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autres nobles , membres, de la chambre des pairs.
Je citerai un exemple plus frappant : dans les pays
où la nobleffe , jouiffant exclufivement du droit
politique , forme à elle feule la nation 3 elle n’a
pas voulu de diftinéfcion de famille. L a Bohême
& la Hongrie , par exèmple , ont fenti que fi une
famille étoit diftinguée aes autres 3 Légalité des
membres du fouverain étoit violée 3 & qu’elle fe-
roit le germe d’une ariftocratie nouvelle au fein de
l ’ariftocratie même.....
. Un membre s’approche du miniftre de l ’irité-
rieur.
.M. l’abbé de Lafalcette. Je demande que MM. les
miniftres ne viennent pas ici tenir leur audience.
( On murmure. — On applaudit ). Je dis que
MM. les députés ne doivent pas profiter du moment
où les miniftres font ici pour caufer avec
«U X .
M. Roberfpierre entre enfuite dans d’affez longs
détails au milieu de quelques murmures.
M. Roberfpierre. Je renonce donc au projet dé
développer mon opinion j je fuis même fâché de
1 avoir développée d’une manière qui a pu offen-
fer quelques perfonnes 5 mais je prie l’affemblée
de confidérer avec quel défavantage, ceux qui
foutiennent les principes que j’ai défendus 3 émettent
leurs opinions dans cette tribune. Je crois
que l’amour de la paix doit engager à defirer du
■ moins que ceux qui ont adopté des opinions contraires
a la mienne j & à celles d’une partie des
membres de cette affemblée , veuillent bien fe
difpenfer déformais de préfenter toujours nos
.opinions comme tendantes à avilir la royauté ,
comme étrangères au bién public, comme fi dans
le moment a&uel nous ne pouvions pas, fans être
.mal-intentionnés, profeffer encore les opinions
ue nos adverfaires ont eux - mêmes fouteriues
ans cette affemblée. ( On applaudit dans l’extrémité
de la partie gauche ).
M. Roederer. Il y a deux queftions qu’il faut fé-
parer.Les membres de la famille royale porteront-
ils le titre de princes ? Enfuite, auront-ils le droit
de citoyens françois ?
M. Li'njuinais. Voilà la véritable queftion : Ré-
.tablira-t-on la nobleffe, oui ou non ?
M. Roederer. I l eft important de féparer ces deux
queftions , & d’émettre un voeu diftinét fur chacune
d’elles. Il ne faut pas s’engagèr , ce me Terrible
, dans de trop longues difcuflions , pour parvenir
à un réfultat conforme à trois de vos décrets
conftitutionnels. Le premier eft celui qui
détruit la qualité de prince j le fécond eft celui
qui dit qu’il n’y aura plus de titre fans fonétion ,
& qui détruit toute dénomination féodale } le troi-
fième eft celui qpi détermine qu’il y aura égalité ,
unité parfaite entre tous les citoyens.
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M. Barnave. Lorfque j’examine cette queftion
& une partie des moyens qui ont été jufqu’à pré.
fent propofés pour la réfoudre, il me femble que
la conftitution fe feroit bien mieux'& plus rapi-
dement, fi elle ne fe faifoitpas dans un tems de
révolution} car fi ori^avoit retranché de cette
difcuffion tout ce qui y eft effentiellement étranger
, tout ce qui ne porte pas fur l’intérêt conftj.
tutionnel, mais fur l’ intérêt du moment, & fut
celui des perfonnes -, on l’auroit infiniment abrégée
j c’eft-aufli ce que je me propofe de faire ex-
clufivement : car s’ il le falloit, je ne manquerais
pas de moyens pour prouver que dans l’ ordre révolutionnaire
, il exifte des réponfes à toutes les
attaques» .
Si quelques opinans qui connoiffent la faufleté
de ce qu’ils avancent, difent que c’éft pour faire
rentrer certaines perfonnes , que le comité proj
pofe le décret, on peut leur répondre , avec auJ
tant de vraifemblance , que c'eft pour empêcher
certaines perfonnes de rentrer que l’on s’oppofe
au décret. ( On applaudit ).
