
ce ? Cette contradiction permettroit de douter
de votre bonne-foi & de votre loyauté. ( Les tribunes
applaudirent ) . Je conviens cependant qu'il
faut une garantie , qui raiïure contre les électeurs.
Mais eft-ce la richefle ; L'indépendance & la probité
fe mefurent-ell.es fur la fortune? Quoique ces idées
fofent morales , elles n’en font pas moins dignes
d’être préfentées à l ’affemblée. ( On rit Sr on murmure.
— Une voix s’ élèv : C ’ell trop fort , Monteur
Robefpierre ). C e ne font pas-là des lignes
fans largeur. On nous a cité l ’exemple des Anglois
& des Américains ; ils ont eu tort, fans doute,,
d'admettre des loix contraires aux principes de la
juftice j mais chez eux ces inconvéniens font com-
penfés par d'autres bonnes loix. Quille étoit la
garantie d'Ariftide , lorfqu'il fubjugua la Grèce entière
? C e grand homme q u i, après* avoir admi-
niftré les deniers publics de fon pays, ne biffa pas
de quoi fe faire enterrer , n'auroit pas trouvé entrée
dans vos aflemblées électorales. D'après les
principes de vos comités , nous devrions rougir
d'avoir élevé ujie ftatue^à Jean-JacquesHoufleau ,
parce qu’il ne payoit pas le marc d’argent. Ap-
‘ prenez à reconnoître la dignité d’homme dm>
tout être qui n’eft pas noté d’infamie. Il n’eft pas
vrai qu’il faille être riche pour tenir à fon pays.
L a loi eft faite pour protéger les plus foibles } &
n’eft-il pas injufte qu’on leur ôte toute influence
dans fa confection ? Pour vous décider , réfléchif-
fez quels font ceux qui vous ontenvoyés ? Etoient-
ils calculés fur un marc , fur un demi-marc d’argent?
Je vous rappelle au titre de votre convocation
: « Tout françois, ou naturalifé François ,
payant une impofition quelconque, devra être admis
à choifirles électeurs ». Nous ne fommesdonc
pas purs, puifque nous avons été choifîs par des
électeurs qui ne payoient rien. ( On applaudit ).
M. Raderer. L a difeuffion ne peut être continuée
plus long- tems, en ce qu’elle tend à détruire
ce qui a été fait , & qu’il faut que la conftitution
xefte telle quelle a été jurée. ( On applaudit dans
I’extrémite de la partie gauche ). J’obferve , pour
déterminer l’affembïee,que, d’après le nouveau fyftême
, la ville de Paris a vu aggrandir aii quadruple
le cercle des éligibles, par la conversion des
impôts direCts en impôts indireCts. Je demande'
donc que la conftitution refte telle qu’elle eft.
( Les applaudiflèmens recommencent ) .
Le s membres de l’extrémité de la partie gauche
demandent à plufieurs reprifes à aller aux voix. "
M . Beaumetç. Les efforts qu’on fait pour empêcher
que la difeuffion foit continuée , & que les
erreurs qui viennent d’être débitées , foient rectifiées
, ne feroient pas fiyiolens, fi on n’étoît pas
perfuadé que le refultat des débats fera jaillir la
lumière. Je me rejouis du moins du zèle avec le-
uel les préopinans fôutiennent la conftitution &
es craintes qu’ils manifeftent, d’y voir apporter
des changement. (Quelques membres de l’extr<£
mité de la partie gauche continuent à demander
a aller aux voix. ) Qu’il me foit permis de prendre
aCte des applaudiflemens que vous avez donnés
au comité , lorfqu’ira fait pour la première fois
leCture de fon plan. Pour fentir l’extrême convenance
de retirer le marc d’argent, il fuffit que cette
entrave foit allez forte pour éloigner de la lëgif-
lature un feul homme digne d’y être âppellé par
fes lumières. Je me contenterai de rapporter un
feul exemple cité mal à propos.. Si l’auteur du contrat
focial étoit éloigné de la iégiflature par le décret
du marc d’argent, n’auxiez-vous pas à vous
reprocher d’avoir écarté un fi digne repréfentant :
mais , me dira-t-on, il ne pourroit plus être électeur.
