
françois affez barbare , pour refufer à çet infortuné
de le réintégrer par une quittance finale -,
dans la plénitude de Tes droits. Enfin cette fuppo-
fition ne fut elle que le voeu d ’une ame fenfible ,
ne feroit-il pas encore préférable que quelques
malheureux fuffent momentanément privés de
leur activité, que de voir la tourbe des banqueroutiers
deshonorer nos alfemblées primaires , &
quelques uns prétendre à 1’ honorable prérogative
de repréfenter une nation 3 qui a mis tant de
fidélité à remplir fes engagemens ? mais , vous
a-t-on dit encore la loi ne fera pas générale, le
négociant feul fera fournis à fon application.
Dans l’ancien régime , le réfpefl ou la crainte
qu’infpiroient certains individus , empêchoient
qu’on ne conftatât légalement leur infolvabilité 3
alors meme que d’effet elle étoit.plus notoire ;
mais à préfent que tout homme eft égal devant la
lo i, négociant ou non, les débiteurs infidelles ou
inexaélspourrontindiftinélement être traduits dans
les tribunaux , &leur infolvabilité également conf-
tatée. Je conclus donc d’abord à ce qùë le failli
ne puiffe exercer fes droits de cité jufqu’à ce qu’il
ait intégralement fatisfait à fes obligations.Àl’égard.
dé$ enfans 3 M. Thouret. s’eft récrié contre • cette
loi de Genève7 3 qui les exclut de toute magiftra-
ture , & même de l’entrée au grand confeil , lorf-
qu’ils n’ont pas payé les dettes de leur père. Cette
loi feroit en effet trop rigourèule, dans un grand
état, en ce qu’elle prononce indiftinêlemerit cette
fufpenfion dés droits politiques contre le fils du
failli foit qu’il ait ou non recueilli quelque chofe
de la fuccemon de fon père. Mais rien n’eft plus
fage que la même difpofition , lorfqu’elie eft limitée
aux enfans, qui, fans payer leur part virile de s
dettes de leur père, mort infolvable, retiennent
une partie de fes biens.
S’il y a une préfomption de fraude ou de négligence
contre Je failli qui a pu n’être que malheureux
il y a eu une preuve complette de mauvaife foi
contre l’enfant qui garde, au préjudice des créanciers
de fon père , des biens .qui étoient le gage
de leurs dettes. Je demande donc encore le maintien
de cette loi. En fin , fi ces difpofîtions font
juftcs, fi loin d’avoir les inconvéniens qu’on leur
fuppofe , leur effet doit être d’étendre nos relations
commerciales, de purifier nos aflemblées primaires
d’infpirer un plus grand refpeét pour la représentation
nationale , il n’y a par cela .même ,
aucun inconvénient à les comprendre, dans.Ya üe
confiitutionnel ; mais il y a de plus une indifpenfable
néceflitéàce qu’elles en faffent parties, "parce-
ùe tout ce qui peut étendre ou reftreindre nos
roits politiques eft effentiellement d“e la confti
tution, & qu’il feroit extrêmement dangereux /
comme l’a bien prouvé M. Dandré, de laiffer quelque
chofe à faire en ce genre aux fimplés légiflatu-'
res , ou de le régler nous-mêmes à autre titre quë
celui de corps conftituaiHf [ On applaudit. ]
M. Lan.juin.ais. Cet article n’eft pas confti tution'
nel de fa nature. On dit qu’ il ne peut pas être
renvoyé aux autres légiflatures , parce qu’il en
refulteroit que les légiflatures pourroient prononcer
fur l’état politique des citoyens ; mais il fau-
droit donc mettre dans la confticution les décrets
de police correctionnelle, & votre code pénal,
ui à chaque page prononce la déchéance du droit
e citoyen aétif. La loi d’ailleurs qu’on vous pro-
pofe eft immorale & impolitique 5 immorale [ il
; s’élève des murmures ] parce qu’il eft toujours immoral
de confondre le malheur & le crime, & de
faire fupporter au malheur la peine que le crime
auroit fubie ;. impolitique, car elle éteint le délit
dé former les entreprifes les plus fages, & les mieux
combinées, dans la crainte que quelque événement
imprévu contre lequel la probité ne pourroit
rien., ne v în t , en détruifant la fortune du citoyen
induftrieux, le frapper de l’exhédération politique
que vous auriez conftitutionnellement prononcée.
