
•mens pour cKtiier les opinions des citoyens , qu'il
âi’en faudrait pour les éclairer & les réunir ? Ignore-
t-on les menées, les -mitigations -, les inftances que
•Ton s’eft permifesi Ignore-t-on qu’après avoir fait
•parler l’aveugle intérêt, & foufflé fon rôle à l’igno-
tance, on vient enfuite nous donner ce réfultat
•comme le jugement libre & réfléchi de l’expérience
& des lumières, comme le voeu refpeélable
des manufaéhires & du commerce ? Eft-ce-là cet
«oracle pur de l’opinion publique , qui devoit nous
fervir de guide ? N ’eft-Ce pas plutôt la voix dé-
iguifiée d’un égoïfme ’ aftucieux , qu’il nous fuffit
de reconnoître pour le repouffer.? Et voulez-vous
pénétrer les motifs de ces clameurs mercantiles,
de ces répulfions financières r qu’il a été fi aifé
•d’exciter contré les ajjignats',? fondez les intérêts
-d un certain ordre de commeaçans ; apprenez quels
Mont les calculs des fourniffeurs d’argent & de
•crédit. Les manufrâures font toutes tributaires des
.. 'tins 'ou des autres. Ceux-là , foit que voués au
«commerce de commiffion , ils faffent des fonds
aux fabricans fur leurs marchandifes ; foit qu’adonnés
à la banque, ils ’fe chargent d’acquitter
leurs engagemens, tous mettent un prix de'6 pour
cent à leurs avances ; ceux-là., -riches commanditaires^
portent•jiïfq'u’à io pourcent & au-délà,
M’intérêt dé leurs capitaux. O r , créons des capitaux
en concurrence 4 élargiffons 9 facilitons la
'voie des emprunts a§£ du créditabaiffons par-là
même le taux de l’intérêt ; n'entendez - vous pas
crier aufli - tôt ces commiflionnaires , ces banquiers
, ces capitalises ? Mais vous ne vous y
trompez pas-s ce cri eft un fuftrage des manufactures;;
c’eft le lignai de leur prochaine reftaura-
ition ., c’eft un préjugé favorable pour les ajjignats^
(O n applaudit). Légiflatenrs ^rapprochez donc
Mes ^volontés par le concert de vos fentimens &
•de "vos penfées ; votre opinion ferme & arrêtée
ffera bientôt l’opinion publique ; elle aura pour
«elle tous les fondemens que la fageffe & la nature
des drconftances peuvent lui donner. Mais ne
ipenfons pas nous dérober entièrement à leur empire.
Nous marchons chargés d’une dette immenfe ,
d ’une dette que des fiècles de defpotifme & de
défordre ont. accumulée fur nos têtes. Dépend-il
de nous , même en l’allégeant ? de faire qu’elle
ptiiffe être fupportée fans aucun embarras , fans
aucune gêne ? Eft-ce enfin des chofes impoffihles
Mjue là nation exige de nous ? Non , elle n’entend
*pas que nous convertirons foudàinement & par
miracle-la pénurie en abondance ., la fortune ad-
'verfe en piofpérité ; mais qu’en oppofant à ces
rtemps neceffiteux toute la grandeur des reffourees
nationales , nous fervions aufli la chofe publique
ffelon la mefure de nos forces & de nos lumières.
3 i done la nation le -confié dans le zèle d e cette
affemblée, fans doute aufli cette affemblée peut
tfe confier dans la juftice «de .la nation. ( On .ap- ;
iphmdit.3
iNon 11 ii’eft jpas de la nature des chofes !3 r
dans ces conjon’Miires calamitenfes , d’ufer d’utr
moyen qui ne porte avec lui fes difficultés ; -celui
des a/Jignats-monnoiQ .en ferai t-il donc le lèulabfo-
lu ment exempt ? Ce n’efl pas ici l’objet d’un choix
f'péculatif & libre en tout point ; c’eft une.mefure
'indiquée par la néceflité ., une mefure qui nous
femble répondre le .mieux à tous les befoins , qui
'entre dans tous les projets qui ont été offerts, &
qui nous redonne quelque empire fur les événe-
mens & fur les chofes. Des inconvéniens prévus
ou imprévus, viennent-ils enfuite à fe déclarer?
