
principes aux quels ils doivent leur exiftence ,
a prolonger les efpérances infenfées du despotique
, en lui offrant sans cefîe des auxiliaires
& des affidés. Dévoués par leur nature aux agens
de l’autorité s feuls arbitres 5c difpenfateurs des
petites grâces dans un ordre de chofes ou les le-
giflatdurs ne peuvent diftinguer que les grands
talens , il exifte entre ces corps & les depolitaires
du pouvoir exécutif une bienveillance mutuelle,
une faveur réciproque , garant tacite de leur
alliance fecrette , & , fi les circonftances le permettaient,
de leur complicité future,. En voulez
vous la preuve ? je puis la produire. Je puis
mettre fous vos' yeux les bafes de ce traite , bi
pour àirifi dire les articles préliminaires. Ecoutez
ce même d’Alembert dans ta préfacé du re-
Ah ! Meffieurs, c’en eft trop ; qui de vous
n’eft furpris , indigné , révolté ? certes , on ne
fait qu’admirer le plus dans 1 avocat des academies
cueilde ces mêmes éloges, révélant le honteux
fecret. des acidémies , & enfeignant aux rois
l ’ufage qu’ ils peuvent faire de cés corporations
pogr perpétuer l’esclavage des peuples.
« Celui qui fe marie , dit Bacon, ( 1 cst W Ë
lembertqui parle) donne des otages à la fortuné...
L ’homme de lettres qui tient à [académie R (.-qui
tient, c’eft-a-dire efi enchaîne , ) 1 homme de
lettres donne des otages ; la decence.^vous aller
savoir ce que c'efi que cette décencZ académicienne )
Cette cfiaine, (cettefois ilVappelle parjoildoms)
cette chaine , d’autant plus forte qu elle fera
volontaire , ( la pire de toutes les Servitudes efi en effet
la fervitude volontaire •* on Savoit cela.) Cette chai-
- ne le retiendra fans effort dans les bornes qu il
feroit tenté de franchir. ( on pouvoit en effet , fqus
V ancien régime , être tinté de franchir les homes.)
L ’écrivain ifolé 6c qui veut toujours l’etre eft
une çfpèce de célibataire .(.un vaurien qu il faut
ranger en lemariant a l'académie , ) célibataire qui,
ayant moins à ménager , eft par-là plus fujet ou
plusexpofé aux écarts. Aux écarts \ par exemple ,
d'écrire des vérités utiles aux hommes & nuifibles a
leurs opprejfeurs. »
« Parmi les vérités importantes que les gouver-
nemens ontbefoin d’accréditer , (pourles traveftir,
les défigurer , quand on ne peut plus les diffimidet entièrement.
) il en eft qu’il leur importe de ne
répandre que peu-à-peu , 8c comme par transpiration
infenfible I ( l ’académie laiffoitpeu transpirer.
) Un pareil corps , également inftruit 8c
fage g ( fage , Mejfieurs ! ) organe de la raifort par
d e v o ir , 8c de la prudence par état, (quel état b
quelle prudence ! ) ne fera entrer de lumière dans
les yeux des peuples que ce qu’il en faudra pour
les éclairer peu-a-peu «1 ( L 'académie économifott
la lumière ; ) l’auteur ajoute, il eft vrai_, fans
blcffer les yeux des peuples S c io n entend cette
tournure vraiment académique.
1,1 Préface des éloges de l’académie, lus dans.les
feances publiques de l’acî-d^mie françoife > tom. i ;
, ou la hardielfe ou l’imprudencé qui pre-
fente les gens de lettres fous un pareil aspect ;
q u i, les plaçant entre les peuples 8c les ro is , die
à ces derniers , dans une attitude à la fois servile
8c menaçante : « nous pouvons à notre choix
éclaircir ou doubler fur les yeux de vos lujets le
bandeau des préjugés. Payer nos paroles ou notre
filence ; achetez une alliance utile ou une neutralité
néceffaire *>. Odieufe tranfaction . commerce
coupable où l’on facrifie le bonheur des
homfnes à des places académiques , a des faveurs
de cour , prime honteufe dans le plus infâme
des trafics, celui de la liberté des- nations fV ou s
concevez maintenant , meffieurs , ce qu exige
des académies la décence , la fageffe , la prudence
détat. D’état ! hélas oui , c’ ett le mot. Vous
en faut-il une fécondé preuve également frappante
? cherchezdlà dans cette autre académie ,
foeur puînée, ou plutôt fille de l academie fran-
çoife , 8c fille digne de fa mère par le meme esprit
d’abjeélion.
