
nambitionera plus fes honneurs obscurcis devant la
gloire des orateurs de VAffemblée ; mais j’ai déjà expliqué
plus haut comment dans le feul genre oratoire
il pourroit y avoir encore de la gloire à faire
des difcours comme Bofluet ; à écrire académiquement
comme la Bruyere 8c Fénelon ; quelque gloire
qu'on puifle d'ailleurs obtenir 8c mériter à la tribune
de l'Aflemblée.
Les triomphes de l'éloquence devant une A flem-
blée occupée des plus grands intérêts de la nation,
feront fans doute les plus glorieux de tous} mais
la carrière où l'on obtiendra ces palmes , ne. fera
pas ouverte à tout le monde en beaucoup de cas j
8c peut-être , au grand avantage de lachofe publique,
les éle&eurs préféreront dans leur représentant
le talent de bien faire â celui de bien dire.
Peut-être aufli que les électeurs de la plupart des
départemens, jufqu'à ce que la culture des lettres
ait fait tous les progrès que M. de Chamfort nous
annonce , n'auront pas le goût a'flez fur pour distinguer
parmi les candidats les hommes du plus
grand talent oratoire & leur donner toujours la
préférence.
Il y aura donc des hommes éloquensqui ne trouveront
pas place parmi les reprefentans de la nation
> 8c pourquoi fie laifleroit-on pas dans l'académie
un débouché de plus pour ceux d'entr'eux
qui ne dédaigneroient pas la frivole diftinftion à laquelle
le defpotifme avoit condamné Bojfuet & Maf-
Jfllon.
Enfin 3 je veux qu'il ne puifle plus y avoir de
grands orateurs hors de l'Aflemblée. La gloire littéraire
eft de plus d'un genre. Tant qu'on aimera
les beauxvers 8c une belle tragédie , oc une excellente
comédie , & une belle hiftoire , & unedif-
cuflion éloquente 8c philofophique à la fois-même
fur des objets étrangers au gouvernement & juf-
qu'à unecritiquedu genre de celle de M. de Cham-
îo r t , mais dans laquelle il y ait plus de juftefle
& de raifon , un certain nombre d'hommes de
lettres , poètes , hiftoriens , philofophes , 8cc.
pourront pourfuivre la gloire attachée aux fucces
dans les travaux de ce genre , & la trouver dans
leur admiflion à l'académie 3 par le fuflrage de leurs
pareils. Il pourroit donc y avoir une académie 3
quand ce ne feroit que pour eux } 8c malgré le
monopole de l'éloquence accordé à l'aflemblée
Bationale par M. de Chamfort.
2°. On a déjà plaifamment remarqué que l'humanité
de M. de Chamfort , qui veut qu'on
détruife Y académie tout à l'heure , afin qu'elle
ait la confolation dè croire q u e , fans les décrets
de l'aflemblée , elle eût été immortelle, ref-
Temble à celle d'Agneîet, qui tue les moutons de
M. Guillaume , de peur qu ils ne mouriont : mais
J il faut rendre juftice à ce qu'il y a de vrai dans idée de M. de Chamfort 8c reconnoîtrè avec'lui
ne Y académie a pu en effet fe croire immortelle ,
fi élle n'a dû craindre fa deftru&ion que d’ une
aflemblée nationale.
Si l'on eût dit à Montefquieu , à Buffon , à
d’Alembert, à Voltaire : « Un defpote ombrageux
détruira votre académie } un pouvoir arbitraire
ne peut s’accommoder d'une fociété littéraire 8c
philofophique occupée de répandre la lumière ,
de chercher 8c d’embellir les vérités utiles aux
hommes, de perfectionner la langue, infiniment
de toutes les connoiflances, 8c fur-tout de celles
dont les progrès amènent néceflairement la liberté
8c le bonheur des peuples } d’une fociete
qui produit' ou attire dans fon fein des hommes ,
qui, comme vous,- peuvent être appeliés à jufte
titre les précepteurs du genre humain : fi l autorité
royale achève donc de devenir defpotique,
votre académie fera détruite. » Cette premction
ne les eût point étonnés, 8c peut-etre n eut-elle
fait qu’énoncer leurs propres craintes.
