
chofe dont on a fait un crime. C ’eft de notre dévouement
, c’eft de l’emploi de nos propres moyens
pour venir au fecours des gardés nationales, qu’on
fait ici un chef d’accufation. Les divifions qui s’é-
toient élevées entre la municipalité Avignon d’un
côté, l’afTemblée éleélorale & les chefs de l’armée
de l’autre; des malheurs , effets peut-être inévitables
de la guerre , des incendies , des maifons
pillées & ravagées avcient attiré à l’armée beaucoup
de haines : la municipalité avoit fovorifé fous main
l’opinion de haine qu’on avoit contre elle. Les
journaux répétoient par-tout cette opinion-, le
journal de Villeneuve-lès-^fvfg72o/2 fur-tout, journal
fait ci devant à Carpentras & rendu à Villeneuve,
ont fervi de pièces authentiques à M. l’abbé Maury.
( Qn rit & on applaudit à gauche. ) Cette opinion
combinée avoit donné à l’armée le nom de brigands
: nous arrivons dans le pays pour y mettre
la paix. Nous licencions ces armées. Quel eft donc
le premier foin que nous indique la fageffe ? n’eft-ce
pas d’anéantir , autant qu’il eft en nous , cette dé-
fignation odieufe , fuite malheureufe des guerres
civiles ? Ne devions-nous pas faire ce qu’on a fait
dans tous les pays où les guerres inteftines fe font
fait fentir ? Ne devions-nous pas chercher , autant
qu’il étoit en nous , à empêcher cette pomme de
difcorde de continuer à divifer les citoyens ? Les
chefs de l’armée, lorfqu’ils eurent ramené les gardes
nationales dans Avignon, & les quarante pièces de
canon qu’ils en avoient extraites, les chefs de l’armée
imaginèrent peut-être, comme l’avoit jadis fait la
Hollande, dans la révolution qui donna la' liberté
à ce pays, qu’en mettant la défignation de braves
brigands fur eux-mêmes, ils feroient tomber l’opinion:
comme en Flandre, jadis, des hommes combattant
dans la même difpofition , & auxquels on
avoit donné la défignation de gueux, pour faire
tomber cette défignation à ceux qui portoient fur
leur habit une écuelle. Avertis que les foldats portoient
cette défignation , nous nous rendîmes hors
de la ville , & nous exigeâmes de l’armée de la
faire tomber. I l n’entra perfonne dans la ville
portant cette défignation ; & voilà ce que M.
l’abbé Maury appelle complimenter l’armée. ( On
applaudit. )
C ’étoit à cette époque même où l’on venoit
de commettre des affaflinats, où il reftoit encore
dans Avignon quelques détachemens qui n’avoient
pas regagné leur pays ; il étoit donc important de
prêcher la paix à Avignon, de prêcher à tous l’abandon
de ces défignations de parti ; & cettè lettre ,
dont M. Fabbé Maury vous a cité une phrafe
comme un chef d’accufation., j’aurai l’honneur de
la mettre en original fous les yeux de l’aflemblée.
Vous jugerez fi l’efprit de la médiation n’étoit pas
conforme à la million qui la chargeoit détablir la
paix dans le p a y s, & de prévenir les diffenfions
civiles. Voici cette lettre :
« La miflion dont nous fournies chargés, M. le
général, eft tellement hors les mefures ordinaires
aux troupes de ligne, que nous avons cru nécefr
faire de vous faire cette lettre , pour être communiquée
à MM. les officiers de l’armée , afin
que tous concourent au fuccès de notre négociation.
L ’affemblée nationale & le roi ont voulu
rétablir la paix dans une contrée où la nation a
laiffé fes droits indécis , jufqu’au rétabliffement de
cette paix. Il eft donc indifpenfable, pour obtenir
cet effet, que les troupes françôifes chargées du
maintien de l’ordre, accordent à tous fureté des
perfonnes & des propriétés, qu’elles évitent avec
fcrupule aucun a61c qui adopte partialité & prédilection
pour aucun parti. On doit proteéfion à
ceux qu’on appelle émigrans ; mais il faut bien fe
garder de leur donner à leur retour l’air du triomphe,
puifque ceux qui font afiez foibles pour abandonner
la chofe publique en danger, n’ont point le droit
de reparoître avec un orgueil infultant parmi les
citoyeus qui l’ont défendue. Il ne faut pas non plus
que les citoyens qui ont combattu pour leur patrie,
en abufent pour vexer ceux qui reviennent
& qui ont droit à la proteélion de la loi : cependant
, il ne faut pas oublier que ceux qui reviennent
de l’armée de Monteux, font des citoyens qui ont
tout facrifié à la liberté, & qui méritent l’eftime
& la confidération.
