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©bjeôion me paroît fans répliqué, & je n’èffaîerai
pas de la réfuter : mais quel eft le fyftême fans inconvénient
? C elui-là eft grand, fans doute ; c’eft à
votre fagefle à l’apprécier & à le comparer avec les
avantages que d’ailleurs le projet de la réunion vous
préfente. Pour me réfumer, je regarde la réunion
des mineurs au corps du génie, comme une difpofi-
tion ftmple ,' économique, utile fous tous les rapports
, oc je demande que l’aflemblèe délibère fur
la propofition du roi : fi elle la rejette, je penfe que
la réunion générale peut être adoptée comme bonne
& praticable , au moyen des précautions que j’ai in -
. diquées; mais fur-tout il faut éviter de brufquer cette
operation, il faut favoir en attendre les fruits avec
patience, & renoncer à obtenir rapidement, par un
. coup d’autorité, des avantages qui ne peuvent être
le refultat que du temps, de la confiance & de la
convi&ion des parties intéreffées.
A u refte, je connois tout le poids, toute la valeur
. d’un avis élaboré , mûri au creufet d’une longue
expériénce ; & comme je n’ai pas ces avantages, je
. fouhaite que l’opinion que je foumets à l’affemblée
avec la franchife que je lu i dois, en foit reçue avec
la défiance que je me dois à moi-même. Je la conjure
de donner Pattention la plus lerieufe à une queftion
devenue d’autant plus capitale dans la formation de
l ’armée , que les principes de modération qu’elle a
prcfeftes au nom de la France, que la politique purement
défenfive dans laquelle elle va fe renfermer
à l’égard de toutes les puiffances de l’Europe, l’obligent
à porter une furveillance plus exa&e & plus
lcrupuieufe fur les barrières de l’empire. Mais l’affemblée
nationale, en s’impofant la ld i d’être jufte,
ne s’eft pas difpenfée du devoir d’être prudente ; &
lorfqu’elle défend à l’ambition de fon gouvernement
toute agreflion coupable envers fes voifins ; lorfque,
ridelle aux principes de la morale la plus févère,
elle fe reftreint à la défenfe légitime du territoire
françois, elle n’oubliera pas que la feiènee des fortifications
doit être un des appuis principaux de cette
honorable politique; elle donnera toute la maturité
defirable à une délibération de laquelle va dépendre
la perfection ou la ruine entière de l’art confervàteur.
E lle ne compromettra pas le fruit des travaux & du
génie de Vauban, de cet homme juftement célèbre,
q u i, toujours occupé du bonheur de fon pays, éleva
ou confolida cette chaîne de boulevards qui err affûtent
les limites ; qui oppola au fléau de la guerre une
.digue que fes fureurs n’ont p u , même dans nos
plus grands défaftres , renverfer tout-à-fait; q u i,
repouflant de nos foyers les dévaftations des armées,
marqua fur nos barrières les points où dévoient
s’arrêter leurs ravages ; q u i, portant au milieu du tumulte
des armes cette philofophie douce & compa-
tiffante qui s’attendrit fur les maux de Pefpêce humaine
, pendant 60 ans de la vie militaire la plus
aétive , ne perdit pas de vue un feul inftant la con-
fervation des hommes ; qui en fit fon étude unique ;
qui toujours facrifia la gloire des fùccès brillans &
meurtriers à l’honneur fi peu recherché d’épargner le
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fang ; qui, dans une carrière marquée par tant d’îd.
tâtions, fut trouver des délaffemens dans l’étude &
l’exercice des travaux paifibles de la paix ; qui né
avec le fentiment du bon & de l’honnête, fut ton.
jours l’appui du mérite , le p r o t e c te u r de tous les ta-
lens utiles; & qui enfin reçut de la nature l’inftinCtde
tous les arts & la p a ffio n de toutes les v e rtu s. Peut,
être ce foible hommage ne fera point r e g a rd é comme
étranger à la queftion qui nous occupe ; l'aflemblée
nationale pardonnera cette courte digreffiori • du
moins j’ofe penfer qu’à l’inftant où le temple de l’éloquence
vient de retentir de l’éloge d’un héros citoyen
, quelque indulgence eft due au fentiment
pieux d’un difciple ignoré, qui, cédant à l’admiration
q u ’in fp ir e l’affemblage de tant de qualités fi
précieufes & fi rares , vient aufti dépofer un humble
rameau à côté des palmes que l’eftime & la recon-
noifiance publique ont accumulées fur le marbre de
fa tombe. ( L’aflemblée applaudit.)
