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J ai déjà dit que nous fommes loin de préjuger
la conduite des adminiftrateurs , mais nous ne
pourrons nous diffimuler que là , où il ÿ a eu un
grand défordre, les adminiftrateurs font parties &
que la réquifition de la force publique doit être
confiée à d’autres mains. Il faut toujours fuivre
une marche impartiale dans un pays où les citoyens
font partialifis ; il eft néceffaire de donner au ré-
tabliflement do l’ordre , des organes qui ne foient
d aucun parti j qui ne partagent pas les paflions qui
ont excité les mouvemens qu’il faut appailer.
Quand un chef d’adminiftrations , d’accord avec
les corps adminiftratifs , dit tous les moyens
m échappent 3 il faut que la force publique vienne
a fon aide. Tels font les motifs qui nous ont déterminés.
Les membres de la députation que
le mot excluftvement a choqués , ont penfé qu’ il
etoit conftitutionnel de faire agir de concert
les adminiftrateurs & les commiffaires du roi.»
La majorité s’eft au contraire attachée à ce
principe , que là , où il y a de grands défordres ,
les adminiftrateurs font parties.
M. Démeunier. Si les commiffaires ont des
dangers à courir , pourquoi ces dangers ne feroient-
ils point partagéspar les corps adminiftratifs ? Pourquoi
d’ailleurs détruiriez-vous la refponfabilité à
laquelle ces corps font fournis ? Je vais plus loin :
les corps adminiftratifs ont fait leurs devoirs., ils
doivent concourir a la réquifition de la force publique
5 fi la députation a connoifl’ance du contraire,
fi les corps.adminiftratifs infpirent de la défiance ;
j adopte le projet de décret 5 mais c’eft dans ce feul
p s : que la députation s’explique donc , autrement
je penfe qu’il doit être amendé.
M. Vabbé Maury. Vous vous occupez des
moyens provifoires ; cette malheureufe province
feroit anéantie fi l’ordre n’étoir pas rétabli 'avant
qu’elle ait reçu vos feçours. Mais fi malheureu-
fement il n’ eft pas en notre pouvoir de prévenir
de pareils évènemens , quand un grand crime a
été commis 3 lorfque la proclamation de la loi
martiale n’a pas été faite 3 & qu’on s’en excufe en
difant qu’elle étoit inutile....
M. Riquetti Uaîné. Les adminiftrateurs n’ont
jamais dit cela.
M. Vabbé Maury. La loi martiale n’a pas été proclamée
; lesprifcns ont été forcées , & l’on n’a pas
tiré un feul coup de fafil ; les victimes ont été choi-
fies î le peuple s’eft attribué la fouveraineté particulière
; dans ce département on a v u , fur-tout
dans l ’affai re de M. Bournififac 3 combien on a cherché
à le pénétrer d’une opinion qui ne peut tendre
qu’à le dépraver. Si un général apprenoit qu’un
pofte eft forcé , il enverroit des troupes ; rién de
plus naturel : mais que le corps Jégiflatif envoie
des troupes , lorfque trois citoyens ont été maffa-
crés ,• n ’eft-ce pas faire croire que nous comptons
pour rien la mort de nos frères. ( On entend des ’î
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applaudi/femens & des murmures. )
perfonnes obfervent qu’il nes’agitque d’une n»
fure provi foire , & que 1 a d'emblée , difpoféei
févir , a-renvoyé cette affaire au comité des »,
cherches.
