
M , Bouvier député d-Orange. Je luis en mon
particulier intimement convaincu de l’innocence
des détenus ; mais je ne crois' pas que l’affem-
blée puiffe vouloir exciter une guerre civile entre
Orange & Avignon. Les officiers municipaux d’O-
fange n’ont pu mettre le calme à Avignon, qu’en
promettant au peuple que les prifonniers feraient
jugés : eft-ce par vous que cette promeffe fera
violée ? eft-ce par 'vous que la guerre civile fera
allumée ? ( Il s’élève dans la partie droite un mouvement
général ; on entend ces mots: « allons
donc » ) . J ’ai encore une obfervation effentielle à
vous préfenter : les prifonniers fuppofent , dans
leur requête , qu’un compte a été rendu à l’affemblée
r qu’un procès-verbal a été mis fous fes
yeux ; ils ne demandent donc pas que vous décidiez
fans connoître les pièces de cette affaire :
je propofa d’en ordonner le renvoi au comité
des rapports, pour en rendre compte à jour fixe.
La difeuffion eft fermée.
On demande que les députés d'Avignon foient
entendus au comité des. rapports fur; l’adreffe des
prifonniers * afin de réunir le plus de ‘ lumières
poffibles..
M. l’abbé Maury s’oppofë à cette demandé. —
Sans entrer dans la queftion , je déclare qu’à, mes
rifquts & périls,.je me réferve de dénoncer les
députés d’Avignon r comme députés d’une troupe
d’affaffins. ( Il s’élève des murmures très - tumultueux
)_.Si je fuis un calomniateur, qu’on me pu-
nifl'e j’ai une million particulière pour les pour-
fuivre * & je les pourfui.vrai. Sur quatre prétendus
députés. d’Avignon , trois ne font pas. citoyens de
cette ville. Pëut-on demander que les regards de
FaiTemBlée nationale de France foient fouillés par
la vue de ces gens-là !
M. Camus JW y a des faits dont vous n’êtes - pas
inftruits.,. & qu’il eft. important que vous fâchiez.
11' vient d’arriver des députés de la garde nationale
d’Avignon;, ils demandent à. affifter à.la fédération
; ils ont des. pouvoirs de la garde nationale
& des citoyens.. ( On applaudit ); Ils font venus
ce foir avec lés députés, de la‘ municipalité ,.. nous
avertir qu’il eft parti, dé Avignon un nommé Boyer,
fë difant abbé,. & dont la million eft de folJieiter
la liberté des prifonniers détenus à Orange,, auprès?.
de certaines perfonnes que vous avez affez..
entendues ce foir ; ils nous ont dit que les pri-
fonnièrs étoient- très-fufpe&s;: qu’un autre , plus
fufpeét encore , détenu à Loriol', avoit été élargi ;
ils nous, ont dit que lès événemens d’Avignon te-
noient aux troubles de Nîmes de Touloufe &
de Montauban, & qu’on pourroit obtenir de ces
gens-là' des notions certaines. Ils ont obfervé. que
lès prifonniers auroient, couru rifque de la vie s’ils
Biffent refiés à A v ig n o n r&. qu’ils ont été remis
en. dépôt aux députés d’Orange pour les fâuver ;;
Us. ont.dit.:.« nous ayons penfé qu’-ayant. déclaré
vouloir vivre fous les loix françoifes, nous pouï
vions les remettre à des François : fi l’on ne veut
pas qu’ils foient jugés., nous redemanderons notre
dépôt, nous le demanderons pour la fûretédes A v ignon
ois, pour la fureté même des François. Les pouvoirs
de ces députés font en bonne forme ; ils vous
feront connoître tous les faits , ils vous découvriront
l’intérêt que le préopinant a peut - être à
ce qu’ils ne parlent pas. Je demande donc le ren-
voi.au: comité des rapports, je demande donc que
les députés de la garde nationale & de la municipalité
à!Avignon foient entendus par ce comité.
On demande à. aller aux voix..
