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a intimidé M. Heno, qui eft venu Te réfugier en
France ; on l’a pris, on lui a coupé le vifage d’un
coup de fabre ; Sc pour recevoir les fecours de 1 humanité
, il a été tranfporté dans les cachots d'A v ignon.
Sa famille a requis M . l’abbé Mulot de demander
à l’affemblée électorale ton élargiffement
provifoire , fauf à le tenir en état d’arreftation.
M. l’abbé Mulot a répondu qu’il étoit fans pouvoir
auprès de cette affemblée , qu’on ne vouloit
plus l’y reconnoître. M M . les - commiflaires font
allés prêcher dans ce pays la réunion à la France.
Q u ’ils aiment la conftitution fr.-nçoife , il. n’y a rien
d’étonnant ; ils font François. (La'partie gauche &
les tribunes retentiffent «Tapplaudiffemess ). Mais
pourquoi fe font-ils faits les millionnaires de l'évolution
à Avignon ? Les avoit-on chargés de faire
la conquête de ce pays ? Leur million tendoit-elle
à la réunion du Comtat ? Si elle n’y tendoit pas,
pourquoi ont-ils recueilli fon voeu. 11 efi humiliant
qu’ils fe trouvent dans des. manoeuvres fi indignes
de la majefté de l’affemblée nationale & de
la grandeur du peuple françois.
M. le rapporteur, en parlant de la nèceflitê de
la réunion de ce pays, a donne pour^raifon, le
danger que l’on en fît un point de contre-revo-
lution. Si cela étoit v ra i, vous auriez déjà perdu
trois provinces ; S c li vous vouliez prendre tous
les pays où il s’agit de contre-révolution , je vous
en indiquerai un où il en efi queftion : allez prendre
le Brabant. Ne croyez-vous pas , Meffieurs , qu’on
fait femblant de nous craindre pour nous opprimer ?
M. Verainac a-t-il rempli le voeu de l’affemblée
nationale , en fe déclarant le préfident des amis de
la confiitution d’Avignon ? en fe dévouant ainfi à
un parti, ne devoit-ii pas être fufpeft à l’autre ?
On vous a beaucoup parlé de la liberté qu’avoient
eue les communes dans l’émifiion de leur voeu pour
la réunion. On ne vous a pas dit que M. le Scène-
des-Maifons avoit mis aux arrêts , le'commandant
de la garde nationale de Montelimart , qui venoit
de lui apprendre que la commune qu’il avoit été char
gé de protéger, avoit voté pour le pape. On’ne vous
a pas dit que les gardes nationales n’ont pas été prifes
dans le voifinage d'Avignon, mais parmi les pro-
teftans de Nifmes & de Marfeille: on ne vous a
pas dit qu’à Avignon le coupe-tête Jourdan avc't
fait creufer quatre tombeaux pour y précipiter
ceux qui voteroient pour le pape«... ( Une voix s’élève
dans la partie gauche: j’attefte le contraire).
Si je ne dis pas la vérité, il faut me confondre
comme un calomniateur. Mais je dépoferai mon
accufation fur le bureau. Les tombeaux ont été
creufés à Avignon dans l’églife des Carmes ; M....
y a été jetté, & il en a été retiré par M. Mançau.
(Plufieursvoix s’élèvent: la preuve de ce fait).
M . . . . On accufe dans la tribune ; & il ne refie
aucun moyen de confondre le calomniateur: je demande
que M. l’abbé Maury fignefon acciifation, Sç
alors lç$ acçufé? pourront fç défendre.
A V I
L ’affetnblée efi dans une a fiez vive agitation
La partie gauche retentit de ce mot: La preuve,
la preuve.
M. l ’abbé Maury. Je n’ai pas befoin qu’on m’ordonne
ce que la probité me commande. N'allez
pas perfuader aux communes que je cherche à éluder
; je m’engage fur mon honneur & for ma vie...
On crie devant m oi, derrière moi , autour de moi.
Je répondrai à tout le monde; mais qu’on ue m’interrompe
pas. Je m’engage à mettre fur le bureau
desaflignations libellées & fignées, demain matin...
M. Lavigne. Rien n’eft fi .clair que la propo-
fition de M. l’abbé Maury. L ’affemblée peut dé- ,
cider qu’il continuera demain fon opinion , qu’il
dépofera fur le bureau les accufations fignées, 8c
que les. perfonnes inculpées pourront répondre.