On fait que d’aptes une idée de madame de
Mor.tefpan, ( c e mot féul dit tout ) [academie
des inscriptions 8c belles lettres , instituée authen-
tiqùsment pour la gloire duiroi, chargée d eter-
nifer par Us médaillés la gloire du r o i, d examiner
les deffins des peintures fculptures confa-
crées à la gloire du roi , fe foütint ave
près de -30 ans; mais que Vôr? fi» ^?£®»
la gloiré du roi venant tout-à-coup a ïî'auo.uer,
il fallut foiiger à s’étayer de quelqu autre fecours.
Ce fut alors que , fous un nouveau régime qui la
fournir à la hiérarchie des rangs,, tache dont La-
cadémie françaife parut du moins exempte, L a-
cadémie des belles lettres chercha les moyens de
fe montrer utile. Elle eut recours aux antiquités
judaïques , grecques 8c romaines, dont ffllSj»
l’ objet de fés recherches 8c de les travaux. Eh .
que ne s’y bornoit elle ! Nous étions h recon-
noiffans d’avoir appris par elle ce qü etoient dans
la Grèce les dieux cabires ; quels etpient les noms
de tous les uftenfiles compofant la batterie de
cuifine de Marc-Antoine ! nous applaudiffions a
la découverte d’un vieux roi de Jérufalem , perdu
depuis dix-huit cents ans dans un rècom de la
chronologie : on fourit malgrp foi de voir des
efpîits graves 8c férieux s’ occuper de ces Da-
gatelles.S
Certes , il valoir mieux en faire fon éternelle
occupation que d’étudier nos antiquités fran-
çoifes pour les dénaturer, que dempoifonner
^ les fources de notre hilfoire, que de mettre aux
ordres du defpotifme une érudition faufla t e ,
que de combattre 8c condamner d avance I atfemblée
nationale, en déclarant faufle 8c dan-
gereufe l’opinion quicontefte au roi le pouvoir
légiftatif pouf le donner à la nation : c’eft Tavis
de MM. Secouffe, Foncetrugne, & de plufieurs
autres membres de cette compagnie. T e l eft l’ef-
prit de ces corps, ils en font trophée, telle
eft leur profeflion de foi publique. La principale
occupation de Y academie des belles-lettres ,
dit l’ un de fes membres les plus célèbres, Ma-
billon , doit être la gloire du. roi. La gloire du
roi ! & nous auffi nous la voulons, mais nous
la voulons dans le bonheur du peuple, où elle
eft pour jamais placée} nous la voulons où n’ont
pas fu la mettre ces deux académies , inftrûment
de la fervitude fous Louis X I V , frein de la
liberté fous Louis X V . Qu’elles foient fermées
pour jamais ces écoles de flaterie & de fervi-
îité. Vous le devez à vous-mêmes, à vos inva^
riables principes. Eh ! quelle proteftation plus
noble & plus folemnelle contre d’ aviliftans fou-
venirs, contre de méprifables habitudes, dont il
faut effacer jufqu’aux veftiges 3 enfin contre l’infatigable
adulation d on t, au fcandale de l’Europe
, ces deux compagnies, ont fatigué vos deux
derniers rois. Eh ! Meffieurs , l ’extin&ion de ces
corps , n’eft que la conféquence néceffaire du
décret qui a détaché les éfclaves enchaînés dans
Paris à la ftatue de Louis XIV.
Vous avez tout affranchi > faites pour les talens
ce que vous avez fait pour tout autre genre
d’ induftrie. Point d’intermédiaire, perfonne entre
lès talens & la nation. Range-toi de mon fo le il,
difoit Diogène à Alexandre, & Alexandre fe
rangea ; mais les compagnies ne fe. rangent point :
il raut les anéantir. Une corporation pour les
arts de génié 1 c’ eft ce que les anglo'is n’ont jamais
conçu : & en fait de_ raifon , vous ne fa--
vez plus refter en arrière des anglois. Homere
ni Virgile , ne furent cf aucune académie, non
plus que Pope & Drÿden , leurs immortels tra-
duéleurs. Corneille, critiqué par Y académie fran-
çoife', s’écrioit : j ‘imite U un de mes trois Horaces ,
yen appelle au peuple. Croyez-en Corneille} appeliez
au peuple comme lui.
