
raire , ni impôt, ni crédit; mais tout cela ne fe
fait qu’avec le numéraire.
Les ju g es qui ne feront pas payés ne jugeront
pasj les-adminiftrateurs qui lie feront pas payés,
n’adminiftreront pas. Vous ne vous laifferez pas
tromper à ces motifs. Ceux qui font véritablement
attachés au bien public ,au falut dé la patrie ;
ceux pour qui des raifonnemens aftucieux 8c foi-
bles n’ont aucun prefiige , ne produifent aucune
illufion, verront que l’opération qu’on vous pro-
pofe eft bonne ; ils verront le retrait des ajjignats
a filtrer la facilité certaine de ralentir à volonté
Fémiffion ; ils verront que c’eft en alimentant le
nerf de la puiffance, qu’on rendra à la puiffançe
publique l’énergie dont elle a befoin; ils verront
que les créanciers de l’état ne peuvent s’acquitter
avec-leurs propres créanciers; qu’il faut faire ceffer
cette gêne générale des fortunes ; que fi on veut
le bonheur du peuple , ilv faut enfin lui procurer
du travail ; que c’eft par le travail qu’on rétablira
l’ordre public, qu’on créera un patriotifme tranquille
; c’eft par-là que vous arriverez au terme
de vos travaux. On femble appeller le défaveu &
la haine du peuple fur ceux qui propofent ce
moyen de falut; mais croyez que fi chacun a ,
pour preffant motif, le bien de la chofe publique ,
le- falut public & le falut perfonnel font le mobile
des hommes. Je dois dire qu’une immenfe
• refponfabilité pefera auffi fur ceux qui fe feront
oppofés au feu! moyen de fauver l’état. ( La
falie retentit d’applaudiffemens ).
i MM. de Montlaufier 6» d’Efpréménil. Nous l’acceptons
cette refponfabilité, & nous demandons l’appel
nominal avec l’infcription 8c la lifte des noms,
afin de les faire palier dans les provinces. ( La
droite applaudit. )
■ M. Barnave. Quelques préopinans n’ont pas caché
leur penfée; ils ne peuvent , difent-ils, voter
en aucun Cas fur des mefures qui favoriferoient,
qui accéléreroient la vente des biens du clergé.
( La droite murmure. ) En effet, il né faut pas fe
diffimuler qu’il eft plus facile de décréter cette
vente que de l’effeâuer ; la même oppofition que
vous avez rencontrée dans vós décrets, vous la
. rencontrerez dans cette opération ; ils ne voteront
pas, mais ils défendent un moyen qui, en raf-
fembiant dans peu de mains les capitaux, qui,
en liant ces capitaux aux mains qui les auront
reçus par l’intérêt qu’ils porteront, ralentira excef-
fivement la vente , fi elle ne l’empêche pas j 8c
produira le dépériffememt des biens i nationaux ;
iis efpèrent que vos maux feront comblés, avant
que le moment de la reftauration foit arrivé. Mais
la nation entière veut cette vente, elle approuvera
l’opération , fans laquelle fa volonté ne feroit
point exécutée. Par cette opération, vous affurez
la réfolution de la dette, fa .fubdivifion entre
tous les citoyens ; la propriété générale revient à
fa fource ; par-là vous êtes libérés ; l’opinion publique
repouffera ceux qui s’y oppofent ; mais
Ceux-la meme deviendront propriétaires ; conduits
par leurs propres intérêts, ils agiront avec vous,
au lieu d’agir contre vous. S i , au contraire, on
vous entraîne dans l’opération des quittances de
finances , bientôt on prétendra vous démontrer
que vous avez fait une; mauvaife opération, en
mettant à la difpofition de la nation les- biens
ecciéfiaftiques, & dans un an peut-être, on vous
propofera politiquement , financièrement , nationalement,
de remettre ces biens dans les mains
du clergé. ( Une grande partie de l’affemblée
applaudit ).
Le moyen propofé hier, qui .femble fe rapprocher
de l’utilité généralè, s’en éloigne ; il ne préfente
qu’un allégement partiel de l’impôt , il
n’anéantit pas l’agiotage, puifqu’il met la dette en
concurrence avec le numéraire qui fera créé.
