que vous defirezr pour la vente des biens nationaux.
Quoique je penfe que l’émiflion à'affignats foit
l’unique moyen de régénérer la chofe publique ,,
je laifferai la liberté d’opter entre les. affignats &
les quittances de finance; en conféquence j’adopte
le projet deM. de Beaumetz, avec l’amendement
qu’il ne fera point accordé aux quittances de finances
d’intérêt annuel, mais feulement une prime
de trois pour cent, & qu’au bout de trois ans
©il ouvrira un emprunt à quatre pour „cent, pour
recevoir les affignats dans la vente des biens domaniaux.
M. Touftain réclame la parole.
Plufieurs membres de la partie gauche demandent
que M„ l’abbé Maury foit entendu.
M. Cabales. Tout membre a ici également le
droit d’avoir la parole.
O u demande que MM. l’abbé Maury & Cazalès
fbient entendus co n tre& MM. Barnave & Duport
pour. Plufieurs membres réclament l’ordre du jour.
— L ’affemblée décide que M. l’abbé Maury fera
entendu fur le champ.
M. l’abbé Maury. On a propofê d’éteindre la
dette publique par l’émiflion de deux milliards
d’affignats-monnoïe : vous avezconfuké les chambres
de commerce & les principales villes du royaume ,
& en cela vous avez pris un moyen digne de votre
prudence & de votre fageffe. Le commerce a émis
fön voeu ; je ne fifen prévaudrai pas ; il vous a fait
part de fes alarmes & de fes vues ; il vous a
repréfenté qu’on ne commandoit pas à la confiance,
qu’il ne falloir pas compromettre votre
autorité par une opération plus que dôuteufe. La
ville de Paris vous a préfenté, ou du moins a
para vous préfenter, un voeu particulier pour
ïémifîron des affinats : je ne vous dirai point,
pour écarter l’importance qu’on pourroit y attacher,
que ce voeu n’auroit pas dû être pris à l’im-
provifte , & que du moins on aurait dû annoncer
les féances ; je ne vous dirai point que les pétitions
qu’on vous a préfcntées ne contiennent
pas. de Signatures, que quatre ferions ont refufé
d’y adhérer, & ce font peut-être les plus riches
& les plus peuplées : ce n’eft ' point par des fins
de non-recevoir qu’on peut éluder l’importante
queftion qui vous eft foumife. Pour interroger la
ville de Paris, il fuffifoit de demander aux marchands
s’ils pouvoient fe paffer de crédit : fi une
ville confommatrice & non produ&rice, peut
commercer fans crédit ; alors elle peut vouloir
des affignats; mais fi elle a befoin de crédit, elle
doit les repouffer , car perfonne ne voudroit lui
faire des avances ; elle, feroit tous fes rembour-
ïemens à perte. Le commerce doit à-peu-près 300
millions, on lui doit une valeur égale ; fi l’affemblée
décrétoit une émiffion d’affignats , voici le réfuitat
de cette opération.
Les 300 millions que le commerce doit aux
étrangers , il fera obligé de les payer en écus,
car votre autorité finit à vos frontières. On pourra
cependant recevoir vos affignats, mais avec une
perte très-confidérable ; puis on vous les rendra
au pair : ainfi vous fubirez toutes, les pertes Au
moment où ils auront éprouvé cette réduétion,,
ils ne pafferont plus dans les tranfa&ions particulières.
Votre autorité ne va pas jufques-4» r nulle
puiffance ne peut commander à la fouveraineté individuelle
; & dès-lors plus de manufa&ures plus
d’atteliers; les ouvriers fans travail & fans pain
s’abandonneront à la tentation des crimes que commande
le befoin ; l’agriculture fera ruinée, car le
commerce ne lui tranfmettra plus le numéraire
dont elle aura befoin. Voilà les conféquences prochaines
de ce fyftême, dont je développerai bientôt
les intrigues , & s’il, le faut même, les moteurs. Au
moment que nous approchons des grands principes y
mettons en évidence les grandes vérités qui doivent
nous fervir de fanal. Le numéraire eft rare T
dit-on ; ce mot ne fignifie autre chofe, fïnon que
le commerce languit. Toutes les fois que le numéraire
change dé main , il paroît commun. Avec
deux milliards 500 millions, l’on a fait en un an
pour 2.5 ihilliards d’affaires, & pour cela, il fuffifoit
que le numéraire changeât dix fois de main.
