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M. ÎJébr.ird. La première fois fjue le peuple
■ avignonois a été entendu dans cette affemblee,
il y a reçu les honneurs qui lui font dûs. Je demande
que, comme il en a été ufé la première
io is , MM. les députés d'Avignon foient introduits
dans l’intérieur de la ialle. ( On applaudit. )
M. le préfident donne des ordres pour faire introduire
MM. les députés fur le parquet.
Un autre membre de la députation entre dans
le détail des crimes commis par l’armée vaincue
contre les prifonniers de l’armée patriotique, même
•depuis la diffolution de cette armée, contre les
citoyens qui la compofoient.
Ai. le préjident à la députation. L ’affemblée verra
avec plaifir le moment où elle pourra vous accueillir
dans le fein de la famille qu’elle repréfente.
■ Quel peuple eft plus digne de s’allier à un peuple
qui jouit de fa liberté, que celui qui en a déjà
montré toute l’énergie ? Mais comme la juftice doit
diriger toutes fes démarches , fa décifion dépendra
du rapport qui lui fera fà't de votre pétition, &
d’une difcufiion approfondie. L ’aflèmblée vous accorde
les honneurs de la feance.
M. de Vifmes commence la le&ure d’un rapport
des comités diplomatique & à'Avignon , fur les indemnités
réclamées par le chef de la principauté
'de Monaco. L ’alfemblée ajourne la fuite de la
lecture & de la difcufiion de ce rapport à une féance
extraordinaire du temedi foir.
Séance du famedï foir 10 feptembre.
MM. Verninac , de Saint - Maur , le Scène-des-
Maifons, commifTaires médiateurs envoyés par le roi
à Avignon, & dans le Comtat VenaifTm, font admis
à la barre.
M. le Scène-des Maifons obtient la parole.
Envoyés par le roi vers le peuple d'Avignon &
du Comtat en exécution de vos loix du 25 mai
& 14 juillet derniers, nous allons vous mettre
fous les yeux ce quiteul efl digne de vous, la vérité
atteffée par le devoir & par l’honneur. Vous
avez à prononcer fur une grande quefiion, à laquelle
tient le bonheur d’un peuple & la tranquillité
des départemens du midi. Nous vous fournirons
pour éclairer cette décifion , tout ce que vous
avez droit d’exiger de nous, des faits vrais,& conf-
tatés. La révolution opérée à Avignqn , & dans J e
Comtat Venaiffin , efl une fuite naturelle, inévitable
de celle arrivée en France; ou plutôt elle
fut la même , puifque de tout.temps la nature ,
les liaifons du teng , l'habitude, la politique, qui
n’efl conflamment dirigée que par la loi impé-
rieufe des befoins mutuels, avoient fait, de ces
deux petites peuplades, des portions de la grande
famille dans le fein de laquelle : elles étaient enclavées.
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A l'in-ftant où la révolution fit éprouver fes effets
en France, comment un pays ou routes les familles
jouifîbient de tous les droits françois , où
le commerce & les intérêts mercantiles étoientliés,
confondus avec ceux des provinces du royaume,
auroit-il pu ne pas éprouver les memes mouvemens
politiques ? A u iii, dès la fin d’août 1789, l’état
d'Avignon prélenta des doléances au légat du pape:
la demande fut rejettée ; le peuple loutïnt fon droit :
ce déni de jufiiee excita la plus grande fermentation.
Le vice-légat employa les moyens d'iifage;
des potences furent drcllèes &.relièrent long-temps
plantées pour.jetter l’effroi dans les âmes. Un
grand nombre de citoyens furent décrétés , plufieurs
turent emprifonnes : cependant il n’y eut point
d’exéciuion. Le peuple voyoit avec regret & impatience
dans les fers , ceux qui avoient défendu
fes intérêts CSc en qui il avoit confiance ; cette impatience
devint inlurreâion, & le 2 février on
força les priions, on délivra les prifonniers, 011
brûia les procédures, & le peuple montra une volonté
déterminée d’obtenir le redreffement de fes
griefs. Les chefs commencèrent à fentir eux-mêmes
qu’il étoit impoflible de lui réfifier.
