
: 90. Tout'porteur de ces bordereaux pourra, acquérir
des biens nationaux y & en jouiffant de
cette faculté dans les fix premiers mois, à compter
du premier janvier 1791 , fi la date du bordereau
liquidé eft antérieure à cette époque , touchera la
prime de 4 pour cent. Au premier juillet 179 1,
elle ne fera plus que de trois pour cent au premier
janvier 1792 , que de-2 pour 100 5 au premier
juillet 1792, qu’un pour 100.
Ce dernier délai expiré , la prime, tenant lieu
d’intérêt fera fùpprimée.
En confequence de ces facilités accordées, la-
prime décroîtra de fix mois en fix mois, à dater
du jour de la liquidation de chaque bordereau r
enforte qu’à l’expiration des délais énoncés, il
çeffera d’en jouir, fans néanmoins perdre de la
valeur de fon capital-, qui pourra , dans tous les
temps , être employé à l’acquifition de biens nationaux.
M. Antoine. Morin. Je ne vous répéterai pas ce
que d’autres vous ont développé ; je ne vous peindrai
point les ajjîgnats portant la difolation dans
toutes les claffes de citoyens,. mettant aux prifes
celui qui a prêté fon argent, avec celui qui ne lui
offrirait que du papier ^rhomme confiant«: fimple,
avec le fpé'culateur adroit, offrant à rinduffrie un
falair-e menfonger , ne préfentant que des terres
inutiles à ceux qui ont befoin de pain » faifant défer ter
les manufactures, &foulevant par-tout les habitans
des campagnes.
Je conviendrai , fi l’on v eu t, avec lés partions
du papier-monnoie, que rien ne. feroit plus beau
dans la théorie que rien ne nous férviroit peut-
être mieux dans la circonftance , fi tous les François,
tous les étrangers , s’engageoient fiir leur tête r
à lui prêter une créance confiante inaltérables
mais on ne me conteftera pas qu’il n’eft rien de
plus fùnefte dans la pratique , que le papier,
lorfque chacun le repoüffe dans la capitale & dans
les provinces ;.o n le reçoit pour une moindre
fournie que celle qu’il repréfente : ainfi Punique,
ou tout au moins la principale feafe ( la confiance
publique) for laquelle les promoteurs des ajjîgnats
fes font repofer , croulé déjà fous nos yeux ce
qui fuffiroit pour les proferire fans autre examen.
Je me borne avons préfenter quelques réflexions
détachées,à énoncer mon avis , & à vous marquer
l’abîme où l’on peut vous entraîner. Dans ce pref-
fent danger, je m’adrefferai principalement à cette
portion de l’affemblée nationale ,. qui , par fon
courage & fon grand fens, a fagement fécondé la
dévolution que le peuple opérait dans toutes les
parties de l’empire ; elle ne voudra pas compromettre
tant de travaux par une. faufile opération de
finances.
On vous a fouvent répété que vous feriez, une
injuftice aux créanciers de l’é ta t, fi vous les payiez
avec un papier libre qui ne pourrait pas fervir à
acquitter leurs dettes : ne voit-on pas qu’en, leur
cédant les plus belles propriétés du royaume, v^iiâ
les traitez comme les aînés de la grande famille,
au moment même où Tétaf, fans vous, étoit force
de leur faire banqueroute ? C’eft pour eux que
vous avez fait rentrer dans vos mains les domaines
nationaux : les biens qu’il eût. été fi doux & fi
politique d’abandonner à la claffe la plus indigente
de la nation , font devenus le gage , l’hypothèque
& la marchandi fe que vous avez promis à vos
créanciers 1 ils ne comptent pas fur autre chofe i
s’il en étoit autrement, s’ils pouvoient fe défaire
envers qui il leur plairait, du papier territorial
qui doit les rembourfer ,. l’homme honnête qui
n’a pas contra&é avec l’état, qui ne .l’a .connu
que pour lui payer de forts fubfides, qui n’a pris
aucune alarme fur fa fortune , fe trouverait tout
à coup facrifié.
Le citoyen qui a . a fiez de fes propriétés, feroit
tenu d’en-acheté* de nouvelles, fi les créances ou
fes denrées lui rentraient en papier ; il manquerait,
faute de numéraire , l’établiffeinent dé fes
filles, à moins que vous ne fiippofiez que nos
jeunes gens fe chargeraient tout à la fois « d’une
femme & d’une dot en ajjîgnats.
