
— Louis X I I I , en i 6i î , le 16 décembre , fit fqn
entrée à Avignon : les confuls lui présentèrent les
clefs de leur ville , deux cents médailles d’or dans
une coupe. — Louis XIV , eh 1660 , le 19 mars,
fut reçu dans la ville d? Avignon avec les mêmes
cérémonies : il délivra des prifonniers, & donna
dès lettres de grâce en i 66'2. Le 13 o&obre ,. il
écrivit à Son procureur-général au parlement
d’Aix : u qu’ayant réfofci de rentrer dans Ses domaines,
& confidérant que la ville à'Avignon &
le Comtat'Venaifîin ont été aliénés du comté de
Provence, il lui mande & enjoint de tenir la
main à ce que le vice-légat de la légation Soit
obligé d’exhiber à Son parlement «les titres en
vertu defquels notre faint-père le pape jouit de
ladite ville d’Avignon & Comté Venaiffin ». Par
arrêt du i 6 juillet 1663-, le^ parlement d’Àix reconnut
Avignon'& le Comté VenakTin parties de
l ’ancien domaine de Provence,, 8c déclara qu’ils
n’avoient pu être aliénés ni fépares, & .les reunit
à la couronne.
Le pape négocia. Par le traité de Pile, lé roi
renonça , le 12. février 1664 » 311 bénéfice de
Larrêt, & ordonna que le pape, feroit remis en
poffeffion. Dans ce traité, Louis XIV n’en tient
pas moins,. dans plufieurs fiipulations, la conduite
du roi d'Avignon. En 1668 , ayant eu de ^
nouveaux fujets de mécontentemens de la cour
de Rome , il ordonna au parlement de reprendre
l’exécution de fon arrêt de 166y ; ce qui fut fait
fans beaucoup de formalités. Mais de nouvelles
lettres-patentes rendirent à Alexandre VIII la poffeffion
d'Avignon & du Comtat Venaiffin. Le parlement
les enregiflra fans préjudice de la propriété
déclarée inaliénable & imprefcript-ble. Lesadver-
faires de la cour de Rome apperçoivent dans cette
marche' incertaine & changeante de Louis XIV ,
.un homme vain & foible,. allez content d’avoir
humilié fon ennemi, peu jaloux d’ime propriété
qui n’ajoutoit rien à la puiffance ni à fa gloire r
mettant de l’oftentation à accorder un bienfait qui
retînt les papes dans fa dépendance ; & dans les
opinions fermes & confiantes, du parlement d’A ix ,
lé zèle noble & courageux de magiftrats qui défendent
les droits de la nation & de la monarchie.
Louis X V , en 17^8, irrité des entreprifes de
• la cour de Rome fur les droits du duc de Parme
& de Plaifance , envoya des troupes à Avignon
& dans le Comtat Venaiffin ÿ par des, lettres parentes
du. premier, juin, il chargea des commif-
flires chcifis dans.le parlement d’A ix , de fe tranf-
«rnrter fur les lieux y. de prendre poffeffion & de
recevoir le ferment de fidélité , foi & hommage
des confuls, fyndics & faabitâns. Il conferva ce
pays jufqu’en - 1774.,. époque à laquelle il s’en
deiVâfik en faveur de Clémept XIV. Il efl à remarquer
que dans ces différentes lettres patentes
on a toujours réfervé le droit de la. France fur.
cet état.
N ous avons à Avignon des- étabiiffiraens de toute
efpèce, un féminaire, des caiffes publiques, dôît
douanes, des loteries, un entrepôt de tabac, des
greniers à fe l, des pofies , des diligences, &c. ;.
nous y exerçons enfin tous les.droits que l’on a
dans un pays qui vous appartient. Cette jouiffance
partagée , ce mélange de poffeffion entre les rois
de'France & Je& papes 9 ont .fait penfer à plu-
fieurs bons efprits v que ces domaines n’étoierit
qu’engagés, & que dès-lors la France pourroit
y rentrer quand elle le jugeroit convenable. Ce
qui paroît le mieux établi, c’eft que ces domaines
faifoienr partie de l’empire françois 3 qu'ils étoient
frappés de (ubitirution entre les mains de Jeanne;,
que Jeanne a vendu ce qu’il n’étoit pas en fon
pouvoir d’aliéner; que le pape a acquis ce qu’il
n’àvoit pas le droit- d’acquérir.... . . La France , dans
Je droit pofitif, peur donc , aux yeux de l’Europe
entière, rentrer dans des domaines qui lui, appartiennent
, & qui n’auroient jamais.dû en être fé-
par.es.. . . . Mais fuppofons même que les prétentions
de la France fur Avignon foient litigieufes &
incertaines ; fuppofons que celles des papes font
légitimes & in conte fiables ; n’examinons même'
pas fi le premier prince de l’églife peut avoir une
puiffance temporelle ; fi un prince eleéïif peut être
choifi par d’autres que par fon peuple. Admettons
que les papes font des rois, qu’ils font poffeffeurs-
à?Avignon , & voyonsdans cette fuppofition ,.s’i s*
peuvent Conferver Avignon malgré la volonté du
peuple,, & fi les Avignonois ne font pas les maîtres
de fe donner à la France.