Les confuls donnèrent leur démiffion , une açl-
miniftrarion proviloire tur établie. Le vice-légat
lui même s’apperçut quil nétoit plus temps d’employer
des moyens de force ; il négocia , il accueillit
ainfi la demande des états généraux. La convocation
des afferrfblées primaires fe fit fous fon
autorifation, & d’après le réglement fait parlui-
méme : le peuple 1e vit enfin rendu à fes fondions
de louveraineté par la lànd-ion du gouvernement,
& le premier ulage libre & volontaire qu’il en fit,
fut d’adopter les décrets de l’alTemblée nationale.
En conféquenee, une municipalité fe forma à
Avignon, le 18 avril 1790 , conformément au décret
deTafïemblèe nationale, & ellef.it inftallée
par le vice-legat lui-mème. Sous cette première
influence de la liberté, l’inquifition fut abolie. La
cour de Rome ne tarda pas à regretter cette première
condefcendance. M. Celeftini arriva : il ve-
noit caffer la municipalité , remettre tout fur l’ancien
pied ; mais il n’étoit plus temps. Le peuple
refufa de l’admettre dans les murs d'Avignon. Cependant
, ce qu’on n’avoit pu obtenir ouvertement,
on chercha à l’obtenir par des conjurations : les privilégiés
fe coalifèrerit ; quelques hommes généralement
dignes d’eftime , eurent la foibleffe de s’y
prêter , & le 10 juin vit éclorre des crimes &
provoquer des vengeances. Une troupe de gens
armés, nobles, prêtres, & agens du gouvernement,
fortent d’une églife où l’on étoit raffemblé
fous prétexte d’une fête ; on tombe fur tous les
citoyens partifans des nouvelles idées ; plufieurs
font tués avant d’avoir pu fe défendre. L ’alarme
fe répand ; ©n court aux> armes ; le .combat s’engage
& le peuple refie le maître. Le plaifir de
là vengeance remplace alors le befoin de fe défendre.
Nombre de nobles avoient. été arrêtés ;
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quatre- 'malheureux furent vi&imes- des fiîreurs^de
leur parti.
Cependant les voifins, alarmés des troubles de
la ville d'Avignon & d’un incendie qui pouvoit
fe communiquer à ceux d’Orànge & de Courtai-
fbn , marchèrent vers Avignon ; ils y entrèrent
en pofture refpeâable ; ils rétablirent le calme
dans la ville : les affemblées primaires furent convoquées
; le voeu de réunion à la France fut généralement
émis ;.les armes de France furent placées
fur les portes,. & l’on envoya une députation à
Paris, chargée de porter le voeu du peuple avi-* g non ois & d’en folliciter l’admiffion. Tandis que
cela fe paffoit dans l’état d'Avignon, le Comtat
Venaiffin étoit auffi- en mouvement. Le Comtat
avoit eu fes états-généraux, mais le prince avoit
eu l’art, comme ailleurs, d’en éloigner la convocation.
Une commiffion intermédiaire veilloit aux
intérêts publics, ou plutôt étoit fubjuguée & dévouée
au gouvernement. Toutefois l’agitation des
efprits faifoit demander fortement la convocation
des états ; ils furent enfin affemblés : iis ne tardèrent
pas à changer de nom en raifon des nouvelles
lumières ; ils s'appelèrent affemblée repré- -
tentative. Les Avignonois follicitèrent l’avantage
d’y être admis. Carpentras s’y refufa, fous prétexte
des la divifion de deux états. Depuis cinq
cents années une rivalité de voifin a ged e puif-
fance , d’établiffemens politiques & d’influence di-
vifoit Avignon 8c Carpentras, & en avoit fait deux
fiers ennemis. Le refus de Carpentras ne fit qu’augmenter
la- haine ; quelques villes où les Avignonois
avoient des partifans, fe foulevèrent contre
l’affemblée repréfentative.
L a différence . des opinions fema le trouble,
excita des rixe£ entre les citoyens dans Cavaillon
& quelques autres communes ; trois cents habi-
tans te virent contraints de fuir Cavaillon & te
réfugièrent à Avignon. Us y furent reçus avec tranf-
port ; ils ne tardèrent pas à y exalter les efprits.
On alla alïiéger Cavaillon pour les y rétablir. Ils
le furent en effet; & delà- les forces avignonoifes
allèrent jetter l’épouvante devant Carpentras. Cependant
l’armée avignonoife étoit rentrée fans endommager
Carpentras ; les membres de l’affemblée repréfentative
s’étoient difperfés& un mouvement
général annonço'it, dans toutes les communes
le defir d» rétabliffement de l’ordre & d’une forme
de gouvernement- qui- remplaçât celui qui-. étoit
aboli.
