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Comté, que ce premier calcul n’eft pas exagéré,
puifque la population y eft augmentée, quoique
depuis dix ans ces provinces aient fourni dans cette
proportion au recrutement de Vannée, par la voie
des engagemens volontairès. Notre population connue
de 25,061,883 têtes, nouspermettroit donc facilement
de porter nos forces militaires à 350,000
hommes; elles ne feroient alors que fur le pied
de 1 fur 72 à-peu-près. Une armée auffi considérable
pourroit peut-être nous paroître néceffaire,
fi nous ne confultions que le nombre des troupes
entretenues conftamment fur pied par nos voifins ;
mais fi la France doit être militaire, elle doit être
en même temps agricole, commerçante & maritime,
& fi elle énervoit fes reffources par des armées de
terre trop confidérables , elle nuiroit néceffairement
aux autres parties, qu’elle a , au moins, autant d’intérêt
aménager. D ’ailleurs, en examinant la pofition
de fes frontières, on doit fentir qu’elle n’a pas befoin
de forces militaires auffi confidérables, toutes les
fois que fon fyftême militaire n’aura pour but que
de fe mettre en état de les défendre.
La France eft limitée d’un côté par la Siiiffe ,
puiffiince alliée de laquelle elle n’a rien à redouter ;
les Alpes la défendent du côté de l’Italie ; la Méditerranée
la borne au midi ; les Pyrénées font fa
barrière du coté de l’Efpagne ; l’Océan eft fa frontière
au couchant, & des places fortes lui fervent
de rempart du côté des Pays-Bas & de l’Allemagne,
d’avec laquelle elle eft d’ailleurs féparée par le Rhin.
Ses moyens de défenfe, néceffaires en temps de
paix, fe bornent donc à garder fes côtes & les points
principaux de fes frontières.
Celles du côté de l’Allemagne & des Pays-Bas
comprennent les provinces de Franche-Comté, d’Al-
face, de la Lorraine > des Evêchés, de la Flandre,
de l’Artois & du Hainaut. Elles font d’un abord
facile, & ne font défendues que par des places
difperfées fur des frontières fucceffivementreculées,
& dont le nombre & la pofition n’ont point, en
conféquence , été combinées fur un fyftême de dé-
fenfe médité. Ces villes de guerre.à garder, quelques
points intermédiaires entre elles qu’elles ne couvrent
pas fuffifamment, exigent au moins foixante-
dix mille hommes, répandus dans ces différentes
provinces, pour les défendre en cas d’attaque.
Nos côtes de l’Océan comprennent les provinces
de Picardie, de Normandie , de Bretagne , de Poitou
, d’Aunis, de Saintonge & de Guyenne ; elles
font expofees aux attaques de l’Angleterre, puiffance
rivale contre laquelle nous devons toujours nous
tenir en gardé ; mais ce font des vaiffeaux qu’il faut
principalement lui oppofer, & ce n’eft point à votre
comité militaire à vous parler de ces moyens de
défenfe ; nous ne devons vous indiquer que ceux
à employer contre les incurfions qu’elle pourroit
vouloir tenter dans ces provinces qui Tavoifinent.
Cette étendue immenfe de côtes, depuis Dunkerque
jufqu’à Bayonne, fembleroit au premier coup-d’ceil
exiger une quantité de troupes très-conüdérabJe ; 1
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mais fi Ton confidère combien peu d’anfes&j
places dans cette étendue de terroin font fufcepS
blés de débarque mens; combien l’ennemi qui e
tenteroit un , aiiroit peu de reffources de poftes n0?
pouvoir s’y établir ; & enfin , la facilité de lesnro!
téger par des batteries, on trouvera* qu’enviroJ
trente mille hommes , répartis dans les points les !
plus fufceptibles d’attaque, doivent fufiire à leur
défenfe.
L’Efpagne eft notre alliée , nous n’avons rien ï
redouter de fa part ; d’ailleurs, les Pyrénées qui
nous féparent d'avec elle, peuvent nous difpenfer
de garder, nos frontières entre les deux mers &
quelques efeadrons de cavalerie, pris dans le nombre
de ceux deftinés à la garde de nos côtes de l’Océan
peuvent fufiire pour le fervice intérieur, depuis
Bayonne jufqu’à Perpignan.
