
recevoir' donnef ou compter des ajjlgnats. On
doit au propriétaire de YaJJîgnat de le faûver autant
que poffible de l’aftuce du contrefaâeur, mais
non de fa propre négligence. L ’expérience a prouvé
que le papier de foie, très-fin 8c très-tranfparent,
manipulé, en un mot , avec tout le foin qu’indique
l’art, eft auffi fort 6c moins fufceptible de
fe trouver 6c de fe déchirer que la plupart des
autres papiers : par cela féal il ferait- le plus convenable
pour les ajjlgnats. Il faut en outre crue
la vergure en foit parfaitement defllnéè , 8c qu’elle
■ préfente de grandes difficultés à l’imitation. L ’intelligence
de certains papetiers eft plus que fuffi-
fan te pour vous rafiurer à cet égard, 6c je partage
l ’opinion du comité fur M. Réveillon.
On a cru que l’on empêcheroit la contrefaçon
en colorant le papier : c’eft une de ces erreurs
nombreufes dans lelquelles font tomber les premiers
apperçus des demi-connoiflèurs. Le papier
le plus blanc, ou tout au moins le plus tranfpa-
rent, eft celui dont on appercevra le plutôt la
contrefaçon. Croyez que je ne vous donne ici
que le réfultat des observations- les moins contef-
fées des gens de l’art.
L a gravure de vos ajjlgnats peut annoncer le
talent de l’artifte ; mais eliè vous garantira mal
l ’impoffibilité de l’imiter. Je vais plus loin : plus
vous furçhargerez vos ajjlgnats de décorations 6c
de bariolages , moins il fera facile de s’apperce-
voir de la fraude. Il fâut qu’elle puifle frapper
l ’oeil le moins expert ; il faut qu’à la première
infpeôion du papier 6c de l’impreffion , la contrefaçon
faififle les yeux les moins exercés. O r,
comment m’appercevrni-je que fur deux mille traits
il en manque un } Que votre ajfignat foit donc
très-fimple ; mais exécutez-le dans le dernier degré
de petfeéfion , afin que fa beauté foit en quelque
forte de niveau avec les connoiffances de tout le
monde, puifque c’eft à tout monde que Yajjîgnat
.eft deftine ; 6c cependant que la eorreftion des
planches rebute l’ouvrier peu intelligent : ce n’eft
jamais l’homme d’un grand talent qui efiaie d’être
un fripon heureux. Voilà pour la fabrication des
ajjlgnats ; voici pour l’économie qui doit y pré-
lîder.
C ’eft une chofe bien étrange , mais bien remarquable,
qu’à mefure que vous expulfez un vice
de l’ancien régime , on le voie fe repréfenter par
quelqu’iflue nouvelle. Nous n’avons cefie de nous
plaindre du gafpillage des finances , 6c on les
gafpille encore ; j’en pourrois donner mille preuves
, mais je ne parlerai que de vos derniers ajji-
gnats. Je commencerai, fur cet objet, par le détail
le moins important, 6c cependant vous ferez
fort étonnés, fans doute , qu’un ouvrier qui n’a
peut-être jamais gagné un louis par jour , gagne
aujourd’hui 2.85 livres , oui, 285 livres par jour ,
& qu’il foit au moment de gagner 570' livres dans
fa journée, 8c dans une année à-peu-près un mil-
ji-pn. Le calcul le plus fimple- va vous en donner
1 1* pféuvé. On donne à M. HaZ , imprimeur èd
taille-douce, 6 livres par cent de feuilles d'ajjî-
gnats. M. Haz fait exécuter l’ouvrage par des ouvriers
auxquels ils donne 3 livres du cent. M.
Haz emploie 30 ouvriers ; chaque ouvrier rend
de 200 à 300 ajjignats par jour. Conféquemment
les 30 ouvriers font au moins 8250 ajjlgnats dans
un jour ,_ (ils doivent même en fournir 10,000 ,
puifqu’on en met 10,000 par jour dans le commerce
) : les 82.50 ajjlgnats, k 3 liv. de profit pour
M. Haz ,lui valent 285 liv. 3 ainfi M. Haz gagne
par jour 285 livres.
