
de patriotifme au defir d’obtenir un accroiflement de
revenu dans les nouveaux calculs de ces bons habi-
tans des campagnes , qui d’ailleurs attachent encore
plus de prix à l’acquifition d’un bien-fonds, que
les capitalises des grands villes ? Le commerçant,
de fon côté , voyant que le nouveau numéraire
aura le double avantage' de porter intérêt & de
remplacer l’argent dans les paiemens, l’adoptera
fous ces deux afpeéls ; les étrangers eux-mêmes
en feront un objet de fpéculation , tant que le
cours défavorable des changes ne leur permettra
pas de réalifer les fonds qu’ils ont en France ; &
cette dernière obfervation répond à bien des objections.
Votre comité croit appercevoir qu'en vous
bornant à une quotité à’ajjîgnats égale à celle des
immeubles dont vous avez décrété la vente ,
bientôt vous verrez rechercher YaJJîgnat qui réunit
trois avantages précieux, celui de porter intérêt,
celui de fervir en paiement , & celui d’être appuyé
fur un immeuble qui ne peut échapper au
dernier détenteur.
Audi votre comité ne s’arrêtera point à la com-
paraifon d’un papier aufli précieux, fous tous fes
rapports ,avec celui de cet habile Ecoffois , devenu .
fi célèbre , dont l’imagination offrit fous la régence
un numéraire qui, bien ménagé, n’auroit
pas eu fans doute les fuites funeftes qui Font décrié
, mais lequel enfin repofoit moins fur des
valeurs réelles, que fur des efpéramces.
Votre comité n’a pas cru devoir adopter le
fyftême des primes, propofé par la municipalité
de Paris; il penfe que fi l’on fe permettoit de
préférer cette chance à un intérêt déterminé , le
fuccès éphémère qu’elle pourroit avoir par le fe-
çours de quelques riches calculateurs ne fe fou-
tiendroit pas : d’ailleurs, nous- ne vous propofe-
rons jamais de favorifer un jeu quelconque, quand
il eft capable de féduire'de trop faciles capitalises ;
il feroit au-defious de votre dignité, & contraire
à votre jttftice , de placer des citoyens imprudei-s
fur le bord d’un âbyme où les trois quarts d’entre
eux feroient précipités tous les mois.
Pour épuifer tout ce qui doit être fournis à votre
fa^effe, relativement à la nécefîité de donner un
intérêt aux ajjîgnats , nous devons vous repré-
fenter l’inconvénient habituel qui eft fous vos
yeux , de n’en avoir pas attaché aux billets de la
çaiffe d’efcompte; il n’eft plus temps de le faire,
il faut échanger contre des ajjîgnats ces billets ;
mais c’eft reconnoître de plus en plus la néeefllté
d’attribuer un intérêt au papier qui va les remplacer.
Nous ajouterons enfin , comme un motif de
conviction de plus , que nous fommes entièrement
d’accord à cet égard avec le premier mi-
niftre des finances, dont l’expérience eft aufli pré-
cieufe qu’utile aux repréfentans d’une nation qui
aime à lui conferver fa confiance.
Quant à la meftire de l’intérêt annuel, plus de
difficultés fe font préfentées à l'examen attentif
qu’a fait votre comité des obfervations, & des
adreftes même, ou répandues dans fon fein, ou
publiées par! la voie de rimpreffion. .
Il feroit trop long de vous rapporter en- détail
la diverftté des opinions à cet égard ; elle fe ré-
duifent à deux , celle qui infifte pour un modique
intérêt, & celle qui en propofe un plus confidé-
rable.