« On doit fur-tout éviter les défignations de parti,
toujours odieufes , mais moins pardonnables encore
, quand elles tombent fur ceux qui ont eu le
courage de verfer. leur fong pour maintenir leur
liberté. Proteéfion à tous, conduite égale envers
tous, & aucune diftinéfion de perfonnes ; telles
font les mefures exigées par la médiation des officiers
& foldats françois, outre celles que la loi
commande , & qui font fous la refponfabilité individuelle
de tous les officiers employés dans A v ignon
& dans le Comtat. Nous connoiffons en général
votre patriotifme & celui des troupes de
ligne ; nous ne doutons point de l’empreffement
à remplir nos Vues; mais il étoit de notre devoir
de diffiper les troubles répandus par les préjugés
des deux partis, & qui pourroient les induire en
erreur ». Voilà la lettre qui forme un chef d’accufation.
M. l’abbé Maury nous a reproché la phrafe où
nous diflons que ceux qui s’étoient battus pour
leur liberté, méritoient eftime & confidération»
Mais quelle étoit notre pofttion ? D ’un côté ,
une armée qui avoit laiffé après elle toutes les
traces de la guerre civile ; de l’autre côté, un
parti qui âffaffinoit de la manière la plus attroce
ceux qui“ rentroient dans leurs foyers. Je vous
le demande : ne devions-nous pas nous jetter au
milieu de ces hommes, tous criminels, & leur
commander de ne plus employer des défignations
qui ne nçns. promettoient que de nouveaux crimes
, de nouveaux affaflinats ?
Le chef d’accufation qui porte fur l’aflemblée
éleétorale, & fon admiflion au traité de paix, je
n’y répondrai pas.
M. l’abbé Maury a prétendu que la médiation
avoit autorifé l’aflemblée éleétorale à lever des
impôts ; il a prétendu qu’elle avoit autorifé cette
même aflembléé à s’emparer des biens eccléfiafti-
ques. L ’aflemblée éleétorale n’a point, à ma eon-
noifîànce, reçu aucune réclamation pour avoir
levé des impôts. Il eft bien vrai que l’affemblée
repréfentative d’un peuple qui avoit déclaré fon
indépendance depuis près d’un an ', que cette
affemblée repréfentative, en vertu des premiers
aéles par lefquels lés peuples avoient ceffé cle
payer les dîmes & s’étoient conformés en tout
aux décrets de l’affemblée nationale , avoit fe-
queftré beaucoup de biens eccléfiaftiques, fi ce
n’eft même la totalité. Lorfque je fis le voyage
du Comtat pour y rétablir; autant qu’il étoit en
nous, un ordre provifoire qui empêchât Tin juftice
& les aéteS d’autorité, M. l’évêque de Vaifon me
raconta que fes biens avoient été féqueftrés, &
qu’il n’avoit pas de quoi vivre. Je lui dis que je
trouvois cette mefure de la plus grande injuftice ;
que l’aflemblée éleélorale, quels que fuflent fes
droits., n’avoit pu le dépouiller fans un remplacement
par une penfion alimentaire & conforme
aux décrets qu’elle étoit déterminée à fuivre ; &
alors je m’employai pour que M. l’évêque de
Vaifon fût remis en poffeffion des produits de
fon évêché, excepté la dîme , que les payfans ne
veulent pas payer, que rien ne feroit payer que
la force, & que nous n’étions pas venus pour
faire payer. A in fi, loin que la médiation fe foit
rendue coupable de ces inculpations calomnieufes ,
la médiation a fait tout ce qui étoit en elle, non-
feulement pour opérer la paix-, mais pour faire
rendre juftire à tous ceux qui étoient vexés , qui
éroient dans le malheur , & notoirement au
clergé du pays.
L ’infurre&ion $ Avignon, il eft bon de le répéter
j eft une infurreélion partielle qui eft arrivée
dans une v ille , à raifon d’une rivalité -entre
deux partis qui cherchoient à dominer mutuellement.
