Séance du 5 août 1789.
M. Bouche. Nous perdons beaucoup de temps
à parler , & je crois qu’un des premiers devoirs
des repréfentans du peuple, eft de s’occuper beaucoup
plus des intérêts de ceux qui les ont envoyés
, que de donner des preuves d’éloquence &
de facilité à manier la parole. Je voudrois que le
temps que chaque membre pourra parler , fût
déterminé d’une manière précife : je propofe donc
que M. le préfident ait près de lui un fablier de
cinq minutes ; que le temps de la parole foit cir-
confcrit dans cette durée , & que Si-tôt que le
fablier fera écoulé, la parole foit accordée à un
autre.
M.Mounier. De longs difeours pourroient quelquefois
être dangereux, s’ils étoient inutiles ; mais
une trop grande précipitation feroit aüffi nuifible ;
une difeuflion de cinq minutes équivaudroit à
une difeuflion nulle , & l’on ne pourroit, dans
un temps aufli court, développer aucune proportion.
Sur quelques articles de la Conftitution feulement,
cinq minutes Suffiront peut-être pour ex-
pofer chaque opinion ; mais au furplus , nulle
aflemblée ne s’eft fait une Semblable loi, lorsqu'elle
avoit à décider du fort d’un royaume.
M. Target adopte la propofition du fablier ; mais
il peofe, i°. qu’il doit .être de dix minutes y %°.
que dix perfonnes ayant parlée la -matière dif-
cutée foit mife en délibération.
M. le comte de Grillon. Cette règle eft bonne
pour ceux qui écrivent, parce qu’ils peuvent fe
reflerrer dans telles bornes qui feroient preferites,
mais non pour les perfonnes qui parlent d’abondance.
M . le duc de la Rockefoucault. Pour établir la
liberté de la France, on ne doit pas gêner celle
des Suffrages.
M. le comte de Clermont - Tonnerre. Nous Sommes
membres d’une aflemblée légiflative ; la célérité
& la gêne des Suffrages .répugnent à cette qualité.
Ce n’eft Souvent qu’au bout de cinq minutes qu’on
exprime avec force les idées qui s’étoient présentées
dans le premier moment. Que diroient les An-
glois, qui parlent deux & trois heures , s’ils nous
voyaient faire, notre légiflation avec une précipitation
fi. inconûdérée?
M. de Foucault. Voici un' autre moyen. D if-
cuter paiflblement dans les bureaux, communiquer
refpeâivement les opinions differentes & les
idées qui ne pourroient pas être rendues en cinq
minutes. Alors une délibération prompte ne feroit
plus dangereufe, & l’on pourroit.la faire au .Sablier.
M. Pétion de Villeneuve. J’ajoute à la motion ce
fécond amendement. Rédiger & Suivre , pour donner
la parole, un.e liifte alternative des perfonnes
qui doivent parler pour ou contre une motion.
M. Duport. La motion & le premier amendement
Sont contraires à nos mandats & aux principes
delà logique. Aucun de nous ne doit dérober
Ses idées à la cho.fe publique., quand elles pour-
roient lui être utiles, & .nul ne fe chargeroit de
difeuter en cinq minutes une propofition importante
compliquée.
M. Rabaud de S. Etienne. L’aflemblée doit être
libre! c’eft un principe Sacré. Chacun a droit de
parler autant que Sa confcience l ’exige. Mais on
doit efpérer que les divers opinans uferont avec
diferétion de la liberté que je réclame pour eux.
Je'ne me diflimule pas,, en m’oppofant à la motion
, qu’on m’aeeufera peut - être de vouloir retarder
la conflitution ; mais ce n’eft pas le moment
d’être retenu par de telles craintes, quand
il s’agit du bonheur ou du malheur de vingt-cinq
millions d’hommes.
M. P.ifon ,du -Galand. Je propofe un Sous-amendement
à l’amendement dé M. Target. Dix personnes
feules pourront difeuter; mais tout membre
Sera admis ’ .à faire une motion incidentepour
décider Si la queftion eft Suffisamment .éclaircie.
M. Lanjuinais. J’adopte l’amendement .de M.
Pétion, & je propofe d’y ajouter, que lorfque
les opinans pour oui ou pour non .auront fini de
parler, le préfident propofera .de délibérer fi la
queftion eft aflez difeutée.
M. Garat l’amé admet 'l’amendement de M. Pétion.,
& rejette la motion comme indire.âement
injurieufe à la manière dont on a délibéré jufqu’à
pré'Sent, & comme tendant .à établir une arifto-
cratie de parleurs laconiques.
Il eft alors décidé , à la .pluralité , qu’il n’y a pas
lieu à délibérer fur la motion & Sur le premier
amendement. L’amendement de M. Pétion de
Villeneuve eft -.converti en motion , & .admis.
Les débats Sur Je refte du réglement ont été
peu importans : nous allons donc le rapporter tel
que l’aflemblée l’a Suivi, ou à-peu-près ; car dans
plufieurs Séances on l’a invoqué inutilement,
& il a Souvent été méconnu & oublié par l’affem-
blée elle-même.
Réglementa t u f âge de /’aflemblée national e , arrêté en,
juillet 1789.
Du préfident & des fecrétaires.
i°. Il y aura un préfident & fix fecrétaires.'
20. Le préfident ne pourra .être nommé qne
pouf quinze jours ; il ne Sera point continué^
mais il Sera éligible de nouveau dans une autre
quinzaine, ' 0<
3®. Le préfident Sera nommé au Scrutin j ' en
la forme Suivante.