Si M. Haz eft chargé de l’impreffion des nouveaux
ajjlgnats, il fera forcé de doubler Tes ouvriers
, ce qui doublera fon profit ; ainfi il gagnera
570 liv. par jour. Or , voici la fortune^que fera
M. Haz : fur les 1200 millions d'ajjlgnats, combinés
de manière qu’il y en ait 600 millions en billets
de io , 20, 50 8c 100 livres, divifés également
, 6c 600 millions de 200,300 6c 1000 liv .,
divifés auffi également, ils exigeront 18 millions
866 mille 667 billets, qui, à raifon de 6 liv. le
cent, coûteront 1 million 132 mille livres, 8c
procureront a M. H a z , tous ouvriers payés, une
fomme de 566 mille liv. Le gain de M. Haz n’eft
pas le plus confidérable, puifqu’on ne pourroit éco-
nomifer, fur• cette partie, que 566,000 liv. Les
frais vraiment énormes font ceux de gravure, qui
fe portent , pour chaque ajjignat, a 6 fols au
moins. On donne a M. Saint-Aubin 50 louis pour ■
une planche d'ajjignat. Elle en contient deux. On
ne peut tirer au plus que deux mille exemplaires
de chaque planche , donc quatre mille ajjlgnats.
Or , quatre mille ajjignatt à 6 fols font bien les
1200 liv. qu’on donne à M. Saint-Aubin. Et c’eft
ici le cas de demander encore une fois*, à quoi
fert le luxe de ces billets ? J ’en attefte tous les
artiftes ; rien n’eft fi facile à imiter que vos ajjî-
gnats exiftant. Ces ajjlgnats font d’autant plus faciles
à contrefaire , 6c U fera d’autant plus difficile
de prouver la contrefaçon, que ne,pouvant
tirer d’une planche que 2000 ajfignats femblables ,
il y aura autant à'ajjlgnats diflemblables que de renouvellement
de planches ; car il eft impoffible
que deux planches gravées foient rigoureufement,
parfaitement femblables. Ce luxe àz nos ajjlgnats
ne profite donc qu’à M. Saint- Aubin, dont il fait
la fomme, mais auffi dont il engourdit 6c enfouit
les talens ; ce qui eft très-préjudiciable aux arts.
M. de Montefquiou. Je fuis forcé d’obferver que
cela n’eft pas vrai ; il ne coûtera pas cent mille
francs pour la fabrication des douze cens mil 1 eajjîgnats.
M. de Mirabeau Vaîné. J’ai puifé ces détails dans
les atteliers des MM. Haz 6c Saint-Aubin. Je fuis
autorifé à vous propofer un autre mode d'ajjlgnats,
dont voici les avantages :
i°. O11 affiire que vos ajjlgnats vous coûtent
10 fols pièce. Ceux, que j’indique ne Coûteront
que 3 fc ls , c’eft-à-dire , moitié moins des feuls
frais de gravure ; ainfi il y aura au moins 7 fols
d’économie. Sur la valeur de 18 millions , il vous
en coûtera 6,603,334!^. de moins ; car 18,866,667
billets à dix.fols, coûteroient 9,433,333 livres,
tandis qu’à 3 fols , ils ne coûteroient que 2,829,999
livres ; donc il y auroit un bénéfice clair de
6,603,334 livres , qui ferviront plus utilement à
la liquidation de la dette de l’é ta t q u ’à l’embel-
liftement des ajjlgnats.
20. Vos. ajjlgnats feront fur un papier dont il
fera plus facile de reçonnoître la falfification , 6c
l’impreffion n’en fera pas moins foignée ; mais il
y entrera moins de cet art qui ne peut féduire
que les efprits fuperficiels, 6c elle aura ce degré
de perfection qu’il fera facile à tout le monde de
faifir , 6c qui eft le plus difficile à imiter.
30. Tous les deffins ,6c caractères feront rigoureufement
de la plus parfaite égalité 8c relfem-
blance , enfilez - vous cent milliards de billets ;
perfection à laquelle ne peuvent atteindre vos
ajfignats a&uels, qui varient de. précifion , non-
feulement à chaque planche , mais deux fois fur
la même planche.
4°. La nouvelle méthode d’impreffion clés ajfi-t
gnats rendra l’émiffion à volonté , vingt, trente,
6c cent fois plus aétive , c’eft-à-dire , qu’au' lieu
de 8 à 9000 ajfignats. que l’on fabrique en un jour,
on en fabriquera 200 mille s’il le faut ; 8c comme
les_ petits ajfignats deviennent très. - importans en
ce moment, afin d’écrafer la vente d’argent, on
peut fabriquer en un mois ce qu’il faut pour
Paris , 8c en fix femaines ce. qu’il en faut pour
la France.