Cette infurreélion n’avoit aucun rapport
avec le Comtat, n’a pas même effleuré la tranquillité
de Morières & des petites communes qui
appartiennent à l’état d’Avignon, & qui l’entourent
y cette infurredion n’a eu aucune efpèce
d’effet fumées voeux qui vous ont été préfentés,
puifqu’elle étoit poftérieure de fix femaines à
l’émiflion de ces voeux ; cette infurreélion ne peut
pas être à la charge des médiateurs. Nous avons,
cfit M. Fabbé Maury, fait rentrer les brigands dans
leurs foyers. Mais je demande à M. l’abbé Maury
comment les citoyens ne dévoient pas rentrer
dans leurs habitations ? comment les gardes nationales
ne dévoient pas retourner chez leurs femmes ?
ne pouvoient pas retourner dans une ville dont
ils font citoyens, dont ils font la population ? Ils
font entrés dans Avignon , pzrceqiCAvignon étoit
leur demeure , leur domicile, leur poffeffion. Il
étoit impofîible, je crois , à la médiation , de
chafler là population $ Avignon, pour plaire au
haut Comtat.
On a articulé que lors de l’émiflion du voeu
d’Avignon , on avoit ouvert des tombeaux dans
uue églife.. Le fait eft abfolument faux. Lors de
l’émiflion du voeu d'Avignon , il n’y a eu ni tombeaux
ouverts, ni querelles, ni diffamations. La
gazette de Yi\leneuve-\ès-Avignon, cette gazette
qui eft payée par le parti des contre-révolutionnaires
qui s’y font réfugiés ; cette gazette qui a
fourni à M. Maury la plupart des faits qu’il a
articulés , parce qu’en effet ils y font confignés
depuis trois femaines ; cette gazette , dis-je, a
tranfportè à cette époque , une anecdote qui
étoit arrivée lorfque la garde nationale d'Avignon,
fix femaines auparavant, formoit fon état-major
dans une églife, appellée des Carmes, fi je ne
me trompe. Une rivalité d’entrée dans l’état-màjor
avoit occafionné quelques rixes. On a prétendu
que quelqu’un avoit remué une tombe ; nous en
avons été avertis , & à l’inftant nous avons fait
annuller les délibérations; nous avons dénoncé le
foit à la municipalité,. & l’affemblée qui avoit été
tenue a été recommencée : voilà le fait -qu’on
dénature & que je certifie comme véritable, pour
en avoir jpris moi-même la connoiffance la plus
exade ; & je défie M. Maury de dire le contraire.
M. l’abbé Maury m’a , par un article final &
perfonnel, acctifé d’avoir été à Bolem avec des
huffards, d’y être entré avec les huffards, ayant
le fabre à la main, d’y avoir montré l’appareil de
la vanité & de l’orgueil. Je dirai à l’affemblée
que j’ai' été plus d’une fois dans le cas d’être
affaffiné dans le Comtat; je dirai à FafTetnblée
qu’en allant à Valréas, dans ce pays où l’on avoit
fofciné les yeux du peuple, ce Clément, l’atroce
auteur des crimes de Caron , commandoit l’armée *
ce Clément, qui craignoit l’approche des médiateurs
, & la vengeance de la loi, avoit pofté 150
hommes de la garde nationale, avec l’ordre po-
fitif de faire feu fur le médiateur de la France. Un
garde national vint à Mazan , m’avertir de ne
pas me rifquer dans les montagnes : voilà la
raifon de ces 50 huffards qui açcompagnoient la
médiation ; cela étoit néceffaire pour notre fureté ;
cela étoit néceffaire pour maintenir le peuple dans
l’ordre ; & il n’entroit là-cledans aucune efpèce
de motif, tel que la malignité nous l’a prêté.
Un dernier chef eft d’avoir réintégré M. Ra-
phel, juge d'Avignon. M. Raphel a '’été nommé
juge à’Avignon par la commune. Dans le temps
des troubles, la commune chargea la municipalité
de nommer un autre juge. M. Raphel, revenu
, après une abfence de deux mois, demanda
à rentrer dans fes fondions, qu’il n’avoit jamais
ceffé d’exercer , en vertu Nde fa nomination & en
vertu de la loi., qui veut qu’un juge ne puifle
être deftitué que par un jugement. M. Raphel
s’adrefla à nous, & nous à la municipalité. Nous