Je ne préjuge pas le fond : il tient aux perfonnes
&■ mes propofitions appartiennent aux principes1
L’afîèrnblée ne peuts’occuper des évènemens qgj
j’appelle de grands crimes , fans déclarer les cou-
pables criminels de lèfe-nation au premier chef
Puifque les moyens provifoires font très-lents*
puifque vous ne pouvez montrer votre patriotifine
que par un décret puifque vous âyez fart fouvent
des préambules inutiles , je demande un préatn-
bule énergique contre ces infurrçélions, cbntie
ces crimes qui déshonorent la nation. (Il s’élève
, des murmures. ) Je ne fors pas des bornes des
moyens provifoires 5 un mois s’écoulerajufqu’àce
que .vous puiffiez prendre des mefures définitives
pour punir. Il faut cependant que le peuple fâche
que vous avez été pénétrés d’horreur, une prè
térition feroit une approbation : il fautmanifeiler
que vous ne regardez plus comme citoyens des
individus qui font defcendus de ce rang à celui de
bourreau. Dans un moment où plufîeurs provinces
font dans l’infurreâion, pourrons-nous balancer
à dire à des affaffins qu’ ils font des fcélérats,
qu’ils font criminels.de lèfe-nation , que la nation
les défavoue , qu’elle gémit de ne pouvoir les livrer
à la juftice ? Les crimes ont été commis en
préfence des adminiftrateurs : leur dévoir étoit de
p é r ir .. . . (La droite applaudit ayec tranfport ,&
plufîeurs membres crient à la gauche 3 applaudi^
donc. )
M. Giraud 3 l'aîné. Que M. l’abbé Maury s’élève
auffi contre les affaffins qui ont attaqué les patriotes
avec des piftolets & des épées.
M. l'abbé Maury. Je n’imaginoispas qu’un grand
intérêt national pût donner lieu en ce moment à
une querelle perfonnelle. • Ces formules me fon i
connues , je les dédaigne 3 & je m’attache à la
queftion; Je prié les perfonnes qui ont des avis à
me donner 3 de me les donner en particulier : je
fuis toujours prêt à les recevoir. ( Il s’élève beaucoup
de murmures. ) Je crois ne heurter l’opinion
de perfonne,j’eftime affez les membres de éette
affemblée pour me croire leur interprête, quand
j ’exprime l’horreur que m’ infpirent des crimes
qui déshonorent la nation. Je demande donc que la
députation acquitte la dette de raffemblée nationale
, en manifeftant cette horreur dans un préambule
énergique , en manifeftant notre regret de ne
pouvoir à 1 inftant faire punir les affaffins. Poiiï*
quoi, dans le projet de décret, cette dénonmat1011
vague , de fecoursfujfifans ? Quelles font les bornes
de la fuffifance de ces fecours , dans un p.J5
entièrement en irlfurreélion : dans un pays ou Ie
peuple, comme fur un tribunal 3 dévoue à la P°‘
a 1 x A 1 X 299
B l ., M a é de fa haine. Soyet perfuàdés que
fcrJre ne fe rétablira que par de grands exemples.
■ Mrtie gauche applaudit. ) J’entends des exem-
I ! s lie îuftice confommés par la lai ( les applau-
llemens de la partié gauche rédoublent. ) Et
e.n rPc exécutions qui feroient des crimes, quand
lie n même la colère du peuple feroit jufte. Je de-
immle donc q u e . fans defemparer, on rende ce décret que nous avons attendu pendant deux jours.,
■ ' H H __â e r o ràA i cre* p n m n in «
■ M- Riduttif aîné, ci-devant Mirabeau. Les cri-
Ines commis à Aix font trop grands , trop déplo-
ïabies pour avoir befoin d’ être exageres. Sans
Éoute c’eft un grand crime de verfer le fang humain
, mais ce n’ eft pas un crime de lèfe-nation.
ïijevoulois , j’oppoferois déclamations à déclamations
3 j’oppoferois des faits à des exagérai
s , j’indiquerois la filiation de ces évène-
fiens, mais l’affemblee ne s’occupe que dés
lioyens provifoires; elle a affez manifefté l ’inten-
Bjon de faire punir les coupables, en renvoyant
l ’examen de cette affaire aux comités des recher-
|lres & des rapports. Je ne fuis donc monté à la :
■ tribune que pour relever un fait qui inculpe les 1
Idminiftratêurs; ils n’ ônt pas dit que la loi martiale
étoit inutile. Quiconque articule ce. fa it,
fe fouille d’uns grande calomnie. Le jdéf ut de
publication de la loi martiale eft_un délit focial;
Inais fi cette publication a été impoffible , les
ïdminiftrateurs ne font pas coupables. Les portes
fies prifons ont été briféeS, c eft un délit fécial ;
Riais' il n’eft pas vrai pour cela que les adminif-
gtrateurs foient coupables. Trois citoyens ont été
SnalTacrés ; & au grand danger des .adminiftrateurs,
Ils l’ont été devant eux , mais pour ceta les admi-
pftrateurs font-ils coupables? On fait aifément
Éinephrafë redondante, en difant qu’ ils dévoient
fcérir j l’ont-ils pu ces hommes qui avoient la con-
Kance du peuple, lorfque dans ces mouvemens
Excités par des caufes qu’on connoîtra, par des
gggreffions déjà connues, il leur a été impoffible
|le raffembler la garde nationale & la force publique?
