
AI. La-vigne. La première difpofition de l'article
eft trop fevère. S'il fuffifoit d’accufer un citoyen
pour qu'il fût exclus de l'exercice de fes droits ,
on donneroit une grande facilité pour écarter ceux
dont on craindroit l'influence} on ne doit regarder
un citoyen comme étant en état d’accufation, que
lorfqu'ily a contre lui un décret de prife de-corps
ou d'ajournement perfonnel. Quant au failli, ôn ne
le réhabilite pas, lorfqu’il a pactifé avec les créan-
' ciers ', mais quand il les a entièrement payés. J’ap-
puye l’amendement de M. Garat.
M. Je demande qu’on rétablilTe dans
l ’article la difpofîtion qui sJy trouvoit, & par
laquelle les fils qui retenoient quelque partie de là
fucceffion de leur père , mort infolvable , étoient
exclus dés droits de citoyens.
M . Desmeuniers. Le décret que l'affemblée a
rendu sur la proportion de M. Mirabeau , eftjufte
fi vous y apportez le remède convenable. Un citoyen
peut devenir infolvable' par un malheur que
la meilleure conduite n'aUroit pas pu lui faire
éviter. Il feroit injufte d’empêcher que le créancier
de qui cette conduite fans reproché eft connue',
donnât une quittance à fon débiteur , & qu’aux
yeux de la lo i, ce débiteur malheureux ne fut pas
cejïfé s’être acquitté. Aurefte, je ne dois pas dilfi-
muler que pîufieurs membres du comité ont penfé
que cet article ne devoit pas être-'placé dans la
conftitution, mais qu’il devoit être renvoyé à la
légiflature. A l ’égara de la disposition relative aux
enfans d’un f a illi, &■ par laquelle on veut qu’ils
ayent payé les dettes de leur père , s’ils eri héritent
à titre univerfel, le comité ne penfe pas qu’il foit
convenable d’ajouter encore à la féverité de l’article.
M . Fermont. L a loi ne doit pas être plus rigëii-
reufe, que le créancier , ƒ en conviens , auffi je
penfe que fi un créancier reconnoit que fon débiteur
eft de bonne-foi & qu’il lui remette festitres de
créance, le débiteur eft complettement acquitté ;
mais, il n’en eft pas de même quand les trois quarts
des créanciers en fomme ont forcé l ’autre quart,
qui eft peut-être compofé des feuls créanciers
honnêtes, à faire un accommodement. Un accommodement
de cette nature ne pou voit pas faire
titre pour la. réhabilitation , tandis que la quittance
donnée par le créancier, par égard pour la
bonne-fai & pour le malheur du débiteur, pouva
it légitimement entrer dans le tableau des quittances
de toutes les créances portées par le bilan,
lequel tableau etoit nécefîàire pour que la réhabilitation
fût prononcée. Je penfe donc que i’amen-
« r n r n t , par lequel M. Garat demande que l’aéte
public de réhabilitation fôit rapporté , doit être
adopté. Je demande la quefüon préalable fur tous
Jes autres ameridemens.
Mt Pé,ci*n, XI réfui te de la difeuffion que Tarticle
dont il s’agit eft fufçeptible de beaucoup d’ob-
fervations 8c de c'hangemens ; mais c’eft un décret.
Ne feroit-il pas fage de le placer hors de la conftitution
& de le renvoyer à la légiflation, pour
que par la fuite, il puifle être modifié ?
AI. Dcfmeuniers. Les membres, du comité qui fe
trouvent en ce moment près de là tribune, pen-
fent qu’on peut fe borner à mettre aux. voix le
commencement de l ’article , en renvoyant à la
légiflation tout ce qui regarde lés gens qui auront
été conftitues en état de faillite ou d’infolvabh
lité.
M . Barrere. Ileft impbffible de laifler à la difpo»
fition des légiflatures une chofe qui tient à l’état
politique des citoyens. L ’article peut être modifié
mais tel qu’il fera adopté, il doit entrer en entier
dans laconftitutioji.
Pîufieurs perfonnes demandent l’ajournement
de la difeuffion au lendemain. Cet ajournement eft
décrété.
Séance du n Août.
