
tous les avantages que le fervice militaire peut
offrir, la prefque totalité des citoyens françois
étoit forcé de languir dans des emplois inférieurs,
tandis qu’une claffe privilégiée arrivoit aux honneurs
par la prote&ion & le - crédit de ceux qui
les avoient ufurpés. Cette même claffe fe fépa-
' roit en trois branches, que l’on appellent vulgairement
noble de province, nobles de cous 6* nobles
du plus haut rang. Les premiers méritoient beaucoup
par des fervices aélifs, par une. longue
expérience, par des talens fouvent enfevelis faute
de circonftances, & n’obtenoient rien : la no-
bleffe de cour, en général, franchiffoit plutôt
qu’elle ne parcouroit la carrière militaire : réparée
du foldat par un efpace immenfe, elle lui
étoit étrangère: auffi ignoroit-elle toujours &
fés peines & fes plaifirs ; auffi ne favoit-elle ni le
diftraire ni adoucir même quelques inftans la
contrainte pénible d’une obéiffance éternelle.
Elle faifoit fupporter aux officiers de Y armée tout
le poids du.fervice, & en retiroit tous les honneurs:
de:là ces diftinôions vraiment humiliantes
d’officiers fupérieurs, d’officiers inférieurs ou fubal-
ttmes ; de-là cette foulé immenfe de grâces accordées
aux uns, que vous, trouvez divifées fous
toutes lés dénominations, tandis que de foibles
penfions de retraite gratifioient tout au plus lés
autres , après des fervices vraiment utiles. Enfin,
il exiftoit une grande erreur, puifque plufieurs
familles, avant l’âge de l’infcription civique ,
commandoient des corps nombreux; & tant d’abus
* étoient confacrés par des ordonnances ! Tous les
: corps ont fait dés repréfentations ; mais la mal-
■ iieureufe maxime pour les armées a trop long-
• temps été de n’avoir aucun égard aux réclamations.
A h ! fi cette révolution eft heureufe, c’eft
fur-tout pour ceux qui etoient condamnes a de
fi criantes injuftices; il fàlloit que le gouvernement
fe régénérât pour détruire ces odieux abus ; l
ils ne" feront jamais oubliés du militaire, parce*
qu’ils lui rappelleront ce qu’il étoit & ce qu’il
eft devenu.
La marche qui a été fuivie, ne devant plus
avoir lieu, nous allons vous entretenir- des précautions
que nous croyons indifpenfables pour
corriger les vices de l’organifàtion militaire.
Il nous paroît convenable que pour entrer au
fervice dans le grade d’officier, il foit néceffaire
d’être âgé de dix-huit ans révolus, & de réunir
toutes les autres qualités de citoyen aâif. Ce
n’eft qu’à cet âge que le corps & l’efprit ont
une confiftance affez forte pour fe paffer des!
foins journaliers. Il nous a paru avantageux en
outre que toute perfonne, propofée pour occuper
une place d’officier , ait préalablement fou-
tenu un examen public fur les objets relatifs aux
premiers points de la conftiturion & aux élémens
de l’art militaire. Une épreuve de ce genre eft
faite pour difpofer avantageufement l’opinion publique.
Elle paroîtra un jufte motif de préférence
fur un grand nombre de citoyens qui, n»ap J
tant au fervice que d’heureufes difpofitions & dl
zè le , ne peuvent y entrer que comme f o l j
L’artillerie & le génie, qui ont une réputatiSj
fi haute & fi méritée dans tentes les armées M
l’Europe , font fournis à des examens que noJ
croyons trop févères pour le refte des troupes!
mais pleins de confiance dans les perfonnes qJ
le roi a chargées de veiller à toutes les partij
de l’adminiftration militaire, nous nous bornona
à pofer le principe , fans entrer dans aucuai
détail.
Maintenant, Meffieurs,. nous aurons donc danj
le premier emploi militaire, des officiers parveJ
nus par tous les grades, dans la proportion d’uj
fur cinq, & des officiers diftingués par les exd
mens qu’ils auront foutenus.