M. Thouret. Je prie l’affemblée de m’entendre
' fur une objection a laquelle j’ ai omis de répondre,
& qui devoir faire la*, fécondé partie de ma dif-
culfion. On a demandé que le décret qui exlcut les
enfans qui retiendroient une portion des biens de
leur père ,.mort infolvable, fût rétabli. Ce décret
a un inconvénient que vous n’avez ni prévu ni en-
. tendu, 8ç quia donné lieu à des abus intolérables,
li a un effet rétroaêlif ; d’après ce décret, ' des
enfans qui n’ont plus le bien qu’ils ont reçu de
leur père , & qu’aucune loi ne leur défendoit
d’accepter ou ne les forcoit à rendre, font irtévo-
î cablement privés de leurs droits. Voici l’effet du
décret. Il y a. vingt ans un père a fait faillite ; il a
tout abandonné à fes créanciers. Son fils a auffi
abandonné ce que la loi lui affuroit : il aide fon
p^re , il le feçour t, il Jq nourrit ; & , quand la
mort le lui enlève,, il recueille un petit mobilier
dpnt il ne fait point inventaire , 8c que le père n’a-
voit formé qu’avec les bienfaits du fils. À l’inftant
où votre décret a été rendu , il s’eft trouvé privé
des droits de citoyen parce qüe fon père eft mort
infolvable , & qu’ à fa mort il a hérite de lui. Vous
ne pourriez éviter une pareille injuftiçe , qu’en
fixant l’époque de Têxécution de votre décret au
21 du mois de décembre. Il y a donc un vice radical
dans ce décret ; c.’eft l’effet rétroaêlif. Maintenant
je paffe au fond du décret. Un enfant a
reçu de fon père , 8c fôn père a poftérieure-
ment fait banqueroute, aucune, loi ne le forçoit
à abandonner, aux créanciers de fon père, ce qu’il
en ayoit reçu ; dira-t-on que cet enfant a perdu les
droits civils.
. M. Moreau. Ge. n’ eft pas là l’article, ; il eft relit ■
t if aiix donnations faites, apres Ici faillite*
j Mi-Thouret. Cela eft faux, le-décret du décembre
fuit l’articlé dans lequel l’exclufibn eft pro*1
noacée contre les banqueroutiers, faillis ou infoliyable?.
H eft ainfi conçul « Il en fera de même des
fenfans qui auront reçu 8<r qui retiendront à quelque
titre que'ce f o i t , une portion des-biens de
leur père mort infolvable fans payer leur part vi-
Eile de, fes dettes, excepté feulement les enfans
jnnriés qui auront reçu des dots avant la faillite.
|ds leur père ou avant fon infolvabilité entière--
Iment connue,. »Vous voyez que l’exception faite' ■
|à l’egard des dots , exclut toute autre donation qui
Ine feroit pas une dot.
I On ne peut fe jouer ainfi des droits des citoyens ;
■ la conftitution ne peut être plus févère que la lo i ,'
l& il eft mconféquent qu’un homme qui n’eft pas
Iforti des droits civils foit exclu des droits politi-
I qties. Cet article ne peut donc trouver place dans
■ votre conftitution. Il ne faut pas non plus qu’on
l y voye un decret'qui prive éternellement' de fes
■ droits politiques un citoyen de bonne foi que des
■ malheurs inévitables ont plongé dans l’infortune.
IRepouffez avec foin les banqueroutiers, mais ne
| frappez pas le malheur, comme le crime. En laîffant J cet article parmi, lès décrets réglementaires , vous
J. ne tietruifez pas la lo i, vous ne conférez pas aux
I légiflatures le droit de faire 8c de défaire dés ci-
■ toyens aélifs, W is vous leur déléguez le foin de
■ revoir & d’exécuter un de vos décrets, auquel
■ vous reconnoiflez que des modifications font in-
■ difpenfables.'Ç'On demande à aller aux voix., )
I M. le Chape lier. L ’objeétion la plus fpécieufe qu’on
1 puiffe oppofer à l’avis des?.comités eft que les lé-
■ giflaturesne peuvent difpofer des droits politiques s
I des citoyens 5 mais il eft dans la nature des chofes
I que les légiflatures. prononcent la fufpenfion des
■ droits de citoyen actif. Dans le code pénal qu’il
jfau t bien leur iaîffer, elles prononceront que telle
jfi.tuation, tel délit doivent faire encourir la fuf-
ipenfion de fes . droits. Il y a loin de là à dire , il
■ rendra telle ou telle qualité.pour être citoyen ac-
I tih Je demande donc que l’objet dont il s’ agit.
In e foit pas compris dans la conftitution.
