
garantie fuffifante : fi , au contraire , vous ne-pou-,
vez porter le principe aufli loin qu'il doit aller ,
il eft inutile de changer l'ordre de chofe dé jà
établi. J'aime mieux j moi, conferver la condition
. du.marc d'argent poulies membres du corps législa
t if, que de dénaturer le fyftême de la repréfen-
. tation en la transportant Sur les électeurs. Il eft
étonnant que ceux qu’on a ici accuSés de républicanisme,
Soient les premiers à combattre pour le
maintien de la conftitution.
M. Barnave paroît à la tribune.
On demande dans diyerSes parties de la Salle,
& notamment dans l'extrémité de la partie gauche
que la difeuffion Soit fermée., ' J
M. Barnave.- Je vais dire....
Les cris redoublent : Aux v o ix , aux voix.
M. Barnave. Je vais développer.
Les mêmes membres : La diScuflion eft fermée ;
aux v o ix , aux voix.
M. leprefident. M. Roedefer à fait une motiorf
d'ordre, plufieurs membres Se Sont fait infcrire
. four parler Sur cette motion d'ordre. La parole eft
a M. Barnave : on demande qu'il ne_ Soit pas entendit...;.
Plufieurs membres. N o n , non 5 on demande que
la diScuflion Soit fermée.
M. Roederer. Ma motion d'ordre eft que , conformément
à ' l'ufage de l 'af lenibléêla difeuffion
Soit interdite contre la conftitution. On Sè
rappelle que dans une des dernières Séances , M. j
Malouet a?été interrompu pour cette raifon. Je
demande donc que la diScuflion ne continue pas
plus lông-tems Sur une difpofition qui tend à exiger
quarante journées de travail pour une fonction
où il n'enfalloit que d ix , & que le décret du
tra-c d'argent omis dans la conftitution y Soit r é tabli.'
M. le prélîdent confulte l’aflemblée pour Savoir
fi la diScuflion eft fermée fur cette motion d'ordre
L'aflemblée décide que la diScuflîoii n’eft pas
fermée.
M. Barnave. Je Soutiens que la proportion de
M. Roederer n'eift point une motion d'ordre, mais
bien un moyen par lequel il entend combattre l'avis
du comité. Le Seul moyen de Soutenir la constitution
j c’eft. d’en établir les bafes d'une manière
fiable & Solide ; & il ne Suffit pas de vouloir être
libre , il faut encore Savoir être libre. { On murmure,
on applaudit ) . Je parlerai fort brièvement
fur cette queftion 5 car après le Succès de la délibération
, que j'attends Sans inquiétude., du bon
efprît de Faflemblée : tout ce que je defire, ë'efi
d'avoir énoncé mon opinion fur une queftion dont
le rejet entraîneroit tôt ou tard la perte de notre
liberté. ( Nouveaux murmures ). Gette queftion
ne laiffe pas le moindre doute dans l’efprit de
tous ceux qui ont réfléchi Sur les gouvernémens
& qui Sont guidés par un fèns impartial. Tous
ceux qui ont combattu le comité fefont rencontrés
dans une erreur fondamentale. Ils ont confondu le.
gouvernement démocratique avec "" le gouvernement
représentatif, ils ont confondu les droits
du peuple avec la qualité d’éleéteur, que la fo-
ciété difpenfe, pour fon intérêt bien entendu. Là
où le gouvernement eft représentatif, là où il
exifte un degré intermédiaire d’éleCteurs , comme
c’eft pour la Société qu'on é lit , elle a eflentielle-*
ment la droit dé déterminer les conditions d'éligibilité.
