
Nous n’avoHs pas paru dans cette tribune j quand
on nous à dépouillé de nos biens. (On rit). Quel eft
le membre du clergé ou le noble qui ait tait entendre
fa voix ? (On entend dans la partie gauche:
tous, tous'). Que lé peuple examine de quel
côté font les avantages ; voilà la 'dette exigible ;
2uelle eft la fournie qu’on peut rembourfer ?
Combien faudra-t-il fouftraire pour le falaire’ des
anciens bénéficiers, pour l’entretien des collèges,
des hôpitaux , &c. ? Que le peuple examine fi
c’eft par des menaces qu’on commande la confiance ;
fi les marchands, les négocions, les manufacturiers,
tous en tin mot, excepté lès agioteurs, ne regardent
pas ce plan comme la ruine de l’état ; que
le peuple fe recueille dans ton patriotifme. Si les
fages ne forcent pas l’opinion, qu’ils fe rappellent
que nous avons des comptes à rendre. Veut- on
nous renvoyer dans nos provinces, dèfolées comme
elles le furent en 1720 ? ( M. l’àbbé Maury,
deux billets de Law à la main ). Le voilà ce
papier funefte , couvert des larmes & du fang de
nos pères ; j’en ai vu des amas immenfes. Regardez
ces billets comme des . balifes fur des
écueils, pour vous avertir du naufrage & vous en
éloigner.
L’émiffion d’un papier - monnoie feroit un dé-
faftre public ; elle ruineroit l’agriculture & le
commerce. Je dénonce fes partifans comme coupables
d'un grand crime ; car c’en eft un que
d'armer les citoyens les uns contre les autres.
Cette calamité eft-elle donc néceffaire ? La fageffe
de vos décrets ne peut-elle pas l’éviter ?
Après avoir ainfi foulevé le voile, finirois-je fans
vous offrir une planche après, le naufrage ? Si
j’ofois vous expofer mes penfées , fans craindre
qu’elles fuffent mal interprétées ; fi une précaution
de ma part ne paffoit pas pour une tournure
équivoque, pour un moyen dilatoire, je parlerois.
J’ai formé un plan de liquidation qui embrafle
l’univerfalité des finances ; il efi impoffible de vous
le préfenter dans cette trihune ; mais il faut qu’il
fbit appuyé de tout le poids de votre comité.
Vous pourriez charger votre comité des finances de
•vous en rendre ecmptè dans huit jours ; alors
on délibéreroit avec fageffe. Je ne puis préfumer
affez de moi-même pour préfenter un plan vafte
& compliqué , qui exige des combinaifons &
des calculs : je craindrois de le diferéditer en
le préfentant. On dit toujours : vous ne voulez
pas $ ajjignats ; que mettez - vous à la place?
Que' voulez - vous que je mette. à la place
de la bête féroce qui va Vbus. dévorer ? J’y
mettrai un plan de plufieurshommes d’état qui
' ont médité les finances & en ont examiné tous
les rapports. Dans ' le cas où votre fageffe n’a-
dopteroit pas cette propofition, je nie fouviendrai
toujours que j’ai eu le courage de' vous la faire;