On a dit que les principes conftitutionnels déjà
pofés & les articles décrétés , s’oppofoient à la
propofition du comité 51 °. parce que nous n’avons
pas le droit d’ôter les droits politiques à quelques
membres d’une famille 5 20. parce que nous ne
‘ pouvions pas établir une inégalité qui répugnoit
a nos principes confacrés 5 l’ une & l’autre de ces
objections s’anéantiffent du moment qu’on veut
bien les confidérer d’ un coup d’oeil impartial. Je
ne m’ étendrai pas dans des difcuflions aufti fé?
corides que démonftratives pour prouver que les
droits politiques appartiennent à la fociété, &
non à des individus. Je prends la règle de l’aifera-
blée nationale dans fon propre exemple', dans fes
propres décrets. Il s’agit exclufivement, car j’em-
braffe l’opinion déjà propofée par M. le Chapelier
: il s’agit de juger urie queftion d’ éligibilité j
fa voir , fi une qualité déjà exiftante dans une individu,
,& à lui attribuée par la conftitution, le
rend ou ne le rend pas inéligible : o r , comme
déjà vous avez prononcé de ces incompatibilités,
que vous avez toujours penfé que c’ étoit l’intérêt
national qui devoit nous guider à cet égard, &
non quelques individus éligibles ou non éligibles;
& que dans les cas où vous avez prononcé fur leur
inéligibilité, elle étoit beaucoup moins importante
beaucoup moins néceffaire que dans le cas actuel.
Ume femble qu’ il n’y a point inconféquence
aTa conftitution, mais conféquence à la conftiw*
tion , à la décréter dans le cas aCtuel.
Quant à la diftin&ion qu’ on nous reproche, on
ne confidère pas que ce n’ eft pas la chofe qu’
nous reproche, car elle eft déjà faite, ç’ eft fa dénomination.
On a déjà décrété que le gouvernement
étoit monarchique 5 qu’il pafferoit héréditairement
à tous les membres d’une famille j q1*6
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jelui qui auroit par conféqueat un droit éventuel 1
| ja couronne, lèroit appelle par la conftitution à
remplacer le ro i, dans certaines données j donc j
In a établi en eux cette qualité inhérente & conf-
titutionnelle que l’on peut bien appeller , fi l’on
îeut une diltin&ion, mais qui eft déjà déclarée
Jfhhérerite au gouvernement, qui n’eft pas arifto-
Jratiqtie , qui eft politique , qui n’eft point féodale
, car tout ce qui eft féodal eft aboli, qui eft
monarchique , inhérente & inféparable de la monarchie
y où eft donc actuellement la queftion ?
■ Eft-ce dans la chofe? Non j car la chofe eft déci-
Wièe‘, c’eft donc dans la dénomination.
■ Nous avons cru que le mot que nous avions présenté
étoit le meilleur , vous l’avez rejetté par
• Ène queftion préalable. C ’eft à vous de décider
Aujourd’hui fi la fin de non-recevoir qui réfulte de la
■ fqueftio® préalable, doit l’emporter fur l’évidence
f e la chofe .Ces fragiles argumens détruits,voici la
ivéritable queftion j & remarquez que de quelques
«grands mots qu’on environne les queftions politiques,'
c’eft toujours au véritable b u t , à l’intérêt
jnational qu’il faut en revenir 5 c’eft toujours là , en
■ grand définitif, le grand régulateur de ceux' qui
•font la loi. O r , je foutiens qu’ il y a un très grand-
intérêt national pour la paix publique &pou r la
liberté , à ce que les membres de la famille royale
ne foient pas éligibles. Je pofe deux hypothèfes :
Itous les membres de la famille du roi qui ferorit
iélus, feront pour le r o i , ou ils feront contre le
■ Jroi. Je commence par déclarer que je crois qu’ils
'»feront prèfque toujours pour le roi} car fi dans des
«roubles, il fe forme facilement des combinàifons
^différentes : en général, dans les tems paifibles , il
y a un intérêt immenfe pour les membres de la
Hfarnille du ro i, à aggrandir fes prérogatives, à
augmenter le pouvoir royal. Je ne parle pas de la
fucceflion à la couronne, qui eft très-éloignée &
.Itrès-peu vraifemblable pour quelques-uns d’eux j
fmais ç’eft qué plus la couronne acquiert d’éclat ; plus les membres de la famille royale acquièrent
|de puiffance & de grandeur , plus le gouvernement
■ eft defpotique , plus les princes du_ fang font
|grands feigneurs , plus ils ont de facilité d’acquérir
des richeffes par léur-crédit à la cour ; plus
'ils font environnés de confidération à raifon de
lia plus grande é tendue du pouvoir qü’ils peuvent
«un jour exercer, & auquel au moins ils participent
Ipar les lieris.du fang.
