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périeurs à tout, fouffrent impatiemment le joug de
la loi. Leurs miniftres font fans celle occupés, tantôt
fourdement, tantôt avec l’appareil de la tbute-puif-
fance , à étendre leur autorité. Combien de fois la
défenfe de la,patrie a-t-elle fervi de pretexte aux
plus violentes usurpations ? eh ! qui rie fait pas que
les triomphes de Louis XIV ont été plus funeftes à
la liberté politique de la France, que les malheurs
de Charles VII ?
Il eft donc de votre fageffe, meilleurs, de combiner
vos befoins & vos dangers ; une vieille routine
a trop long-temps abufé les nations : vous de.-
vez à l’Europe un grand exemple ; & l’ouvrage que
vous avez commencé çft trop beau pour ne pas y
donner la. dernière main. Les miniftres font tres-dif-
pofés à tous les facrifices que les circonftançes exigent
; & nous devons à M. de la Tour-du-Pin la
juftice de déclarer que fon intention eft d’améliorer
le fort du foldat, celui même des officiers ; de rendre
les emplois militaires au mérite & à l’ancienneté,
& de fupprimer toutes les places auffi difp.endieufes
qu’inutiles. L ’harmonie qui règne fur ces détails ,
entre ce miniftre patriote & votre comité, vous
allure que nous pouvons inçeffamment mettre fous
vos yeux l’organisation complette de Y armée françôife.
Il s’agit en ce moment de nous procurer les moyens
d’arrêter la diffoiution des troupes, qui eft vraiment
effrayante, & de confacrer à perpétuiré les principes
fondamentaux & conftitutionriels de la partie defen-
five de la France.
C ’eft fur ces bafes que les membres de votre comité
diffèrent d’opinion ; M. de Bonthilliér voùs. a
préfenté les inconvéniens de la confcription militaire
, le danger des convulfions qui peuvent reful-
ter d’une maffe de milices armées, toujoursaâives:
quelques membres du comité ont cru l’un & l’autre
riéçeffaires au maintien de la liberté publique ; mais
avant de développer leurs motifs, permettez-moi,
meilleurs , de réduire ces queftions.
Aurez-vous une armés, dç ftipendiaires, égalé en
paix & en guerre ?
Cette armée fera-t-elle entièrement recrutee à
prix d’argent, ou fera-t-elle compofée de citoyens
fournis à une confcription ?
Dans le cas où vous jugeriez conyenable de n’entretenir
que moitié de Y armée fur pied, en temps de
paix, avec quoi la .çpfhpletterez-vous au premier
bruit de guerre ?
Etablirez-vous la preffe comme en Angleterre ?
Conferverez-vous le régime du tjrage au fort ?
• L’étendrez-vous à toutes les claffes de citoyens ?
Enfin , votre intention eft-elle d’entretenir toujours'
fur pied des milices nationales pour la police intérieure
du royaume, & pour ©ppofér la force à la
force, dans le cas où, pour quelque caufe que ce fû t,
la liberté publique feroit en danger ?
Voilà, melHeUrs, lès grands objets préliminaires
que vous avez à difcuter,Tuflefquels je vous prie de
me permettre quelques réflexions. •'
Dans un moment où la nation vient de fonder fa
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liberté fur les débris de tous les pouvoirs arbitrair
la France ne doit pas ceffer d’allier le refpe&jü
l’amour qu’elle a pour fon.- ro i, avec la mafefty
fa conftitution. Elle doit veiller dans un filenceiijJ
pofant, jufqu’à ce que le temps & l’opinion aieni
confolidé ce grand ouvrage, & que les ennemis J«
la patrie , difparus de la furface du globe, aient k
place à de meilleurs citoyens.
Si la nation s’endort, fon fommeil fera celui de!
la mort.. . . Voilà mon avis.
Dans cette pofition dangereufe, quel parti indii
quent à la France la prudence & la raifon ? un feiil]
celui de relier fous les armes, fi elle ne veut p-j
reprendre des fers plus pefans que ceux qu’elle potj
toit. L’organjfatipn des milices eft: donc néceffairl
pour la liberté de la nation, & par conféquent potil
fon repos.
