
trop grande mêtamorphofe, ne faire l au befoin,
qu’un feul & même corps , n’ayant qu’un même
efprit, également intéreffé à fe réunir fous l’étendard
du patriotifme , aux ordres du chef de la nation.
Je crois donc que, pour rendre la France ref-
pe&able au dedans &au-dehors, nous devons pre-
fenter à fes ennemis un front de cent cinquante mille
hommes de troupes réglées, deftinées à couvrir nos
frontières, & à le porter par-tout où l’exigera fa dé-
fenfe, ou l’attaque combinée par le pouvoir exécutif
fuprême. Ces troupes, en temps de paix, peuvent
ne coûter guère plus de 60 millions, & je le prouverai
quand on voudra ; il faut placer, en fécondé
ligne, dans ce tableau, cent cinquante mille hommes
de milices provinciales , deftinees à doubler l'armée
aftive, dès que les circonftances l’exigeront, & qui
ne coûteront rien.
Enfin , je propofe une troifième ligne de plus de
douze cens mille citoyens armés, prêts à défendre
leurs foyers & leur liberté envers & contre tous.
Pour former cette troifième ligne, tout homme
en état de porter les armes, ayant droit d’éleéleur,
père de famille ou célibataire, jeune ou vieux, fera
inferit au rôle de fa municipalité ; il aura fon fufil,
fon fabre & fon fourniment, mais fon activité, fur
la foi des traités & la prote&ion de la loi : voilà ce
que j’appelleitf garde nationale , &le fceau véritable
de la conftitution. Cette garde s’affemblera une fois
par an, pour recevoir le ferment des jeunes gens qui
acquerront le droit & la qualité de citoyens.
Les milices provinciales feront compofées dé tous
les célibataires aCtifs de chaque département depuis
dix-huit ans jufqu’à quarante. Ceux-ci feront enrégimentés
fous des chefs nommés par la garde nationale
, & aux ordres immédiats de leur municipalité
ou canton. Il n’exifiera pour eux aucun autre engagement
; ils feront libres de prendre parti dans les
troupes de ligne, de changer même de province,
fuivant leur intérêt ; mais tant qu’un homme n’aura
pas quarante ans, ou qu’il ne fera pas marie, il ne
pourra fe difpenfer du fervice qui lui fera com-
mandé.
Ces milices, dans les villes, s’aflembleront une
fois toutes les femaines, en été, pour exercer en
commun ; elles feront chargées de la police, & de
veiller à la tranquillité des citoyens. Enfin, elles feront
deftinées à compléter Y armée, a raifon du befoin,
en temps de guerre, à tour de rôle, & à commencer
par les plus vieux. , 1 Les milices des villages feront firaplement agrégées
à celle dü chef-lieu de leur canton , elles ne
feront point de fervice, leurs armes feront dépofées
au chef-lieu du diftrict; mais il y aura dans chaque
village fix hommes choifis, tous les ans, &
armés pour prêter main-forte à la police.
Je penfe qu’avec cette compofition, & le corps
des pionniers fans ceffe fur les routes, qu’on peut
enrégimenter, il n’y aura aucun befoin de mare-
chaimée à l’avenir.. .
Enfin, les 150 mille hommes de tfoupesréglées
•feront recrutés par engagement volontaire fur toute* I
lesclafles de citoyens; mais chaque régiment d'in.]
fimterie ou de cavalerie, particuliérement affeâéi
une province, ne pourra être compofé en officiers
& foldats, que d’individus domiciliés dans cette
province, & jamais, excepté en temps de guerre I
ces régimens ne pourront être en garnifon à plus I
de vingt ou trente lieues du chef-lieu de leur I
département. Je n’entrerài pas dans de grands I
détails fur cet objet, je m’engage de les fournirI
à l’aflèmblée dès qu’elle l’exigera ; mais j’infifte I
d’autant plus particuliérement fur cette compofi. I
tion, que je la regarde comme la folution du I
grand problème, comme la bafe d’une excellenteI
organisation, d’une confraternité qui, en rendantI
la France inattaquable, eft le plus fûr rempart de I
la, liberté publique ; je vois dans cette compoli- I
tion tout ce qui peut confeler de l’abfence, &
amalgamer fans effort , au premier bruit de fl
guerre , les troupes de ligne avec les milices!
provinciales de chaque canton. Je crois que la I
France, en adoptant ce fyfrême, pourroit réalifer, I
pour fon compte, la paix de l’abbé de S. Pierre; I
car quelle puiffance oferoit ne pas rechercher!
l'alliance d’une nation qui peut déchirer les flancs I
de fes ennemis avec trois cens mille hommes, & fl
oppofer à fes frontières une barrière de plus de I
douze cent mille.