& en me reftreignant avec regret aux conclufions
de la néceffité , j’adopterai à regret le projet de
M. Dupont. ; - .
M. Barndvt. Nous fommes arrivés à une cir-
confiance grande & difficile. De la réfoiution que
nous allons prendre dépend peut-être le fahit de
la nation. Ce lèroit méconnoître l’étendue de la
queftion, que de borner fes rapports à ces deux
objets importans par eux mêmes , la vente des
biens nationaux & le rembourfement de la dette
publique. Si on veut la confidértr fous fes véritables
points de vue , on y verra les moyens de
ranimer l’indiiftrie, le commerce, l’agriculture,
le rétàbliffement de la tranquillité publique. La
conftitution s’achève'. Quoique les travaux que
nous avons encore à parcourir, foient de grande
importance, ils ne font pas auffi étendus dans
leurs détails, que ceux auxquels nous nous fommes
déjà livrés. Ce qui refte principalement à faire aujourd’hui
, c’eft de rallier ces différens pouvoirs.,,
La conftitution s’achève, & la révolution s’avance
rapidement vers fon terme. Chacun fe dit : de
grandes inftiturions ont été formées, il faut leur
imprimer le mouvement. Chacun cherche un grand
moyen de réfoudre les difficultés, de confommer
la révolution, en rapprochant les opinions, en
confondant les intérêts. Chacun auffi fonde fon
cfpoir fur la vente des domaines nationaux. La
queftion afhielle exifte donc effëntielleraent, dans
la manière dont nous en difpoferons. Deux moyens
font propofés. Je laiffe de côté, pour le moment,
les moyens partiels ; ces deux moyens font les
affignats fans intérêt ayant cours forcé, & des
quittances de.finances portant intérêt, & ne pouvant
être acceptées dans les tranfaéïiôns libres que de
gré à gré.-
Je ne m’occupe pas d’un troifième moyen, qui
confifte dans les quittances de finances fans intérêt
; ce feroit fe réfoudre à une banqueroute partielle
, ce feroit faire une chofe que votre loyauté
ne vous permettra jamais. Donc la queftion
fimple ne préfente à votre difeuffion que des af-
Jignats fans intérêt, & des quittances de finances
portant intérêt. Deux objets également précieux
& preffans, font l’impofition & l’acquittement de la
dette. Les ajjignats diminueront la fomme des impôts,
ils ferviront a les acquitter. De cette réduéfion , de
cette facilité de paiement, réfultera une chofe, fans
laquelle un état n’eft rien. Avec des ^quittances
de finances, l’impofition fera plus confidérable ; la
facilité de payer les impôts fera nulle. De-là des
maux dont vous çonnoiffez le tableau, & dont la
perfpeâive effrayante doit éveiller votre fageffe
& influer fur vos délibérations. Quant à l’acquittement
de la dette, en donnant des ajjignats,
-vous donnez ce qu’on a droit de demander ,
un titre fur & éminemment disponible. La monnoie
a une qualité réelle & une qualité qu’elle tient
de la loi. Vajjignat a également une qualité réelle
& une qualité qu’il tient dé la lo i; vous vous
Acquitterez donc avpc des ajjignats. Avec des
quittances^de finances vous ne vous acquitteriez
pas; vous donneriez de nouveaux titres, qui ne
•*., ‘ feroient
feroient point améliorés "; la créance àuroit Ta
même hypothèque, vous ne feriez que fufpendre
des paie mens échus , vous feriez plus de mal.
encore ; l’impôt', ce fécond gage de la créance
dépériroit , s’anéan droit.
Ainfi, fous ce fécond point de vue » les ajjignats
font préférables. Examinons s’ils doivent être préféras
dans le rapport des ventes. Le moyen qui
met un figne repréfentatif entre toutes les mains,
accroît néceffairement le nombre des acquéreurs
& l’avantage de la vente. C eft ce que fait l’émif-
fion àQS ajJîgnats. L ’autre moyen propofé ne met
un.figne repréfentatif de valeur qu’en très-peu de
mains : ce ligne lui-même, produ&if de revenus ,
donne un intérêt réel à conferver les capitaux;
ainfi les biens nationaux ne fe vendront pas.
Les quittances de finances n’étant pas monnoie ,
reftant dans un petit nombre de mains, ne créant
qu’un petit nombre- d’acheteurs , les propriétaires
de ces titres mettront aux domaines nationaux le
prix qu’ils voudront ; & après avoir ufé de manoeuvres
pour forcer les créanciers peu. riches à
leur livrer, à perte les quittances de finances, ils
forceront la nation à vendre à perte fes biens. Ce
parallèle ne peut pas laiffer d’incertitude. Il a fallu
chercher ailleurs des objeâions. Elles fe réduifent
a une feule, qui n’eft autre chofe qu’une erreur
de fait, d’ou l’on a tiré une grande erreur de doctrine.
Qn a parlé de l’aviliffement des affi.
du doublement des p rix, de la deftruéfion des
manufadures & de l’agriculture ; toutes ces fup-,
pofitions-partent d’une feule , de celle de l’avilif-
fement d es affignats. On prête deux eau fes à cet
aviliffement; la défiance dans la fociété, la baiffe
des valeurs par la multiplication du numéraire.
Quant à la défiance * on a dit que la facilité de
la contrefadiôn introduiroit une maffe confidé-
rable de faux ajjignats, & que les inquiétudes que
donneroit fur chacun de ces papiers l’incertitpde de
la falfification en occâfionneroit le diferédit. J ’ob-
ferverai que fi cela étoit v ra i, il n’exifteroit pas
lin papter-monnoie en Europe.