M. de Cracy. La conftitution de deux corps célèbres
, autant admirée de nos amis que de nos ennemis
, ne peut être aflez détériorée pour que Paftem-
blée ne coure pas un très-grand rifque à la détruire
pour l’améliorer.
M. Alexandre de Lameth. La queftion vient d’être
traitée avec trop de détail & de fupériorité pat
deux officiers du génie & de l'artilleriepour que
je parle fur le fonds. Tous deux voient de grands
avantages dans la réunion de Y artillerie & du génie;
mais ils diffèrent d’opinion au fujet de la réunion
des mineurs au corps d'artillerie. Yous avez aujourd’hui
la même marche à fuivre que lorfque l’incor
poration des régimens vous avoit été propofée;
il faut laiffer les chofes telles qu’elles font, & per-
Tonne n’aura à .fe plaindre. Tous les officiers d<
Y artillerie verroient avec peine que des mineurs leui
fiiflent ôtés pour les donner au génie ; les déni
corps font arrivés à un tel point de fupériorité
qu’aucun changement ne peut être indifpenfable
11 faut donc ne rien changer jufqu’à ce qu’on puifli
opérer la réunion de ces deux corps, & cettf
réunion eft la meilleure opération qu’on puilî
faire. Je penfe dose que l’avis du comité dpi
être adopté.
Ai. Bureaux. On dit que perfonne n’aura a 1«
plaindre en laiffant les chôfes comme elles font
mais on ne fe plaint que parce que les chofes fon
comme cela.
Ai. Thiboutot. Les ennemis détruifent leurs places
nous détruifons les nôtres ; le génie ne doit dont
pas être préféré à Y artillerie, à cette arme que les
nations regardent maintenant comme faifanr ladel
tinée des empires»
Ai. Sérent. M. Bureaux n’a rien laiffé à dire; je
ferai feulement une observation. L’objet du g®“
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éH patlâfjufi 8t la défenfe des places. Les mîtléurs
ne font pas autre chofe qu’un infiniment dans les
mains des ingénieurs ; il feroit auffi extraordinaire
de les féparer les uns des autres, que de féparer
l’inftrument des mains de l’ouvrier.
M. de Crillon. Les raifons qui ont été données
de part & d’autre , ont paru très-fortes & peut-
être également prépondérantes; ainfi il me paroît
démontré que l’aflemblée n’eft pas compétente pour
':u„er cette queftion. Je conclus à ce qu’on adopte
la propofition faite au nom du ro i, & à ce qu’on
s’occupe des détails plus importans de l’avancement
de la difeipline militaire.
M. Fréteau. La paix de la France peut être trouv
e : je demande ft , dans le moment où nous
pouvons avoir befoin de nos forces, dans le moment
où il faut trouver tous les efprits contens & bien
difpofés, nous pouvons nous porter à des réformes
confidérables.
; Il s’élève une légère difeuffion fur la priorité.
M. Mathieu de Montmorency. L ’affemblée a reconnu
que dans la matière qui l’occupe, l’initiative du roi
ctoit néceffaire. Gette initiative a été remplie : une
propofition vous eft faite au nom du ro i; c’eft:
fur cette propofition qu’il faut délibérer.
\ M. Barnave. Quels que foient les principes qui
ont été fouvent avancés dans cette affemblée, on
p’étoit pas allé jufqu’à confondre l’initiative donnée
au roi avec l’obligation pour l’affemblée de délibérer
conformément à la propofition du ro i.. . .
