
celles qui-' concernoient le traitement des gens
de lettres , membres des académies , 8cc. Ce
projet de décret , adopté en grande partie par
M. Mirabeau , doit fe trouver dans Tes papiers.
On n’en parle ici que parce qu’il eft quettion,
dans le difcours , des prix d’ éloquence , de poe-
fie , 8cc. 8c quon avoir effectivement pourvu
à leur confervation. L’ aflemblee nationale % li
elle adopte l’ opinion de M. Mirabeau fur les
académies , ne fera pas plus embarraflee que
lui fur les moyens de conferver ces prix. Mais il
paroît difficile qu*elle veuille perpétuer celui
de vertu dans un pays où la conftitution va créer
enfin une morale publique.
."Extrait de lu réponfe de M l'abbé Morellet a M.
de Chamfort.
M. de Chamfort commence^ par rétablir que
Richëlieu , » en formant Xacadémie de quelques
hommes de lettres qui s’afîembloient librement
& par goût chez un de leurs-amis 3 fut conduit
à vouloir influer fur cette fociété naiflante 3
& à la conftituer fous l’ autorité publique, par
cetinftinft rare qui l’éclairoit fur tous les moyens
d’étendre 8c de perfectionner le defpotifme ».
Croître uft paradoxe à M. de Chamfortr, 8c que
je n’en crois pas moins vraie , c’ eft que Richelieu
Le defpotifme eft une fort mauvaife ch ofe }
jnais il ne faut pas le voir par-tout 8c le pour-
fuivre ou il n’ eft pas : car alors l’amour de la
liberté dégénère en une véritable manie, à moins
qu’on ne puifîe foupçonner pis.
Les vues du cardinal de Richelieu dans Téta-
Ifliflemest de l'académie ont été , félon tous les.
«ens raifônnables j & jufques1 à M. de Cham-
lo r t 3 de perfectionner la langue 8c d’encourage
r les lettres par la diftinCtion que donneroit
l'académie à fes membres , 8c fur-tout par l’égalité
précieufe qu’ il établiffoit entr’eux ^ de
quelque rang 8c condition qu’ ils fuflent j égalité
qui ne peut faire partie d’aucun plan de
tyrannie.
Je dirai en fécond lieu , que fi Richelieu eût
eu un inftinCt fi rare fur les moyens d’étendre
Sc de perfectionner le defpotifme , cette lumière
l ’abandonna dans la fondation de Y académie. Il
a manqué de cette grande fagacité , s’ il n’ a pas
vu ce qu’ont vu les plus fots tyrans , que la
culture de l’efprit dans fes plus foibles dégrés
eft ennemie née de la tyrannie , 8c que tôt
ou tard elle la détruit.
Richelieu, avec des projets de tyrannie, eût
donc diffipé cette affodation naiflante plutôt
qu’il ne l’ eût réunie 8c favorifée j 8c l’événement
a parfaitement prouvé qu’ il eût mieux calcule,
puifque l ’académie françoife-, 8c les academies
en général ont prépare 8c hâté certainement les
progrès des lumières 8c de la liberté publique.
Enfin j’ ajouterai une réflexion qui pourra pa-
a plus fait pour la liberté de la nation , que
beaucoup de nos modernes Brutus. Le defpotifme
qui opprimoit alors la nation étoit celui des
i, grands. Il l’attaqua avec vigueur , faffoiblit ,
■ l’ex'tirpa prefque. Mais quoiqu’ il ne pût. le combattre
qu’en fortifiant l’autorité des rois , qui
pouvoit dégénérer en defpotifme à fon tour, la
liberté des peuples gagna pourtant prodigieufe-
ment à ce grand changement. Au lieu de tyrans
difféminés fur toute la furface du royaume , 8c
le preffant, pour ainfi dire , fur tous fes points ,
la puiffance royale domina fèule, & ne comprima
plus que les têtes élevées. O r , abaiffer
8c contenir les,grands, qu’étoit-ce autre chofe
que détruire cette ariftocratie à laquelle oti
reproche aujourd’hui des torts anciens , piutot
que des injuftices récentes dont ce même Richelieu
nous avoit préparé les moyens de nous
défendre. ,
' J’ ai dit que l ’égalité académique établie par
Richelieu , 8c le mélange des gens dé lettres ét
des gens de la cour ,/peut fervir a juftifier Richelieu
du plan de tyrannie que lui pre.te M. de
Chamfort. On a de tout temps loue cetté heu-
reufe idée. Cette opinion eft trop générale , trop
bien établ e,.trop de bons efprits 1 ont défendue,
pour qu’elle ait befoin de l ’être encore contre lés
déclamations de M. de Chamfort, il faut cependant
l’entendre fur ce point.