L’artifan qui n’a que le fonds néceffaire pour
fes atteliers, rembourfé de fes avances en papier,
feroit réduit à abandonner fa profefiSon pour devenir
agriculteur forcé & mal-habile. On a prétendu que
l’immenfe dette de l’état étoit celle de tous les
particuliers y ce qui fuppofe. qu’au befoin & en cas
d’infuffifauce de biens nationaux., il faudrait les
chaflèr de leur demeure, pour y loger les créan-?
ciers ;. quand on profeffe une pareille doctrine,
on doit fe mettre peu en peine fi les ajjîgnats ,. dans
leur courfe meurtrière, porteront l’effroi & la défo-
lation dans les campagnes. Je vous le demande ;
pouvez-vous frapper fur la fortune de tous les
pères de famille , au profit, d’une claffe de citoyens
où l’on compte fans doute des gens, honnêtes ,
mais dont une partie a é.té lé fléau de l’état, &
deviendrait votre bourreau , depuis qu’elle ne peut
plus être votre tyran? Moi ! je contribuerais pour
ma part à anéantir le patrimoine dé 2^0 mille individus
pauvres & laborieux qui corneraient fur
ma vigilance pour le défendre ; je le compromettrais
pour faire face à une créance dont une.
partie eft frauduleufe 1
Rappelions-nousmes chers' collègues, mes modèles
en courage, en patriotifme, & en perfévé-
rance., rappelions-nous les témoignages, de confiance
& de fattsfàélion que nous avons reçus dans;-
nos bailliages, refpeâifs , de ces bons laboureurs,
dont le fumage nous, a revêtus dès fondions auguftes -
que nous rempliffons depuis dix-fept mois , en promettant
fans ceffe d’améliorer leur fort. Retourne-
rons-r-nous auprès d’eux pour leur apprendre que
nous ne nous femmes occupés' que du fort des-
créanciers qui n’étoîént pas lés leurs , avant le;
17 juillet de l’année dernière ? Leur dirons-nous,
froidement : nous avons converti y os denté« ^
vos falaïres, la dot de vos femmes, de vos filles
en un papier que vous ne favez pas lire, que vous
pe faurez pas difeerner , quand il fera contrefait ,
qui fera perdu pour vous, quand il fera faux : nous
avons fait difparoître, concentré dans, les coffres _
des caphaliftes, ou chaffé chez l’étranger,fe feul ‘
figne qui ne pouvait pas périr dans vos mains ,
auquel yous étiez accoutumés, qui a voit-& meritoit
feul votre confiance ? _ '
Une vérité que la réflexion toute feule découvre
, & que l’expérience démontrera, c’eft que fi
vous voulez vendre les biens nationaux , il vous,
faiit des quittances de finances , ou des délégations
nationales. Si vous voulez aliéner le peu
d’argent qui fe montre encore , créez des ajjîgnats.
L’orateur qui n’a déployé que de l'éloquence
en faveur des ajjîgnats, qui nous a menacés de
prendre encore la parole à l’appui de ce fyftême
deftruéféur , eft évidemment égaré aujourd'hui par
fop imagination, ou il l’étoit l’année dernière.. Il
écrivoit au mois de janvier 17S9 :
U Le papier-monnoie eft un foyer de^yrannié,
(d’infid é lités& de chimères , une véritable -orgine-
née de l'autorité en délire ». C’eft cette proferip-
îiom-prononcée par M. de Mirabeau , que je vous
fupplie de confirmer, en rejettant lamaffe d'ajjîgnats
qu’il vous propofe. Inutilement-, diroit—il : le papier
que j’ai décrié ne valoir pas celui que je vous
pffre ; l’un portoit fur une confiance folle , fur un
prefiige que rien ne pouvoit juftifier l’autre repofe
fur des fonds qui font dans nos mains ? Que m’importent
des fends ? répondront ceux, qui ont un commerce
à alimenter, des enfans à établir. Ce n’eft
qu’avec perte que nous convertirons vos ajjîgnats
en argent,. vos. fonds font une monnoie dont vous
devez payer vos créanciers fans nous mettre dans
la néceffué de les acheter. On a répandu dans le
public ,. on a dit dans cette tribune que la portion
de cette affemblée qui paroiifoit contraire à la
vente des biens nationaux,. ne vouloit pas des
