
y a des fautes fans excufes; fi on en a con-
noiffance , qu’on les dénonce au comité des recherches
; mais qu’on n’aille pas englober toute
f armée dans un décret de blâme. Toutes les fois
que les miniftres ont commis des fautes, ils demandent
des décrets précipités, pour tâcher de les
couvrir ; je me fuis apperçu de cette marche, &
je la dénoncerai tant que je pourrai porter' la
parole. Vous touchez à l’époque où 1* armée va
être organifée: attendons cette heureufe .époque.
Je dis donc qu’il n’y a pas lieu à délibérer fur
le décret propofé. ( M. Charles de Lameth eft
très-vivement applaudi. )
M. de la Ville-au-Bois. Il faut attendre le ré-
iultat de la fédération générale du royaume. La
dnifion s’étoit mife entre les-officiers & les dragons
du régiment de la reine , en garnifon à
Laon. Les foldats avoient créé un comité permanent
& deftitné des officiers qui avoient été
obligés de s’abfenter. La municipalité & la garde
nationale de Laon ont témoigné le defir de for-*
mer un pa&e fédératif avec le régiment. La
fédération s’eft faite dimanche dernier ; la fête
a été complète ; & le réfultat , c’eft que les
dragons ont ramené eux- mêmes l’officier qu’ils
avoient deftitué , & déclaré qu’ils vouloient lui
obéir comme aux autres chefs. Le plan de fédération
générale opérera fans doute le même effet
dans toute Y armée. Je demande donc qu’on attende
cette époque avant de propofer aucun
décret.
La partie gauche demande à grands cris l’ordre
du jour.
M. de Cazalès veut parler. — L’affemblée décide
qu’il ne fera point entendu, & renvoie le
décret à un nouvel examen du comité militaire.
Stance du mardi 13 juillet.
M. Noailles. Je fuis chargé de vous préfenter
L’expofé général du travail de votre comité militaire
, & un rapport fur le nombre des troupes ,
les dépenfes de Y armée, la folde & les appoin-
temens de tous les grades. De tous les objets
qu’il étoit néceffaire d’épurer félon votre fyftéme
régénérateur , aucun peut-être n’en avoit plus
befoin, ne préfenroit plus de difficultés que l’or-
ganifation de Y armée. Un des philofophes les plus
dignes de votre eftime, a dit que les états étoient
plus jaloux de- leur honneur à la guerre, que de
tout autre intérêt politique : qu’une nation humiliée
par de longues difgraces ne fongeoit qu’à fe
donner un vengeur & fe donnoit un maître. Si
ce chef revient triomphant, le peuple l’admire,
Y armée le chérit & l’honore, & il' peut devenir
un defpote. Cependant, fans la difeipline la plus
févère & la fubordination la plus abfolue , il n’eft
point $ armée vi&orieufe : c’eft la difeipline & la
fubordination qui feules ont maintenu la gloire
des armées grecques & r o m a i n e s . Il eft donu
indifpenfable de donner au chef de Y armée un
grand pouvoir ; mais . il faut que jamais il ne
puiffe s’approprier Y armée ; il faut, en liant le fol,
dat à la difeipline, éviter d’affervir tous fes fen-
timens.^ Tels dévoient être les principaux objets
des méditations de votre comité. Il en eft d’autres
qui tiennent. à la révolution aéhielle & à vos
principes ; il eft néceffaire que les chefs foient
amis de la révolution, ou bien il fe formerait dif.
férens partis dans les corps : de- là les foupçons
les méfmtelligences, dont les foldats feraient la
viélime; de-la des juftes inquiétudes des corps ad-
miniftratifs qui nous laifferoient toujours en alarmes
comme fi nous étions en guerre. Les autres difficultés
ne font pas moins embarraffantes.
L'armée doit être à la difpofition du chef
prême auquel la nation l'a confiée : cependant
comme -Yarmée n’eft que la repréfentation du fer-
vice perfonnel, c’eft à la nation feule à la payer,
c’eft à la nation feule à augmenter fa folde , à
affurer fon bien-être. L'armée doit être à la difpofition
du chef fuprême auquel elle eft confiée;
mais elle doit^ fur la réquifition des officiers civils
, pouvoir devenir l’auxiliaire des'gardes nationales.
