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nèrent au public.. R ichelieu, alors tout-psuffist s
eut connoiffance de cextè affoçiatiqn. C et homme,
il’ un inftind rare éclairoit fur tous les- moyens
’étendre o.u de perfediorîner le defpotifme 3
voulut influer fur cette fociété naiiïante j. il. lui
offrit fa proteSion .& lui pronofa de la confti-
tuer fous autorité publique. Ces offte.s oui affligèrent
les aûbciés, , étoient à-peu-près des
ordres : ; il fallut fléchit. Placé.s. entré, fa protection
& fa haine , leur choix pouvoit-ii être douteux
? Après, d’aifez vives..oppositions du parlement
, toujours inquiet , toujours en garde
contre .tout ce qui venoit de Richelieu après
phfieurs débats fur les limites de la compétence
académique, que le parlement, dans lés alarmes,
bornoit avec foin aux mots, à la langue, enfin,
mais avec -beaucoup de peine , à l’éloquence,
Y académie fut conirituéè légalement fous la pro-
tédion du cardinal, à-peu-près, telle qu’elle l’a
été depuis fous celle du roi* Cette, néçeffité de
remplir le, nombre de quarante fit entrer dans
la compagnie plufieurs gens de lettres obfcurs,
dont le public n’apprit les noms que parleur
admiffion dans .ce cprps, ridicule qui depuis s’eft
renouvelle pjus d’ une fois. Il fallut même, pour
CO moletter le nombre académique , recourir à
l’ adoption de qùelques. gens en place, &c d’un
aïfez grand nombre de gens de la cour.- On admira,
on vanta, & on a trop vanté depuis', c e '
mélange de courtifans & de gens de lettres-, cette
prétendue égalité académique q u i, dans l’inégalité
politique & civils r ne pouyoit-être qu’une
vraie dérihdn. „Et qui ne voit que mettre alors
Racine à côté d’ un cardinal étoitaufli impoflîble
qu’il le ferait aujourd’hui de mettre un cardinal
à, côté de Racine ? Quoi qu’il en fo i t , i l , eft
certain que cet étrange amalgame fut regardé
alors comme un fervice rendu aux lettres. Ç ’étoit
peut-être en effet hâter de quelques momens
L'opinion publique , que le progrès des idées
& le cours-naturel des, choies ailroit fûrement
formée quelques. années plus tard; mais enfin
la nation, déjà difpofée à;fentir lé mérite, ne
rétoit, pas encore à le-^mettre à.;, fa place*.Elle
eftima davantage Patru. en voyant à côté de lui
un homme décoré ; & cependant .Patru, philo-.
fophe , quoique avocat, faifoif fa jolie fable
d’Apollon qui., après avoir rompu une des cordes
de fa lyre ,. y fabftitua un fil d’or. Le dieu s’ap*
perçut que la lyre n’y gagnoit pas-: il y remit
une icprde vulgaire Aihftrurpent redevint la
lyre, d’Apollon.
Cette idée, dé Patru étoit celle dés - premiers
académiciens;,, qui tousfegrettoient letems qu’ ils
appelloient leur âge d’or ; ce tems.oiï- inconnus
& volontairement; aflemblés.^,_ ils' fé communi-
quoienf, leurs,.penfées , leurs ouvrages’ & leurs
projets,rdïns.k. fimplfcité d’un commerce vraiment
philpfqf!hiqu%-. Ujtéraifce. .Ces... regrets Aibfifr
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tètent pendant toute la' vie de ces premiers fondateurs
, & même dans le plus grand éclat de
Y académie françoife. N'en fuyons pas furpris
c’eft qu’ils étoient alors ce qu’ils deyoiént etre ,
des hommeslibres,librement réunis pour s’éclairer}...
avantages qu’ils ne retrouvoiènt pas dans une
affociation plus-1 brillante.
Cfeft pourtant de cet écl'àt que les partifans
de Y.académie , ( ifs font en petit nombre ) tirent.
les argümens* qu’ ils- rebattent pour, fa défenfe. .
Tous-leurs fophifmes roulent, fur une feule fup-
pofition* lis-, commencent; par- admettre que la
gloire de tous les écrivains célèbres du fiècle
de Louis X IV , honorés du titre d’académiciens, .
forme la fplendeur académique & le patrimoine-,
de Y académie* En partant de cette fuppofition „
, voici comme ils rationnent. Un écrivain célèbre
a été de Y-académie, ou i l n’en a pas été. S’ il-
en a été , t.o.ut va bien. II. n’a compofé fes o u vrages
que .pour en être : fans : l’exiftence de
Y académie, il ne les eût pas faits , du moins
il n’en eût fait que de médiocres. Cela eft démontré.