Il exifte bien uil droit individuel dans votre conf» |
titution, C'eft celui, de citoyen a&if ; mais la fonc« 1
1 tion d’éleCteur n'eft pas un droit ; je le répété,
elle exifte pour la Société qui a le droit d'en déterminer
les conditions. Ceux qui, méconnoiflant
la nature, comme les avantages du gouvernement
repréfentatif, viennent nous rappeller les gouver-
nemens d’Athènes Sc de Sparte, indépendamment
des différences qui les féparent de la France, Toit
par l'étendue ciu territoire , foit par fa population
, ont-ils oublié qu'on y avoit interdit le gouvernement
repréfentatif?- Ont-ils oublié^que les
Lacédémoniens n’avoient un droit de voter dans
les aflemblées que parce qu’ils avoient des ilotes,
&: que ce n'eft qu'en facrifiant les droits individuels
que les Lacédémoniens, les Athéniens , les
Romains, ont pofledé le gouvernement démocta-
tique. Je demande à ceux qui nous les rappellent,
fi c'eft à ces gouvernemens qu'ils en veulent venir,
( On applaudit à plufieurs reprifes dans la majorité
de la partie gauche. ) Je demande à ceux qui
profeffent ici dés idées métaphyfiques, parce qu'ils
n’ont point d'idées réelles; à ceux qui nous enveloppent
des nuages delà théorie, parce qu’ils
ignorent profondément les connoiflances fondant
mentales des gouvernemens pofitifs ; je leur demande
, dis-jè, s'ils ont oublié que la démocratie
d'ufie partie du peuple ne fauroit exifter que par
l'efclavage entier & abfoîu de l’autre partie du
peuple'. Le gouvernement .repréfentatif n’a qu’un
feulpiège à redouter, c’eft celui.de la corruption.
Pour qu’il foit eifentieliement bon, il faut lui garantir
fa pureté & l’incorruptibilité-des corps électoraux
; ces Corps doivent réunir trois garanties
éminentes : la première , lés lumières ; & l’on ne
peut nier qu’une certaine fortune ne foit le gagé
le plus certain d’une éducation un peu mieux
Soignée, & de lumières plus étendues; la fécondé
garantie eft l’intérêt à la chofe , & il eft évident
qu’il fera' plus grand de la part de celui qui aura
un intérêt particulier plus confidérable à défenfere
r enfin ,1a troificme garantie êft dans l'indé-
Eendance de fortune , qui mettra l’éleCteur au
EelSus de toute attaque de corruptiori.
K ç es avantages, ie ne les cherche point dans la
llaffe fupérieure des riches' ; car il y a là fans
Boute trop d’intérêts particuliers , qui féparent de
l ’intérêt général. Mais s’il eft vrai que je ne doive
tas chercher les qualités que je viens d’énoncer
■ dans la clafte éminemment riche , je ne les chercherai
poiut non plus parmi ceux que la nullité
■ de leur fortune empêche d’acqueiir des lumières,
®armi ceux, qui, fans ceffe aux prifes avec le
efoin, offriroient à la corruption un moyen trop
■ facile. C ’eft donc dans la clafle mitoyenne des
Kortunes que nous trouverons les avantages que
t ’ai annoncés, & je demande fi c’eft la contribution
de 5 liv. jufqu’à i o , qui peut faire foupçon-
t e r que l’on mettra les élections entre les mains
Ides riches.- Vous avez établi un ufàge1 que- les.
ifleCteursne feroient pas payés j, s’il en étoit autrement,
le grand nombre rendroit fes aflemblées
très couteufes. Du moment où féleCtéur n’aura
|pas une propriété aflfez confidérable pour fe parafer
de travail pendant quelque temps , il arrivera
Kde ces trois chofesl’ime , ou que l'éleCteur s’abstiendra'des
élections, ouqu’illera payé par l’état,
■ ou bien enfin qu’il le Sera par celui qui voudra
Requérir fon Suffrage. Il n'en Sera point de même,
jlorfqu'un peu d’aifan-ce fera néceflaire pour constituer
un eleCteur. En effet, parmi les électeurs
lélus fans payer 30 01140 journées de travail, ce
n’eft pas Tartifàn, l'homme fans crédit, le labou-
fjreur honnête, qui réunît lés Suffrages: ce font
■ quelques hommes animés par l'intrigue, qui vous
■ colportant dans ' les aflfenblées primaires les prin-
Icipes de turbulence dont ils font pofled-és , qui
wie s'occupent qu'à chercher , à créer un- nouvel
■ ordre de chofe, qui mettent fans ceffe l'intrigue
p la place de la probité , un peu d’efprit. à la
■ place du bon fens , & delà turbulence d'idées à la
place de l'intérêt général de la Société. S i je vou-
Bo's des exemples, je n'trois pas loin les chercher;
■ ce feroit près de nous, & très-près de nous que
Ie voudrois les prendre ; & je le demande/aux
Bnembres de Cette aflemblée qui fou tiennent une
■ opinion contraire à la mienne , mais , qui Savent
Ibien comment font compofés les corps électoraux
Besplus voifînsde nous. Sont-ce des artîffés qu'on
|ÿ ® vus ? non. Sont-ce des libelliftes., des journa -
Biffes ? oui. (..La grande majorité de la partie eau-
»he applaudit. )■
■ DeM ue le gouvernement eft établi’ , que la -
^conftitution eft garantie , 'il n'y a plus qu'un
imeme intérêt pour ceux qui vivent de leur prof
i t e & d’un travail honnête. C'eft alors que
■ |on (fiftingue ceux qui veulent un gouverne-
L ‘ent. % b le , d’avec ceux qui ne veulent que
:$ovolution & changement, parce qu'ils gran-
yhlivnt dans le trouble, comme les infeCtes dans •
la corruption..( Les applaudiffemeus' recommencent).
