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dont 20 millions font néceffaires à la fin de cette .
femaine ; vous nous avez ordonné d’éclairer v«tre
délibération par les états de dépenfe & de recette.
Le comité avoit chargé fix de fes membres de
furveiller le travail qui fe fait dans les bureaux de
l’adminiftration des finances, pour raflembler tout
ce que vous avez defiré. Ce travail immenfe n’eft
pas encore terminé ; il le fera bientôt. Cependant,
d’après la connoiffance particulière que nous avons
de l’état aâuel du tréfor public, nous ne pouvons
nous difpenfer de vous propofer d’accorder, par
un décret, ao millions qui vous font demandés.
Cette difpofition eft très-urgente ; le moindre délai
feroit périlleux pour la chofe publique. La nécef-
fité de rembourser chaque mois des anticipations eft
la première caufe de cette détrefle.
Le comité vous préfente le projet de décret Suivant
:
« L’aflemblée nationale ayant, par le décret de
ce jour, ordonné que les billets de la caifle d’ef-
compte feront remplacés par les affgnats, & que
lefdits billets pourront tenir lieu des affgnats juf-
qu’à leur fabrication, décrète, i°. qu’aucune émifi
fion de billets de caifle ne fera faite , d’ici à nouvel
ordre, fans un décret de l’aflemblée nationale ,
& autrement qu’en préfence de fcs cômmiflaires ;
2°. qu’en préfence defdits cômmiflaires il fera remis
, dans le jour, au tréfor public, pour 20 millions
de billets de la caifle d’efcompte, lefquels
tiendront lieu des affgnats dont la fabrication eft
ordonnée, & ferviront aux befoins preflans du moment
, fuivant l’état fourni par le premier miniftre
des finances ».
M. le Camus. C ’eft à quatre heures qu’on vient
nous propofer un décret par lequel nous donnerons
20 millions, fans connoître la dëftination, de cette
fomme. H n’y a pas très-loin de famedi quatre
heures à dimanche matin; je demande que la'délibération
foit continué# à demain.
M. le marquis de Montefquiou. On peut répondre
au préopinant, par le principe & par le fait : par
le principe , en lui rappellant la refponfabilité des
miniftres ; parle fait, en obfeevant que la plus grande
partie du revenu eft confommée par les anticipations
: vous devez donc fournir au tréfor public
le montant des anticipations qu’il a été obligé de
payer.
M. Prieur. On ne fait pas à quoi feront employés
les 20 millions demandés ; on ne fait pas fi la caifle
d’efcompte voudra donner ces 20 millions ; il faut
favoir tout cela. Je demande l’ajournement à
demain.
M. Lecouteulx. Ce ne font pas, à proprement
parler, des billets de caifle que nous demandons
à la caifle d’efcompte, ce font des feuilles de papier
pour en faire des affgnats, parce que les affignats
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ne font pas encore fabriqués. Vous aurez inceffam-
ment les états de recette & dépenfe depuis le premier
de mai 1789 iufqu’au moment aduel. Pour
avoir une idée des» befoins pour lefquels on nous
demande 40 millions, nous nous fomtnes fait remettre
un apperçu des états de recette & de dépenfe
en deniers comptans pour les mois d’avril
& de mai. Il réfulte de ces états , que le déficit
pour le mois d’avril fera de 25 millions , & pour
le mois de mai de 24. Ces états ont été imprimés
& diftribués.
M. Lecouteulx en fait le&ure.
L’aflemblée délibère & adopte le projet de décret
préfenté par M. de Montefquiou, au nom du comité
des finances.