» On a trop vanté, dit-il, cette prétendue éga*
lité académique,qui, dans l’inégalité politique 8c
civile , ne pouvoit être qu’une- vraie ‘dérifion ; car
qui ne voit que mettre Racine à côté d’ un cardinal,
étoit auffi impoflible alors qu il le^ feroit
aujourd’hui de mettre un cardinal a cote de
Racine.»
La malignité devient rifible lorfqu elle ne s entend
pas elle-même, parce que nous y voyons
une fineffe déjouée 8c un effort trompé. Or ,
dans' tout ce paflage M. de Chamfort paroît ne
s’être point entendu.
L’égalité académique établie par Richelieu ,
eft celle en vertu de laquelle l’homme de lettrés ,
le miniftre, le cardinal, le maréchal de France ,
ont été admis à l’académie de la meme maniéré ,
en follicitant eux-mêmes leur admiffion , n y ont
eu aucune place diftinguée, ont été tenus aux
mêmes devoirs 8c fournis^ aux mêmes régies.
C ’eft une égalité dans la fociété qu’ il établiffoit,
8ç la feule qu’ il y put mettre, mais réelle 8c non
prétendue , puifqu’elle a été vraiment ce qu il a
voulu qu elle fût.
Çette -égalité académique n’ a point été dans
l'inégalité politique & civile-, phrafe abfolument
inintelligible. Mais elle ne l’a pas détruite > cap
Je fuis contraint d’avouer que Richelieu n’avoit
pas élevé fes vues jufques à la deftruCtion de
toute inégalité politique 8c civile dans l’état j qu’il
a ignoré profondément les grands avantages qu’ on
pourroit trouver à mettre un pair de France, fur
la même ligne , au politique 8c au c iv il, qu’ un
artifan j qu’un journalier, ou même qu’ un fimple
homme de lettres > mais il a voulu que cette inégalité
fût abfolüment oubliéèïà P académie j 8c
c ’étoit'une vue aflez, noble qùi a honoré Richelieu
dans l’efprit de tous les hommes de fens qui ont
parlé de l'académie avant lès découvertes de
JVL de Chamfort.
Il eft vrai que fi la deftruCtion entière de toutes
les inégalités politiques 8c civiles eft une fois opé^
ree , 1*égalité académique n’aura plus le même
mérite $ mais fi l’on étoit jùfte , il faudroit toujours
avoir gré a Richelieu d’avoir établi celle-ci
en attendant mieux.
La raifon fur laquelle M..de Chamfort fe fonde
pour prouver que. Inégalité académique eft une
vraie dérifion, èft encore inintelligible. Quelle
impoffibilité voit-il donc a ce que Racine fût mis ,
fous Louis X IV , àcô,té .d’ un cardinal, 8c qu’un
maréchal de France foit mis aujourd’hui a côté
de M. de Chamfort',fi celui-là veutbien s’y tenir.
Mettre Racine à côté d’un cardinal1 dans l’éta-
bliffement de l'académie dont il s’agit i c i , n’étoit
autre chofe que leur donner à tous deux des
droits égaux, 8c les mêmes dans la fociété littéraire
dont ils étoient membres. Or c’eft ce que
Richelieu a f a i t ,, 8c par où il a, relevé l ’éclat des
lettré^, 8c enfeigné a la nation à y attacher,, ,Ja
confidération qu’elles méritent.
