
exemple , vous répondra que MM. de la Fayette 8c Bailly lui ont alluré que fa vie étoit en danger
dans la capitale ; ce fait eft notoire.
On vous a fait une diftinCtion qui m’ a fort
furpris.
M. le Camus a dit qu'un préopinant avoit défendu
la juftice j qu'il alloit ,. lu i, défendre la loi. !
Le légillateur ne doit s'occuper que des principes
généraux & deiuftice; le juge feul doit fe renfermer
dans la loi. C'eft la juftice , c'eft l'honneur
qui me feront parler d'un abfent , dont
on fait que j'ai eu à me plaindre : M. l'archevêque
de Sens eft cardinal , il peut habiter à
Rome, le. roi a pu le lui permettre ; fi j'éxa-
minois de même tous les abfens 3 je trouverais
que beaucoup d'entr'eux ont dès motifs légitimes.
Enfin y eft-ce une lof que vous voulez faire ?
N'oubliez jamais qu'elle doit être diCtée par la
juftice. Eft-ce un jugement que vous voulez rendre?
Songez donc que vous n'êtes point un tribunal.
M. Rcederer. Quelle quefoit l'opinion que quelques
membres de l'aflemblée peuvent avoir prife
du d écre t, il eft rendu , il eft inaltérable. Cependant
la motion propofée, & la difcuflion qu'on
a rouverte, tendent à l'altérer. L'amendement de
M. le Camus eft contraire à ce décret. Vous
avez déclaré les revenus des eccléfiaftiquës abfens,
acquis à la nation ; ils ne peuvent donc être mis
en féqueftres. Le féqueftre préjuge toujours un
droit a celui qui pofledoit. Au refte 3 je penfe
qu'il n'ëft pas nécefiaire , pour condamner un
bénéficier abfent 3 de le mettre en demeure. Les
loix citées le condamnent 3 ipfo facto. Celles qui
ftatuent fur la réfidence des eccléfiaftiques , fta-
tuent aufli fur celles des magiftrats 3 8c toutes les
Fois qu’ un magiftrat forti du royaume, fans per-
miflion '3 meurt , fa charge eft confifquée.
Je penfe que le décret rendu hier 3 renferme
toutes les fonctions civiles, militaires & ecclé-,
fiaftiques , 8c j'en conclus qu'il n'y a pis lieu
à délibérer fur la motion 8c fur les amendemens
propofési -
M. de Cabales. Dans une autre. circonftance
que celle où nous nous trouvons , le règlement
dont il s'agit me paroîtroit auflî jufte qu'utile;
-mais dans un moment où il exifte un prévenu
de crime de lèze-nation 3 8c où ce crime n'eft pas
encore défini 3 je crois ce réglement dangereux. Je
dois rappeller que les légiflateurs ne peuvent jamais
ftatuer fur des individus 3 ou bien c'eft un
parti qui paroît agir contre des hommes, & par
cela même, les opérations des législateurs font
difcréditées. Je rejette, a raifon des circonftan-
ces , la motion propofée , & je demande qu'elle
foit reprife dans un teins plus calme.
M, Chapelier, Ç'eft dans un moment de trouble
que tous les citoyens doivent être à leur
pofte. Ceux qui l'ont quitté ne peuvent plus
avoir des revenus attaches à des fonctions qu'ils
n'exercent plus. C'eft un devoir pour nous de
rappeller des citoyens que la crainte a éloignés';
c'eft une juftice & un .devoir de ramener des eccléfiaftiques
à la réfidence. Pourquoi fouffri-
rions-nous que les peuples foient privés de leurs
fecours ? Pourquoi continuerions-nous à prodiguer
les deniers publics à des hommes inutiles^
par une abfence aangereüfe à l'é ta t , puifqu'elle
caufe eflentiellement la difparuti.on du numéraire?
Il faut délibérer ; nous le devons , même par intérêt
pour des citoyens fugitifs, qui regrettent
sûrement leur patrie , 8c q u i, rappelles par nous,
feront à l'abri de tous les dangers.