■ Il eft donc vrai qu’il y a un très grand intérêt
|î peur les membres de la famille royale à cette
»grande prérogative , & qu’aucun autre intérêt^
»meme dans les tems ordinaires , ne peut être mis
a Par eux à côté de celui-là. Ils ont intérêt à ag- grandir la prérogative contre la liberté , auront-
i| ils les moyens auront-ils la facilité de le faire ?
: *e demande ici fi quelqu’ iin en doute férieüleinent}
je demande u l’ on ignore que dans les
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tems paifibles où ce ne fera plus l’irnpétuofité
de la liberté qui régnera fur les efprits comme
aujourd’h u i, & où bien d’autres paflions plus
molles Sc plus fédu&rices viendront s’y mêler ; je
demande li les membres de la famille royale, avec
l'éclat de leur naiffance, tout le crédit qui les
environne , & une très-grande fortune en génér
ral, ne font pas à-peu-près certains de fe faire
élire , quand ils le voudront , aux places populaires
5 je demande f i , portés par élection à ces places 3
ils n’y exerceront pas le double pouvoir de la
place & de l’homme , s’ils n’ajouteront pas à
l’influence que ces places leur donneront pour
fervir leur ■ intérêt dominant, l’intérêt .de la
ro y au té , tout ce pouvoir que leur donnera
l’ atmofphère dont ils feront environnés j c’eft«
à-dire tous les moyens d’acquérir des partifans»,
que donnent aux hommes de marque un grand
pouvoir aéfciiel & un grand pouvoir à venir.
Il eft donc vrai que dans les placés publiques
ils exerceront une très-grande influence , qu’ ils
auront une très-grande facilité à s’y faire‘porter
, qu’ils les occuperont en grand nombre.
A lo r s , coalifés entre eux en coalifant par con-
féquent les pouvoirs dont ils feront dépofitai^*
res, coalifés de plus avec la puiffance royale qui
ne fera qu’ un avec eux., parce qu’ils n’auront
qu’un même intérêt.} je demande s’ils feront ou
s’ils ne feront pas redoutables pour la liberté?
Remarquez que ces réunions-là font dangereufes ,
parce qu elles fe portent fur un intérêt permanent
} que d’autres individus, indépendemment de
ce qu’ ils n’auroient jamais la puiffance de primer,-
réunifient entre eux mille intérêts qui les divifent
fans ceffe. Mais que ceux-là feront toujours amis,
parce que l’intérêt fera toujours, commun , & la
ligue fera toujours réunie au pouvoir exécutif ,
parce-que cet intérêt commun fera le même que
celui au pouvoir exécutif. Il eft donc parfaitement
clair que cette influence là deviendra dan-
gereufe. Et quand on dit : S’ils font {hors de
places , ils exerceront une autre influence fecrette
& corruptrice } d’abord cette influence fecrette
n’eft pas la plus grande dans un pays où tout eft
public , & où la popularité eft toujours la première
bafe delà puiffance } enfuite cette influence
fecrette : ils l’ auront toujours , & même plus
grande , quand ils. feront dans les places éle&i-
v e s , à raifon des moyens plus grands qu’ils auront
ppur faire du bien ou du mal. A l’ influence
perîbnnelie des richeffes. & de l’intrigue , fe réunit
l’influence plus, .étendue, des grandes places ,
de plufieürs grands perfonnagés qui auront inté-;
rêt à les diriger vers le même but.
Il eft certain que tous les moyens fe trouvent
en eux pour étendre la prérogative royale , &
parconfequent avancer la chute delaliberte. Voyons
j donc fi ces darigers-là font compenfés par les
avantages qu’ on efpère de la part des.princes qui