L ’opération la plus grande, la plus fimple en elle-
même eft inçonteftablement la meilleure. La crainte
de voir en circulation 1900 millions difparoît par
le fait ; faites-la difparoître par la loi ; vous calmerez
auflî les inquiétudes de ceux qui doutent
que les biens du clergé ne foient égauxji la fomme
dont ils feroient la repréfentation , l’hypothèque
& le gage ; car , dans le temps que lai {fera Fémiffion
uicceffive des ajjignats, des renfeignemens
certains & authentiques nous parviendront. Je prc-
pofe de décréter ; 1°. que la totalité de la dette
exigible, échue ou à terme , fera rem bout fée en
ajfignats-monnoie , fans intérêt ; 2°. que l’émiffion
s’effe&uera progreffivement par ordre de liquidation
& d’échéance, de manière qu’il ne puiffe
jamais y avoir plus d’un milliard d'ajjignats en
circulation, indépendamment de ceux qui ont été
précédemment!. décrétés ; que les comités des
finances & d’aliénation réunis préfenteront un
projet d’articles pour tous les aceeffoires de l’opération.
M. Barnave defcend de la tribune au milieu des
applaudiffemens réitérés de la majorité de l’affemblée.
•
On demande que la difcuffion foit fermée.
M. le prejident. Le comité des finances m’a fait
prévenir qffil demanderoit la parole avant que la
difcuffion fût fermée. ( I l s’élève des murmures :
plufieurs perfonnes difent que le comité n’a pas
pris de délibération à ce fujet ). M Lebrun m’a
dit qu’il la demandoit au nom du comité , 8c
qu’il en étoit chargé.
M. Lebrun. Ce n’eft pas une difcuffion , ce
font des faits dont le comité m’a donné ordre de
(Vous rendre compte; ce font les voeux des dé-
partemens , des directoires & des municipalités.
M. de Mirabeau. Je n’ai demandé la parole que
pour faire deux obfervations fur le peu de mots
proférés par M. Lebrun. L ’une ne tend qu’à l’éclair—
c-iffement d’un fait, f i , contre mon av is, il a
quelqu’importance ; l’autre eft une obfervation
d’ordre fouverainement importante. La première
feft que plufieurs de mes collègues penfent que
le comité des finances n’a pas délibéré fur la démarche
de M. Lebrun, & que quand le comité
a fait fon rapport, 8c que la queftion eft lancée,
il n’a plus droit à être entendu. L ’obfervation in-
ffiniment plus | effentielle , c’eft qu’il eft extrêine-
,ment inconvenant de venir apporter à cette tribune
, fur une queftion qui nous eft foumife, les
réclamations des départemens & des municipalités.
( L ’orateur eft interrompu par des applaudiffemens
8c des murmures ). Je demande à être entendu
jufqu’au bout ; car je déclare que mon opi-
pion à cet égard eft tellement prononcée, que fi
ma réprimande eft déplacée, je dois être févére-
ment réprimandé.
Je dis "donc qu’il eft très-fcandafeux, très-coupable
, au moment où il s’agit de fermer une difcuffion
importante , de venir lancer , comme le
Parthe, en fuyant, le voeu des dire&oires 8c des
municipalités. Quand au bruit des applaudiffemens
unanimes de cette affemblée, ( la partie
droite murmure; la partie gauche applaudit : on
entend à travers les murmures de la droite, ces
mots prononcés par M. d’Efpréménil : des applaudiffemens
p a yé s); quand il-y a peu de jours,
l’affeinblée , fur une obfervation de ce genre,
échappée au zèle inconfidéré d’un de fes membres
, eut la bonté de couvrir de fes applaudiffemens
l’obfervation , que fi de telles interventions
étoient permifes, le gouvernement repréfentatif
étoit renverfé, & la monarchie détruite.../ ( On
aplaudit de toutes parts ).
M. le préfident rappelle les tribunes à
l’ordre.