Siarïc?ê du mardi 13 feptembre 1791.
M. l’abbé Maury paraît à la tribune.
M. Bouche. Je demande à faire uns motion d’ordre
relative à tout ce qne M. l’abbé Maury va dire.
Votre décifion d’hier réferye la parole à M. Pabbé
Maury. Ce décret doit être exécuté ; mais comme
la calomnie vole , & que la vérité marche à pas
lents , il efi: de notre devoir d’avoir foin de la réputation
de MM. les médiateurs. Je demande qu’ils
lofent entendus , & que pour qu’ils puiffent pour-
fuivre M. I’abbé Maury, s’il eft calomniateur , M.
l’abbé Maury foit tenu de dépofer fur le bureau
les chefs de fon accufation.
M. Chaptllier. Je demande que M. Bouche foit
rappelle à l’ordre, parce qu’en invoquant la ref-
ponfabilité contre un membre de l’affemblée nationale,
à raifon des opinions que ce membre prononce
dans l’affemblée , il attaque direétoment la
conftitution.
M. Bouche. Ce que je demande, c’efl qu’il dé-
pofe fon accufation fur le bureau.
M. d’André. I l eft impoffible que vous forciez
un membre de l’affemblée à dépofer fur le bureau
un difcôurs écrit par lui ; car s’il en étoit ainfi , tous
les jours les membres de l’affemblée nationale
feroient dans le cas d’être pourfuivis par ceux dont
ils auroient parlé ; & je rappelle à M. Bouche,
que îorfqu’il parla une fois. de la ville eTOrange ,
la municipalité le dénonça, 8c qu’il trouva cela
fort mauvais. .
M. Muguet. Pour éviter ce qui s’eft paffé hier ~9
je crois qu’il faut fe renfermer finalement dans
la question : on a fait un rapport appuyé fur des
pièces légales; il faut réfuter le rapport par d’autres
pièces légales, ou fe taire,
M. le préfident. On demande de paffer immédiatement
à la difcufîion, dans laquelle M. l’abbé
Maury a le premier la parole,
Lfaffemblée
A VI
L ’affemblée décide que la difcufîion fera ouverte.
M. l’abbé Maury. Je ne réclame point pour l’intérêt
national le droit qui appartient à tous les membres
de cette affemblée de venir dire dans cette
tribune tout ce qu’ils penfent, tout ce qu’ils croient
utile à la fociété. J ’ai penfé que la confcience d’un
citoyen devoir être plus févèreque la loi. En con-
féquence, voici mon accufation que je vais lire Sc
dépofer fur le bureau, perfuadé que les faits vous
paraîtront affez graves pour vous faire fentir la
nécefïité de punir les médiateurs , s’ils font coupables
, Sc de les juftifier, s’ils font innocens. Voici
mon afie d’accufation.
L ’affemblée nationale s’étant réfervé les fondions
de grand juré, pour décider s’il y a lieu à accu-
fatioH contre les agens du gouvernement, je lui
dénonce MM. le Scène-des-Maifons Sc Mulot,
commiffaires médiateurs,' chargés de rétablir le
bon ordre Sc la tranquillité dans le Comtat. Je demande
à être autorifé à les pourfuivre devant le
tribunal provifoire féant à Orléans, comme s’étant
rendus coupables de la partialité la plus révoltante,
des abus de l’autorité des plus iniques, de la protection
la plus fcandaleufe donnée aux brigands,
enfin comme ayant contrarié le but de leur mif-
fion, fans avoir jamais voulu en remplir le véritable
objet. En conféquence, je les accufe ,
forma refponfabilité, d’avoir vécu, dès leur arrivée
, dans la plus grande intimité ~ avec les chefs
des brigands de Vauclufe, d’en avoir fait leurs
confeillers & leurs convives. Je les accufe de n’avoir
défarmé que les feuls citoyens du Comtat ,
après une proclamation qui enjoignoit aux partis
de pofer les armes ; d’avoir laiffé entrer l’armée
Sdes brigands à Avignon , où elle a commis toutes
fortes de crimes , & d’avoir dit formellement qu’elle
méritoit l’eftime ; d’avoir envoyé des garnifons de
troupes de ligne dans le Comtat ; & d’y avoir
bientôt fubftitué, lorfque ces troupes refufèrent
d’exécuter leurs ordres defpotiques, des gardes nationales
de Nifme & de Montauban, dans le moment
dés moiffons, là ou rien ne follicitoit leur
préfence ; d’avoir mis ces garnifons dans les communes
qui ètoient refiées fidelles au pape ; d’avbi-r
exigé des départemens, le paiement des gardes
nationales qu’ils ^ avoient appellés fans autorité;
d avoir provoqué, les plaintes des départemens qui
ont dénoncé les médiateurs, en difant qu’ils ont
cherché à mettre ia méfintelligence entre les villes
françoifes Sc celles du Comtat, Sc qui ont demandé
à l’affemblée nationale de mettre un frein à leur
autorité. Je les accufé d’avoir refufé la demande
expreffe qu’a voit formée la municipalité d'Avignon,
du défarmement de l’armée avignonoife ; d’avoir
préfidé le club d’Avignon, le jour où la motion
y fut faite d’anéantir la procédure commencée contre
les chefs des brigands ; d’avoir écrit en cette qualité
une lettre à l’armée des brigands ; d’avoir dit
a Villeneiive-les--^vfg7Z0/z s que les communes ob-
AJJemblée Nationale, Tome II. Débats,
A V I - 7 8 5
J tîendroient sûreté & proteélion à condition qu’elles
voteroient pour la France.