Votre fabrication <Y~ajjlgnats-monnoie ,. puifqu’ils _
font monnoie , devroit fans doute être claftee fous
la direâion, du régime des. monnoies mais j’en
conçois la difficulté. Le plus encombré des régimes
n’eft: pas encore déblayé ; c’eft une tâche dont
j'effacerai de partager le fardeau.. J’efpère avant
peu mettre à la portée des. bons efprits, 6c fouf-
traire au charlatanifme des gens- du métier, cette
fcience qu’on a tant cherché à. obfcurcir. J’efpère
montrer combien elle eft intéreftante., peu connue,
©u même abfblument ignorée , 6c de ceux qui
régifîent cette adminiftration , 6c de ce tribunal
que vous, avez fupprimé avec beaucoup de fagefle :
mais en attendant,. je préfenterai quelques obfer-
vations fur les meftires provifoires à faire marcher
de front avec l’émiffion des. ajjlgnats..
Nous ne devons. pas oublier que le bien que
nous en attendons exige une émiffion d’une autre
nature, celle de la petite monnoie ,:dont la di-
fette fe fait- fentir plus que jamais. Nous avons
befoin de, pièces de 24 , 12 8c 6 fols; mais d’un
côté , continuerons-nous à. les fabriquer d’un argent
auffi pur ; 6c de l’autre , nfe feroit-il pas plus
avantageux de les avoir de 2 0 , 10 8c 5 fols ?
Quant au titre , fans doute il faut qu’une pièce
ait la. quantité d’argent que. la. valeur, indiqua ’x
mais à cette quantité .d'argent , on peut joindre-
quelque alliage ; & voici le double avantage qui
en réfuitera. i°. Le cuivre ajouté à l’argent rendra
le métal plus dur , & confequemment plus difficile
• à être effacé par la circulation très-vive de la-
petite monnaie, i ”. S’il entre dans la petite monnoie
autant de cuivre que d’argent , la matière-
qui_ fe perdra par le frai des efpèces., fera d’une
moindre valeur que fi elle étoit à un titre plu»
fin. C ’eft une des caillés de la' difperditicn dit
métal , à laquelle on ne fait pas affez d’attention.
Nous fournies obligés de faire venir l’argent de-
l’étranger ; il eft de notre intérêt de veiller à ce-
qu’une perte indiferètê 11e nous force pas à en
faire un achat plus confidérable& ne diminue
pas la matière qui relie pour les atteliers d’induf-
trie. Je dis. enfuite qu’il eft plus commode pour
le commerce, (& tout le monde en convient) r
que notre-monnoie préfente le nombre denaire j
ainfi des pièces d’or de 50, de 20, de 10 livres,
de la petite monnoie de 20 , 10 , 5. & 2 fols.font
les monnoies qu’il faut adopter.
O r, comme il eft important que fa petite monnoie
concoure avec les ajfignats, je conclus, i \ ài
ce que l’on fabrique fans délai une quantité con'fi-,
dérable de monnoie de cuivre, & que l’on fun-
prime enfuite toute l'a monnoie de billon , que'
I on remplacera , lans perte pour le public, par
la nouvelle monnoie. de-cuivre , avec la précaution
de déclarer , pour réprimer les faux mon-,
noyeurs ,. foit étrangers ,. foit régnicoles y qu’at—.
tendu l’ancienneté de la dernière fabrication dm
billon , toute pièce nouvelle,. par. cela feul. évidemment
faillie , fera fouftraite & non échangée,
- 2°. A ce qu on fabrique de la petite monnoie:
de vingt, d ix , cinq & deux fèls, au titre de. fi«
deniers,- avec un remède de deux grains au plus f
que pour cette fabrication- on emploie toutes lest
pièces d’argent: dont l’empreinte eft .effacée ; 8 e
îorfque la totalité de cette fabrication fera, finie T
que l’ancienne petite monnoie remplacée , fans;
perte pour le public, foit decriee par une proclamation,
' 3 °. Que huit bureaux foièné ouverts a Paris
pour l’échange des ajfignats ; on n’y échangera eni
efpèces que les billets de la dernière fomme décrétée'pour
les plus petits ajfignats : que les changeurs
donnent caution pour les femmes qui- leutr
feront confiées. Avec cet arrangement fi fimple,
vous verrez que dans moins de trois, mois-, ces
bureaux deviendront inutiles , car l’argent reprendra
fà circulation. I l réfultera. „ je l'efpère , de
mon plan, Se j’en fais mon compliment de condoléance
à ceux qui pourfuïvent avec tant d'acharnement
les ajfignats ; if en réfultera , dis-ie „
que l'échange en fera très-facile ,. 8c jlannonce une
bonne- nouvelle à tous les bons citoyens;.
M. de Mimttfquioit, L e comité, eft perfiiatle que