Nos côtes de la Méditerranée depuis Perpignan
jufqu’à Antibes, & la défenfe néceffaire de l’îîe de
Corfe, exigent au moins quinze mille hommes.
Les frontières du côté de la Sardaigne, depuis le
War jufqu’à Lyon, paroiffent fi impénétrables, que
peu de troupes fembleroient {uffifantes pour les gar-
der; mais dans la fixation des limites de la grande
chaîne des Alpes , & dans les échanges des vallées,
le roi de Sardaigne a tellement gardé l’avantage,
qu’on ne peut guère fe difpenfer d’y entretenir
environ dix mille hommes, jufqu’à ce qu’on ait
reconnu un meilleur choix *de poftes, & travaillé
à rendre cette barrière encore plus impénétrable:
& ce nombre affurément ne feroit pas fuffifant, fi
nos alliances avec la Sardaigne n’étoient pas de
nature à nous raffiner.
Enfin la protefrion des communications intérieures
du royaume, les befoins de confommations de
certaines provinces, trop éloignées de nos frontières
pour que les quartiers des troupes deflinées
à leur garde, puiffent y être étendus| la proteftion
fouvent néceffaire à donner, par la force militaire, à la puiffance civile, femblent demander des troupes
qui puiffent remplir ces fondions, fans obliger à
dégarnir les points intéreffans à garder ; & nous
penfons qu’il doit toujours y avoir neuf ou dix mille
nommes de troupes en réferve, deftinés à ces diffé*
rens fervices.
Tous'ces befoins de défenfe,' calculés au plus
bas, doivent employer 134 à 135 mille hommes.
Enfin, en y ajoutant feulement de huit à neuf mille
hommes d’artillerie, nombre qui n’eft pas certainement
exagéré, dans un fiècle où le canon décide
principalement le fuccès des guerres, & pour un
corps que fon inftrufrion ne rend pas fufceptible
de rédufrions confidérables pendant la paix ; il en
réfultera que la force néceffaire & indifpenfable de
Varmée doit être entre 142 & 143 mille hommes,
fans compter les troupes à deftiner à la garde & a
l’éclat du trône. Quoique militaires, & quoique
faites pour être employées avec fuccès contre nos
ennemis, la nature de leur fervice & l’emplacement
1 qu’elles doivent occuper ne permettent pas de 1«$
a r m
„»•dans la clafle de celles utiles pour la garde |
-frontières. L'armée eft aujourd’hui compolèe ,
“e<T_ compter. de 161,690 hommes; la reforme
f c f H H I *°’°°° Ffette force militaire, ainft réduite, peut etre
rffifante fans doute dans des momens ordinaires
& tranquilles ; mais elle ne le feroit certainement
r en temps de guerre; il fout donc qu’elle fott
Lanifée de maniéré à pouvoir être augmentée en
[ raifort des befoins & des circonftances.
I Les circoaftances politique^ peuvent nous mettre
dans le cas d’avoir à nous défendre à la fois contre
les forces réunies de l’Angleterre , de la Pruffe , de
l’Empereur & de la Hollande.
pour faire une pareille guerre avec quelque fuccès,
il pourroit être néceffaire que nous leur opposo
n s des armées en Allemagne, dansées Pays-
Bas, & dans l’Italie., fans négliger nos côtes & nos
[ Les deux armées principales en Allemagne & dans I les Pays-Bas ne pourroient guère être au-deffous de
K foixante mille hommes chacune. Celle d’Italie devroit
I être de quarante mille. La défenfe de nos colonies pourroit exiger qu’on y fît paffer vingt mille hom-
I mes, & nous ne pourrions guère en conferver en I France moins de quarante mille, pour la garde de
I nos côtes, de notre intérieur , & fournir à la marine les fecours dont elle pourroit avoir befoin pour les I garnifons de fes vaifteaux. Il faudrait donc alors I porter nos forces à deux cens vingt mille hommes, I & par conféquent augmenter de quatre-vingt mille I hommes l’état militaire que nous entretiendrions-en
I temps de paix.