Séance du 27 août 1790,
M. Mirabeau l'aînè. Etonné d’abord, effrayé
même, je l’avoue, de la mefure des affgnats-
monnoie, & néanmoins ne voyant guère comment
nous en pafler, au milieu de tant d’embarras,
& avec fi peu de choix dans les reflbûrces, je
m’étois. réduit au filence frr cette matière, abandonnant
cette décifion, hàfardeufe à des efprits
plus exercés ou plus confians que moi, mais n’en
fuivant pas moins, avec l’inquietude du doute &
l’intérêt du patriotifme, tous les mouvemens que
la nouvelle création des affgnats devoit imprimer
aux affaires: aujourd’hui, muni de l’experience &
de réflexions nouvelles, voyant la crife où nous
nous trouvons & les menaces de l’avenir, preffé
d’ailleurs par les projets qui vous ont étéfoumis,
je me fuis décidé fur toutes ces circpnftancesréumes ,
& je ne balance pas à vous expofer mon opinion
aâuelle, fur le feul parti fage & conféquent que
ces circonfltances follicitent. Cette affemblee, obligée
de mener de front beaucoup d’objets , a déployé
fur tous de grandes vues ; mais il n’en eft
aucun, ou très-peu du moins, qu’elle ait pu amener
à fa perfe&ion ; & parmi ces objets qu’un
puiflànt intérêt recommande, mais que de nombreuses
difficultés environnent , nous pouvons
mettre les finances au premier rang.
Rappeliez-vous, Meilleurs , ces momens dont
nous fortons à peine , où tous les befoins nous
prefloient fl cruellement, où la dette publique fe
préfentoit à la fois comme un engagement facre
pour la nation , & comme un abîme .dont orf
n’ofoit pas même mefurer la profondeur. Pes
biens immenfes étoient en réferve;mais ces.biens
avoient une infinité de poflefleurs qui les . regar-
doient comme leur partage. Armés de la rigueur
des principes , de la force de l’opinion , & du
courage de la néceflité, nous déclarons la vérité ;
ce qui n’exiftoit qu’en fyftême devient une loi;
les biens eccléfiaftiques réunis aux biens du domaine
font reconnus nationaux ; & la France,
qui ne voyoit que le gouffre, voit alors de quoi
le combler, & refpire pleine d’efpérance.
r • Cependant
Cependant 11 y avoit loin encore de la déclaration
d’un droit à fou exercice ; & cet exercice
ne pouvoit plus être retardé. A l’excédant des dé-
penfes fur les recettes ordinaires , fe joignoit un
déchet énorme des revenus, qui s’augmeiitoit de
! jour en jour par l’état déplorable du royaume, &
! la ftagnation de toutes les affaires. Mille befoins,
mille dangers follicitoient à l’envi des fecours ; &
K dans le petit nombre d’expédiens qui fe préfen-
toient, celui qui parut le plus efficace réunit parla
même vos fuftrages. Vous décrétâtes fuccefli-
vement que l’on procéderoit à la vente de 40.0
millions de biens nationaux ; & qu’en attendant
j que la vente en fût effeéfuée, le gage de cette
| vente & fon produit anticipé tiendroit lieu de nu-
| méraire. Vous créâtes à cet effet, fous le nom
$affimats, des billets, efpèce de lettres-de-change,
qui font, en fait de valeur , tout ce que peut être
un effet qui n’e ft. pas de l’argent réel.
Cette mefure eut tout le fuccès annoncé par
ceux qui l’avoient conçue. Les mauvais effets pré-
fagés par fes adversaires ont été relégués parmi
les fixions malheureufes ; & la chofe publique
fortit alors de cet état de détrefle qui nous me-
naçoit d’une ruine prochaine.
Mais ce n’étoit là qu’un remède paflager, & non
une cure complète. L’effet ne petit avoir plus de
i latitude que la caufe ne comporte. La reftaura-
tion du crédit tient .à des combinaifons aufli dé-
licates qu’étendues ; & le rétablifîement général
auquel nous travaillons, doit néceffairement produire
des embarras momentanés, qui empêchent
le crédit de fuivre de près Tefpérance. Ainfi, le
temps qui s’écoule ramène affez promptement les
mêmes befoins ; ces befoins ramènent la même
détrefle ; tant que nous n’établirons pas fur la
bafe dont nous avons reconnu la folidité, une
opération vafte , une grande mefure générale,
j qui nous mette au-defîus des événemens, nous
j en ferons les éternels jouets ; & nous périrons de
langueur, dans la vaine crainte d’une décifion hardie
qui nous forte de l’état où nous nous trouvons.