(On obferve que M. Mathieu de Montmorency n’a
pas dit conformément, mais fur la propofition du
joi. ) Que fait l’aflemblée ? E lle demande l’avis du
Comité, qu'il foit conforme ou non au voeu du roi.
En délibérant fur cet avis elle délibère fur fin i--
fiative du roi ; voilà ce que vous pouvez frire i
yoilà ce que vous avez déjà frit : le roi vous avoit
ropofé l’incorporation, vous, avez délibéré que
incorporation n’auroit pas lieu': à préfent, comme
ilors, vous devez vous arrêter à ce qui vous paroît
le plus convenable. Je demande donc que l’avis du
comité, qui n’eft que la réda&ion de la propofition
faite par le ro i, foit mife aux vo ix. Suivant les
fegles de l’affemblée , l’avis du comité a la priorité,
lufqu’à ce qae, par une délibération. elle lu i ait été
refufée.
; Ai. Mathieu de Montmorency. M. Barnave a réfuté
Me opinion différente de la mienne. Je n’ai pas dit
lue l’affemblée devoit délibérer conformément à
a propofition du roi. J ’ai penfé, & je penfe encore
l'ie la propofition du roi doit être mife aux vo ix,
>our l’adopter ou la rejetter.
M. Millet. Je ne m’oppofe plus à ce qu’on accorde
* priorité au projet du comité ; mais je demande
[p on délibère article par article : quand le pre-.
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tnier aura été adopté, je propoferai, pour amendement
au fécond, de fupprimer tout le corps du
génie, qui devient abfolument inutile.
La difeuffion eft fermée fur la priorité. — La priorité
eft accordée au comité.
La divifion pour délibérer article par article
eft rejettée.
M. Regnaud, député de Saint-J tan cCAngely. Je
penfe qu’il faut ajouter au projet du comité, ces
mots : délibérant fur la propofition du roi.
L ’avis du comité eft adopté arec cet amende*
ment.
Le décret eft rendu en ces termes :
L ’aflemblée nationale délibérant fur la propo-f
fition du ro i, ayant entendu le rapport de fon
comité militaire lu r l’organifation de Y artillerie &
du génie , décrète ;
i° . Que les deux corps de Y artillerie 8c du génie
continueront, comme par lç pafle, à faire partie
de celui de Y artillerie.
2°. Que le corps des mineurs, ainfi que des fap-*
peurs, continueront de même , comme par le p âlie,
à frire partie de cçlui de l'artillerie.
3°. Q u’il lu i fera fait inceffamment le rapport
des plans du miniftre fur la formation intérieure de
chacun de ces deux corps, afin qu’elle puiffe p rononcer
fur le nombre & le traitement des individus
de chaque grade, dont chacun d’eux devra être
compose. (V o y e z la troifidmepartie de l’ouvrage,
pour la connoiffance des décrets fur Y artillerie & le
génie. )
Séance ■ du mercredi i j août 1791.
M. Prugnon. Le décret du 15 décembre 1790,'
qui organife Yartillerie, porte qu’il y aura quarante-
deux elèves à la fuite de ce corps, & qu’ils feront
raffemblés dans une école deftinée pour cet obier.
Pour fe conformer à cette difpofition & pour
remplir le but de l’aflemblée^ le miniftre s’eft fait
rendre compte des diverfes'demandes qui lu i font
arrivées, & fingutiérement de celle de T o u l &
C hâlons, qui fe difputoient cet établiflement.' Il a
envoyé fur les lieux un officier fupérieur du corps
de 1 artillerie, muni de toutes les inftru&ions nécef-
faires. Après l’examen le plus exaâ , cet officier
a rapporté des plans & des détails.^qui ont été
difeutés dans un comité d’officiers généraux de Y artillerie
, du génie & des autres armes : on y eft con-.
venu à la prefque unanimité, qu’à la v ille de Châlons
devoit appartenir la préférence. E lle réunit tous
les avantages que demande urte telle école; elle
eft à peu près au centre des départemens réputa»
Ÿ y y a