S’il eft vrai que dans une conftitution
établie tous ceux qui veulent le bien ont le même
intérêt, il faut placer fes choix dans ceux qui
ont des lumières & un intérêt, tel qu’on ne
puifle pas leur préfenter un intérêt plus grand
que, celui qui les attache à la chofe commune.
Quand vous vous éloignèrez de ces principes,
vous tomberez dans l’abus du gouvernement repréfentatif.
L ’extrême pauvreté fera, dans le corps
électoral, & elle placera l ’opulence dans le corps
légiflatif. Vous verriez bientôt arriver en France
ce qui arrive en Angleterre, où les électeurs
s’achettent dans les bourgs , non pas avec de
l ’argent, mais avec. des pots de bierre : c’eft
ainfi que fe font les élections d’un très-grand
nombre des membres du parlement. Il ne faut
donc pas chercher la bonne repréfentation dans
les deux extrêmes j mais dans la clafle moyenne.’
Voyons fi c’eft là que le comité fa placée. I l
faudra , pour être électeur, payer une contribution
de quarante journées de travail, c’eft-à-
dire, qu’en réunifiant toutes les qualités nécef-
faires , il faudra, avoir depuis izo liv. jufqu’à.
240 liv ., foit en propriétés, foit en induftrie. Je
ne penfe pas qu’on puifle dire férieufement que
cette fixation eit trop haute , à moins de vouloir
introduire dans les aflemblées électorales
des hommes qui n’auront pas l ’alternative de
mendier ou de chercher un fecours malhonnête ,.
là où le gouvernement ne leur offrira1 pas un;
fecours légitime. Si vous vôulez que la liberté,
fubfifte , ne vous lai’flez point arrêter par des
confédérations fpécieufes que vous prefentent
ceux qui, lorfqu’ils auront réfléchi ,- reconnoî-
tront la pureté de nos intentions , & l’avantage-
de notre réfultat. J ’ajoute ce qui a déjà été d it ,
que le nouveau fyftême de contribution- diminue
de beaucoup les inconvéniens,: & que la
loi qu’on propofè n’aura- fon effet, que dans deux,
ans. On nous a dit que nous allions enlever aux.
citoyens un droit qui les honoroit, par la feule
poflibilité qu’ils avoient de l’acquérir. Je réponds
que s’il s’agît de poflibilité, q.ue s’il s’agit d’honneur
, la carrière que vous leur ouvrez imprime
un plus grand caraClère , & plus conforme aux\
principes de l’égalité. Oh n’a pas manqué non-
plus de nous retracer les inconvéniens qu’il y
avoit à changer la conftitution, & moi aufli je
defireA qu’elle ne change pas : -c’eft pour cela-
qu’il ne faut pas y introduire dé difpohtion imprudente
qui feroit fentir la néçefllté d’une oon-
vention .nationale. En un mot, l’avis ;dès comités
eft la feule garantie de la profpérité & de>'
l’état paîfible de l’empire. LO n applaudit).
On demande que la difeuffion foit fermée fur
la motion d’ordre de M. Roederer. L a difeuffion
eft fermée. La propofition de. M. Roederer ef£
rejetté*.