■ tion. Le aecret dont il s’agit n eft pas conftitu-
K tionnel; il peut être réglémentaire : il faut donc
■ Je rapporter. Tout ce qui appartient aux droits de
B 1 homme ne peut être enlevé &. même fufpendi
■ que par un décret conftitutionnel. Les légiflatu-
J res ne Peu.v.ent prononcer la déchéance que com
■ me une peine qui doit être appliquée par un'juge-
■ n°n par une loi qui prononce la déchéan 1 ceiPJ°fatto. La loi ne peut pas dire, il y aura tell«
I Ç).Yatl?n oans un tel cas : mais telle chofe eft ui
B, «eut, il doit y avoir un jugement j fi ce délit el
I I P f i S i te^e Pe^ne fera prononcée. ( On applau
■ plt- ^ ous a§n'ez tout à la fois comme légiflateur
| ^ comme., corps confti tuant; mais comme légiûa
I , urs | vous ne pouvez porter une loi contraire
rnKc- ^ ^ tIon* Ainfi , ou ce dont il s’agit doj
I f' 01,lt€r comme conftitutionnel, w ou il faut le rac porter. . . ... - :.... . *
■ Ajfcmblic Nationale,- Tom, II. Débats,
M. Duport. Je fuis de l’avis de l ’opinant ; mais
pous fommes venus au moment où il faut juger
la queftion. Ce -décret doit avoir le même fort
que celui qui eft relatif aux enfans des faillis. Du
moment ou un enfant fait une chofe légale; la loi
politique ne peut pas prononcer une peine. Cela
eft d’une vérité évidente. A in fi, d’après le principe
très lumineux de M. Tronchet, il faudroit
auffi rapporter, ce^ décret. Quand il fut propofé ,
plufîeurs Genévois avoient déterminé M. Mirabeau
à le faire , mais ce décret ne peut convenir
qu’à Genève. Confentie entre des hommes qui
avoient le même intérêt, les mêmes profeffïons,
cette convention n’étoit pas injufts. Les Gene--
;vois, qui tous font commerçans, n’ont confi-
déré que l ’intérêt du commerce ; mais ici nous
travaillons pour un état plus agricole que commerçant.
Confiée rez combien la thèfe change,
quand il s’agij de propriétaires qui n’ont fait en-
fçmble aucune convention. Lorfqu’un propriétaire
aura été ruiné par un incendie , ou par tout
- autre fléau , il vous infpirera affez d’intérêt pour
que vous lui donniez des fecours, & ce malheureu
x, digne de votre intérêt , fera privé de fes
droits de citoyen. Qbfervez qu’une affemblée politique,
qui reconnoït des droits plutôt qu’elle
ne les donne, ne peut fe régler fur la délicateffe ,
mais fur la ftriéte équité. Il faut qu’une loi co n s titutionnelle
ne préfente de l’injuftice en aucun cas,,
& celle-ci préfente non-feulement de l’injuftice ,
mais même de la barbarie. D ’après cela je penfe
| que l’affemblée a montré fuffifamment combien elle
defiroit rendre hommage aux principes. J ’appuyé
donc l’opinion de-M. Tronchet-
M 3 Roederer. Je penfe comme M. Tro n ch e t,
qu’on ne peut renvoyer aux légiflatures à ftatuer
fur les droits politiques des citoyens. Je penfe
* aüfli qu’ on ne doit pas contrarier cônftitutionnel-
lement une injufticè. On propofe, dans l’embarras
offnous mettent ces deux raifonnemenstrès juftes,
de rapporter le décret. Mais au .déclin de nos travaux
, il faut éviter une verfatili té d’autant plus-
dangereufe, qu’on fauroit très bien s’autorifer de
cet exemple. Pour forrir de cedéfilé , il feroit pofl:-
ble de faire un amendement , d’ajouter à l’article
, après cés mots en état de fa illite -, ceux-ci :
provenant de dol ou de faute grave.
M. Camus.. I l eft démontré que l ’article ne
peut exifter s’il n’eft pas dans la conftitution.
D ’un autre côté , il eft encore plus évident que
l’affemblée ne doit pas, ne peut pas revenir fur
un décret' c«nftitutiônnel. Je demande donc la
priorité pour l’article tel qu’il eft dans la feàion
I I du projet de YaSbe confiitutionnel.
I.’affemblée délibéré , 8<: la priorité eft accordée
à l ’article Y . du projet d ‘acle confiitutionnel.
Cet article eft décrété.
Tronchet. Le décret qui avoit été rëndu le
P