Les Avignonois fe plaignent de leur régime intérieur,
de leurs inflitutions vicieufes , du joug
de la cour de Rome ils repréfentent le vice-
légat d'Avignon comme un prêtre ambitieux ,,
avide d’honneurs &de richeffes, entouré d’Italiens
pervers, réunifiant dans fa personne tous les pouvoirs,,
précipitant d’un feul mot le plus honnête
citoyen dans les fers , & le livrant au fupplice
infâme & cruel de l’efirapade-L’adminifiration municipale
efi un corps arifiocratique,. fournis- aux-
volontés defpotiques du vice-légat, qui fe régénère
elle-même ,~fans la volonté ni le voeu des-
adminifirés , commet les malverfations les plus-
criantes , ayant ruiné la ville ,. & l’ayant grevée
de quatre millions de dettes. La jufiiee efi vendue-
a l’enchère; le vice-légat & les fubalternes font
un commerce public & frauduleux d’ordonnances;
les appels fe portent â Rome , eé qui éternife
les procès & ruine les plaideurs. Les débiteurs
; achètent à Rome le privilège de ne point payer
leurs créanciers-; les créanciers font cafier, avec
.de.l’argent, ces arrêts de ftirféance, que les débiteurs
font revivre à. leur tour,. en payant une-
plus forte fomme. Les plaintes adrefiées à la cour de
Rome, fur l’adminifiration ,.ne font jamais accueillies
les fupérieurs font autorifés* dans« toutes
leurs entreprifes, & c . . . . Le-peuple éroit fatigué'
r de tous ces excès, lorfque la révolution de France
réycilla le fentiment de la liberté, chez- les A-vl'
gnonoîs. Des doléances furent rédigées, avec la
per million du vice-légat : elles frapp oient fans
ménagement contreJes abus ; les hommes en place
qui en profitaient , en furent çjïrayés. Les confuls
rédigèrent une adreffe au pape, dans le ftyle des
-efc laves ; les citoyens en furent indignés, 8c l’état-
major fit brûler „publiquement cet écrit. Les doléances
reftoient fans réponfe : le peuple fe fou-
lève ; & le 3 feptembre, il s’empare de plufieurs
portes de la ville , & déloge les commis. Le
vice légat emploie la force, promet une amniftie !
fimulée, fait enlever des citoyens pendant la nuit,
dirige une procédure criminelle contre les auteurs
& imprimeurs des doléances. Oîi dreffe une potence
; & par un raffinement de cruauté, on fait
-favonner les cordes par le bourreau, en préfence
des détenus. Un avocat efi arraché, le 2 février,
à onze 'heures du foir, du fein de fa famille,
& traîné dans les priions. Le peuple alors ne
contient plus fon indignation; le vice-légat cède
à l’orage, délivre’les prifonniers. Le lendemain,
cette infernale procédure efi brûlée.
Bientôt la ville efi provifoireroent adminifirée
p$r des députés de corporations & par le comité
militaire. Ne pouvant obtenir du pape les états-
généraux \ les citoyens, pour fortir de cette anarchie
, adoptent la conftitution françoife, par une
• délibération du 14 mars , qu’ils renouvellent le
5 avril. Une nouvelle municipalité s'établit dans ,
les formes preferites par les décrets de l’affcmblée
nationale. Le. pape caffe, par un bref du 2 i /acût,
tout ce qui s’eft fait, 8c . la fanéiion donnée par
le vice-légat; le bref rejette, il députe un fécond
envoyé extraordinaire, ilfignor Celefiini; le peuple
lui interdit l’entrée de la v ille ..... Vous,/Con-
îïoîffiez la fatale journée du 10 juin ; je n’en mettrai
pas fous vos yeux le lugubre & déchirant tableau;
je ne vôus parlerai pas de la journée qui a fuivi....