Eh ! qui réclameroit contre votre jugement ?
Parmi les gens de lettres eux-memes, les ata- '
^émzW n’avoient guère pour défehfeurs que les
ennemis de la révolution. Encore , au nombre i
de ces défenfeurs s’en trouve-t-il quelques-uns
d’ une efpèce affez étrange. A quoi bon détruire,
difent-ils, des établiffemens prêts à tomber
d’eux-mêmes à la naiffance de la liberté ?
En vous laiffant, meffieurs, apprécier ces moyens
de défenfe , je crois pouvoir applaudir à la conjecture
} & n’a-t-on pas v u , dans ces dernières
années, l’accroiffement de l’opinion publique
fervir de mefure à la décroiffance proportionnelle
de ces corps, jufou’ aü moment où', tonte
proportion venant à ceffer tout-à-coup , il n’eft
refté entre ces compagnies & U nation que l’intervalle
immenfe qui fépare la fervitude &r U
liberté.
Eh 1 comment Yacadémie , confervanr fa maladive
& incurable petitelfe, au milieu dés objets
qui s’agrandiffent autour d’elle , comment Y académie
feroit-elle apperçue ? Qui recherchera déformais
ses honneurs obfcurcis devant une gloire
à la fois littéraire & patriotique ? Penfe-t-on que.
ceux de vos orateurs qui auront difeuté dans
la tribune, avec l’applaudiffement de la nation,
les grands intérêts de la France , ambitionneront
beaucoup une frivole diftin&ion à laquelle
le defpotifme b ornoit, ou plutôt condamnoit
les plus rares talens ? Qui ne fent que fi Corneille
& Racine ont daigné apporter dans une
fi étroite enceinte les lauriers au théâtre, cette
bifarrerie tenoit à plufieurs vices d’ un fyftême
focial qui n’eft plus, au preftige d’une vanité
qui ne peut plus être , à la tyrannie d’un ufage
établi, comme un impôt, fur les talens j enfin
à de petites convenances fugitives, maintenant
difparues devant la liberté & englouties dans
l’égalité civile & politique, comme un ruififeau
dans l’océan ?
, Epargnez donc, meffieurs . à Y académie une
mort naturelle. Donnez à fes partifans, s’ il en
refte, la çonfolation de croire que fans vous èlle
étoit immortelle. Qu’elle ait du moins l’honneur
de fuccomber dans une époque mémorable
, & d’être enfevelie avec de plus puiffantes
corporations. Pour cette fo is , vous avez peu
de clameurs à craindre} car c’eft une chofe remarquable
que Y académie , quoique fi peu oné-
reufe au public,' n’ ait jamais joui de la faveur
populaire. Quant au chagrin que vous cauférez
à fes membres par leur féparation , croyez qu’il
fe contiendra dans les bornes d’un hypocrite &
facile décence. Déployez donc à la fois & votre
fidélité à vos principes fur le s . corporations,
& yotre eftime pour les lettrés, en détruifant
ces corps & en traitant les membres avec une
libérale équité. Celle dont vous uferez envers,
des hommes d’un mérite reconnu, plus ou moins
dittingué, membres de fociétés littéraires peu
nombreufes, où l’on n’eft admis que dans l’âge
de la maturité, ne peut fatiguer la générofité
de la nation. Plût au ciel qu’en des occafions
plus importantes vous euffiez pu réparer par
des dédommagemens aufli faciles les maux individuels
opérés pour le bonheur général ! Plût
au ciel qu’ il vous eût été permis de placer auffi
aifément à côté de vos devoirs publics la preuve
confolante de votre commifération pour les infortunes
particulières !
On n’a pas cru devoir imprimer le projet de
décret dans lequel fe trouvoient les difpofitions
relatives à la diftribution des prix de poéfie *
d’éloquence 3 d’utilité & d’encouragement, Ôc
C 1