M. Vabbé. Maury. C ’efl parce que j’ÿ fuis forcé
par i’accufation du préopinant, que je me détermine
à vous parler d’une affaire particulière, qui
ne devrait pas vous occuper.. On vous a fait pen-
fer , par des insinuations infidieufes ,.que j’avois
un intérêt particulier aux événemens d’Avignon:
c’efl une grande vérité; l’intérêt que je prends à
cette affaire , eft celui que doit y prendre tout
honnête homme ( if s’élève des murmures ) ; que
tout honnête homme doit prendre à la conferva-
tion de vingt-quatre prifonniers innocénstransférés
dans les prifons d’Orange , pour les fouf-
traire à la fureur d’un peuple qui venoit de faire
pendre quatre citoyens irréprochables .; 1 intérêt
que j’y prends eft celui que tout homme doit
éprouver pour fes concitoyens. Loin d’éluder la
rigueur de M. le Camus ,. c’eft fa févérité que
je réclame ; je lui annonce que je le traiterai devant
vous fans miféricome..... Vous déciderez, dans
votre fageffe , s’il eft de. l’intérêt, de la dignité |
de la morale du corps légiflatif. d’autorifer, non
un peuple , non une ville, mais quelques.factieux
à fe rendre iridépendans..
Avant de décider cette grande . queftîon , à la
décifton de laquelle plufieurs provinces font in-
téreffées, je vous ferai connoître les manoeuvres
particulières exercées fur une province qui-ne paie
point d impôts, qui n’eft pas mécontente defon fou-
verain ,.. & à laquelle cependant on a = voulu per-
fuader d’être infidelle au. faint fiège. Vous faurez
quel degré de confiance vous pouvez accordera
des officiers municipaux qui. fe font tenus enfermés,.
quand le peuple faifoit pendre par le bourreau
un vieillard c i des malades ;: vous déciderez
fi'des officiers municipaux, les pères- de la patrie,
qui doivents’immoler- pour fauver des citoyens,
dévoient être fpeétateurs froids de ces-afTaffinats..
(O n obferve que ce n’eft point la queftion).Sans
vouloir préjuger aucune de ces queftions, qu’il:
eft de mon intérêt de mettre dans, un grand jour ,„
parce qu’il eft de. mon intérêt, de venger, més concitoyens^
je remarquerai, feulement, qu’il s’agit de
la plus étrange caiife criminelle que puiffe préfenter
l’hiftoire des- nations^, puifqu’il n’y a ni' accufa-
teurs „ ni accufations. ( On rappelle’ que c’eft là le
fond de la queftion ). Quand on ne voit que des
innocens, le devoir du juge eft de rompre leurs
fers. Pour intimider votre juftice , on annonce la
guerre.civile entre Avignon , Orange & la France
entière ; car je ne fais dans quel fens on l’a annoncée.
( On remarque que la difeuffion eft fermée).
Vous déciderez comme vous voudrez cette
affaire & celle des prifonniers ; mais je demande
que M. le Camus dife comment j’ai intérêt à leur
filence. Un homme qui a l’honneur d’être votre
collègue ne peut refter parmi vous fous une
telle accufation. Je demande comme une grâce,
ou plutôt comme une juftice, que vous m’auto-
rifiez, par un décret, à pourfuivré au châtelet M.
le Camus- comme calomniateur. Ou l’accufé eft
coupable , ou l’accufateur calomnie.
M. le Camus. Je confens à ce que M. l’abbé Maury
me pourfuive.
M. Dujfraijfe. Je demande que M. le Camus ligne
fon accufation au bureau.
M. le préjident. Je vais mettre aux voix le renvoi
au comité, qui tend à l’ajournement de la queftion.
M. de Cabales. Je demande qu’on délibère fur la
dernière propofition de M. l’abbé Maury.
M. le préjident. On propofe de retrancher de la
motion primitive d’ajournement, la difpoftrion additionnelle
de faire entendre au comité des rapports
les députés d!Avignon. Je vais mettre cette propo-
lition aux voix.
M . Dufraijfe. Il eft impoffible que le$* fédérés
voient un membre accufé par un autre, fatis que l’un
ou l’autre foit puni.