M . Thouret. On a tranfporté parmi nous une
difpofition établie dans un petit état, compofé
d’une feule ville , qui eft prefque entièrement
commerçante. Cette difpofition, que vous avez
déciétee, 8c que nous avons placée à l’article
[ V de la feétion i l de l ’acte confticutiotinel, & qui
concerne les faillis 8c les infolvables, pouvoit convenir
âu peu d’étendue & à l’état eflentiellement
commerçant de la ville de Geneve ; mais il vous
eft impoffibleà vous, légiflateurs d ’un grand empire
plus agricole que commerçant} de faire une
difpofition exclufive aux commerçans. -U a fallu
l ’étendre de la faillite à l’infblvabilité, 8c la faire
porter fur toutes les claftes-} alors cette loi.généra-
ifée prête à une foule d’applications arbitraires}
elle place, pour ainfi dire , fur. la même ligne le
crime & îe malheur. La faillite fimple ou-l’infol-
vabiütf' peut ne pas porter atteinte à l’honnêteté
morale de l’homme que ce malheur a frappé} car,
par exemple , les magafins d’un fermier^ou d’un
négociantpeuventêtre incendiés : cet événement,
en ruinant fans retour le citoyen qui Réprouve*
le privera-t-il à-’jamais de. fes droits politiques ?
Il eft impoftible , dans une conftitution comme
la notre de laifler fubfifter une difpofition qui- pro-
nonceroit contréun citoyen une interdiction eter*
nelle. Le parti le plus fage à prendre eft de laiffer
cette difpofition dans la claffe des articles réglée
mentâirês. Je réponds maintenant à i’objeétion
qu’on a faite, que ce feroit confier les droits politiques
des citoyens aux légiflatures. Mais c’eft
ici une fufpenfion, uneexclufion momentanée que
vous avez prononcée, 8e :dont vous déléguez, en
quelque forte aux légiflatures l’examen , avec faculté
de^ lever la fufpenfion. En prononçant fur
cette loi quelque modification que ce foi«, les
léziflatures ne peuvent pas priver les citoyens de
leurs droits} mais elles peuvent faire des amélior
io n s aux droits des citoyens. L’avis du cornue
I f t donc que cet article doit être confidéré comme
'fé alémencaire. Mais fi vous vous déterminez à le
lailler dans la conftit.irion ,/nous psnfons qu’alors
il n’eft fufçeptible d’aucun amendement 6c qu’ il
joie être adopté tel qu’ il eft.
■ Quilleaumme. Vous avez décrété le 22 du mois
.|e décembre 1789, qu’aucun banqueroutier, failli
Ï)U débiteur infolvable, ne jouiroit de fes droits
Joli tiques; qu’ il en feroit'de même-des enfans qui
furoient ' reçu & qui retiendroient une portion
Mes biens de leur p ère, mort infolvable , & que
f c exclufions ne cefferoient d’avoir lieu qu’en
lavant, de Part des * leurs créanciers,
§u en acquittant, de la part des enfans, leur par-
lion virile des dettes " de leur père. Maintenant
In lit dans l’article ç de la fe&ion 2 du-premier
Jhapitre du titré 3 au projet de conftitution qui
Irouseft fournis : que ceux-là font exclus de l’exercice
des droits de citoyen a& il, qui après avoir
Bté conftitüés en état de faillite ou d’infolvabilité,
brouvé par pièces authentiques, ne rapporteroient
ta s un acquit général de leurs créanciers. », Ce
»changement, apporté par vos comités dans la ré-
Paftion du décret du 22 décembre 1785), vous a
paru hier d’ une telle importance qu’après une longue
difeuffion vous avez cru-devoir ajournera ce
ânatinvotre .délibération. On critique, en effet,
en fens contraire la mefure de vos comités ; lés uns
feulent qu’on rapporte le décret fur les faillis, les
autres demandent au contraire qu’ en la maintenant
'•ton conferve également la difpofition relative aux
aetentionnaires des biens de leur père infolvablë :
Jceux-ci défirent que ces deux loix foient comprifes
dans l'aile conjiitutionnel ; ceux là , & M .le rapporteur
vient de fe'ranger de leur bord, ceux là dis je
prétendent réléguer ces décrets dans la légiflation .