Nous croyons que l’avancement doit dès-lorJ
fuivre l’ancienneté jufqu’au grade de major ex!
clnfivement , pourvu feulement que les jeunes
gens entrés au fervice avec le rang d’officier l
prêtent, à l’âge fixé par la lo i, le ferment ci-l
vique. Ce ne fera pas dans cette partie de lai
force publique, qui a toujours été l’afyle de l’hoiM
neur, que cette loi paroîtra pénible, & l’on peu»
affurer d’avance que fans aucune ordonnance!
prohibitive, celui qui ne feroit pas digne d’être!
admis au ferment, ne pourroit plus continuer fes
fervices'. Il eft bon, il eft jufte autant qu’utile]
que le foldat foit citoyen, & que fe voyant ef]
timé , confidérè , il aime fon état, qu’il tienne à
î la patrie, & qu’il n’en devienne jamais l’oppreffeur.]
Nous allons vous occuper en ce moment des
grades fupérieurs, de ceux qui permettent de
mettre les talens fous un pius grand jour, de
ceux qui ont fouvent fervi de pretexte pour fe-l
conder l’arbitraire au lieu de favorifer le mérite
& l’expérience. Le comité militaire a penfé que
tous les grades depuis celui de major jufqu’à ce-j
lui de lieutenant - général, exclusivement, ap«j
partenoient principalement à l’ancienneté, eul
exceptant un fur trois, deftiné aux perfonnes
qui, annonçant des talens rares, doivent obtenif
des préférences & parvenir dans la vigueur de
l’âge au commandement des armées. Sur la pro*
pofition principale, le comité a cru que là où il
y auroit incapacité , il ne falloit pas accorder des
fondions a&ives , & qu’il devoit avancer comme
principe utile, .que le pouvoir exécutif peut refu-j
fer l’avancement s’il croit y être fondé, mais qui!
ne pourra le faire fans un changement d’etatl
pour celui qui feroit ainfi privé de l’avancement,
fans jugement par confeil de guerre, ou imU,
une retraite de gré à gré.
Cette loi utile, faite également pour lesgrf j j
intermédiaires du capitaine au lieutenant-generaJjj
étant juftement appliquée, laiffera une carneU
qui ne fera jamais fermée à ceux qui méritent» «
elle empêchera de dépouiller un officier arbitré
Lieift, puifqu’»1 faut le Placer >le iuSer > 611 î “ ’*1
CTminde à ft retirer.
" t a la fécondé propofition, il a paru au co-
Lité militaire qu’il ne pourroit fe rendre juge de
fecaoacité ou du mérite, & en fixer les juftes
Lots mais qu’il appartenoit au pouvoir exe-
tntif dè tenir la balance & d’apprécier la valeur
IfaDoids; que c’étoit un des objets compris dans
K refponfabilité, que celui de faire des choix
Ues& eftimables; qu’il fellôit feulement exiger
L depuis le grade de major, aucun officier ne
Lrroit parvenir à celui de lieutenant-general, Ü paffer par tous les grades.; . ■ I
[Enfin, pour les nominations de Iieutenans-ge-
héraux pour ^es commandai» d’armées, nous
bons penfé qu’il n’y avôit d’autre règle à pref-
fcrire, que d’obferver dans le choix la réunion
Ides talens éprouvés par l’expérience, & d’en
Bailler le roi feul arbitre.
j Après avoir ainfi pofé les bafes fur lefquelles
fle pouvoir exécutif doit opérer fon aétion * il eft
feffentiel encore de tourner votre attention fur les
fcîrconftances que la guerre peut offrir. Un militaire
alors ne doit jamais prévoir l’avancement
L ’il peut efpérer : la gloire d’un général d’armée
[eft attachée à favorifer le talent , le mérite ,
Energie dans tous ceux qui lui font fubordonnés,
il faut lui permettre de franchir toutes les règles. prefcVites pendant la paix , lui donner le droit
B’cn créer de nouvelles, & l’obliger feulenient a
«ne refponfiibilité févère.
[ Cettenéceffité de fe repofer fur un feul homme,
fau fort d’un grand nombre d’individus, eft un des
motifs qui doivent rendre aux nations libres l’état
6eguerre redoutable, parce qu?outre la ruine des finances, il mène à la perte de la liberté. Ce fut
p rendant les guerres longues, & même continues,
mue les généraux de Rome, defpotes, de Yarrnee,
parvinrent à fe rendre lés defpotes de la république.