Il eft curieux d’obferver avec quelle étourderie
M. de Chamfort,après avoir prononcé que.cette
égalité académique étoit une vraie dérifion, nous
dit lui-même les bons effets de cette inftitution,
tant il eft impoflible à fa mauvaife volonté de les
diffimuier.
« Ce mélange de courtifans 8c de gens de lettres
fut regardé, dit-il, alors comme un fervice rendu
aux lettrés 5 8c c’étoit peut-être en effet hâter de
Quelques momens le progrès des idées , c’eft-à-
dire, le temps où la nation feroit difpofée, à
mettre le mérite à fa place 5 elle eftima davantage
Patru, en voyant à côt,é de lui un homme
décoré. »
Mais je lui demanderai comment une inftitution
qui hâtoit en effet le progrès des idé es, qui
difpofoit la nation à mieux fentir le mérite, 8c à
le mettre à fa place, qui lui faifoit eftimer davantage'
ce talent, en le lui montrant fur la même
ligne que les hommes décorés 8c du plus haut .
rang dans-la fociété 5 comment, dis-je, une inftitution
qui produifoit de tels effets, félon M. de
Chamfort luknême , netoit-ejle toujours félon
lui qu*une vraie dérifion. Lorfqu'on fe permet
de fi groflières contradictions, il ne faudroit pas
du moins que des affe.rtions qui fe combattent fi
fortement fuffent dans la meme page , de ma-*
nière à.être faifies du même coup-d’oeil.
M. de Chamfort répare bién vite la mal-adreffe1
de fes aveux, en combattant avec intrépidité
cette opinion commune, que l'académie françoife
a1 été utile aux le ttres, comme une récom-
penfe honorable des fuccès littéraires, 8c comme
un objet d’ambition qu’ ont eu les hommes de lettres
les plus diftingues.
Pour triompher »-plus aifément de ceux qu’il
appelle les,, partifans de Vacadémie , qu’il nous-
i affurè être en petit nombre et tous ennemis de
i la révolutionnas, leur prête a.fon befoin des argu-
i mens dont ils ne fe font jamais fervis.
« Ils prétendent, dit-il, que la gloire de tous
. les,écrivains célèbres du fiècle de Louis X IV ,
membres de l'académie françoife , eft le patrimoine
de l ’académie , une propriété académiq
ue , une gloire académique , êt non pas une
gloire nationale, parce qu’ils n’ont compofé leurs
ouvragés que pour être admis à l’académie 5 8c
quant à ceux qui n’ont pas obtenu cet honneur,
ils appartiennent encore à l'académie , parce
qu’ils n’ont rien fait de bon que poufles par le
même motif. Qui croira , continue M. de Chamfo
r t, que Corneille n’ait écrit Horace, Cinna,
Polyeucte , que pour obtenir l’honneur d’être
affis entre MM. Granier, Salomon , Porchères ,
Colomby, BoiflKt, 8cc. ?»
Je demanderai d’abord pourquoi l'académie
ne regarderoit pas comme rejailli fiant fur elle la
gloire littéraire des grands écrivains qui ont formé
la compagnie. Pourquoi ne diroit-on pas que Corneille
, Racine, Fénelon, Montesquieu, Voltaire
appartiennent à l'académie ? Ces grands hommes
appartiennent à . la nation fans doute 5 mais ils
appartiennent auffi aux corps au fein defquels
ils ont été formés, ou dans lefquels ils ont vécu.
L’univerfité de Paris fe glorifie d’avoir eu des
Rollin, des Lebeau, des Cochin, des Thomas ,
des D elille 5 le parlement s’honoroit des de Thou,
des Molé , des d’Aguefleau , des J^amoignon.
Cette efpèce de propriété des corps fur leurs
membres n’a pas d’autre titre , 8c ces titres, lui
fuffifent. Corneille 8c Racine, Fénelon 8c Maf-
fillon font une richefle académique en même-
temps qu’ une richefle nationale , comme Tu-
renne 8c Catinat ont illuftré à la fois leur famille
8c leur nation.
Attribuer, i comme fait M. de Chamfort, aux
défenfeurs de l'académie d’avoir dit que ces
écrivains célèbres n’ont compofé leurs ouvrages,
que pour être admis à l'académie , c’eft