Mais fi on leur eût dit : « Une aflemblée nationale
, dont la devife fera lumière & liberté ,
s’emprefîera de détruire , de_difperfer , d anéantir
votre, compagnie > cet rétabliflement, diftingue
entré les autres par l’amour de la liberté & de
l’égàlité, par l’efprit philofophique qui s’y établit
8c qui s’y montre la tête levee } cette compagnie
qui compte parmi fes membres des écrivains
célèbres, a qui la nation doit déjà la def-
tru&ion de tant de préjugés , 8c la connoif-
fance de tant de vérités utiles} » ils auroient re-
poufle cette crainte comme une injure faite à la
nation.
3°. Il ne tient pourtant pas à M. de Chamfort
que cette dernière prédiction ne s’accompliffe ;
8c c’ eft pour encourager l’aflemblée à realifer
ces finiftres préfages, qu’ il prend le foin de lui
certifier que Y académie n a point la faveur populaire
, 8c qu’en la détruifant on n a'point dè clameurs
ci craindre.
M. de Chamfort ne s’apperçoit pas qu’il fe
laifle aller ici à énoncer une idée injurieufe z
l’aflemblée nationale, en fuppofant quelle pût
être arrêtée dans une opération utile 8c jufte ,
ou pouflee à une mefure injufte ou funefte par
la crainte des clameurs populaires. C ’eft ce que
difent quelquefois les ennemis de la confti-
tution.
Mais pour répondre à cette étrange raifon
donnée à l'aflemblée pour l'encourager a détruire
Y académie , il fuffit d’obferver que s'il: y a dans
la nature des chofes un établiflement fur lequel
il foit ridicule , abfurde de confulter 1 opinion
populaire, ou de craindre la clameur populaire ,
c'eft afliirément celui d'une academie 3 8c je
laifle à juger à mes leéteurs , par ce trait, de
la rage de popularité affeCtée par M. de Chamfort.
49. M. de Chamfort arrive à un motif qui doit
avoir plus de- force aux yeux de 1 aflemblee , en
lui préfentant Y académie comme n’ayant guere
pour défenfeurs que les ennemis de la révolution.
On peut remarquer d’ abord qu'il eft bien certain
que parmi les ennemis de la révolution le
plus grand nombre eft de ceux qui n aiment
point 8c qui n'ont jamais aimé les académies ,
à qui ils attribuent avec raifon au moins les premiers
pas qu'on a faits dans une route qui, félon
eux , a mené la nation dans un abîme de maux.
La haine de ceux-là pour Y académie pourroit
balancer aux yeux de l ’aflemblée la prévention
que veut lui infpirer M. de Chamfort, d’ après
l'attachement qu'ont encore pour les académies
quelques autres ennemis de la révolution.
Mais je n'accorde point à M. de Chamfort que
les défenfeurs de Y académie , & notamment tous
fes confrères qui la défendent, foient ennemis de
la révolution.
Je ne fuis pas en droit de fuppoferque mes confrères
veuillent s'abaifler à une juftification , 8c
par cette raifon je ne dois pas me charger de les
défendre ; mais je répondrai pour moi.
Il eft aifé de prouver que parce qu’ on défend
l’académie, on n'eft-paspour cela ennemi de la révolution
} qu’on peut aimer à la fois l’académie 8c
une bonne conftitution > qu'on peut fans être esclave
, être attaché à un etabliflement fondé plus
qu’aucun autre fur des principes d’égalité & de
liberté. ( Voye£ artijles &Jociétés. )
A CAD IEN S, ( f . m. ) habitans de l’Acadie,
province ou partie du Canada. L'aflemblée nationale
s'eft occupée d'eux dans la féançe du 21
février 1791.