Si : au contraire il n’a pasété de Yaca-
démie , rien de plus fimple encore. Il brûloit du
defir d’en ê tre ;.to u t ce qu’il a fait de bon , il.
l’a fait- pour en être ; c’efl un malheur qu’ il
n’en ait pas été J mais fins ce but. i l n’eût rien* ;
fait du, tou t, on du moins il nteût rien fait que ■
de mauvais.; heure ufercje.nt on n’ajoute point que,
fans Y académie , cet écrivain ne feroit jamais
L a conclusion de ce pouffant dilême eft que les.
lettres & les académies font une. feule & meme
chofe ; que détruire les académies , c’eft: détruire
l ’efpérance. de voir renaître de grands écrivains ;
c ’eft fe montrer ennemi des lettres , en un mot y
c ’eft .être un barbare, un vandale...
Certes ., fi on leur paffe que , fans cette inf- -
titution ,1a nation n’eût, point poffédé.ks hommes -,
prodigieux dont les noms décorent la lifte . de
l ‘académie ; fi leurs écrits forment, non pas une.
gloire nationale, mais une gloire academique, ,
on n’ a point affez vanté Y académie françoife , .
.bn eft trop ingrat envers ■; elle, y immortalité
cette devife du-génie, qui pouvoit paroître trop
Ïaftueufe pour une corporation , n’eft plus alors *
'qu’ une dénomination jufte, un honneur mérité ,....
’.une dette que -l'académie acquittoit-envers elle--
. même. .
Mais qui peut admettre de nos- jours , & dans -
Taffemblée nationale , que là gloire de tous ces
^grands hommes -fo;it une propriété académique ?;
Qui croira que Corneillé', compofant le Cid
près du berceau de Y académie naiiïante-, n’ ait
.écrit enfuite Horace , .Cinna- 3 Polyeuétê, que .-
- pour obtenir l’honneur d’être •• affis entre M E ..
, Cramer, j Salomon, P orchè resColomby 3 Boif- -
«iat-, .Bardin , Baudouin-,..Baiefdens , noms obf-
• curs,. iiiconnii.§,j aux plus .lettrés d’entre. vous-,|)
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& même échappés à la fatyre contemporaine?
On roügiroit d'infifter fur une fi abfurde prétention..
Mais pour confondre, p ar le détail des-faits,
ceux qui lifent fans réfléchir , revenons à ce
fiècle de Louis X I V , cette époque f l brillante
de la littérature françoife dont on confond mal
à-propos la. gloire avec, celle de Y académie..
Ëft-ce pour entrer à Y académie françoife qu’il
fit fes chefs-d’oe u v re ,ce Racine provoqué , excité
, encouragé dès.* fa première jeunefle par les
bienfaits immédiats de Louis X IV ;, ce Racine
q u i, après avoir compofé Andromaqùe , Bri-
tannicus , Bérénice , -Bajazet, Mithridate, n’é-
toit pas encore de Y académie , n'y fut admis
que par la volonté connue de Louis- XIV , par
un mot du roi équivalant à une lettre.-de-caehet,
je veux que vous en .foye[ ? Il en fut-,
Efpéroit-il être de Y académie ,.. ce Boiléau ,
dont les premiers ouvrages, furent la fatyre de
tant d’académiciens ; qui croyait s’être fermé les
portes de cette compagnie, ainfi qu’il' le fait
entendre dans fon difcours, de réception q u i,
comme Racine, n’y fut. admis que par le. dé vé-
loppement d e . l’influence royale ?