B Quelques réflexions fuffiront pour répondre aux
obje&ions de M. Thouret, & des préopinans
dont il a adopté l’avis. Après l’agriculture , le
B:ommerce eft fans-contredit la fource la plus fécon-
p e de la population, de la puiflance 8c de la propriété
de ce beau,royaume. O r , qu’aurions nous
Irait pour le commerce , & çonfequemment pour
Hfétai:, fi loin de réprimer la mauvaife loi des ban-
^ueroutes, nous permettions l’exercice des droits
politiques à ceux qui n’ auroient pas rempli leurs
çngagémerïs. La confiance éft la bafe du négoce
1 Al. Fermond. Il ne, s’agit pas de favoir fi une loi
Biir les faillis eft utile , mais fi cette loi eft conftitu-
tionnelle. -Si l’on décide négativement, la difeuffion
de Gmilleaumfnè ;fera:néceftairêmeftt renvoyée
a blégiflaturèv Èrï-.èlfét.. . . . ;
B M. .Gujlieaumme. iMaisx M. le' pïéfident eft-ce
a moi que la parole , appartient ? i
f M.fcjimiis. Il faut, renvoyer l’article entier, 8c
dire : « ne jouiront pas des droits de citoyen aétif*
ceux contre lefquels il y aura une exclufion pro»
noncée parla loi.
AI. Dandré. Je ne conçois pas comment on dé*
montrërala poffibilitë de renvoyer aux légiflatures,
la faculté de décider des droits politiques des citoyens.
L ’article dont il s’a g it, ne peut être que
conftitutionnel ; il contient des exclufions, dont
la première relative à ceux qui font en état d’accu-
iation , eft déjà décrétée. Des difficultés s’étoierft
déjà élevées à cet égard ; mais on a reconnu que
1 accufation dans le nouveau régime exiftoit dans
l’inftantoù elleétoit prononcée par le juré ; &dans
l’ancien régime , par le , décret d’ajournement.
Votre 4ifpofition conftitutionnelleà cet égard, eft:
pôrtée, il eft impoflible d’en revenir. Je dis donc
en principe, qu’on ne peut renvoyer aux légiflatures
, l’exclufion aux droits du citoyen , fans y
rènvoyer en même-temps, l’admiffion & la constitution
entière, 8c pour dire un mot fur le fond
de l’article .......
M . Guilleaumme. Mais , M. le préfident, je
croyois avoir la parole.
AI. Dandré. Je nepuis comprendre comment on
veut qu’un hommë infolvable ^ ou qu’un Homme
qui., revenu à meilleure fortune,.ne paye pas fes
dettes , foient admis à exercer les droits politiques
ou civils>
A l. Guilleaumme. La confiance eftlabafe du négoce
; vous poferez cette bafe avec une inébranlable
folidité, lorfque vous aflurerez le capitalifte*
forcé de confier fés fonds aux commerçans, à
l ’étranger qui trafique avec lui ; que fi ce dépofi-
taîre de fa fortune la lui. fait perare par fa mau*
va ifefoi, ou même par fon indiferétion, il perdra
lui même le plus beau titre dont un homme puifTe
s’honorer , le titre de citoyen françois. M. le
rapporteur 'a objeété que cette loi auroit befoin
d’être modifiée , en ce qu’elle confondoit le
malheur avec le crime, & deshonoroit également
le fimple failli & le banqueroutier. D ’abord
ce n’eft pas une tache que vous avez voulu imprimer
aux citoyens dont vous avez cru devoir
fufpendre les droits politiques. On ne peut pas
prétendre, par exemple , que vous ayéz voulu
flétfir des accufés qui feront fortis des tribunaux
avec tous les - honneurs d’une juftificatiofi
complette.
En-feçond lieu , la privation que vous impofez
aux faillis , ne doit avoir lieu , qu’autant qu’ils ne
rapporteront pas une quittance intégrale : or lorfi
iqu’un débiteur honnête, mais malheureux, exposera
à fes créanciers des pertes réelles , qui n’auront
ét^occalionnées par aucune faute de fa pa rt,
quand l ’humanité, la religion parleront en fa faveur
, nous , ne devons pas aflfez mal préfumer du
peuple que nous , avons l ’honneur de représenter ,
pour croire que dans ce Cas , il exiftera un feui