveaux tribunaux,
je crois qu'il faut admettre tous ceux qui en exer-
çoient autrefois les fondions ; mais qù’ïl ne faut
point en admettre d’autres.
M. Reghaud de Sà'mt-Jean-d1 Ançely. La différence
qui exifte entre les propofitions qu’on
vouloit vous faire adopter hier , & celles qu’on,
vous préfente aujourd’hui , eft peut-être l’objet
dfune obfervation affez remarquable. Hier la
latitude du droit de défendre les parties devoit
être abfolue ; tous les hommes pouvoient, fans
preuves de probité & de talens, entreprendre cette
défenfe. Aujourd’hui on voudroit reftreindre ce
droit à une' clafle infiniment étroite , à celle des
anciens procureurs. Rappeliez ^ vous les bafes qui
vous ont déterminés.hier à établir des avoués près
les tribunaux. Vous n’avez eu d’autre motif que
celui de ne pas laiffer égarer la confiance, de ne
pas expofer l’homme ignorant & crédule à faire
un mauvais choix. Il n’eft pas poflible enfin de
trouver dans ce décret d’autre but que celui de
l’intérêt même des citoyens. Voyons fi l’intérêt
du peuple exige que vous circonfermez entre les
mains des procureurs les foriftions d'avoués. Si je
puis établir que cet intérêt eft contraire à cette
circonfcripiion , j’aurai détruit les raifonnemens des
préopinans, & prouvé lés avantages du projet de
I i ii.j