Je les accufe d’avoir parcouru tout le Comtat
■ fans aucune million, fans aucun çrdre de l’afîcm-
blee nationale ni du roi , pour folliciter la réunion
à la France; d’avoir changé, de leur propre au-
1 torité, le jour de la tenue des affemblécs primaires,
parce que les efprits ne leur paroiffoient pas fa-
1 vorablement difpofés ; d’avoir menacé les com-
mnnes des plus grandes calamités, fi elles 11e fe
reuniffoient a la France; d’avoir tenu les propos les
plus incendiaires ; d’avoir publiquement préfenté le
J pape comme un defpote dans un pays où l’on bénit
depuis plus de fix cents ans la douceur de fon
gouvernement paternel. Je les accufe d’avoir exigé
de la commune d'Avignon, de récompenfor les brigands
de l’armée' de Vauclufe , qui demandoient
infolemment quarante fols par jour, Sc d’avoir
fait emprifonner des citoyens Avignonois de leur
propre autorité ; d’avoir réintégré M. RapHel, renvoyé
par les ferions depuis qu’il s’étoit mis à la
fuite de l’armée des brigands en qualité de juge des
crimes de lèfe-natiori. Je les accufe d’être refiés
fpe&ateurs tranquilles des plus grands défordres ;
d’avoir fait des orgies avec les .chefs des brigands.
J ’accufe les médiateurs de tous ces délits ; & des
défordres àâuels dans le Comtat ; enfin , de n’avoir
pas rempli leur mifiion ; & je me réferve de porter
contre eux des accufations majeures, quand il me
fera permis de les pourfuivre devant le tribunal ,
me Soumettant à tontes les peines de la calomnie[
Sc à tous les dommages, dépens Sc intérêts.
A préfent je demande la 'faculté de faire timbrer
mon papier , parce que je n'ai pas eu le temps
de le faire ; mais cette formalité va être remplie.
M. Boutidoux. Les papiers relatifs à l’affemblce
nationale n’ont pas befoin d’être timbrés.
M. l’abbé Maury. En mettant cet a «fie d’accufation
fur le bureau , je demande maintenant à l’af-
femblée , Sc je la Supplie de vouloir bien accueillir
par un décret, ce que j’ai l’honneur de lui demander
fur ma refponfabilité.
Je vous prie de confiderer que I’accufation que
vous venez d’entendre , eft appuyée fur les titres
les plus impofans Sc les plus refpefiables § furies
dénonciations des départemens, fur des lettres écrites
de la main des commiftaires eux-mêmes ; enfin
fur des preuves par écrit de tous les faits’que j’ai
annoncés, fur des faits de notoriété publique/Je
confens à ce que les médiateurs prennent la parole
, & je les fomme de répondre , article par
article, Sc par des faits ; à mes chefs d’accufation •
tout le refie ne feroit que de vaines déclamations’
après ces faits, vous voyez que le rapport
d Avignon , fondé fur des procès-verbaux qui font
1 ouvrage de ces médiateurs , ne peut plus être dif-
cute. ( On rit. — On murmure. ) J ’ofe dire à l'af-
femblée que je ne redoute point cette difcufîion *
G g g g g