Il ne feroit pas exaô de comparer ces foldatJ
citoyens, que des principes fages & conftitimonJ
nels vont établir, à eètté infurreélion fubite & dé-
fordonnée, que la crainte de i’opprelïion a faitéclorrel
en un jour«
Il feroit encore moins exad de comparer ces]
nobles milices aux trilles victimes du defpotifmeJ
qui, le coeur glacé, & d’une main tremblante,con*|
fultoient l’urne fatale , & tomboient fans connoif-j
Lance entra les bras de leurs parens éplorés, à l’af-j
ped du billet noir. C’eft maintenant un droit de tous!
les François de fervir la patrie ; c’eft un honneur!
d’être foldat, quand ce titre eft celui de défenfeurdel
la conftitution de fon pays.
• Je dis que dans une nation qui veut être libre, qui
eft entourée de voilins puiflàris, criblée de faftions
fourdes & ulcérées, tout citoyen doit être foldat,
& tout foldat citoyen , finôq la France eft arrivée!
au terme de fon anéantiffement. Eh vain préfenteroitl
on en oppofition les trilles réfultats du riioment pré-!
fent ; l’affaiffement du pouvoir exécutif eft du a|
l’abus qù’on a voulu en faire ; le mépris des loixàl»
conduite des juges, l’horreur des diftin&ions politi-j
qiièsaux exadions des hommes puiffans qui les ont
pouffées jufqu’à la d.égrndation de la nature nii-j
maine;; la perte du .crédit national à la dilapidation 1
des revenus publics, & aux opérations ufurairesdesl
gens de finance ; enfin la difette ( même au jfin del
l’abondance ) & les mouvemens populaires qu’elle
occaftonne, aux manoeuvres les plus coupables desl
ennemis dy bien public. - ;
CeiTons donc de calomnier ce pauvre PeuP,H
moi j’admire fon courage & fa patience, & je L ®l
qu’on me cite une nation, qui, ayant à lutter a-la- 011
contré une auffi énorme maffe de conjurations, I
fy élever fa grandeur fur leurs débris avec autant j
fageffe & auffi peu de cruauté. , I
Certes., je l’avouerai, l’anarchie eft un rleî >1
mais la conftitution d’un grand peuple Peu.f' e J
changer entièrement, fans qu’il y ait un inl I
yalle entre la\ déforganifation & le rapp^, I
"ment des parties ? Si l’on jette fa vue fur les ie“ I
futurs, cet inftam n’eft qu’un éclair ; il ^ en j
■ I i |
I . (fi. «ni déplace les montagnes & les fait ren- j
«1<Tentrailles de la terre, pour offrir a (es
P * ”5,,.! nouveau fciians un nou. fol pr lus ferme, & déformais
Wu^oemte de la Tour-du-Pin a préfenté au co-
■ t très-belle organifation ÿarmée ; mais les
m 'M les mêmes que celles de l’an dernier. Cette
B T M être compofée de cent cinquante mille
l « & M de la Tour-du-Pin avoue qu’au pre-
de guerre, il faut pouvoir amalgamer à
I cent vingt mille hommes de milices. C'eftfek
noeud gordien? cette difficulté n’efl pas vaincue.
& s e n attendons la folution de votre fageffe
Ml ne fuffit d’avoir compofe avec fagacité ,
IJ 1. filence du cabinet, une force militaire de trois
Camille hommes à choifirfur vingt-quatre millions
fa ta n s Toutes les convenances d un plan peu-
i « très-eftimables & faciles à faifir |mais il y
Ifouvent une grande diftance de la formation d un
! fon execution, & c’eft cette exécution qui
.donc une confcription, & c’eft ic i, meffieurs, que
votre fageffe doit éviter un dangereux écueil ; car,
le mode de cette confcription fera l’abus le plus condamnable
li'TeTprovinc^fouffriront-elles dans leur foin des
Itcrateurs de tous les régimens, de tous les p a y s ,
i l chercheront à abufer de l’effervefcence des paf-
L s des jeunes gens pour les enlever de force, ou
Lrufe, à leurs parens? ,
I i° Les provinces fouffnront-elles qu’une arnee de
L t cinquante mille hommes, qu’elles foudoient
[pour la défenfe de leurs propriétés, n étant com-
iofée que de gens fans aveu, fans domicile nx e,
pveudément dévoués à la main qui les conduit,
fcuiffe,atout inftant, envahir la plus precieufe de
Heur propriété, la liberté publique ?
I i°. Les provinces fouffriront-elleS que, dans fouîtes
l<s villes fermées, des régimens étrangers à l’inté-
Irêt du pays, ufurpent l’autorité municipale ; & fous
Ile prétexte de la confervatiori de la place, vexent
arbitrairement les bourgeois ? Je fais qu on fri oppo-
lera l’obligation que contraéleront les troupes d exe-
[cuter les loix nouvelles ; mais les loix ne peuvent pre-
|voir tous les cas, & il eft bien facile d’en abufer,
»quand on a la force en main, & peut-être le confen-
Itement tacite de l’autorité.