Les bureaux Seront convoqués pour l’àprès- ■
midi ; on y recevra les billets des .voîans ; & le
recenfement & le dépouillement des billets Se feront
dans les bureaux même, fur une lifte particulière
qui Sera Signée par le préfident & le Secrétaire
du bureau.
Chaque bureau chargera enfuite un de Ses
membres de porter Sa lifte dans la Salle commune,
& de s’y réunir avec deux Secrétaires de l’affem-
blée , pour y faire le relevé des liftes, 8c en com- ;
pofer uiie générale.
Si aucune des perfonnes défignées n’a la majorité
des voix, Savoir, la moitié & une en fus,
on retournera au Scrutin une Seconde fois dans les
bureaux, & les liftes feront également rapportées
dans la fallè commune.
Si dans ce fécond ferutin perfonne n’avoit la
majorité , les deux fujets qui auront le plus de
voix ; feront Seuls présentés au choix des bureaux
; pour le troifième ferutin.
; Et en cas d’égalité de voix entre les deux
concurrens, le plus âgé fera nommé préfident.
4°. Les fondions du préfident Seront de maintenir
l’ordre dans l’aflemblée; d’y faire obferver
les réglemenSj, d’y accorder.la parole, d’éhoncer
les queftions fur lefquelles l’aüemblée aura à délibérer,
d’annoncer Je réfultat des Suffrages , de
prononcer les décifions de l’aflemblée , & d’y
•porter la parole en Son nom.
, Les lettres & paquets deftinés à A’afitmklée. nationale
& qui Seront adrefles au préfident feront
ouverts dans l’aflemblée. ■.
' Le préfident annoncera les jours & les heures
des Séances; il en fera l'ouverture & la clôture ;
& dans tous les cas, il fera fournis à ia,:volonté de
•l’aflemblée. :
50. En l’abfence du préfident , fon prédécef-
feur le remplacera dans les mêmes fonétions.
• 6°. Le préfident annoncera,, à la fin de chaque
Séance,-les objets dont on devra s’occuper dans
la Séance Suivante , conformément à l’ordre du ,jour.
7°. L’ordre du jour fera corifigné dans un re-
giftre dont le préfident fera dépofitaire. a
8’. On procédera dans les bureaux à l’éleéfion
des fecrétaires par un Seul Scrutin ; chaque'bureau
portera Six noms ; & pour être élu , il Suffira d’avoir
obtenu la finiple pluralité des Suffrages dans la
réunion des liftes particulières.-
* q ° . Les fecrétaires répartiront entre eux le travail
des notes, la réda&ion du procès-vérbal, lequel
fera fait en doubles minutes collationnées
entre elles, celle des délibérations , la réception
& l’expédition des a&es & des^ extraits , & généralement
tout ce qui eft du reflort du Secrétariat.
, io°. La•. .moitié des Secrétaires Sera changée &
remplacée tous les quinze jours; on décidera au
Sort quels Seront, les premiers remplacés , & 'en-
fuite ce Sera les plus anciens de fondions.
Ajfemblée Nationale, Tome 1I% Débats.
ïi®. Les Secrétaires ne pourront être nommés
pour aucun comité ni pour ^aucune députation
pendant leur exercice.
Ordre de la chambre.
i°. L ’ouverture de la Séance demeure fixée à
huit heures du matin ; néanmoins la Séance ne
pourra commencer s’il, n’y a deux cens membres
préfens.
2p. La Séance commencera par la leéhire du
procès-verbal de la veille.,
3°. La Séance ouverte, chacun reftera aflisv
4°. Le Silence Sera conftarament obfervé.
5°. La Sonnette fera le Signal du Silence ; &
celui qui continuerok de parler malgré le Signal ,
Sera repris par le préfident au nom de l’aflemblée.
6°. Tout membre peut réclamer le Silence &
l’ordre', mais en s’adreflant au préfident.
7°; Tous Signes d’approbation ou d’improbation
Sont absolument défendus.
8°. Perfonne n’entrera dans la Salle ni n’en Sortira
que par les corridors.
,q°. Nul n’approchera du bureau pour parler
au préfident ou aux Secrétaires.
io°. MM. les Suppléansqui voudront affifter aux
Séances de Yafiemblée nationale , auront une place
diftinâe & qui leur Sera exclusivement affe&ée
dans une- tribune.
i i ° . La barre de la chambre Sera réfervée pour
les perfonnes étrangères qui auront des pétitions
à faire, ou pour- celles qui Seront appelées ou
admifes devant Y a (femblée nationale.
i2°. Il eft défendu à > tous ceux qui ne font
pas députés , de fe placer. dans l’enceinte de la
S a l l e & ceux qui y Seront Surpris, Seront conduits
dehors par l’huiffier.
Ordre pour la parole.
i®. Aucun membre ne pourra parler qu’après
avoir demandé la parole, au. préfident ; & quand
il l’aura obtenue , il ne pourra parler que debout.
|| 25. Si plufieurs membres fe lèvent, le préfident
donnera la parole à celui qui fe Sera levé le
premier.
3°. S’il s’élève quelques réclamations Sur Sa décision
, l’afîemblée prononcera.
4°. Nul ne doit être interrompu quand il parle.
Si un membre s’écarte de la queftion , le préfident
l’ÿ rappellera. S’il manque de refpeâ à l’af-
femblée, ou s’il Se livre à des perfonnalités, le
préfident le rappellera à l’ordre.
5°. Si le préfident néglige de rappeller à l’ordre ,
tout membre en aura le droit.
. 6°. Le préfident n’aura pas le droit de parler
Sur un débat , fi ce n’eft pour expliquer l’ordre
ou le mode de procéder dans l’affaire en délibération
, ou pour ramener à la queftion ceux qui
s’en écarteroient.
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