L’armée doit être à la difpofition du chef
fuprême. auquel elle eft confiée; mais il eft néceffaire
qu’elle foit commandée par des hommes
à qui l’expérience en ait donné le droit Rien n’échappe
au foldat : il devine s’il doit de la con-
fiancé à tel on tel chef, & c’eft de cetre confiance
que naiffent les fuccès. Les avancemens,
les deftitutions, les fufpenfions, les récompenfes
doivent être à la difpofition du chef fuprême ;
mais pour qu’ils ne foient pas des moyens de corruption
, il faut affigner un mode fixe pour les
avancemens, deftitutions, &c. C ’eft un objet
particulier du travail de votre comité. Malgré les
avantages de la fituation topographique de la
France , il eft néceffaire d’avoir une armée allez
nombreufe pour s’oppofer aux invafions que ten-
teroient des nations ennemies. Il ne fuffit pas,
pour former une bonne armée, de la compofer
d’hommes courageux. Tout François peut être fol-
dat ; mais la fubordination , la difeipline, la refi-
gnation pour fupporter avec patience les inrem-
péries des faifons, font fur-tout néceffaires, &
c’eft à l’ufage, à l’habitude feule à en développer
le germe. Auffi le vainqueur de Lawfeldt répon-
doit-il lorfqu’on lui propofoit une difpofition qui
de voit être utile, mais qui néceffairement auroit
coûté la vie à quelques hommes: «Vous ne penfez
donc pas que pour fairè un foldat il faut vingt
années ? » - ,
Il faudra donc avoir en tout temps une arm'1
prête à marcher pour la défenfe du royaume ; mais
fera-t-elle toujours fur pied ? aurez-vous une artnet
de fecours ? ferez-vous des levées toujours difficiles,
toujours difpendieufes & fouvent incertaines. •••
Varmée françoife ne paroiffoit autrefois animée jüjjj
I un efprit de conquête: un fyftéme de défenfe
r i d’après vos décrets, le feûl qui convienne à
Wimèt- Il fallt donc combiner les nouveaux principes
avec le génie national.. . Il faut auffi faire un
examen exaft des fortereffes répandues fur les fron-
[tières & dans l’intérieur, afin de diftinguer celles
[mii font néceffaires à notre défenfe de celles qui
n’ont été conftruites que pour nous affervir.. . Tant
|de difficultés n’ont pas arrêté votre comité ; mais
nous avons peitfé qu’il étoit, avant tout, une mesure
indifpenfable à prendre. Vous ne devez appeller
fous vos drapeaux que ceux qui veulent vivre pour
maintenir la conftitution & mourir pour la défendre ;
[il faut donc faire ce que vous avez fait pour l'impôt,
fufpendre Y armée entière, & la recréer immédiatement
après, au nom de la nation, en la faifant
[rentrer fous la domination de la puiffance effentiel-
ilement fouveraine. — Nous avons divifé tout le
i travail du comité en neuf rapports qui vous feront
fiicceiTivement préfentés. Le premier comprendra la
| dépenfe de Y armée, la quotité numérique des troupes,
la folde & les appointemens de chaque grade ;
le fécond, les règles d’adîhiffion au fervice, celles
de l’avancement, celles du traitement des troupes
I licenciées, & le rapport de Y armée avec les gardes
nationales ; le troifième, la forme des enrôlemens
& des engagemens, les délits & les peines, l’orga-
Jnifation des tribunaux pour les jugemens militaires ;
le quatrième, la retraite de tous les grades a des
I époques fixes ; le cinquième, les maréchaüffées & les
I invalides ; le fixième, le génie & les travaux de l’artillerie;
le féptième, les dépenfes acceffoires ; le hui-
[tième, la fuppreffion des emplois inutiles; le neuvième
, la diftribution des troupes dans le royaume,
llefyftême général de défenfe, les fortereffes à confer-
I ver ou à détruire., enfin, le mode de la refponfabilité
desagens militaires du pouvoir exécutif. Chacun de
nous eft chargé de vous préfenter fucceffivement
un rapport fur ces différens objets. Le comité voulant
réunir une plus grande maffe de lumières pour
fes opérations, a fournis fes plans, en tout ce qui
ne concerne pas l’économie politique , au miniftre
de la guerre & à des officiers de tous les grades
diftingués par leurs fervices & par leurs talens. Si
nous ne pouvons nous flatter d’avoir fait le mieux
poffible, nous avons du moins la farisfaâion de voir
qu’il eft démontré que Y armée peut être organifée de
manière qu’ayant été le mobile de la révolution,
Jes troupes en feront déformais le plus ferme
[appui.-,
M. Noailles fait le premier rapport. ,
Bt la dépenfe de Varmée ; de la quotité numérique
, des troupes ; de la folde & des appointemens de
chaque grade.
