
pas la iqême ;conftitution que nous. Uacçufation
publique tient eflentieilementà Tordre judiciaire ,
& Tordre judiciaire entier n’eft qu'une partie de
la conftitution : fon organifëtion complette doit entrer
dans Torganifation générale , finon c’eft une
bigarure insoutenable. Quel eft donc le principe
conftitutionnel ? Il faut avoir , dans la diftrfbution
fage & régulière des pouvoirs , une attention fou-
tenue à ne mettre dans le pouvoir exécutif que ce
qui lui appartient réellement3 '8c à mettre dans le ,
pouvoir populaire tout ce qui peut être exercé par
des officiers élus par le peuple.
C e principe eft adopté par la nation , il devient
pour nous une impérieufe loi $ il eft de notrehon-
neur & de notre devoir de le Suivre conftamment.
Nous ne pouvons vouloir ni vicier ; ni fauffer la
conftitution. Quand elle fera achevée , tous les
pouvoirs légitimes feront honorables 3 ils ne feront
pas diftingués dans la confiance du peuple ; mais
elle n’eft pas terminée : le pouvoir exécutif eft très-
différent de la nation j il faut toujours prévoir ce
qui pourroit le rendre redoutable. Orr s’eft appuyé
fur ce fophifme , que le pouvoir exécutif n’exiftoit
que pour la nation : ce principe eft vrai en lui *
mais il n’eft pas jufte , quand on s’occupe de conftitution
: ainfi le pouvoir exécutif n’étant pas la
nation 3 n’agiffant pas conftitutionnellement pour
elle j ce n’ eft point 3 lui à nommer les accufateurs
publics: Ignore-t-on à qui le peuple doit déléguer
le pouvoir qui lui refte ? Au pouvoir exécutif
, difent quelques opinans 3 craignez cette ~
fuggeftion, Le pouvoir judiciaire influe chaque
jour fur les citoyens 5 vous né-l’avez pas confié au
pouvoir exécutif 3 parce que le pouvoir exécutif &
le pouvoir de juger , c’eft le defpotifme. Le pouvoir
d’accufer eft également un pouvoir de chaque1
jour 3 il intéreffe également le peuplé > fa- cumulation
avec le pouvoir exécutif 3 opéreroit une
tyrannie judiciaire également: abfurde 8c défaf-
treufe. Songez que vous allez ajouter un chapitre '
à la plus belle conftitution du monde. Mais* comment
veut-on prouver que lé pouvoir exécutif eft
efientiel à la conftitution ? Par un nouveau fophifme.
( I l s’élève des-mur mu res. ) j ’efpère le démon- :
trer. ( On murmure à droite ; on applaudit à gauche.
V Si nous y regardons bien toutes les parties!
de Torganifation n’ ont ëlles pas pour objet com-i
mun le bien publie & l’exécution dés loix ? Cependant
toutes ne font pas dans le domaine du pou-)
voir exécutif.
Dans une conftitution libre, le po'uvolr exécutif
ne peut agir que par la contrainte , 8c parla for ce;
il ne doit jamais atteindre le citoyen que de deux;
n^anières colle&iveme/it, ou individuellement , 8c
toujours par des intermédiaires. Dans le fyftème
général de la conftitution , tous les intermédiaires.,
foit dans Tordre adminiftratif , foit d^hs, l’ordre
judiciaire, font délégués par Téleélion .du peuple.
Or le. pouvqir exécutif ne peut pas plus atteindre
immédiatement le citoyen par Vaccusation publique,
que par toute autre voie. Ce qui lui appartient,
c eft 1 execution de la loi appliquée par un jugement
a tel individu: Quant àTa plainte 8c à la pour-
fuite , d’où naiffent le jugement, l’une 8c l’autre
appartiennent au peuple. Les rois n’ont jamais ufé
du droit d‘ accufation comme d’ un droit inhérent
a la couronne; ils qn t, ainfi que pour le droit de
juger, été obligés de l’ aliéner à titre inamovible.