Sans doute-, Mefiieurs, s’il ne s’agiftoit que de
délivrer des ajjîgnats en paiement à vos créanciers
, fans leur imprimer le fceau de numéraire
national, il feroit jufte de leur accorder un très-
grand intérêt ; car vos créanciers , comme nous
l’avons déjà obfervé , obligés de s’en fervir pour
fe liquider de gré à gré avec les leurs, feroient
fans cela une perte qui deviendroit une cruelle
injufticc. Avec ce gros intérêt même, YaJJîgnat qui
n’auroit pas l’avantage de la circulation, pourroit,
malgré fa valeur intrinfèque , fe négocier de plus
en plus à perte, par la concurrence des vendeurs
preffés d’acquitter leurs engagemens tous à la fois:
de-là une nouvelle fource d’agiotage , & même
une route ouverte à la malveillance. Il feroit irn-
pofiible de vous offrir la mefure certaine de l’intérêt
à donner à un pareil ajjîgnat : vous lui attribueriez
huit & dix pour cent , peut - être fans
fuccès , puifque d'autres effets fur la place fe
négocient & s’achètent à une perte plus grande ;
& en vérité, de pareils calculs font indignes de
vous. Mais du moment où les ajjîgnats deviennent
un papier circulant dans tout le royaume, il eft
inutile que l’intérêt foit aufli fort. Il feroit même
dangereux qu’il fut trop confidérable. La prudence
nous confeille , à raifon des circonftances préfentes
, de ne nous livrer à aucun excès, en plus
comme en moins.
La raifon la plus apparente que donnent les
partifans d’un intérêt pins fort, eft d’indiquer ce
moyen comme produifant le double avantage d’af-
furer dans ce moment le fuccès d’une opération
fur laquelle repofe le fort- de l’état, en déterminant
à recevoir avidement les ajjîgnats, 8c de diminuer
promptement la mafle des billets en circulation,
par le defir de les conferver. Nous rendons
hommage à ces deux eonfidérations, & nous
ne les perdons point de vue dans l’avis auquel
nous nous fommes fixés.
Ceux qui demandent, au contraire, que l’intérêt
foit très-modique , craignent qu’en en forçant
la proportion , on fie nuife à la négociation des
effets de commerce, & même aux plaçemens relatifs
aux entreprifes de l’agriculture 8c des arts.
Qn nous a repréfenté de toutes parts que l’ef-
compte montera en proportion de l’intérêt accordé
au billet circulant , & que cet accroiffe-
meat, qui fera d’un 8c demi ou deux pour cent,
peut être nuifible aux opérations aétives du commerce.
Nous ne devons point diffimuler que c’eft-là
l’opinion de beaucoup de perfonnes recommandables
par leur expérience dans les affaires de la
banque
bariqiie & du commerce, confidéré dans fes rapports
avec les changes.
Il eft difficile de faire difparoître tout - à - fait
cette objection , qui réfulte de l’élévation plus que
probable de l’efcômpte. Il paroît , de plus, in-
conteftable que f f les ajjîgnats prennent faveur,
comme votre comité ne peut en douter, le porteur
de YaJJîgnat, qui confentira à l'échanger ^contre
l ’effet d’un particulier , pourra bien y mettre
quelque condition à fon avantage, qui augmen-
teroit certainement le prix de cet échange. Il eft
vrai que cette crainte même fait préfager le fuccès
des ajjîgnats relativement.au tréfor public ; & cette
obfervation n’eft point indifférente : if n’en eft pas
cependant moins jufte de prendre des précautions
pour ne point expofer les commerçans à des pertes
trop grandes, en introduifant un numéraire dont
le cours fût nuifible à celui des lettres-de-change.
Mais il nous paroît aufli démontré que le commerce
, tant maritime qu’intérieur , a moins de
crainte à cet égard que la banque : ce font les
droits de commiffion qui produisent en partie l’élévation
de l’efcompte : il n’en eft pas de même
vis-à-vis du commerce, & fur-tout vis-à-vis des
manufa&ures. Dans bien des villes , l’argent fe.
prête dire&ement aux commerçans , à cinq pour
cent; & pourvu que l’intérêt de YaJJîgnat foit un
peu inférieur , on nous affure que le commerce
fi’a rien à craindre, & que s’il étoit réduit à quelques
facfifices, l’augmentation du numéraire, en encourageant
les travaux, lui offrira des bénéfices équi-
vàlens.
Nous ne devons pas d’ailleurs perdre de vue les
différentes deftinations de YaJJîgnat ayant cours.
L’une eft de ramener le numéraire d’argent dans
la circulation , par l’avantage qu’il aura fur leS
efpëces ftagnailtes & non productives ; 8c de l’élévation
de l’efcompte même , naîtra dans l’èfprit
des poffeffeurs de l’argent, le defir de placer en
ajjîgnats , pour profiter à leur tour du bénéfice
de cette élévation : mais il ne faut pas oublier,
non plus, que les ajjîgnats devant fitppléer pendant
quelque temps aux efpèces qui nous fuient,
il feroit dangereux de trop diminuer la rapidité
de leur circulation par un intérêt trop fort.