Eh bien S chaque •jour n’apporte pas avec lui feulement
fes omhres , il .apporte aufli fa lumière ;
nous travaillerons à réparer ces inconvéniens : les
drconftances nous trouveront prêts a leur faire
face, & tous les citoyens, fi éminemment irfté-
reffés au fuccès de notre mefure, formeront une
fédération patriotique poiir la foutenir. .( La falle
retentit d’applaudiffemèns. )
A in fi, tout doit fortifier votre courage. Si vous
aviez prêté l’oreille jufqu’à ce jour à toutes les
inftances des préjugés, des vues particulières &
des -folles craintes $ votre conftitution ferait .à refaire.
Aujourd’hui , fi vous défériez à tous ces
intérêts privés , qui fe croifent & fe combattent
les uns les autres , vous finiriez par .compofer
avec le befoin ; • vous concilieriez mal les opinions,
& -la chofe publique refterok en fouf-
france. C ’eft d’une hauteur d’efprit qui embraffe
les idées générales, réfultat précieux de toutes
les obfervations particulières, que doivent partir
des loix des empires. Un adminiftrateur qui viendrait
vous vanter M’art de ménager tous les détails
, comme formant le véritable génie de î’ad-
miniftration , vous donneroit fa mefure ; H vous
apprendr-oit bien le fecret de tous les embarras
qui ont fatigué fa marche , mais il ne vous apprendrait
pas celui d’affurer la vôtre. Il faut être
grand, fâvoir être jufte;on n’eft légiflateur qu’à
ce prix. ( Les applaudîffemens redoublent à plu-
fleurs. reprifes. )
Je propofe donc & j’amende de cette manière
le décret que j’eus d’honneur de vous foumettre
le 2.7 août dernier •;
1?. Qu’il foit fait une création éTaJ/ignats-moï^
noie , fans intérêts , jufqu’à la concurrence d’un
milliard , pour le paiement de la dette aâuelle-
ment échue & rigoureufement exigible , lequel
paiement devra s’effe&uer à mefure que la liquidation
des différentes créances fera arretée , à
commencer par l’arriéré des départemens , les
rentes en retard, les effets fufpendus,, la partie
à&uellement liquide des charges & offices , & ainfi
de fuite, félon .l’ordre & l’état qui feront dreffés
à cet effet.
2°. Qü?on s’occupe inceffamment de la fabrication
de petits -ajjignats .au-deffous. de 2.00 livres
pour -la fomme totale de .150 millions , dont 5®
.feront échangés,, à .commencer du a j décembre
prochain , contre la même' valeur $ ajjignats actuellement
en circulation ; & le refte des petits
Ægnats fera diftribué pour le paiement des diverfes
créances, & réparti fur toute l’étendue de ce paiement.
. 3*. Qu’à la fufdite époque^ du 15 décembre
prochain , l’intérêt attaché aux quatre cens millions
d'ajjignats aftuels , ceffera d’avoir lieu , &
que l’intérêt échu jufqu’alors foit acquitté par la
caiffe de l’extraordinaire, aux porteurs de ces billets
dont les coupons feront retranchés.
4*. ■ Que la vente de la totalité des domaines
nationaux foit ouverte le 15; o&obre , & que
les enchères en foient reçues dans tous les dîf-
triâs.
50. Que les ajjignats & l’argent foient admis
également en paiement pour l’acquifition defdits
domaines, & que l’argent qui fera reçu ferve à
éteindre une fomme égale d'afjignats.
6°. Que le comité de finances foit chargé de
dreffer une inftruétion & un projet de décret pour
fixer ces différentes .opérations , & les mettre en
activité le plutôt poflible , comme aufli de présenter
à l’affemblée nationale, le plan de forma*
tlon d’un bureau particulier, qui feroit chargé de
là direction de tout ce qui concerne la dette pu- '
Clique.
Séance du mardi 28 feptembre 1790. /
M. le préfident fait lefrure d’une lettre, par
laquelle M. d’Efpréménîl demande à préfenter
tin plan qui 'n’eft, ni celui des ajjignats, ni celui
des quittances de finances, ni celui des deux opérations
mêlées enfemble, mais un plan tout-à-fàit
nouveau, & feul capable de rétablir la tranquillité
publique..