•
f II nous refte encore à veiller fur quelques officiers
lors de rang, •& qu’il eft bon & utile de claffer. Le
feèle & l’honneur françois ont toujours-conduit nos
puerrièrs par-tout où il y avoit de la gloire à ac-
|uérir. On a vu Charles XII tué auprès d’un officier
pnçois; & , fans remonter à une époque auffi
leculée, quels efforts n’ont pas faits des François
pour obtenir la liberté à une grande partie d’un
pitre hémifphère ? L’Amérique, comme on le fait,
soit en partie fa liberté aux efforts qu’ils ont déployés
dans les champs de Glocefter & dans les
paires de Stony-Point & de Redbanck. Naguères
picore quelques François fe font fait connoître d’une
panière diffinguée fur les bords de la mer Noire.
|1 faut quelques exceptions pour des perfonnes dont
® noms retentiffent d’une manière favorable, &
i°nt les aftions méritent une place dans l’hiftoire.
£ comité’ a “donc penfé que ,?tout François q u i,
jyant la permiffion de fërvir une puiffance alliée
£ k France , fe feroit cpnnoître par des avions
d’éclat l ne feroit pas fournis aux règles ftriéles qui
ont été préférâtes pour l’avancement. En même
temps qu’il recommande au jugement févère pour
de Semblables fervices, il trouve qu’il eft utile
d’avoir des officiers formés à la guerre, fans que
la nation foit obligée d’en fupporter les frais. *
• Le defir ardent que nous avons de voir tout ce
qui compofe l’armée en pleine aélivité, nous fait
envifager comme une chofe vraiment utile de limiter
le nombre des officiers-généraux à la tête des troupes
, & :de ne les remplacer , le plus fouvent, que
par des officiers en aâivité de fervice.
Enfin, Meffieurs, fi l’économie néceflaire aux
finances exige des réformes dans l’armée, la juftice
veut qu’elles portent fur les grands abus ; qu’il n’y
ait que des changemens utiles, & qu’une conftitu- .
tion, qui doit faire le bonheur de tous , ne trouble
perfonne dans fes jouiflances.
Réfumant le rapport que vous venez d’entendre, ,
le comité demande que l’exiftence fociale du militaire
foit fixée ; qu’on accorde après un certain
terme, pour récompenfe des fervices, le droit important
de citoyen aélif ; que les rapports de Y armée >
avec le pouvoir qui ordonne & celui qui exécute,
foient réglés d’une manière invariable ; que toutes .
les difficultés qui pourroient s’élever entre les troupes
réglées & les gardes nationales, foient déterminées
d’avance, & que l’expérience conferve l’avantage
qu’elle doit avoir pour le commandement ; que les
juftes réclamations du militaire foient enfin écou- •
tées ; que les décrets de l’affemblée qui admettent
au fervice toutes les claffes de citoyens , foient mis !
en vigueur ; que les foldats n’aiènt plus à redouter
pour bas-officiers , des hommes dont ils pourroient
craindre le caraétèrç , qu dont ils n’eftimeroient pas
la conduite ; que l’avancement pour les bas-officiers
leur affure les réoompenfes qu’ils ont droit d’attendre
; que les officiers, avant d’entrer au fervice,
foient appellés à des examens toujours utiles ; qu’il
n’y ait aucun paffe-droit pour monter aux compagnies
; que toute propriété de régiment foit détruite
; que l’ancienneté , pour parvenir aux grades
fupérieurs, ainfi qu’à ceux de colonel & de maréchal
de camps, ait toujours la préférence, lorfqu’elle
fe trouve accompagnée de la capacité & de j’aélivité
qu’on doit exiger dans un chef ; qu’un pofte de
tranquillité', qu’une retraite honorable foient accordés
à celui qui, étant parvenu à la fête de fon corps,
ne feroit pas avançé ; pu qu’en cas de refus, il ait
droit à un jugement légal; que la guerre laiffe au
talent le moyen de fe faire jour, & à l’ambition ceux
d’arriver ; que la valeur françoife trouve d’avance
des réçompenfes préparées pour les fuçeès npn çon-
teftés ; que les réformes de Yarmée portent fur les
grands abus ; qu’enfin Fétat militaire devienne,
autant qu’il eft poflible, un état heureux.
Tel eft, meffieurs, le rapportique nous avons cru
devoir foumettre à votre examen ; il a été diélé par
Famour de l’ordre, le fentim.ent le plus vrai de
coopérer efficacement au bien public. Nous avons
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