ont-ils pu être immolés quand ils le vou-
loient? Je ne crois pas que dans une auffi malheu-
■ ■ eufe circonftance, la chaleur, les mouvemens
aratoires foient dignes de notre affliélion. Etoit-
Jelienéceffaire cette éloquence qu’on vous a étalée,
puahd les faits parloient à votre coeur ? ■ Je ne
Répondrai donc à tout ce difcours qu’en lifant la
ifettre du préfident du département. On verra qu’il
pu plus difficile de jeter de l’odieux fur une conduite
irréprochable, que de furprendre quelques
Epplaudiffemens. Je demande la permiffion d’ajou-
| er un feul fait. Le préfident du département jouit
||e ' eftime de fon pays , il s’eft fournis à la loi.
m eft de notoriété publique qu’avant que la loi
n ^oumî t , fes habitudes & fes manières étoient
pas près du méridien ariftocratique, que du méridien
démocratique. Qu’un provençal me démente.
Je vais lire la lettre adreffée par le préfident
du département, au préfident de l’affemolée
nationale, en date du 14 décembre.
4» Les ennenlis de la révolution n’ont jamais'
ceffé d’ intriguer dans cette ville pour la rendre
difficile ou finiftre. Depuis le décret qui a fup-
primé les parlemens , le parti a pris plus d’audace
& plus de force ; les menées fouraes fe font
multipliées 3 l’adminifiration les furveillant fans
ceffe, les a toujours rendues vaines ; mais, depuis
huit jours , les mécontens cherchant à avoir
un ralliement, avoient formé le projet de fe raf-
fembler en club. Le titre feul qu’ils fe propo-
foient de donner à leur fociété , les amis du
roi & du clergé... ( I l s’élève des murmures).
J’entends de légers murmures. Il me paroît affez
fimple qu’ on trouve ridicule la locution d'amis
' du roi dans un pays où tous les citoyens aimenr
leur roi 3 (toute la partie gauche applaudit 3 &
, cette autre locution , amis du clergé , dans un
pays où il n’y a plus de clergé. Je continue la
leéhire de la lettre «. Le titre feul qu’ ils fe proposaient
de donner à leur fôciéte , annonçoit
affez que ce raffemblement devoit être dangereux.
L’adminiftration éprouvoitles plus vives alarmes
de la création de cette fociété, mais elle ne favoit
comment l’empêcher. U-éxifte dans cètte ville deux
autre clubs ; l’un fous le nom d’amis de la conf-
tution, l’autre fous celui de club anti-politique ,
dont les principes font extrêmement contraires
à ceux des individus qui dévoient compofer la
nouvelle fociété. Il étoit aifé de prévoir que
ces trois points de réunion menaçaient d’un cnoe
violent entre -les citoyens de cette ville. Les moteurs
du nouveau club fe tourmentoient pour augmenter
lè nombre de leurs foucripteurs , & n’épar-
gnoient aucun moyen de féduéhion pour y parvenir.
ce Déjà ils annonçoient qu’ils mettroient la cocarde
blanche avant-hier , dimanche. Ce jour-là
les clubs des amis de la conftitution & des anti-po-
liques fe réunirent, jurèrent de nouveau demain^
tenir la foi due à leur ferment civique. Des députations
de ces deux clubs réunis , paffant devant
un cafte où fe trou voient nombre d’ officiers
du régiment de Lyonnois, des perfonnes d->
fignées pour ‘être recruteurs du club des amis
du roi & du cle tgé, il y eut beaucoup de huées 3
, alors divers individus fortant du caffé, attaquèrent
les citoyens qui paffoient en leur tirant des coups
de piftolçt, fondant fur eux l’épée à la main. Il
y eut nombre de bleffures ; jufqu’à préfent aucune
ne paroît être dangereufe.
« L’ adminiftration du département, le direc-
j toire du diftriét & la municipalité s’affemblèreot