Je fais que le rapport de M. de Bouthillier pré-1 fente de très-férieufes obje&ions contre ce plan ; je I
vais rappeler les plus importantes ; j’y en ajouterai I
même de nouvelles, & j’y répondrai fuccinfrement. I
Par ce régime, dit-on ,. nous n’avons plus I
mée, plus d’unité d’exécution ; les’ provinces s’ifo- I
leront, elles refuferont de marcher pour fecourir I
une autre province trop éloignée pour que le feu I
de la guerre puiffe les atteindre. Par caprice elles I
rèfifteront au fouverain , fe croiront fortes des I
troupes qui, au moyen de cette compofition, front I
toujours à leurs ordres en cas d’infurreffion, & I
• forceront la puiffance royale à des exécutions fan- I
glantespour les réduire à l’ofcéiffance; le foldatde- I
viendra cafernier, indifcipliné ; l’officier négligera I
fa troupe pour s’occuper de fes intérêts. Il arrive! I
la guerre que des régimens font plus expofés que I
d’autres au feu de l’ennemi, il y en a qui font ecra-1
fés, & cet évènement peut dépeupler une province. I
Les recrues, dans certains cantons, enlèveront des I
bras néceffaires au commerce & à l’agriculture, « I
chaque province fournit un contingent calculé fur 1
population , tandis qu’elles laifferont dans d’autres,
des hommes oififs fans reffource, qui feront obliges
de s’aller vendre à l’étranger ; enfin rétablinemen
des milices nationales aftives peut exciter des de* I
fordres, des troubles locaux, qui fe propagent
finiffent par incendier le royaume. ^ .j |
Pour répondre complètement à ces objections,
fiiudroit entrer dans de grands détails & développ I
les principes du régime focial ; mais je ferois co
pable d’abufer des momens précieux de l allen» ^
. 1 „.«rnis duê ce mémoire eft déjà tfôp lotîg ,
T l t mon’propre intérêt , je dois abrlger. Je
'„«viraidonc fuccinélement, que pour opérer un fi
Pnd changement, il n’eft pas nèceffaire de détruire
mais Amplement d’appliquer à chaque regt-
1 " l ’ nom d’un département, & de commencer
5 „V recevoir que des officiers & foldats domiciliés
1 dans chaque département. , ,
L’unité d'exécution tient effentiellement a 1 umte
de principes, & la France en donne en ce moment
un allez bel exemple; comment imaginer qu’a la- ■
venir, lorfquetous les droits, tous les_ interes fe-
I root communs, une province veuille s tfolar & faire
I exception > La lo i, qui. efU’expreffion de la volonté
générale qui ne peut lefer aucun intérêt particulter,
puifime tous y font librement fournis, & profitent I également de fa proteSion , infpire aux peuples le
I refpect qu’on porte à la Divinité. Ce fentiment d au- I leurs eft renforcé par celui de la reconnotffance ; &
I lorfqu’onfait une loi pour fon biett-être, y obéit eft
I un droit, & jamais un devoir pénible.
I, Prenons garde que l’abus du pouvoir eft fouvent
Irais à la place del’âutorité légitime, & que pour en
■ éviter la fecoufte, le grand moyen eft defe mettre
l en état de n’en avoir rien à redouter.