M. de Cabales. Déclarez donc qu'ils font fpé-
cialement fous la fauve-garde- de la loi.
M. le marquis de Foucault. Nous devions , difoit-
on , affilier à la France tous les peuples de l'uni-,
vers, 8c nous attaquons déjà* la liberté des françois.
Ah ! meilleurs, les françois émigrés regrettent
leur patrie ; ils reviendront, quand ils feront
sûrs de retrouver en France liberté 8c sûreté ;
quand vous aurez rétabli ce que vous avez détruit.......
On, a cité les ordonnances de Blois &
d'Orléans ; mais, dans le tems où elles ont été
rendues , il n'y avoit ni lanternes , ni bayonnettes.
On ferme la difcuflion.
Plufîeurs amendemens font encore envoyés au
bureau ; ils font fuccelfivement fournis à la quef-
tion préalable.
L'aflemblée décide qu'il y a lieu à délibérer
fur celui de M. le Camus.
M. de Cazalès propofe en fous-amendement,
55 que le décret ne puilfe avoir fon effet, que
55 trois mois après fa publication 55.
M. le préfident met ce fous-amendement aux
voix. —- II, pofe ainfi la queftion : que ceux qui
veulent adopter l'amendement, fe lèvent? — La
majorité fe lè v e .— Que ceux qui veulent adopter
le fous-amendement, fe lèvent.
M. le préfident prononce. que le fous-amendement
eft adopté.
L'amendement de M. le Camus eft décrété;»
On lit la motion principale amendée 8c fous-
amèndée , 8c ainfi conçue : 55 Les revenus des
bénéfices, dont les titulaires font abfens, 8c corn*
tiuueront à l'ê tre , trois mois après la publication
du préfent décret, feront mis en féqueftre v,
M. Target demande qu’ on ajoute après le
mot abfens, ceux-:çi : 55 fans miflion du gouve?*
nement antérieur au préfent décreç 55,
Cette addition eft adoptée, . MV
M. — demande qu'on accorde une exception
femblable à tous ceux qui auront eu la permif-
jfion du roi.
Cette propofition eft mife aux voix.
M. le préfident prononce qu'elle eft rejettée.
MM. dé Foucault, d'Efprémenil 8c une partie
de la falle, prétendent qu'il y a eu du doute ,
& réclament l'appel nominal.
. Le décret eft confirmé à la majorité de 448
v o ix , contre 352.
La motion principale eft décrétée.
Le décret fur les penfîohnaires abfens, comme
tous ceux dont l'objet eft de gêner d'une manière
trop marquée la liberté individuelle , ne
fut jamais bien exécuté, & le 17 février 1791 ,
on en rendit un fécond fur la demande de M.
Camus 3 pour l'exécution du premier. Votre loi
du 4 janvier 1790, dit M. Camiïs 3 porte que
tous les fonctionnaires publics abfens, excepté
•ceux qui le font en vertu de miflion du gouvernement
, feront tenus de rentrer- dans le royaume.
Celui du mois :de feptembre de la même
année porte que toutes les perfonnes jouifîant
de penfions 8c traitemens, feront tenues de rentrer
dans le délai de deux mois, fous peine d'être
privées de leurs emplois , penfions & gratifications.