C’eft dans cette combinaifon difficile des deux
contraires que confifte le fuccès du nouveau numéraire.
L’opinion des députés extraordinaires du commerce
, qui ont affifté plufteurs fois à votre comité
des finances , a fur-tout influé fur notre détermination
: nous avons leur avis par écrit , & il inftf-
tent pour que l’intérêt des ajjîgnats ne foit pas
au-deffous de quatre & demi pour cent. Il paroît
que cette propofition rapproche les deux
extrêmes ; que fi elle produit l’effet de faire fé-
journer les ajjîgnats dans les porte-feuilles , il en
réfultera néceflairement que l’argent reparoîtra,
parce qu’il n’y aura pas d’autre numéraire qui le
îiipplée ; qu’elle fera regarder YaJJîgnat comme affez
jâjftmblée. Nationale. Tome II. Débats.
productif potfFêflgager fon détenteifr à le garder“
& le poffefleur de l’argent à defirer fon échange
contre YaJJîgnat, mais pas affez cependant pour
nuire à fa circulation.
C’eft de ce contre-poids que dépend le fuccès
d’une opération neuve à beaucoup d’égards ; c’eft
fur elle que votre comité médite depuis longtemps.
Il a jetté fes regards dans l’avenir, il les
a ramenés fur le moment préfent ; il ne s’eft point
diflimulé combien de canaux de dérivation fe multiplieront
autour du nouveau fleuve dont les eaux
font deftinées à vivifier le corps politique. Le premier
miniftre des finances ofe à peine tenir le gouvernail
dans cette route nouvelle. ,
Votre comité vous propofe donc , Meilleurs
de donner quatre & demi pour cent 'd’intérêt aux
nouveaux ajjîgnats. Ce taux intermédiaire fe place
affez heureufement entre les deux opinions op-
pofées, & il nous offre déplus deux avantages,
qui, quoique fecondaires, ne font point du tout
indifférens pour le fuccès de l’opération.
Le premier eft de donner une fraétion très-
nette pour l’intérêt par jour, & l’autre de rendre
infiniment facile l’échange des billets de la caille
d’efcompte. contre les ajjîgnats.
Avant d’entrer dans quelques détails à cet égard,
votre comité fe plaît à rappeller qu’il ne s’agir
point ici de calculer les conditions d’un emprunt ;
il s’agit de balancer des forces contraires , & de
trouver le modérateur le plus sûr. Il feroit aufli
imprudent de méprifer le premier effet de la nouvelle
circulation , que de" juger d'après eux de la
durée de fon fuccès. Il faut, fans doute, que la
première impreffion foit heureufe ; mais jamais des
légiflateurs ne doivent lui facrifier la réaétion de
l’avenir.
En Efpagne , le papier circulant appellé vales
réalcs, perdit dans fon début , & cette perte fe
foutint quelque temps -par la faute du. gouvernement
j qui fe détermina mal-à-propos à indem-
nifer de la baiffe , des gens qui avoient intérêt à
ce qu’elle exiftât, pour avoir de plus en plus des
bonifications certaines ; mais il a repris fon niveau
naturel, & quoiqu’ils ne portent que quatre
pour cent d’intérêt, il gagne actuellement un 8c
demi pour cent. Cependant il n’a pas l’avantage de
l’hypothèque fpéciale qui donnera à nos ajjîgnats
une valeur plus réelle.
Mais nous fommes dans des circonftances difficiles
& délicates ; la balance des numéraires ne
peut être alors dans foir équilibre naturel, parce
que la malveillance ajoute au poids de la crainte.
Il faut donc être circonfpeâ. Il fuffit que l'intérêt
des ajjîgnats foit au-deffous de l’intérêt légal, pour
ne point déranger les combinaifons ordinaires &
préparer de loin la baiffe de cet intérêt légal ,
’ en facilitant par la fuite le paiement de la dette
publique , & fa rèduétion de gré à gré fans in-
juftice.
En n’élevant pas trop l’intérêt de YaJJîgnat 9
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