ajfignats, afin d’éluder un moyen favorable à cette
vente. Je doute que le clergé conferve fur fes
anciennes; poffeflicns une prétention proferite par
la nation entière, mais ce qu’on ne peut pas fe
cacher, c’eft que le clergé étant fàlarié, il doit
craindre, fi les ajjîgnats prennent la place des
ècus, qu’on paie en papier : ainfi la réfiftance du
clergé peut avoif pour objet de feuver une partie
de fa fubfiftance. — Un dernier argument. On n’a
ceffé de vous dire qu’il faut des-ajjîgnàts pour éviter
la banqueroute. Je réponds que les ajfîgndts produiront
la banqueroute. Tous les jours vous pouvez
voir, comme moi, à. larue Vivienne qu’ils la pro-
«luifent partiellement, au préjudice de ceux qui
les y échangent avec perte. Aucun de nous ne
doute que les marchands d’argent ont déjà gagné
phifieurs millions- Si Ce jeu redoutable s’introduit
en province, on affüre que^la cupidité, l’y a déjà
établi:, voici ce qui en réfultera :: on ne. peut
évaluer, à. moins de quinze ou dixrhuit milliards les
divers créances qui exiftent dans le royaume, en
contrats à jour, conflitués , viagers, lettres-de-
change , prix de ventes , douaires , légitimes, rem-
bourfemens de droits féodaux , &c. &c. Si les-
débiteurs de ces créances projettent leur libération
en papier-monnoie j s’ils attendent le moment où
fa maffe fera accrue & fa confiance diminuée „
nous les verrons occupés à acheter des ajjîgnats „
avec profit, pour les donner à des,créanciers qui ,,
s’ils ne doivent rien (comme cela arrivera fouvent
chercheront bien vîte à s’en défaire à moindre perte..
C ’eft alors que nous offrirons l’hideux & effrayant
fpe&acle d’une nation d’agioteurs. Toutes les fortunes
feront .ébranlées, & les ajjîgnats auront fàitr
une plaie plus fatale à la fociéré que celle qu’ellec
aurait reçue d’une banqueroute ouverte..
Je propofe le décret fuiyant:
u L’affemblée nationale décrète que Te paièinénir
de la dette exigible fera fait en papier de cours-
libre , fous le nom de délégations nationales, fans;
autre délai que celui qui réfiike de la nature des»
chofesc
Je .confentirois à l’amendement, s’il étoit fait ~
d’àutorifer ces titulaires de rembourfer en ce même:
papier qu’ils auront reçu, ce qu’ils peuvent devoir'
du prix de leurs charges ou offices , dans le cas-
où le vendeur fe feroit. réfervé l’hypothèque dans,
l’aâe de vente-
Je déclare en finiffant que je n e fuis pas'de*
l’avis de M.. Defmeuniers-, qui, après s’être élevée
contre les ajjîgnats T penfë qu’on peut en émettre juf-
qu’à 800 millions.. C’eft même avec, regret que j®:
confentirois à une nouvelle émifiion , pour le fer-
vice ftfiâ: ,& nê'ceffaire du tréfor public, pour la-
fin de .cette année.. Je penfe , comme M. Def—
meuniers, qu’on doit aller aux*voix par- appel nominal
fur la queftion aduelle ÿ. j’en renouvelle iat
motion.
M. dt Monttfquiour Vous avez une dette immenfe
à payer ; vous l’avez reconnue avec une loyauté
digne de la nation que vous reprefentez; Maiç;
le caraéfère dont vous êtes revêtus ^ vous im-
pofe une obligation encore plus facrêe,. celle. de
mettre un terme aux maux du peuplé. Épuifé par;
deux fiècles de déprédations , va-t-il- renaître ou*,
continuer- de languir ? la. révolution fera-t-elle
heureufe pour lui ?. y fera-t-il attaché par fom
bonheur ? Voilà fur quoi vous avez à prononcer
aujourd’hui. — Les dépenfes indifpenfables d e
l-’état, l’intérêt des dettes conftituées & les frais;
du culte emploieront un fubfide de- 450; æ ^00)
millions* Indépendamment de cette femme . fii
vous continuez d’àttermoyer vos anciens & vos;
nouveaux créanciersil faut pourvoir aux intérêts;
de dix-neuf cens millions de dettes exigibles :u
l’intér-êt de 400 millions d'djfignats, & à quelques»
rembourfemens .annuels. Pouvez-vous faire fiip—
porter, au peuple franço*s> cette double, charge ?