Ces émigrans ayant laiffé en France une
foule de créanciers, qui pouvoient mettre des
Oppofitions au paiement d'e leurs penfions , s'em-
barraflent fort peu qu'elles foient ou non acquittées;
cependant il eft jufte de prendre des
mefures relativement aux créanciers. Je demande
que le comité des finances , chargé de furveiller
l.adminiftration des finances, foit tenu de vous
Çréfenter l'état de la radiation qui doit avoir
ete faite de toutes les penfions des émigrans,
non exceptées par la loi de l'é ta t, l'aflemblée
fe refervant de prendre tel parti qu'elle jugera
convenable pour les créanciers antérieurs aux dé-
Cr^f- con^ernant fô- rentrée des fonctionnaires
publics & penfionnaires dans le royaume. 55 L'af-
femblée, fur cette propofition, rend le décret
fuivant:
53 L’aflemblée nationale décrète qu'il lui fera
rendu compte de l'exécution de l'article IV
de la loi du 4 janvier dernier, 8c de, l'article
V de celle du 22 décembre dernier ; en
con fé ren ce , ordonne à fon comité des finances,
charge de furveiller l'emploi des deniers publics ]
de lui prefenter.., flans le courant de la femaine
prochaine, un état de la radiation qui a dû être
faite dans les différens départemens , des appoin-
temens , traitemens & autres/fonds qui fe paÿoient
a des françois actuellement en pays étranger,
hors les cas prévus par les ..loix, afin que l'af- |
fembîee puifle prendre les mefures que fa fagefle
Ajfemblée Nationale. Débats» Tom. 1.
lui dictera pour le paiement des créanciers qui
juftifieront de droits antérieurs à f abfence def-
dits françois »>. Voye[ Em ig ré s.
ACADÉMIE. Il a étépréfentéquelques projets,
à l’aflemblée .confirmante, fur la dépenfe des académies,
mais elle n'a rien décidé relativement à leur
régime intérieur ; fur la propofition de M. Lanjui-
nais3 elle avoit décrété, feulement, qu’il ferait pré-
fen té , par chaque corps littéraire, un plan d©
police 8c d'aflminiftration d’après lequel l'aflem-
blée déterminerait l'état de ces efpèces de corporations.
C'eft en conféquence de ce décret
que M. de Chamfort çompofa un difeours dont
M. de Mirabeau deyoit faire ufage lorfque U
mort l'enleva. Nous rapporterons cette pièce
ainfi qu'une réponfe qu'y fit M. l'abbé Morellet ’
dans laquelle ce derniér prit la défenfède ïacadémie
françoife , fpécialement attaquée par le
premier.
Ce ne fut au refte que flans la féance du 16
août .1790 , qu':on s’occupa des dépenfes de F académie
, 8c que M. le Brun au nom du comité
des. finances propofa un projet de décret, après
qu’il eut préfenté quelques obfervations , comme
il fuit.
M. le Brun. Nous avons maintenant à nous
occuper des académies : nous ne vous propoferons
pas des réformes 8c des économies. Çes établijf-
fernens tiennent à la gloire & à l ’intérêt même
de la nation; ils ne nous préfentent pas l’affligeant
fo avenir de diflipations 8c de prodigalités. En.
créant Y académie françoife, Richelieu n'y cherchar
peut-être que des panégyriftes & des efclaves ;
elle a expie fon origine. L ’académie françoife a
des droits à la reconnoifiance publique : on n'oubliera
pas que plufîeurs de fes membres ont été
les apôtres de la liberté. C'eft par les lettres
que nos moeurs fe poliflent; 8c du moment ou
elles ne feront, ni honorées ni récompenfées ,
la nation touchera de bien près à la barbarie,
à tous les v ic e s , à tous les malheurs qu'elle
amène avec elle. académie des inferiptions 8c
belles lettres peut déformais rendre des fervices
effentiels à notre hiftoire 8c nous en reproduire
les monumens fous leur véritable forme. Vacc-
démie des fcie.nces jouit du refpeéb de l’ Europe
8c peut être infiniment utile à nos arts & à
nos manufactures. Le comité a penfé que toutes,
les Académies dévoient refter fous la protection
immédiate du roi ; que cette protection feule
peut encourager leurs .travaux , 8c qu’il eft de
l'intérêt de la.nation , comme de la grandeur da
monarque, qu’il s'attache à ces inftitutions d’une,
affè(ftion particulière 8c qu’ il lie leurs fuccès à
;lâ gloire de fon règne 8c de fon nom.
L e comité propofe les projets de décrets que
je vais vousfoumettre fuceefiivement. Le premier'
concerne Y académie françoife.
B *