
plus impatiemmènt que perfonne, qüê îetfe affairé
foit terminée ; mais je vous obfervè que fi vous
entendez le rapport de M. de Menou , qui ne peut
être que fon opinion individuelle , vous ferez obligés
d’ordonner que les pièces foient remifes aux
comités, pour que tous les membres puiffent en
prendre connoiffance. Ce rapport ne devant donc
pas être difcuté en ce moment, il eft inutile de
l’entendre. Pour moi, j’ai un objet important à
traiter, un objet qui fera infiniment utile aux comités
eux-mêmes. Le rapport ne peut être fondé
que fur les procès-verbaux des comités. Eh bien !
je demande à être renvoyé individuellement, à
mes rifqueS & périls , au tribunal de la haute-
cour nationale féant à Orléans, pour y pour-
fuivre les médiateurs. Ces médiateurs nommés
par le roi, fur la demande de l’aiTemblée nationale
, font efientiellement des agens refponfables ;
mais il ne peuvent être accufés par un décret de
Fafi'emblée nationale.: s’ils font innoricens , je leur
rends évidemment un grand fervice, car je prends
fur moi tout l’odieux de la calomnie : mais ce que
vous favez tous, c’eft que toutes les fois qu’il fe
préfente un accufateur qui garantit fur fa refpon-
iabilitè de l’accufation , on ne peut refufer de
l ’entendre. Je ne fais pas calomnier. Je remplis
un gr-and devoir, je fais un grand facrifice , je
prends fur ma tête la vérité des faits que je vais
énoncer : je veux vous faire voir que les Jiommes
que vous avez envoyés à deux cents lieues d’ici
pour rétablir la tranquillité , fe font rendus des
vice - rois, & qu’ils fe font mis à la tête d’un
parti, au lieu de les concilier tous. Vous connoî-
trez ces commiflaires médiateurs , qui n’ont été
que des commiflaires exterminateurs.
Tous les partis font ici prêfens : voici l’aflem-
blèe nationale, voici les médiateurs, voici les députés
ou ceux qui fe difent les députés $ Avignon.
Daignez m’entendre , & né doutez pas que ’fi
j’avançois des faits faux , je ne fuffe à l’in fiant
contredit. Je demande, M. le préfident, que vous
mettiez aux voix fi je ferai eptendu ; l’aflemblée
ne me fuppofera certainement par le motif dè
chercher à perdre du temps pour différer le rapport.
Je vous ai obfervé que ce rapport n’a pas
été fait dans la manière légale : mais s’il arrive
par hafard que vous me renvoyiez au tribunal
d’Orléans pour accufer vos trois médiateurs que
je dénonce, que je dénoncerai & que je p©urfui-
vrai jufqu’à ce que j’aie obtenu jufiice , alors votre
rapport tombera, puifqu’il n’aura plus ces bafes,
je veux dire le récit des commiflaiçes. ( Plufieurs
voix : vous voulez donc différer le rapport ? ) Ainfi
j’ai le droit qu’a tout membre de Paflëmblée de
faire des motions , & j’en fais line. C ’eft à l’af-
Dmblée à faire des décrets, & j’en follicite un ;
mais l’ordre logique de la délibération ,exi?.e que.
je fois entendu avant ,1e rapport. Au refte, j’obéirai
avec refpeâ & empreflement aux ordres de l’af-
iemblée ; éx comme il m’eft à-peu-près indifférent
aattaquêf les médiateurs avant ou après le
port, je vous préfente un autre motif pour vous
déterminer à le différer : c’eft que vous ne pouvez
entendre un rapport infpiré par des hommes que
j’accufe de haute trahifon.
M. Mougins. La queftion a été difcutée pendant
trois heures chez le miniftre de la jufiice ,
en préfence des députés des départemens voifins ;
& fi jamais affaire a eu une difcufiion complète,
c’eft celle-ci. Si l’on adoptoit la propofition de
M. l’abbé Maury 9 il s’enfuivroit que toutes les
fois que des commiflaires civils auroient été envoyés
dans les départemens pour y rétablir l’ordre
& la tranquillité , il fuffiroit qu’un membre fe levât
pour les accufer , pour empêcher le corps lé-
giflatif de prendre les mefures qui leur feroient né-
ceflaires.