M. de Mirabeau Vaîné. Il eft: très-permis, très-
fimple d’avoir deux opinions fur line queftion
d’économie politique auffi importante ; mais il
n’eft pas permis de mettre des intermédiaires entre
nous 8c la nation ; il ne l’eft pas d’avoir la mau-
vaife foi de donner les neuf perfonnes qui com-
pofent un dire&oire , comme l’écho du département
; il ne l’eft pas que ceûx qui nous ont ac-
eufés de Vouloir une république fédérative, viennent
foutenir par leurs cris une opinion qui feroit
, au même inftant, du royaume une république
fédérative. ( On applaudit. ) Ce n’eft pas
.aux corps adminiftratifs , dans les mains defquels
font, en ce moment, les biens nationaux , à donner
leur avis fur les difpofitions des biens nationaux.
Ce n’eft pas à ceux qui ont dû remarquer
que , par le pur refpeét que nous devons aux
principes du gouvernement repréfentatif, nous n’avons
pas montré le voeu de la ville de Paris, fur
qui péferoit cette opération , par la nature de fon
commerce 8c de fes richeffes , à venir appuyer
l’étrange proportion qui vous eft faite. Ils ont eu
l’impudeur de ne pas vouloir voir notre fage
rêferve, & nous ont accufés de payer les applaudiffemens
des tribunes ; expreffions gratuitement
infolentes. ( On applaudit. ) Ce n’eft pas à eux
à venir élever contre nous des maximes deftruc-
tives de la conftitution , dont, nous auffi , avons
poféN quelques bafes. Qu’i ls . croient que le feu
facré de la conftitution ' eft auffi bien dans nos
foibles mains que dans leurs mains fi pures. ( I l
s’élève à droite dés murmures.—M. Virieu rappelle
à la queftion). M. le préfident, je fuis fâché
qu’on s’apperçoive fi tard de la fuite inévitable
d’une motion auffi imprudente ;-moi je conféns ,
par confiance dans la caufe que je, défends , je
confens à finir , en affurant~nos adverfaires que
nous favoris qu’il eft également,compris dans
notre ferment, de défendre la conftitution contré
fes ennemis cachés, que, contre fes faux 8c infi-
dieux amis.
M. d’Haramhure. J ’attefte que l’affemblée , par
lin décret , a chargé fon comité des finances de
faire un rapport avant la fin de la difcuffion ; j’attefte
également que le comité en a chargé M. Lebrun,
'
On demande que la difcuffion foit fermée.
M. d'Efpréménil. On ne peut fermer- une
difcuffion qui n’a pas été: ouverte , à moins; que
M. de Mirabeau n’ait dit le pour 8c le contre.
La difcuffion eft fermée, fur la propofition de
M. Lebrun.
Cette propofition eft rejettée.
On demande que la difcuffion foit fermée fur
le fond de la difcuffion.
M. Cabales. Il eft phyfiquement impoffible de
rendre un décréta l’heure qu’il eft, fur-tout par appel
nominal, 8c que l’appel nominal eft le voeu
des deux côtés de l’affemblée ; dès-lors nui intérêt
ne peut engager à fermer la difcuffion en ce^moment.
11 eft au contraire un très-grand intérêt , qui
doit déterminer à la prolonger à demain. La matière
eft importante, elle a befoin de l’opinion,
8c l’opinion n’eft favorable à un décret qu’autant
que les difeuffions font calmes 8c lentes. M. Barnave
a coloré d’une manière infiniment adroite des
raifôns très-foibles. Je prends l’engâgement de répondre
catégoriquement à fes obfervations fans
phrafe, fans déclamations, tellement que rion la majorité
, mais l’uriiverfalité fera convaincue. ( La majorité
murmure. ) La mauvaife foi feule pourra
méconnôître l’évidence de mes réponfes , 8c je
fuis loin de penfer qu’il y ait une feule perfonne
de mauvaife foi dans ce'tte affemblée ; je conclus
donc à ce que la féance foit prorogée , 8c à ce
qu’il foit'décrété que demain l’affemblée nationale
prendra un parfi définitif.
M. Alexandre de Lameth. En oppofition avec M.
Cazalès, je demande que la difcuffion foit fermée
, 8f que l’affemblée prononce en ce moment.