Voilà quel étoit l’admirable mécanifme auquel on
veut fubftituer une opération ruineufe. Le commerce
intérieur a befoin de numéraire ; la loi du
change ne lui permet pas d’employer d’autre
medium que l’argent. On a dit là-deffus: de fort
belles chofes, qui deviennent bien communes,
lorfqu’bn les dépouille de leurs éloquens alentours.
L ’échange- eft le commerce intérieur ; s’il eft lucratif,
vous vous enrichiffez ; s’il eft défâvan-
tageux , vous vous ruinez inévitablement.
On a fait là-deffus bien des fuppofitions qui
contredifent les élémens du commerce. Pour en
voir la fauffeté, il ne faut que les pouffer à leur
réfuitat, qui tend à établir qu’il importe peu que le
change foit avantageux ou défavafttageux. I l y a
trois .différentes circulations d’argent, une pour
les befoins journaliers qui exigent du numéraire ;
une pour le commerce, qui exige partie numéraire
& partie valeur commerciale ; la troifîème eft
la circulation des effets publics, fource de l’agiotage.
Déplacez les deux premières, & vous les
ruinez. C ’eft par la confiifion de ces trois circulations
.que les Parifiens fe font perdus. I l auroit
fallu couper la communication entre le commerce
l’agiotage, comme on coupe une maifon pour
arrêter l’incendie. On a créé la caiffe d’efcompte ,
& bientôt on l’a autorifée à ceffer fes paiemens :
c’eft alors que l’agioteur a pris la place du négociant.
C ’eft cependant la même opération qu’011 _
nous propofe d’étendre. Si 180 millions ont déjà
bouleverfé tant de fortunes, quefera-ce de l’émiffion
qu’on propofe ? Sur 816 atteliers qu’il y a voit
à Paris, il n’y en a plus que 41. C ’eft le papier
circulant qui a arrêté la circulation du numéraire.
D ’autres caufes s’y ..font jointes, j’en conviens;
Sa- méfiante, înféparable des circonftances ; l’a fait '
fefferrer ; mais quoique l’on en dife, il n’eft pas
forti 2.00 militons du royaume. Il ne fuiffit pas*
je le fais, que cet argent foit dans le royaume.,
il faut encore‘que la »confiance lui ouvre une iffue.
L’invention du papier-monnoie appartient à notre
fiècle^ auparavant, on auroit regardé un papier
monnaie comme =de la fauffe monnaie : c’eft en
.1720 qu’il a pris naiffance.
On a parié de celui de l’Amérique ; on a confondu
les idées &>les faits. Je ne veux pas parler
du papier du congrès, ruais de celui 'de la Pen-
iÿlvanie , hypothéqué fur des biens-fonds à la
porte de Philadelphie, fur des biens dont l’état
jouiffoit depuis plus de 40 ans, qui étoient en
^pleine valeur & en pleine production ; il fut émis
■ en très-petite quantité. Pour en avoir, il falloit
l’hypothéquer fur un bien-fonds, à lin intérêt de
.5 pour cent, .& rembourfable en huit ans. Le
père de famille le plus vertueux n’auroit pas pris
de précautions plus fages ; & cependant ce papier
-perdoit 91 pour cent. Si je fuivois le papier-monnoie
partout où il a porté fes dégâts, je le verrois
:toujourstraîner après lui des malheurs de tout genre.
Q u ’on ne dife pas que l’hypothèque le garantira ;
ice feroit compter fur l’imbécillité des hommes. Je
weux bien oublier les inconvéniens du change
ceux de la :hauffe & de la baiffe du numéraire*
j>cur faire beau jeu à mes adverfàires, '& je leur
dis. : s’il èft- poflible que vous mettiez dans la cir-
•îculation .un papier-monnoie qui ne perde .rien, je
4’adopte.; mais fi je viens à démontrer que cela
eft manifeftement impoftible, alors vous ne pouvez
•pas l’ordonner, car ce feroit auterifer la banqueroute.
••C’eft ici que j’appelle l’attention de mes adverfaires,
& je les prie de vouloir bien me répondre. La
facilité de la contrefadion feulement diferéditera
vos .affignats. L ?efpèce fonnante* que l’habitant
des .campagnes eft habitué de juger par le poids
&. par le Ton., aura toujours un grand avantage
fu r le numéraire fiélifi .