Quelques opinans ont montré beaucoup d’inquiétude
pour la prérogative royale, 8c cependant ils
n’ont pas vu qu’ ils rabaiffoient le chef du pouvoir
exécutif fuprême au rôle d’un plaideur occupé à
intenter 8c a pourfuivredes accufations ( on applaudit
) j à. gagner 8c a perdre des procès. S’ ils s’ occupent
delà dignité de la couronne, tout la grève
dans ce qu’ ils demandent, & rien ne la grève dans
ce que je vous propofe. Prétendent-ils réclamer un
droit rigoureux ? C e droit n’exifte pas, & je l’ai
prouvé par le principe que le pouvoir exécutif n’a
aucun droit à revendiquer 1‘accufation publique3 qui
eft toute populaire dans fon objet. Je aemande s’ils
ne feroient pas la même réclamation pour la re-
vifibn des jugemens. Ceux à qui je réponds, fou-
tiendront l’ affirmative. Cependant le pouvoir exécutif
réviferoit les jugemens qui auroient été rendus
fur fes accufations ; il feroit juge 8c partie.
( On applaudit ).
Je reviens un inftant fur les dangers politiques
8c moraux de livrer au roi l'accufation publique ,
c’eft-à-dire, delà faire bientôt dégénérer en fonctions
miniftérielles. Premièrement, vous ralfure- «
iriez , fur ies accufations, les nombreux prépofés I
du pouvoir exécutif, pour leurs faits privés 8s I
leurs délits officiels. Secondement, /’accufation ne I
pourroit devenir miniftérielle fans être oppreffive. I
Dès que le pouvoir des miniftres atteindroit le I
citoyen dans fes foyers, il n y auroit plus, fous un I
tel gouvernement, ni fécurité domeftiqae, ni vraie I
liberté. : ce feroit le plus puiftant moyen de rendre ■
la force publique ufurpatrice, de protectrice qu’elle I
doit être. Les tribunaux ont deux attributions : I
l’une , de rendre la juftice aux particuliers ; l’autre, I
bien plus grande dans fon objet, eft la confervation I
• du corps politique , du mode de gouvernement I
.établi : ç’eft fous ce rapport que Vaccufation^publi- I
que importe à la conftitution. Qui croira que pour I
aflurer la liberté, on a penfé à en faire une infti- I
tution miniftérielle ? C ’eft par le moyen de l'accu- ■
fanon qu’on pourra découvrir les complots, éclair- I
cir lés mouvemens qui les précèdent, veiller à la .
fureté publique , 8c à ce que la conftitution ne I
.^foit point attaquée; On dit qu’avec des’ jurés & P
'fies juges, un accufateur public eft inutile ; mais I
les jurés 8c les juges n’afturent qu’ une feule chofe, *
c’ eft un jugement impartial. Il y a deux chafes :
accufer , puis juger ; vous avez inftitué le jugement
, il faut donc inftituer l’ accufation, 8c ne pas
être frappé par cette objection, que de bonsjuge-j
mens en arrêteront l’effet.,
Il y a deux abus poffibles : ne pas; agir, quand
l’intérêt public l’e x ig e , ou agir d’ une manière
[oppofée à Tiutirêt public. Dans le premier cas,
ni les jurés ni les juges ne peuvent. empêcher
l’abus j car avant d’agir, il faut uné accufation. On
dira, mais les dénonciations ! le '’dénonciateur riè
s’adrefte qu’à T accula te ur public: fi cet accu-
S’fateur n’agit pas^, dira-t-on encore, les.parties
j rendront plainte : cela eft bon pour, des délits pri-
Iv,ls , pour des affaires particulières, fô n ajoutera
que les juges pourront luppléer au refus que Tac-
: eufateur feroit d’agir : mais il faudra que ce refus
ait aftez duré pour que le dénonciateur fe -décide ■
à frapper Toreille.du juge. Et combiènils'écoule-
f ra de tems pour achever & exécuter le complot:,
pour la fouftraêtion des preuves, pour Téyaùon
Ides coupables ! Les jurés oHes-juges empêcheront
i feulement que les accufations téméraires n’arri-
: vent au dernier degré > mais une fauflê accufation
fût courir les chances fàcheufes dès témoignages,
I .des méprifes de jugemens, j -mais il paroi t impoffible
que les jurés opèrent fans arreflation \ mais fou-
vent les décrets font rendus fur un commencement
1 de charges B y a donc pour le citoyen une véritable.