Je demande s’il y a quelque proportion entre
les ferviees qu’il eft poffible de rendre dans
l ’une ou l’autre de ces fondions. M Roederer à
narlé du nouveau fyftême de la contribution ; je
lui réponds que ces changèmens s’appliquent également
à la contribution des électeurs , & je'; demande
fi c’eft avec bonne-foi qu’on peut faire
ufage de cette différence. Je viens à la difeuffion
de la fécondé partie de la queftion. Il eft évident
que l’intérêt des aflociés exige que les droits politiques
foient confiés à ceux qui préfentent lé
plus de garantie d’une bonne geftion , & la propriété
en offre une allez certaine.. -On nous a cité
l’exemple des. anciennes conftitutions. E-ft-.cé celle
d’Athènes, où la.fimple qualité d’homme confé-*
roit tous les droits ? Eft-ce celle de Lacédémone,
ou l’on a commencé par mettre tous lès contrats
de propriété au milieu de la place .publique pour
les incendier? Je demande à M. Robefpierre laquelle
il voudroit choifir de cés deux çonftitutions?
11 convient cependant qu’il faut des garanties :
ainfi, en preffant les principes , il n’eft pas d’accord
avec lui-même j car pourquoi s’arrêter plu*
tôt à trois journées de travail, à dix, qu’à quarante
? Il eft donc évident que le principe fur lequel
a tourné tout fon raifonnèment, c eft que la
fociété ne; peut impofer aucune condition à l’éligibilité,
pas même celle de citoyen aélif.
M . Robefpierre Vous calomniez monfieur.
M . Beaumet£. Sans m’ appercevoir que quelqu’un
m’ait interrompu, jereprends mon opinion,
& je viens maintenant à prouver que la condition
exigée maintenant pour être électeur eft irifuffi-
fante , & qu’il faut la porter à 40 journées. (On
murmure dans la partie gauche. ) En effet , quelles
font les objections ? On dit que l’incorruptibilité
réfide dans la médiocrité, & qu’il ne faut pas
aller chercher la probité au milieu des féduéfions
d’une fortune opulente : j’en conviens j mais pour
payer une contribution de 30 ltv. ce qui'fuppofe
un revenu de r8o iiv. doit on s’attendre à être
accufé d’être infeété de tous les vices du-luxe?
J J demande fi ces tableaux chargés,-que la logique
des chifres détruit fi invinciblement, font .di61e/
"oit la bonne-foi ? c'eft dans un état qui met au
‘ 5efius des derniers befoins, que la nation a inte-
[ rêt de trouver des électeurs. Elle doit les cher-
1 cher parmi les perfonnes qui font mtereffees a ce
[ que la juftice foit également rendue pour tous. Je
]e demande aux hommes de bonne-foi , car ce n eu
ï qu'à eux que je parle ; ceux qui ont intérêt à Ce
[ que l'aduiiniftration foit douce , les loix fages , 8c F à ce que la juftice ne fade acception de perfonne ,
[ n" font-ils pas précifément ceux qui ont quel-
[ que chofe à perdre ; ceux qui pourraient être gra- f v é sp a r uneadminiftration inique & des jugemens
rinéquitables , doivent être prefumés plus intéref-
Ifésa choifir de bons légiflateurs & de bons juges.
I & f i l'on trouve en eux une garantie de plus,
I pourquoi priver la nation du droit de faire fa
F conftitution fo meilleure poffible? Qu'on ne me
I (Jife pas que les non-propriétaires ont un intérêt
F différent des propriétaires. Celui qui eft lé- plus
I en vue, a plus d'intérêt à fe mettre à i abri des 1 abus du pouvoir. Etes-vous de même allures que
I les non-propriétaires garantiraient bien les pro-
I priétaires, & qu'ils ne fir lien t pas par attaquer
| les fondemens de la fociété? : Mais, dit-on., vous allez priver les citoyens d'un droit dont ils font
I jaloux. J'aime à le croire i cependant,^ fout-il le
dite,n'avez vous pas vu que beaucoup d eleéleurs,
F loin de regarder leurs fondions comme une dif-
tinâion honorable,l'ont regardée comme.onéreufe
[ & ont follicité un traitèment. :( On applaudit. )
Qu'il me foit permis de l'obferver, c'eft à cela
qu'on' doit attribuer la defertion dis aflemblées
électorales , puifque dans cette capitale même ,
on a vu des choix de zoo éleâeurs feulement. C e
n'dl pas au défaut du patriotifme qu'il fout l'attribuer,
puifque fon heureux ferment agite encore
tous ltsefprits. A quoi donc l'attribuer? A c e que
Vous avez fournis à cette fonction des perfonnes
>ae vous dérangez pàr-là de leurs foins journaliers;
& pour qu'il ne vous foit pas permis d'eh
douter, ils ont fini par vous demander une indemnité
pour le temps de leur déplacement. C eft
d’apres ces confiderations, 8c non d après le feru-
pulequi vous porteroit .à fanCtionner jufqu a vos
fautes & à vos méprifes bien connues, que je
conclus pour l'avis des comités. :( On applaudit
dans la majorité de la partie gauche. )