M. la Revalier de'Lepau. Le comité des penfions
vient invoquer votre iuftice en faveur des citoyens
que l’ancien régime n'a récompenfés de
leur tendre attachement à la mère patrie, qu'en
les traitant avec la dernière barbarie. Tout le
mondé fait que la guerre fanglante que les rois
d'Angleterre 8c de France fe firent depuis 1 7 5 7 ,
jufqu'en 1763 , ne fut pas favorable à ce dernier,
& que le gouvernement anglois exigea pour prix
de fes jfiiccès la ceffion de toutes nos pofleflions
dans le nord de l'Amérique feptentrionale, à l’éx-
çeption de quelques établiflemens pour la pêche 4e la morue. En conféquence tous les officiers,
tant civils que militaires employés en Canada, en
Acadie , 8c à Saint-Pierre de Miquelon, furent
transférés en France avec leurs familles, 8c débarquèrent
à Rochefort. On leur affigna , tant à eux
qu'aux individus de leurs familles ^ des fecours
annuels, fous le titre de penfions fur les fonds 4e h marine ; ils font modiques d’après l’état
nominatif que nous avons reçu de l'ex-ininiftre,
M. de la Luzerne. Deux ou trois de ces penlions
feulement font de 600 liv. > Sc la plupart de zoo 1.»
de yo écus, 8c même de beaucoup moins. D un
autre c ô té , un très*grand nombre .des habitans
de ces contrées , & particulièrement les Acadiens,
peuple extrêmement eftimable par la fimplicite
de fes moeurs , refuferent de fe foumettre aux
lois d'une nation étrangère. > Simples comme la
nature, ils en avoient l’energie , 8c fentoient que
fi le gouvernement françois pouvoit les abandonn
e r , au moins n’avoit-il pas le droit de donner
leur pays 8c leurs perfonnes comme une métairie
8c fes troupeaux , ni les anglois celui de
s’ en emparer. La ferme réfolution fut prife de
repoufl’er lès opprefleurs 3 mais leur force ne put
féconder leur courage : nouvelles viélimes des
querelles des ro is , ils furent obligés de ceder
à une mafle irréfiftible de puiflance. Cependant
ces généreux colons, plutôt que de fe laifler
avilir , quittèrent le pays qui les avoit vu naître >
le pays où jufqu’ alors ils avoient coule des jours
heureux au fem de l'aifance ou de la paix j ils
abandonnèrent, en un mot, toute leur fortune ,
tout ce qu ils pofledoient, pour venir fe jeter
dans le fem de la mère patrie. La majeure partie
débarqua dans les ports de Cherbourg 8c de Morlaix.
Plufieurs familles fe font établies dans d autres
villes du royaume. Il leur fut accorde a cha*
cun une folde de 6 fous par jour , payable fur
les fonds de la marine, ainfi que les penfions des
officiers dont nous avons deja parle} un très-
petit nombre d'entr'eux , très-infirme ou très-
agés, obtinrent quelque chofe de plus. Il eft k.
obferver que plufieurs foldes 8c penfions^ ne furent
pas données à v ie , mais jufqu a un âge déterminé
, foit de 18 ans , foit de 20 ans : le
comité vous propofera de conferver cette difpo*.
fition.
Bientôt le miniftre de la marine, fous prétexte
que fon département étoit furchargé de dépen-
1 fes 3 fît renvoyer le paiement de la folde. des ha-
bitans acadiens au tréfor ro y a l} 8c il obtint un
fonds de y0,000 liv. pour continuer le paiement
des officiers civils & ^militaires, 8c^ celui de leurs
familles. Ces derniers ont toujours été exaélement
payés, ou du moins il n'eft parvenu à votre comité
aucune plainte à cet egard. Il en eft bien
’ autrement à l’égard des malheureux habitans. D’abord,
dès 1773 , îd . Peyroufe-Defcarts ayant pro-
pofé au gouvernement de défricher les landes
du Poitou , 8c fait efpérer des merveilles de cette
entreprife ; l'abbé Terray lui liv ra , j oferai le
dire ainfi, plufieurs centaines d’entr'eux , pour
les tranfplanter fur le fol le plus ingrat & le
plus ftérile , lorfqu’il étoit attefte^ au contraire
, que le miniftre de France a Londres
leur avoit promis des établiflemens^ dans les
aieiileuxs terrejns du pays. Eft-ce à uo ^ge avance