! 4°. Les provinces fouffriront-elles ^ ie , pour 1 in—
prêt des entrepreneurs des vivres ou de fourrages,
[l’argent qu’elles paient pour la folde des troupes foit
jtonfommé hors de leur fein, tandis qu elles man-
j^uent elles-mêmes de consommateurs, & par conséquent,
de ce qui nourrit l’agriculture & reproduit
[les moyens d’acquitter l’impôt ? En fuppofant tous
[ces obstacles levés, meffieurs,nous n’aurons encore
jfien fait, car le plus difficile du problème refte a ré-
Ifoudre ; c’efl: la compofition des cent vingt mille
Ihommes de milice, qui doivent, en cas de guerre,
■ recruter Y armée* r
I le n’imagine pas que l’adminiftration veuille en-
^ore s’appelantir fur le moyen.du tirage au fort ; cet
impôt défaftreux doit être relégué dans la claffe de
h taille, de la gabelle & de la corvée ; ce font des
^nftres que la conftitution doit étouffer* Il haut
du pouvoir arbitraire, ou l’aéte du patrio-
tifme le plus éclairé.
S’il exifte encore un veftige de privilèges, un
moyôn quelconque; de fe fouftraire à la charge de
citoyen; fi l'on n’inferit fur les regiftres municipaux
que le nombre d’individus néceffaires au recrutement
de Y armée, en cas de guerre ; fi ces individus,
fans armes en temps de paix , fans moyens de défenfe
, ne font qu’un troupeau dévoué aux volontés
de l’autorité, les bons citoyens feront bien de quitter
la France, pour y renvoyer ces fugitifs agens
de l’oppreffion , que le cri de leur confcience en
avoit éloignés ; car le retour aux anciens principes
ne tarderoit pas à fe tenter, & je crois qu’il ne peut
s’effeéluer aujourd’hui fans un déchirement cruel ÔC
incommenfurable.
Il faut donc une confcription vraiment natio- |
nale,qui comprenne la fécondé tête de l’empire &
le dernier citoyen aétif. Il faut que chaque homme ,
dès que la patrie fera en danger, foit prêt à marcher.
Si vous tolérez une fois les avoués , les remplace-
mens, tout eft perdu ; de proche en proche, tous
les riches voudront fe fouftraire au .fervice per-
fonnel, & les pauvres relieront feuls chargés de
cette fonâion , fi noble pour un peuple libre : alors
le métier des armes retombera dans fon aviliffe- ’
ment ; le defpotifme en profitera, & vous redeviendrez
efclaves. Mais, dira-t-on, comment incorporer
cette milice avec notre armée', fi cette armée n’eft .
pas citoyenne, fi elle n’eft pas purgée de tous les
vices qui l’ont inféélée jufqu’ici ? eft il un patriotifme
qui tienne à l’horreur de la corruption des moeurs ?
eft-il un père qui ne frémiffe d’abandonner fori fils ,
non auxhafards de la guerre , mais au milieu d’une
foule de brigands inconnus, mille fois plus dangereux
? J*en conviens, & j’ajourerai même que fi on
m’oppofe la difciplihe, je répondrai que c’eft un
motif de plus de terreur : des fonges runeftes me
préfenteront fans ceffe mon fils entraîné par fon
inexpérience & : de fauffes fugeftions, périffant de
la main du bourreau ; & dès lôrs , plus de repos
pour moi.
C ’eft d’après ces confidérations , qui me paroiffent
d’une haute importance, que je fupplie l’affemblée’
de pefer dans fa fageffe les bafes d’organifation que
je prends la liberté de lui foumettre.
J’étaklis pour axiome, qu’en France tout citoyen
doit être foldat, & tout foldat citoyen ; ou nous
n’aurons jamais de coriftitutiori. ;
Il n’en réfulte pas que nobs devions arracher fans
ceffe aux travaux de l’agriculture & du commerce,
ni aux autres fondions utiles que ce vafte empire
offre à l’induftrie, des bras effentiels. Eh ! à quoi Iferviroit la liberté , fi l’on tariffoit les fources du
bonheur ? Mais je penfe que l’état militaire françois
doit être divifé en trois parties, tellement organi-
fées qu’elles puiffent > fans effort, fans fùbir une