M. Buzot paraît à la tribune.
On demande à aller aux voix.
M. Bu{ot. Je crois qu'il eft néceffaire de ramener
la difeuffion au véritable état de la queftion ,
& c'eft précifément à la motion faite par un des
préopinans que je reviens: en ce moment. Nous
demandons que la conftitution refte telle qu’elle
eft ; car nous avons prêté ferment de la maintenir.
Si on vous foit changer un article qiie. vous
crets fiir la non-rééligibilité, que vous n'attaquiez
la lo i, qui dit que les membres de l’allemblé®
nationale ne pourront parvenir au miniftère. ( On
applaudit dans l’extrémité gauche de la partie gauche.
avez décrété après la difeuffion la plus folérrinelle, ;
rien n’empêche que vous ne changiez suffi les dé- j
) On murmure dans les autres parties de la
fallé. ) Si vous remettez en difeuffion tous les articles
de votre conftitution, cette difeuffion pourra
bien vous mener encore deux à trois mois..
I l me femble qu'ici des confiderations particulières
à la ville de Paris, nuifent à la caufe. des
provinces"; & cependant les citoyens de .Paris ont
juré, comme tous les autres citoyens du royaume,
le maintien delà conftitution. Par lé fyftême qu’qn
vous propofe , vous allez exclure des affembléès
éleétorales la plupart des cit'ôye'ns de campagne.
D ’apres cela, fans entter dans lesmotifs du piréo-
pinant , car l'inconvénient fut lequel il s'eft appuyé
, tient à la longueur des élections , c’eft-à-
dire, aux vices du ferutin que vous avez adopté ;
fans entrer , dis-je , dans ces motifs , j infifte fut
; les inconvéniens que préfente l'exécution de ce
fyftême. Je dis que vous ne pouvez pas ôter aux
hommes, qui ont actuellement le droit d’être
1 électeurs, ce droit que vous leur avez donné par
un décret folemnel, & dont vous avez jure de
leur garantir la fconfervation ; f i vous les en privez
, rien-n'empêche que vous n'attaquiez tous
les autres droits des citoyens.
Certainement c'eft une erreur du préopinant que
de croire que les droits politiques ne confident pas
dans, le droit d'élire. La faculté de pouvoir exer ■
cet ^importante fonétion d'élire , conilitue véritablement
l’état politique du citoyen. E t ne dites
pas qu'en reportant fur les électeurs la condition
usuellement exigée des députés à lalé’giflature, elle
vous offre une plus noble carrièreà l'ambition des
citoyens.’Ne croyez pas que les hommes d'une
vertu auftère, que desJ. J. Rouffeau foient jamais .
choifis pat une affemblée éjeSorale uniquement
compofee de gens riches. Les affemblees électorales
choififfent prefque toujours dans leur fein ,
ou parmi des hommes d'un rang ou d’une fortune
égale ou fupérieure.
Mais par quel motif d’utilité politique exige-
roit-ori des éleéteuiis une,cbntribution de quarante
journées de travail ? Les juges-de paix ne paient
que dix journées, & cependant ces hommes font
utiles à la tranquillité publique, 8c tous les’jours
on vous en fait-l’éloge. Je disque les éleâeurs
n'ont pas befoin d’être riches. 11 ne s’agit pas dans
les aflemblées électorales de délibérer ; il n'y faut
pas des lumières ,mais'de la probité. Voulez-vous
trouver ' dans cette contribution une garantie de
l'indépertdançe des éleâeuts i Eh bien exigez ,
côrrime dans les"pays que vous avez cités , 100 à
306 liv . ; car , pour l’efpèce d’indépendance que
1 vous defijrez^ 40 liv . ne font pas a mes yeux une