M. Malouet. Je réclame la priorité pour ma motion
, fi l’on ne délibère pas fur celle de M. l’abbé
Maury.
M. le préjident. Suivant l’ufage de l’affemblée,
la priorité appartient à la demande d’ajournement.
L ’affemblée décide que les députés d’Avignon
feront entendus au comité des rapports. — Le
renvoi & l’ajournement à mardi foir font or-,
donnés.
On fe difpofe à lever la féance.
M. DufraiJJe. Il eft impoffible dé ne pas délibérer
fur la motion de M. l’abbé Maury.
On demande la queftion préalable.
M. Bouchotte. M. le Camus ne doit pas fouffrir
que la queftion préalable foit invoquée.
On demande à paffer à l’ordre du jour,
M. de Cabales. I l s’agit d’un repréfentant de la
nation françoife.
M. Dufraijfe. Dans un moment au fl! folemnel que
celui qui fe prépare , pour affurer la confti union,
vous ne devez pas fouffrir que M. l’abbé Maury
foit foupçonné. Si l’accufateur eft un calomniateur,
il faut donner un grand exemple à la na-
. tien : il y a affez long-temps que des folliculaires ,
les libelliftes manquent au refpeéf qui nous eft dû.
L’affemblée peut-elle fouffrir que , dans fon fein , .
par des calomnies infidieufes, on attaque un de
fes membres ? Non , elle ne le fouffrira pas ; elle
repouftera l’indécente queftion préalable : l’affemblée
doit montrer fa fageffe & fa juftice à tous
les fédérés. Si vous ne faites pas une juftice fé-
vère, craignez de perdre la confiance & le refi*
pe& , fi néceffaires au maintien de la conftitution
& à la tranquillité publique.
M. Vabbé Maury. J ’ai l’honneur de vous pro-
pofer deux motions différentes. — L ’affemblée na-
! tionale donne afte à M. l’abbé Maury, l’un de fes
membres, de l’accufation intentée contre lui par
M. le Camus, qui a annoncé que le fieur abbé
Maury avoit un intérêt particulier à défendre les
citoyens avignonois détenus à Orange ; autorifo
M. l’abbé Maury, malgré l’inviolabilité des repré-
fentans de la nation , à pourfuivré en réparation
d’honneur M. le Camus. — Voici ma fécondé motion.
Si vous voulez faire grâce à M. le Camus,
j’y confens. ( Il s’élève beaucoup de murmures ).
Il me femble que dans une affaire criminelle, il
n’y a que grâce ou juftice. Si vous ne voulez pas
me faire juftice, je vous demandé le moyen d’aller
la chercher ailleurs. Si vous voulez faire grâce,
j’y applaudirai. J'obferve qu’accepter la queftion
préalable, c’eft faire grâce, & que je la confidé-
rerai ainfi.
On demande encore à pafler à l’ordre du jour.
M. Bouche. M. l’abbé Maury, honorable membre
de cette affeniblée , homme pacifique ^.jufte , bien-
fàifant, comme vous le favez , fe prétend calomnié
par M. le Camus , & veut l’attaquer en juftice.
M. l’abbé Maury eft fort échauffé, M. le Camus eft
fort tranquille.. . . L ’affemblée veut délibérer, je
m’impofe filence.
L ’affemblée délibère qu’elle paffera à l’ordre du
jour.
„ Séance du 16 juillet 1790.
M. de Broglie. Vous n’avez pas oublié avec quel
zèle les gardes nationales de la ville d’Orange
fe font portées au fecours d’Avignon. Le fervice
y devient infiniment pénible & même dangereux
pour les détachemens qui s’y relèvent fucceffive-
ment. La défertion augmente toüs les jours dans
la ville d’Avignon ; elle n’eft habitée que par
des pauvres qui, n’ayant point de reffources, font
dans un état d’infurreftion continuelle. M. le maire
d’Orange écrit à l’affemblée nationale , que les
détachemens 11’y vont qu’en tirant au fort, & que