Etoit-il excité par, un tel mobile ,..jce Molière,
que fon. état de comédien empêchoif même d’y
prétendre, & qui n’en multiplia pas moins d’année
en année les >chefs-d"oeuvre de fon théâtre,
devenu prefque le feul théâtre comique de la
nation ?;
Penfe-t-'on que Y académie a itau ffi. été l’am-
bâtion du bon-, la Fontaine, que la liberté de
fes contes, & fur-tout fon attachement à Fouquet,
fembloient exclure de. ce corps; qui n’y fut admis
qu’à plus de foixante ans , après la mort de Col-
h e r t, perfécuteur de Fouquet )!.. & penfe-t-on
que fans Y académie le. fablier n’eût point porté
des fables ?-■
Faut-il parler- d’un homme moins illuftre.,
mais diftingué par un talent nouveau? Qui croira
qr#e l’auteur d’Atys.-& d’Armide , comblé des
bienfaits de Louis .XIV , n’eût point, fans la
perfpeétive académique,, fait, des opéra pour un
roi qui en payoit n bien les>prologues ^
Voilà pour les poètes -, & • quant aux grands
écrivains, en profe , eILi-1 vrai qqe Boftiiet , Fié*
chier, Fénéion,, Maflillon , appelles par leurs
talens aux premières*-dignités de l’églife, avoient
bfefoin dé ce foible aiguillon pour remplir la def-
tinée de leur g.énie?- Dans cette lifte, des feuls
vrais*-grands vécrivains du fiècle de Louis XIV , ,
nous n’avons'omis'que le phiiofophe la Bruyère,
qui fans,*dôute-..ne . penfa-,pa«-*ptus’- à Y'académie ,
eu;..compofant :fes^caraél.ères ,^que la Roehefoua
c A
cault en écrivant fes maximes; nous ne parlons
pas de ceux à qui cette idé-ï fut toujours ëtran-
[ gère , Pafcal, N ico le , . Arnatild , Bourddôue ,
• Mallebranche ,. que leurs habitudes oi^deur état
en écàrtoient abfolument* Il .eft. inutile d’ajouter
à cette lifte de noms fi refpeétables plufieur-s
noms profanes, mais célébrés , tels que ceux
de Dufrefny, le. Sage , & quelques autres poètes
'comiques qui n’ont jamais prétendu à ce fingu-
: lier honneur ,.në l’ayant pas vu du côté plaifant,,
.1 quoiqu’ ils, en fuflent bien les maîtres.
Après.,avoir éclairci des idées dont la conhi-
-'fion faifoit attribuer à Aexiftence d’un corps la,
gloire de fes plus illuftres membres , examinons
Y académie. dans: ce qui la conftitue comme corporation
,. c’eft-4-dire dans fes travaux , dans fes
fondions.*, & dans-l’efp rit général qui en ré fui te.
Le premier- 8c- le. plus important de fes travaux
eft.. fon . dictionnaire.. On fait combien il
eft médiocre, .incomplet, infuffifant; combien
il indigne tous les • gens de g o û t , combien il
revoit,oit fur-tout V o lta ire , qui , dans le court
.„ efpace qu’il pafta dans la capitale avant fa mort,
ne put. venir à Y académie fans propbfer un nou--
veau plan , préliminaire indifpenfable & fans
; lequel il e f t . i mpoffible- de rien- faire de : bon..
.• On fait qu’à, deffein de triompher de la lenteur
ordinaire aux corporations , il profita de ,1’af-
Cendant qu’il exerçoit à iYacadémie pour exiger
[qu’on mît fur-le-champ-la main à - l’oeuv re, mût
lui-même la première lettre , dillribua les autres
à fes confrères , & s’excéda d’un travail qui
.■ ^peut-être hâta fa fin. Il vouloit apporter le pre--
• mier fa tâche à. l’académie, & obtenir de l’ému--
dation particnlière. ce que lui eut refufé l ’indif—
vférence générale. Il mourut avec lui- tomba
l’effervefcence momentanée qu’il avoir • communiquée
à Y académie. Il réfulta feulement de fes.
; critiques févères & apres , que les dernières --
lettres du didionnaire furent travaillées avec
>'plus de foin;.qu’en revenant enfuite avec.plus-
d’attention fur les. premières, les- académiciens - .
étonnés des fautes, des omiftions-, des néglig
en c e s de leurs, devanciers -, fentirent que ls die* •-
tionnaire ne pouvoit ,..en cet état, être livré •
au public fans expofèr Y académie aux pins grands ;
reproches-, & fur-tout au, ridicule , châtiment
^qu’elle redoute toujours, malgré l’habitude. Voilà::
vce qui reculera de plufieurs années, encore Ji-:
-[•houvelle édition d’ un ouvrage qui paroifToieà—
peu-près-tous les vingt ans, & qui fe trouve-en »
■ .^retard précifément à l’époque actuelle ,.. comme
pour attefter,vidorieufement_l’ inutilité d e ’cette,
^compagnie. ....
• Vingt-vans*-', trente ans pour* un didionnai-re \•:
autrefois., un feul* homme, même un- acadéd-
'.jmicien.-', Eutetière-,yen-:-ün moindreaefpace de...*
jtems:<tevança;Edc^émAèlaûsda'.publicauoii'.d’ûa_î