L ’aflemblée décide que le rapport fera entendu.
La partie droite prenant unanimement part à la délibération.
M. de Menou, Après que mon rapport fera fini i
je répondrai en peu de mots à M. l’abbé. Maury.
J ’ai ici lès pièces probantes de tous les faits que je
vais énoncer.
Les comités , que , pour la quatrième fois j
vous avez, chargés de vous rendre compte de l’affaire
d’Avignon & du Comtat , ont enfin l’honneur
de mettre fous vos yeux les événemens &
la fituation politique aâuelle de ces deux malheureux
pays, qui , placés au fein de la France 8c
fous le climat le plus heureux, font depuis deux
ans livrés aux horreurs de la guerre civile. Je ne
retracerai pas les malheurs qui les ont défolés depuis
la révolution : les nombreux rapports qui
vous ont été faits fur cet o b j e t& notamment
celui des médiateurs, vous ont appris qu’ils font
déchirés par plufieurs partis ; les uns veulent la
conftitution françoife & la réunion ; les autres
la conftitution françoife fous l’autorité du pape ;
les autres avec des modifications ’ d’autres auffi
veulent retourner purement & ‘ Amplement fous
l’autorité papale. Quelques-uns veulent être libres
& indépendans ; d’autres enfin ne veulent point
de gouvernement , mais veulent l’anarchie, pour
exercer impunément le vol & le brigandage.
De toutes parts les paflions qui agitent les hom^
mes y font déployées avec cette force que donne
l’explofion d’une révolution ; d’un côte le defir
ardent d’être libres, de l’autre l’attachement à des
privilèges , à des préjugés qui depuis plufieurs
fiècles étoient l’apanage de la noblefle 8c du
clergé. La majeure partie veut la liberté & la conf-
titution françoife ; mais là comme en France une
minorité coupable facrifie à fon intérêt particulier
l’intérêt général, & veut conferver l’ancien gouvernement
plus favorable à tes privilèges ; & cette
minorité, quoique, foible en réalité , reçoit des
fecours des ennemis de la chofe publique & des
contre - révolutionnaires françois, ' C ’eft cette cir-
Confiance, qui à fait croire que le parti de ia révolution
n’avoit pas eu une auflï forte majorité
qu’il la par le fait ; ainfi cette minorité fous les
armes préfente un afpeél affez fïnpofant , parce
qu’elle eft compofée en grande partie d’étrangers ;
mais dans les affemblées primaires où tout ce qui
n’eft pas citoyen ne peuf être admis, elle ne
forme pas le cinquième de la population. Les
commiflaires médiateurs vous ont rendu compte
eux-mêmes de leurs opérations. Vos comités fe
borneront à vous préfenter les confidérarions qui
peuvent former une opinion faine '8c jufte fur la
demande des Avignonois. Votre décret du 25
mai , par lequel vous avez ordonné l’envoi de
• commiflaires médiateurs, porte la réferve expreffe
des droits de la France, 8c il n’y eft nullement
queftion des droits de la cour de Rome.
Le 14 juin , les députés de toutes les parties
intéreffées fe rendirent à Orange , §c fignèrent les
préliminaires de la paix. Dans aucun des articles
de ce traité il n’eft queftion du pape ; la France
a traité avec le peuple vauclufien comme avec un
peuple fouverain. Le 14 juillet, l’affemblée nationale
rendit un décret folemnel par lequel elle approuva
& confirma la garantie donnée par les çoin-
miffaires médiateurs aux préliminaires de la paix
fignée à Orange. Dans ce décret, il n’eft encore
nullement mention des droits du pape ; l’affemblée
y reconnoît formellement la fouveraineté des peuples
avignonois & comtadins ; il eft donc évident
, & c’eft un point que l’on ne peut plus con-
tefter de bonne-foi , il eft donc évident que les
Avignonois & les Comtadins ont été reconnus
comme un peuple libre, & qu’ils ont pu & dû
exprimer leur voeu. fur la réunion.
Ce voeu a - t - il été libre , folemnel & légal ?