Là France préfente fept principaux points de
défenfe dans lé cas. d’une attaque générale. Les
troupes deftinées à ces points devraient être répartes
félon les forces par lefquelles cette attaque
feroit formée. En admettant que les Belges fe réunifient
à la Hollande, à l’Angleterre, à la Pruffe ,
& que l’Autriche reftât neutre ou fût comprife dans
cette alliance offenfive, .il faudroit quatre-vingt
mille hommes dans le nord du royaume, foixante
mille du côté de l’eft, où les forts préfentent une
plus grande défenfe, quarante mille le long des
Alpes , où l’on n’auroit que le roi de Sardaigne à
combattre, quarante mille le long des Pyrénées ,
foixante-quinze mille pour la défenfe des côtes &
des colonies. Ainfi , une attaqué générale néceflî-
teroit une armée de deux cens quatre-vingt-quinze
mille hommes. Nous comptons le fecours des milices
nationales, qui ne pourront jamais donner d’autres
inquiétudes que celles d’un zèle trop ardent à défendre
la liberté qu’elles ont fi courageufemen't
établie. Nous évaluons donc Y armée de ligne, dans
le cas d’une guerre générale, à deux cens trente
mille hommes; le comité a penfé qu’il feroit dangereux
qu’une force auffi confidérable fut toujours
fur pied, & qu’il fuffiroit qu’une pàrrie feulement
fût fous les armes, & l’autre fans ceffe prête à
quitter fes foyers fur un décret de l’affemblée
nationale.
Ces foldats retirés dans leurs départeniens, pourraient
s’occuper à l’agriculture & au commerce r
ils pourraient former la maréchauffée, les gardes
des bois, les commis des douanes. Les douanes
n’étant plus qu’un produit national, ces fondions
feraient honorables, car tout fervice national ne
peut déformais qu’être honoré par tous les citoyens.
Les foldats fédentaires ne rejoindraient Y armée qu’en
temps de guerre, & nul ne pourrait être admis fans
un certificat de fa municipalité. Ainfi une grande
partie de Y armée n’aurait qu’une paie peu confidérable
: la France ne feroit plus travaillée par des
levées extraordinaires.. . . Les armées eompofées
d’hommes intéreffés à s’oppofer avec courage aux
invafions, ne feraient jamais effrayantes pour la
liberté. Le comité a penfé qu’on pouvoit admettre
des troupes étrangères , de la fidélité defquelles
répondroit leur proportion avec les troupes nationales.
Leur admiffion préfente l’avantage de ménager
des bras pour l’agriculture , de nous faire
connoître les fyftêmes militaires des autres nations,
& de nous tenir toujours à leur hauteur. On a rapporté
dans cette tribune, que le roi de Pruffe difoit
que s’il avoit été roi de France, il ne fe feroit pas
tiré en Europe un coup de canon fans fa permifiion :
il difoit auffi : « fi j’avois été roi de France, j’aurais
donné moins de foins à mon armée, qu’à faire fleurir
lç commerce & les arts ».
11 entendoit fans doute qu’il fe ferviroit des
troupes étrangères. Rappelions-nous que des trois
corps étrangers qui font attachés à la France, il
n’en eft pas un auquel nous ne devions une grande
reconnoiffanee.
Les Irlandoisfe font illuftrésfous Catinat: fous
le maréchal dé Saxe, ils ont fait des prodiges de
valeur à Nerwingue, à Hochftel, &c. Dans cent