Meffieurs, qu’avez-vous penfé quand vous avez
I créé des affignats- monnoie? qu’avez-Vous dit à
ceux dans les mains defquels vous faifiez pafler
ce gage de fidélité ? Vous avez penfé que la
vente des biens fur lefquels ce gage eft aflis,
s’effe&ueroit inconteftablement, quel qu’en fût le
terme.' Vous avez dit aux porteurs A1 affignats :
voilà des fonds territoriaux ; la nation engage
fon honneur & fa bonne-foi , à les échanger en
! nature, ou à échanger, le produit de leur vente
contre ces affignats qui les repréfentent ; & ft
l’argent n’eft lui-même qu’une. repréfentation des
biens de la vie,-vous avez pu donner, & l’on a
| dû recevoir comme de l’argent cette repréfentation
de propriétés territoriales , qui font la première
des richefles.
Il faut le dire , Me (fleurs, à l’honneur de la
pation, & de la confiance qu’infpirent fes pro-
Affmblée Nationale, Tome II, Débats3
mefles ; il faut le dire à l'honneur des lumières
qui fe répandent en France, & de l’efprit public
qui naît de l’efprit de liberté : la do&rine des
affgnats-monnoie-efî généralement entendue & ad-
mife parmi nos compatriotes, telle qu’elle eft
profeffée dans I’aflemblée nationale. Ils favent
fort bien diftinguer ce que l’on appelle ailleurs,
& ce que nous appellions jadis du papier-mon-
noie, d’avec notre papier territorial ; & les hommes
de fens qui font patriotes, ne fe laiflent point
égarer par des équivoques, ou par de trompai—
fes fubtilîtés.
Je penfe donc, Meffieurs , après l’heureux effai
que nous avons fait, & en partant des lumières
répandues fur cette matière ; je penfe que nous
ne devons point changer de marche & de fyftême ;
que nous pouvons , que nous devons accomplir
ce que nous avons commencé ; que nous devons
faire , pour la libération de la dette nationale,
une opération qui n’admette d’autre intermédiaire
entre la nation débitrice & fes créanciers , que
la même efpèce de papier a&uellement en circulation,
que ces mêmes. affgnats-monnole, dont les
fonds nationaux & la nation entière garantiflent
le paiement.
Je veux m’écarter également ici d’un projet
téméraire par fon étendue , & d’un projet in-
fuffifant par fa timidité. Je me défie d’une conception
trop extraordinaire, qui peut éblouir par
fâ hardiefle, & n’offrir au fond que des hafards.
Je propofe , en fatisfaifant à de vaftès befoins,
de fe borner, néanmoins au néceflaire ; & d’ob-
ferver des mefures, tout en s’élançant dans une
courageufe détermination.
Je fais de la dette deux parts très-connues ;
Finie qui eft inftante, dont l’honneur & la jùftice
preffent la nation de s’acquitter inceflamment :
c’eft la partie exigible, la partie arriérée, les effets
fufpendus , de même que le rembourfement des
charges & offices. L’autre eft celle des contrats ,
des rentes quelconques; en un mot , tout ce qui
n’eft pas compris fous la première dénomination.
Quand la totalité de la dette n’eft pas encore
bien connue ; quand la valeur des fonds nationaux
deftinés à fon paiement eft moins connue
encore, on ne peut favoir laquelle des deux fur-
paffe l’autre; & vraiment il feroit étrange qu’ont
fe propofât d’entrée, de rembourfer ce qu’on ne
doit pas , au rifque de ne pouvoir pas alors rem-,
bôurfer ce qu’on doit.
Je prop.ofe donc d’acquitter dèsrà-préfent la
dette exigible, la dette arriérée , & la finance
des charges fupprimées. C ’eft à cette partie de' la
dette publique que je borne le rembourfement
aduel que nous devons faire, & je propofe pour
cela une émiflion fuffifante d’ajfignats-monnoie :
car les émiflions partielles pourroient bien apporter
quelques facilités momentanées au tréfor pu**
blic; mais tout en affoibliflant le gage national^
elles ne changeroient point l’état de Ta nation» ,