Quoi qu’en ait dit le préopinant, la contre façon
de la monnoie-métal eft plus facile que celle des
papiers circulans. Les moyens, d’éviter celle des
ajfignats fe perfectionnent tous les jours ; nous en
avons recùillis qui ne laifferoient aucune inquiétude.
Cette objeftion, déjà détruite par notre propre
expérience, s’appliqueroit au fyftême contraire.
Elle ne paroît avoir quelque force qu’à caufe que
nous n’avons pas de banque nationale : elle feroit
rejettée avec le plus grand mépris, fi on la pro-
pofoit au parlement d’Angleterre , ou dans les
corps délibérans de la Hollande. (O n applaudit).
La foibleffe d’un pareil moyen étoit trop évidente
pour qu’on ne l’étayât pas de toutes fortes de
chimères. On nVpas craint de comparer les af-
Jiguats aux papiers-monnoie, qui ont été l’objet du
mépris de divers peuples ; à celui de l’Amérique^
l^ypothéqué fur toutes les terres des Etats-Unis,
djjembtée N a tio n a le . Tome /ƒ» Débats?
ou aucune de ces terres n’étoit difponible, où
les terres même ne font rien , où l’argent eft tout ;
où, à côté de ces terres qui fer voient d’hypothè-
• que, il en étoit d’autres qu’on dohnoit aux étrangers
oui vouloient les exploiter. (On applaudit).
Quant au papier de Law, vous favez quelle
étoit fon exiftence : affis fur les prétendus profits
d’une banque fa ntaftique, il n’avoit pas d’autre,
folidité que celle de l’opinion, délirante du moment.
Répandu fans mefur.e , fans-calcul, il s’étoit ■
elevé à 5 milliards, fans y comprendre les aCHons,
de banque; il.étoit mis en-circulation fans qu’il
y eût un objet exiftant qui le reptéfentât. C’étoit
une valeur nouvelle; il étoit naturel qu’il chan-,
geât la proportion des valeurs. On pourroit dire 1
que, quoiqu’il fût le mépris de la nation , c’eft
par l’impoffibilité de fon retrait qu’il devint défaf-
treux : il avoit favorifé l’induftrie & le commerce,
& procuré une profpérité momentanée. O r , jede-
mande.fi le retrait des affignats n’eft pas affuré, fi vous
ne devez pas- efpérer une profpérité durable; f i,
tandis que le papier de Law étoit hypothéqué
fur les fantômes du Miffiffipf, lé notre ne l’eft
pas fur les très - réelles, très-apparentes à nous ,
les propriétés du ci-devant clergé ? (On applaudit)*
Vos affignats ont toute la valeur que peuvent,
avoir les chofes dans la fociété : la valeur des
terres leur eft attachée par la loi, comme la pro*.
priété de chacun de nous , nous eft attachée par.
la loi ; l’une & l’autre font féparées, c’eft la loi
feule qui les lie. ( Une grande partie de Taffemhlée
applaudit). Les affignats ont donc tout ce qui conf»
tituê les vraies valeurs; ils'ont de plus la facilité
dè la tranfmiffion qui conftitue les valeurs propre*
à devenir circulantes. Ils ne redouteront donc pas
le diferédit, puifque les affignats que nous avons;
déjà n’ont prefque pas perdu. ( La droite murmure).
On a déjà démontré que les ajjignats n'ont pas
éprouvé de diferédit réel ; s’il y a eu quelque
chofe à donner dans leur échange contre de l’ar-..
gent, c’eft: à canfe de la plus grande divifion de
l’argent. Tandis que l’argent payoit quatre pour
cent fur les ajjignats de 1000 liv. , les petits affim
gnats gagnoient deux pour cent fur les gros. ( G a
applaudit ). Il fera poffible de diminuer cette perte
par différens moyens ; par exemple , par un«/
coupure plus avantageufe, par rétàbliffement de
banques d’échanges dans plufieurs villes ; & l’in-t
térêt que chacun aura de les colporter & de les répandre
, eft un garant de leur circulation. Ils ne
perdront rien de leur valeur effeâive, & s’échangeront
avec beaucoup de facilité. Quand on com^
mencera les ventes, on n’ofera plus élever de
doutes fur la folidité des ajjignats. ( On murmure
à droite , on applaudit à gauche ). Déjà les efti--
mations font faites en beaucoup d’endroits ; les
formalités qui précèdent les ventes font eftêâuées;
déjà le comité d’aliénation eft préparé à préfenter des
moyens propres à accélérer ces ventes; alors von§