Les Avignonois, mécontens de leur adminifiration
vicieufe, en follicîtèrent vainement la réforme ;
réduits au défefpoir par le gouvernement, égorgés
par fes fatellites , ils fe déclarent libres, indé-
pendans ; ils expuîfent le légat, ne veulent plus
reconnoitre la cour de Rome, & s’offrent à la
France. Les a Semblées de diftriéïs furent-elles nom-
breufés ? Nous l’ignorbns : ce que nous favons ,
e’efi ' que tous les citoyens furent convoqués dans
les- formes les plus folemneiles. Il efi poffible que
dans ces affemblées on n’ait pas obfervé des fermes
calmes pour recueillir le voeu de chaque membre ;
mais cette énergie qui ne peut fe contenir, a
raanifefié: avec force à tous les yeux la volonté'
commune.
On a reproché , comme un vice efientiel à ces
délibérations., d’avoir été prifes dans des ferions |
fépa^ées. Je ne fais pas comment nous aurions
le droit de fixer'à un peuple la manière dont il
doit 'délibérer. Plufieurs citoyens navoient pas j
affiitè aux délibérations. Un regiftre fut à Finûant
inferit de 960 fignatures :• ce voeu émis par l’en- I
‘ thoufiafme a été reftifié"par le temps 8c la ré-
fi exion. Le 5 feptembre, les douze compagnie^
des gardes avignonoifes ,■ affemblées fur le roc
de Dom, renouvellent leur ferment, & le peuplé
imite leur exemple ; par-tout 'l’air retentit des cris
de vive la- nation, vive le roi. La formule du
ferment, dépofèe fur un tambour, efi revêtue de
quatorze cents fignatures. Le 6 ofîobre, les neuf
difiriéls fe font de nouveau a fie m blés , & ont renouvelle
à l’unamité leur voeu d’être libres , d’être
françois. Ces délibérations on été remifesau corps
municipal par le président de chaque dififié!, 8c
adrefiées enfuite à l’affemblée nationale. A ces
caraélères il efi difficile de ne pas reconnoître la
volonté générale d’un peuple, & nous ne favons
pas s’il efi une manière plus certaine de l’exprimer.
La majorité fait la loi ; lorfqu’elle efi pour
l’indépendance, toutes les clameurs des mécontens
doivent fe taire ; tous ces ces grands mots d’in-
fubordination, de révolte, ne peuvent pas être
écoutés....... Lorfque les Américains ont fecoué le
joug de l’Angleterre, lorfque nous avons protégé
leur indépendance, ils étoient bien éloignés de
réunir une volonté auffi générale & auffi conf-
tante.
Il ne s’agit plus que de déclarer fi les Avignonois
ont eu le droit de fe déclarer-libres & indè-
pendans. Tout le monde convient que la fouve-
raineré, c’efi à-dire , la. réunion de tous les pouvoirs
refide dans la nation. Il n’exifte véritablement
point de contrat entre une-' nation & le chef qu’elle
s’eft choifi. Les peuples ne fe vendent ni ne s’engagent
; ils refient toujours les maîtres de leur
volonté & de leur confiance ; ils délèguent les pouvoirs
qu’ils ne peuvent exercer , mais ils ne donnent
aucun empire fur eux , ni aucun mandat qu’ils
ne puiffent révoquer. Eux feuls peuvent juger de
leur bonheur ; 8c déterminer ce qui leur convient.
Comment concevoir qu’un délégué puiffe agir
contre la volonté de fes commettons, qu’il puiffe
les foumettre à fa propre autorité, 8c devenir
maître, au lieu de refter fujet ? Je penfe même
que perfonne de bonne foi ne peut contefièr à
une nation le droit qu’elle a de changer , de modifier
la forme de fon gouvernement ; niais une
autre difficulté plus férieufe efi de favoir ce que :
peut faire une partie de cette nation. Si les portions
d’une grande fociété ,'dit-on', pouvoientainfi
s’ifoler par des voeux particuliers;, il n’y auroit
plus rien de fiable ; tous les empires feroient ren-'
verfés. Le point de fait efi que le peuple d'Avignon
a toujours été un peuple a part. Il a paffé
fous la domination du faint-fiège à ce titre. Il a
fes ufages , fes loix, fes fiatuts particuliers ; il a un
régime qui lui efi propre. Jamais les régiemens
généraux -de la cour de Rome n'ont été applicables
à Avignon , qu’autant qu’ils en ont porté la difpofi-
tion expreffe. . . . On ne peut d’ailleurs concevoir
de véritable union politique, d’union qui engage
tous les membres d’une fociètè, que lorfqu’eïle