Après les préliminaires les médiateurs écrivirent à
l’aflemblée électorale, qui tenoit fes féances à Be-
darides, lieu où elle n’étoit influencée par aucun
parti, pour l’engager à envoyer à toutes les communes
une lettre circulaire par laquelle elles feroient
invitées à émettre leur voeu. De 98 communautés
qui forment les états-unis d Avignon 8c du
Comtat, 71 ont émis leur voeu; 52. demandent
la réunion à la France ; 19 ont voté pour Je pape ;
2.7 autres n’ont point émis leur voeu ; mais fur
ces 2.7, 18 avoient voté pour la France dans les
mois de mars & de mai derniers ; érant compofées
cThabitans laborieux & occupés aux travaux de la
campagne, elles ne fe font pas affemblées : mais
il eft à obferver qu’ayànt précédemment demandé
la réunion, & n’ayant point émis de voeu contraire
, leur premier voeu doit être conftdéré comme
fpbfiftant toujours. Mais quand même on regarde-
roit ces communes , ainfi que les neuf qui 11’ont
jamais émis de voeu comme étant contraires à la
(réunion , il y auroit toujours une grande majorité
de communes & de population ; car ôtez 52, de
98 , il ne refte que 46 communes. Mais il eft
confiant, d'après les procès-verbaux, que 19 feulemènt
ont voté pour l’ancien régime ; ce qui
établit, en faveur de la réunion , un excédent de
33 communes.
Quant à la population , elle eft, en totalité ,
de 152,9,19 âmes; celle des communes qui ont
cmis un voeu formel pour la réunion , eft de 101,046
âmes. Ainfi dans le calcul le plus favorable au.
pape , il y auroit une minorité de 51,813 contre
une majorité de 101,046 , & la différence en faveur
de la France feroit dè 49,873. Mais en ré-
tabliffant le calcul tel qu’il doit être, en remarquant
que 19 communes feulement ont voté pour
le pape , & que ces communes ne forment qu’une
population de 30,667 individus, il en réfulte en
faveur de la France un excédent de 70,373. Si on
ajoutoit la population des communes qui, ayant
précédemment émis leur voeu pour la France ,
n’en ont point émis depuis , ,1a différence augmen-
teroit de 15,000 de plus ; ce qui feroit une majorité
de 120,000 contre 30,00p. De: plus, dans
le nombre de celles qui font pour le pape , une
minorité affez confidérable à voté pour le pape ;.
les procès-verbaux en font fo i, & même plufieurs
font accompagnés de proteftations. Prefque toutes ■
les délibérations contre la France ont été prifes
en préfence des gardes nationales françoifes; plufieurs
de ces communes ont voté des remercî-
mens à ces gardes nationales pour la liberté-& la
fureté dont celles-ci les ont fait jouir.
Une de ces communes ayant demandé aux médiateurs
à s’aflémbler de nouveau, le médiateur
répondit que le voeu ayant été légalement émis
pour le pape, on ne pouvoit pas revenir en un
inftant fur une délibération aufli importante. Qui
pourroit dire, après cela , que la liberté des opinions
n’ait pas été entière , & que les commif-
faires aient cherché à les influencer en faveur de
la réunion? Il eft encore à remarquer' que dans
les cinquante-deux communes qui ont voté pour
la France ,, neuf feulement avoient une garnifon
françoife, tandis que fur les dix-neuf autres il y
avoit onze garnifons , compofées toutes des citoyens
des départemens qui defiroient ardemment
la réunion.
Donc ce voeu a été librement émis ; il a été
folemnel : les convocations ont été faites par-publications
à fon de trompes , les rafi’emblemens
ont été faits en plein jour dans les églifes ; il eft
légal ; car il a été émis par fuite du traité d’O -
range , en vertu des ordres donnés par l’affem-
blée électorale , fur la -demande des médiateurs ,
& d’après toutes les formes preferites par les décrets
de l’aflèmblée nationale : vos comités ont
donc reconnu que ce voeu eft folemnel libre 8c
légal.
Il ne s’agit donc plus que de favoir fi la France
a intérêt à la réunion.- Cette queftion a étèdif-
cutée dans plufieurs féances. On a fenti qu’il feroit
impoflihle de tirer quelque parti de nos manufactures
, fi on n’entouroit Avignon 8c le Comtat