I Les fuccès d’une guerre dépendent fouvent de fon début. Une pareille augmentation à faire fubi-
■ tement pourroit, par la lenteur des mçyens ordi-
I jiaires adoptés pour le recrutement, retarder de
I grands efforts, fi elle n’avoit pas été prévue avant
[ le moment des befoins. La prudence veut donc que I
I nous entretenions une armée auxiliaire, inafrive pen- :
I dant la paix, mais toujours défignée , & toujours
I prête à fournir à toutes les augmentations que des
| circonftances de guerre pourroient exiger ; & nous
avons penfé qu’elle ne pouvoit guère être au-deffbus
t de cent mille hommes, afin de ne jamais rifquer de
| fe trouver au-deffous des befoins.
Cette armée auxiliaire né porteroit en totalité
I les forces militaires qu’à deux cens quarante mille
I bommes. Nous avons annoncé ci-deffus que notre I population connue pouvoit permettre des efforts I beaucoup plus confidérables. Celui-ci fera d’autant I moins pénible, que cent mille hommes ne ferviroient I pas habituellement, n’abandonneroient pas leurs
I travaux, conferveroient leurs habitudes de citoyens,
I & ne feroient réellement dans lé cas de faire partie
I de la véritable force militaire que momentanément,
I & dans des cas de guerre extraordinaire.
I Cette armée ne doit pas fervir habituellement,
I rile ne doit jamais être dans le ca£ de fe réunir
l pendant la paix ; il ne faut donc la Confidércr que
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comme des dépôts d’hommes à défigner dans chaque
canton. C ’eft à votre comité de conftitution à vous
préfenter les moyens à preferire aux affembiées de
département pour fournir ces hommes. Lorfqu’ils
feront déterminés par vous, nous aurons l’honneur,
fi vous l’ordonnez, de mettre fous vos yeux le détail
de ceux qui pourroient être employés pour conftater
militairement l ’exiftence de ces hommes, affurer la
-facilité de les raffembler lorfque leur fervice pourroit
être néceffaire, & déterminer la durée de celui
qu’on pourroit être dans le cas d’en exiger.
Les gardes nationales, fi vous jugez à propos d’en
confacrer l’exiftence, appartiennent de mêjne à la
conftitution, puifque leurs fon frions confiftent principalement
à affurer & à maintenir l’ordre intérieur
du royaume. C ’eft pareillement à votre comité de
conftitution à vous indiquer les élémens & les
principes de leur formation. Nous ne nous occuperons
ici que de Ÿarmée de ligne , c’eft-à-dire , de
celle deftinee à la défenfe extérieure du royaume.
Une armée militairement organifée doit être com-
pofée, dans des proportions établies, de troupes à
pied, de troupes à cheval, & de troupes d’artillerie.
L ’infanterie eftl’ame des armées; c’eft elle qui
porte principalement'le fardeau du fervice ; & la
quantité plus ou moins confidérable de troupes à
cheval doit dépendre principalement du local du
pays qui doit être le théâtre de la guerre. Les proportions
à établir entre ces deux armes ne font pas
bien militairement déterminées. Elles varient, pour
ainft dire, chez toutes les puiffances • & nous ne
nous permettrions même aucun détail à ce fuiet, ü.
une fixation quelconque ne nous avoit pas pari*
indifpenfable pour établir des prix communs, nécef-
faires à connoître pour déterminer les dépenfes totales
de l’armée, qui doivent être plus ou moins
fortes, fuivant qu’elle fera compofée d’une quantité
plus ou moins confidérable de troupes plus, chères
& plus difpendieufes pour leur entretien.
I I e. queftion. Quelle doit être la proportion à établir
entre les différentes armes ? Les troupes à cheval,
d’après les calculs les plus ufités, doivent être aux
troupes à pied dans la proportion du quart au cinquième
formant entre le cinquième & k fixième au
total ; ainft line armée forte de deux cens vingt mille
hommes, doit être compofée d’environ cent foixante-
dix mille hommes d’infanterie, & d’à-peu-près quarante
mille hommes de Cavalerie ; mais, comme
l’infanterie, exigeant moins de temps pour fon inf-
trufrion que les troupes à cheval, eft fufceptible
d’une augmentation plus forte à la guerre, & par
conféquent d’une rédufrion plus confidérable à la
paix, nous.avons penfé qu’il falloit outre-paffer
un peu cette proportion, & porter la cavalerie
entre le tiers & le quart de l’infanterie pendant
la paix.
La force plus ou moins confidérable de l’artillerie
doit dépendre de l’efpèce de guerre qu’on aura
à foutenir : les proportions connues doivent être