f Je conviens que les troupes ferom peut-être un I peu moins mafionnettes, qtie les pompons feront
I ségligês, mais l’homme fera mieux foigné; mais
I l’efpece fera régénérée; mais les moeurs plus pures
■ exigeront une difeipline moins fevere, & jefpère
I qu’il ne fera pas rare de trouver des foldats dignes
II d’être officiers. , Les pertes de la guerre font un malheur înfepa- I table de ce fléau ; mais celui qui a fait dignement fon K métier laiffe toujours à fes parens un motif de confo-
I lation. Lorfqu’un régiment aura été trop fatigué, on le fera fortir de ligne : il eft du devoir du pouvoir I exécutif de n’être pas prodigue d’un fang que fes fu-
I jets offrent fi généreufement au falut de la patrie. Le chapitre des recrues ordinaires ne me paroit
I pas plus embarraffant. J’ai entendu comparer l’Àlface
I au pays d’Auch , & j’ai feulement vu que 1 Alfacien,
I plus pareffeux ou moins induftrieux, preféroik le
I métier des armes à tout autre. Pour décider cette
Iqueftïon, il faut éprouver quelque temps la révolu-
Ktion que fera dans les efprits la conftitution ; elle
■ doit avoir une grande influence fur l’agriculture,
I fur le commerce & fur l’efprit militaire. 1 e pis-aller
Kfera de recruter de préférence en Alface., foit
■ notre artillerie, foit nos troupes légères, dont la
I compofiiion ne peut être la même que celle des
■ troupes dites nationales ; & .ce moyen abforbera
I fe fuperflu de population de ces cantons privilégiés
par la nature.
| Enfin les milices nationales , dit-on , peuvent
[exciter des troubles; c’eft une hypotèfe gratuite:
| je ne vois à leur compofition qu’un moyen d’ordre
[^d’équilibre, que le germe du patriotifme, l’ufage
I habituel de l’obéiffance, & le refpe& pour tout
15e qui doit être facré à des coeurs françois.
| djjemblée Nationale. Tome II. Débats>.
Je pVôpofe donc que raffembléé décrète:
i°. Que tout homme ayant droit d’éleéleur
& en état de »porter les armes, fera inferit au rôle
de fa municipalité , comme garde nationale, &
que le roi fera fupplié d aviler aux moyens de
pourvoir ’inceffamment chaque citoyen des armes
néceffaires à fa.défenfe, fur la demande & aux
frais de chaque département.
2,0. Que tout homme libre depuis dix-huit ans
jufqu’à quarantè , fera inferit comme faifant
partie de T armée aétive , & deftinée à repouffer
les efforts de l’ennemi de l’état; qu’en confé-
quence il foit inceffamment propofé à l’affemblée,
par fon comité, un plan d’organifation de cés
milices provinciales.
3°. Que les conventions & traités faits avec
les Suiffes. & Griffons, feront refpe&és ; que la
nation les approuve, & que le roi fera fupplié
de les renouveller au befoin.
4e. Que, excepté les bataillons légers, toute
l’infanterie françoife fera divifée en régimens na*
tionaux , dont chacun fera attaché à un, deux,
ou même trois départemens, & en portera le
nom.
50. Que pour compléter les régimens natio**'
naux, les officiers ne pourront être choifis, &
les foldats recrutés que dans les départemens
dont le régiment portera le nom.
6°. Que la compofition de la cavalerie ferà
renouvelée fur les mêmes principes que l’infanterie,
à l’exception des régimens de chevaux-légers.1
. 70. Que les régimens nationaux , foit en cavalerie
, foit en infanterie , ne pourront, en temps
de paix, être en quartier à plus de trente lieu«
du chef-lieu de leur département.
8°. Que cette bafe étant adoptée, le comité
fixera l’emplacement de chaque corjis de toutes
les armés, de concert avec un député de chaque
département.
90. Que le nombre des troupes en a&ivité,
fera fixé à cent cinquante mille hommes au plus,
compris la maifbn du roi.
io°. Que le fort des foldats & celui des officiers
, les moyens d’avancement & de retraite *,
feront fixés par des ordonnances primaires &
conftitutionnelles , dune manière indépendante
du caprice & de la légèreté des fupérieurs.
11°. Que les lois militaires qui régiront Varmée J
feront déterminées & arrêtées par l’affembléé.
12°. Qu’auffi-tôt après que le travail du comité
aura été agréé de l’affemblée & du pouvoir
exécutif, leâure en fera faite en chaque quartier
, aux troupes actuellement en a&ivité, & le
ferment exigé. . .
X3°* Qu’il fera demandé à chaque mdivida
s’il defire s’incorporer au régiment du département
dans lequel il eft domicilié, ou s’il entend
refter attaché au département dans lequel il fe trouve*
' F ff