On demande que M. d’Efpréménil ne foit entendu
qu’à fon tour.
M. Goupilleau. L ’affemblée doit montrer d’autant
moins d’emprefferaent à entendre M. d’Efprémènil,
qu’il a dit qu’il ne paroîtroit plus que pour pro-
pofer une contre-révolution.
M. dEfpréménil. Je n’ai point tenu un pareil
propos ; feulement j’ai bien pu dire en fôciété,
que s’il y avoit une contre-révolution à propofer,
je voudrais la propofer à la tribune même de
l’affemblée nationale : fans m’arrêter à ces réflexions
puériles , je demande que l’affemblée veuille bien
entendre la le&ure de mon plan, après le difeours
de M. l’abbé Maury.
L ’affemblée décide qu’elle paffera à l’ordre du
jour.
M. Bergaffc-Laçeroules. Sur une matière purement
didactique, malgré les heureufes réticences
& le langage à la mode du temps, dont pUifieurs
orateurs fe font plu à embellir leur opinion, je
fuis refté fro id p a rce que j’ai penfé que les vérités
abfiraites n’étant pas à la portée de tous les hommes,
l’art oratoire pouvoit facilement les corrompre ou
les obfcurcir à fon gré; & je me fuis rafft rê , en
fongeant qiié la fageffe & la vérité réfidoient toujours
dans cette affemblée, & que les élans de
l’enthoufiafme y fubiffoient tôt ou tard le joug de
la raifon. Je vous offre donc le tribut d’une conviction
intime contre lé projet dont vous balancez^
avec tant de prudence, les avantages & les incon-
véniens. — Une émiflion quelconque cl'ajfignats-
monnoie, pour rembourfer la dette publique, me
paroît inconciliable avec la paix & le bonheur de
mes concitoyens, & avec la régénération des
finances. Voici mes motifs. Les partifans des ajji-
gnats-monnoie , pour vous familiarifer avec leurs
inconvéniens, partent tous de cette fuppofition,
qu’il faut rembourfer la dette qu’ils ont appellée
exigible ; & fans faire attention à rimpofîtbilitè
abfolue où vous êtes en ce moment de la rembourfer
réellement , ils vous préfentent diverfes
combinaifons auxquelles ils appliquent le nom de
rembourfement ; ils veulent vous obliger à opter.
Placés dans leur hypothèfe entre deux écueils, ils
vous offrent les ajjignats forcés d’un côté, & les
quittances de finances de l’autre ; & après avoir
repréfenté les quittances de finances comme un
abîme d’infidélité & de mauvaife foi, ils font valoir
les ajjignats comme un principe de vie & de fécondité
répandu fur toute la furface de l’empire.
Si l’expérience •, le calcul à la main, déchire le
voile qui couvre ces prétendues merveilles, on
effraie votre imagination fur l’alternative qui vous
menace, & on vous entraîne dans le piege que
vous alliez éviter. Faifons Fanalyfe exaâe de notre
fituation préfente. En quoi confifte la dette exigible
que l’on vous propofe de rembourfer ? L ’on ne
peut appliquer cette dénomination qu’à l’arriéré des
départemens, qui s’élève à 120 millions, aux charges
de magiftratures & militaires, que le comité des
finances frit monter à 450 millions , total 570 millions
, qui feuls peuvent exciter notre follicitude 8t
réclament un prompt rembourfement. Mais la chofe
eft-elle poflible, lorfque nous ne poffédons point
la monnoie qui feule peut opérer un véritable rembourfement
?
Que ferions-nous, fi le fecret pernicieux dis
papier-monnoie nous étoit inconnu ? Nous offririons
à nos créanciers nos domaines, nos propriétés,
& nous les dédommagerions par un in-»
térêtlégitime , & fidellement acquitté, de la perte
qu’effuieroit leur fortune , avant leur entrée en
.jouiffance ; nous ferions juftes alors , parce que
nous aurions fait tout ce qui nous aurait été pof- ,
fible. Certes, un créancier a droit de tout attendre
des facultés de fon débiteur , mais rien de fa puifr
fance ; & dans ce cas le débiteur fouverain n’eft
qu’un Ample individu. On dit que les ajjignats font