On propofa alors aux communes de te cenfé-
dérer. Toutes- s’affemblèrent : foixante-huit fur
quatre-vingt-quatre votèrent pour que ce pays
fut réuni à l-’empire François ; & attendant la décifion
de l’affemblée nationale fur ce grand intérêt,
elles confentirent au paéte fédératif, d’après lequel
on devoir former une affemblée éle&orale chargée
de la grande-adminiftration des deux états jufqu’à
ce que le pays formât, fuivant fon defir , un quatre-
vingt-quatrième département. Carpentras avoita
v î
confenti ce pa&e. Sans doute,- c'cïîx qui'te- trou"
voient à la tête de cette nouvelle- aflemblée r le-
prefierent trop de -jouir ; ils formèrent à l’avance
un departement dont la réfidence étoit à- Avignon. ,<
ils s’emparèrent de toutes les places. ’ Cette indiscrète
mefure réveilla bientôt la rivalité & l’envie
de la- ville de Carpentras. D ’abord elle négligea
d’envoyer des électeurs , puis elle fomenta la
réunion des débris de la première aflemblée repré-
fentative ,-fous le nom d’affemblée- de Saime-Cecile,
Une, feiffion ne tarda pas y avoir lieu 3- chacuir
s’intrigua alors à fortifier fon parti ; chacun réclama
les tecours des départemens voifins, 8c s!en vit
fécondé. Les haines s’envenimèrent, l’anarchie con--
fondit toutes’les autorités. Au milieu de ce déforclre,-
Avignon rappelloit Carpentras au traité qu’il avoit-
figné. Toutes les-, communes prenoient parti pour
Avignon ou pour Carpentras- , & ces divifions-
n’attendoient qu’un prétexte pour devenir une
guerre civile. Il te préfenta bientôt : le maire de
Vaifon, le trop malheureux Lavillaffe , foutenoit-
dans le Comtat le parti avignonois & celui de
l’affemblée éle&orale. Les partifans de l’afiembiée-
de Sainte-Cécile vont,, pendant la mtit, attaquer
la maifon de M. Lavillaffe,- féparée de la ville &-
prelque ifolée. Une partie gardoit le pont qui-
faifoit la communication , tandis qu’une autre brifêtes
portes du premier- magifirat de la ville, entre
dans te cour & l’affafline à coups de- fufil, à-
1 inftant même ou il fe rendoit & demandoit grâce.
Un cri de vengeance te fit entendre dans- Avignon,
& fut répété par tous les citoyens. On fe prépare
à la guerre; le bruit de tous les préparatifs arme-
bientôt les habitans du haut Comtat.
Une armée de: fept mille hommes,- dans Laquelle
Carpentras joue le premier rôle,defcend des mon--
tagnes pour s’oppofer aux Avignonois. Ceux-ci »•
beaucoup moins nombreux , mais beaucoup plut-
forts- des avantages d’une greffe artillerie, étoient-
déjà à- une lieue de^Carpentras. Ces deux- armées-
te heurtent dans la plaine de Sarriant-, le canon-
jette l’épouvante dans l’armée de Carpentras, &
tout fuit devant les Avignonois. Sarcoin efi livrée
au pillage , les campagnes deviennent la proie des*
flammes, & les- maux qui font- la fuite des guerres'
civflles accablent le pays & épouvantent les voifins.
L ’armée avignonoifefoutenue & dirigée par en--
viron cent cinquante déferteurs françois , v a , non-
pas camper , mais te cantonner dans la ville de-
Monteux, à peu de diftance de Carpentras; &-
l a , maîtreflè de la campagne, elle établit une-
forte de blocus & d’attaque journalière. Les Car--
pentrafiens fe défendent avec courage & avec fermeté,,
& les fuccès te partagent. Par une fuite delà
viciffitude de ces fuccès & de l’influence paf--
fagère qui dominoit dans chaque parti, ce pays-
infortuné offroit l’exemple le- plus effrayant des-
malheurs- de la guerre civile. Le parti dominant;
exigeoit de chaque commune un détachement pour'»
fe-i-e-fifo-reer nombre de communes foumiffoièuet