Les moyens que l’on emploierait pour tromper
paiticulièremept le.peuple, porteroit à contrefaire
des affignats de la moindre valeur , plus particulièrement
déftinés à paffer dans les mains de ceux
„qui n’ont pas affez de eonnoiffance pour juger s’ils
bons ou mauvais. Ce feul danger donne une très-
grande fupériorité à l’argent. Jettez les yeux fur
de code des Américains, vous y trouverez à chaque
page des loix contre les faux-monnoyeurs; feuilletez
des regiftres des tribunaux.; à .chaque page vous
y trouverez des exécutions des faux monnoyeurs :
•-ce font-là des crimes créés- par les gouvernemens.
Que fera-ce f i le balancier de l’état peut fe rencontrer
dans toutes les papeteries. ? Avant quatre
«mois, la face du royaume fera couvere ^affignats :
rpefez bien .cette confidération, n’oubliez pas dans
-quel ffiècle ;v©us vivez* sde quelles -immoralités
'Vous êtes : environnés ; les dégiflateur.s >ne feront
Ipasjnoins .que. n’ont fdit des rnimftres,, au coin- ;4
mencement de ce règne. Les fpéçiilations des agioteurs
fourniffent la fécondé raifon de la dépréciation
des affignats* -On joue .à la hauffe au à la baiffe*
pourra-t-on jouer à la hauffe les affignats? Non,;
car il faudrait leur attacher d’énormes intérêts
pour jenter la cupidité : il faudra donc qu’on
joue à la baiflè. Q u ’arrivera-1-il ? Les agioteurs
recevront un papier déprécié qui perd déjà 7 pour
10 0 ; dès-lors leur fpéculation eft certaine. Ceux
qui vous preffent aujourd’hui de décréter des af-
fignats* diront alors que la vente des biens nationaux
eft incertaine , que l’impôt n’eft pas parfaitement
établi., qu’il eft onéreux , qu’on peut
avoir de juftes craintes pour l’avenir.
Après avoir ainfi déprécié les affignats.* ils
les achèteront, puis ils leur donneront un moment
de vie: ils feront en 1790 en France , comme ils
faifoient.en Efpagne ,.hauffer ou baiffer ces papiers*
au gré de leur avidité.; & vous les verrez bientôt
, pofleder tout à la fois & fuccefîivement* vos .affi
Jîgnats., votre argent & vos biens nationaux. .Ils
font déjà propriétaires de la dette exigible.; ils
ont acheté des effets à 25 & 30 pour .cent de
perte. Au moment d e l’émiflion des affignats., ces
effets reviendront au pair. Ainfi, S’ils en >ont pour
4 0 millions, ils tiendront de votre munificence
10 millions. Mais ils mous ont dit leur feeret ; dis
ont capitulé, ils -nous en .ont demandé feulement
; pour 800 millions* .& c’eft-là leur proie. Ils ont
1 bien vite oublié cette belle prophétie de -morale*
qu’il faut que vous payiez vos dettes.-; C’eft feulement
des leurs qu’ils s’occupent. Us a voient mis
tous J es créanciers dans -leur nacelle ; mais aufli-
tôt qu’ils fe font fentis menacés de quelques
dangers, ils ont - jettCé les paftagers à la mec. Jls
ont voulu que vous oubliez le tort des autres,,
pour que vous ne vous occupiez que d’eux. Voilà
tout le fecret de leur capitulation. Tous les jours
on vous parle d’étrangers qui confpirent contre
la liberté publique ; voilà une conjuration véritable
contre nos créanciers* contre -le tréfor public*,
contre le peuple. Voilà les hommes que wos
comités des recheches devroient s’occuper de pour*»
fuivre. Voyez quels font les hommes qui font , à
la tête de ce projet ; ce font des agioteurs,, des
hommes endettés qui vous confeilient cette opération
défàftreufe d’un papier-monnoie* qui :a
ruiné vos j>arèna, il y a. foixante ans. Le .moyen
de ne pas s’indigner contre de pareils gens, quand
on les voit corrompre -le peuple* dénoncer à
la nation., .comme de •mauvais citoyens , Iles
hommes qui ont le courage de fe dévouer à la
mort pour foutenir l’opinion contraire! Ces manoeuvres
,;ces accufations* ne font pas nouvelles.
Ecoutez - co mme on parloit de Law : je tiens Jà
la main le fyftême imprimé ( M. l’abbé Maury
tient un livre & lit ) : « M. Law n’a plus d’ennemis
• • que ceux de tout le genre humain n. Ce .font de pareils
■ échos qui -dans -ce smoment nous -dénoncent-au
peuple. üEh “bie^,* ; nous .lui : dirons jl .ce /peuple»