oppreffion dans un commencement. £ accufation
, quoiqu’ il ne doive pas en redouter- les fui-
[ tes. Vous lailferiez donc le gouvernement armé
de là verge terrible de Vaccufation , qui, ainfi que
les lettres-de-cachet, deviendroit bientôt le dernier
degré du defpotifme.,. Je ne vois que la décapitation,
fans forme dp procès , qui foit au-deffus
; des injuftices poffibles par les accufations miniftérielles.
Toutes ces raifons conduifentà dire que
fie pouvoir de Vaccufation publique ne peut être
: exercé par un officier nommé par le roi. J’adopte
la motion de M. Duport, 8c je propofe de décréter
que 1‘accufation publique ne fera pas confiée aux
rÇommiflaires du roi,.mais à un officier élu par les
citoyens , & que les comités réunis, de conftitution
& dejurifprudence criminelle, feront chargés
: de préfenter les formes dé Vaccufation publique.
On demande la priorité pour cette rédaction.
Un de MM. les fecrétaires fait leCture des dif-
fférens projets de décrets. Il fe prépare à lire la
‘motion de M. Goupil.
M. Goupil. D’après les preuves données par M.
Thouret, j’obéis a la voix de ma confcience 8c je
retire ma motion.(On applaudit.)
La priorité eft accordée à la motion de M. Duport
appuyée par M. Thouret.
M. Defpatys. Par la rédaction de cette motion,
®n ne l’aflemblée nationale 5 il faut fupprimer
■ ces mots : a un officier. L’affemblée peut yôulok
confier cette accufation .à un directoire ou à un
- corps.
AI. Folleville. J’appuie cette obfervation, parce
qu’elle eft fondée fur la raifon des clïofes , fur la
.vérité éternelle. Quand le peuple eft repréfenté ,
il ne doit pas avoir un repréfentant unique.
M. Barnave. tJè. crois qu’en effet cette rédaction
doit ; être modifiée, & qü’il faut lailfcr une
plus grande latitude aux délibérations , 8c dire j
par un ou plu/ieurs officiers\ nommés par les citoyens.
M. Baumetç. Il ne faut pas préjuger une grande
queftion, en privant le peuple d’accufer par lui-
même. L’afiTemblée ne peut lui enlever un droit
qu’il,a exercé, pendant huit fièrcles , 8c que les
anglôis, nos voifihs, exercent encore. Si chacun
ne peut accufer pour lé délit dont il à été le
témoin : il n’y a' plus d’amour de Tordre, ni, d’ ef-
prit public,
M. le Chapelier. Voilà le principe qu’il faut
uniquemenr décréter : «Le commiüaire du roi ns
fera pas chargé dés. accufations publiques Alors
Taftemblée confervéra toute la lib e r té , toute la
latitude pofiT^ble,',
AI. le Pelletier.'l\ feroit très-dangereux de ne
pas décréter que. Y accufation publique appartenant,
au peuple', fera déléguée par le peuple:
c’ eft un principe effentiel du gouvernement rè-
préfentatif.
L ’amendement eft adopté , & l’afîemblée décide
rqu’il fera retranché de la motion de M. Duport
Ces mots a un officier public.
AI. Pifon. Je propofe de d ire , « ne fera pas
exclujivement confiée aux commiffaires du roi «;
On demande la queftion préalable.
AI. Fréteau. Il n’y aura plus que le roi dans le
royaume qui ne pourra pas rendre une plainte ,
fi vous rejettez cet amendement.
AI. Prieur. L’amendement propofe a évidemment
pour objet de faire perdre le fruit de la
difeuflion. On le préfente fans prétention , 8c fa
fuite nécefîaire feroit la perte de la liberté. J’in-
fifte fur la queftion préalable.
On demande à aller aux voix.
M. Virieu: On ne veut cèfler de délibérer cjue
pour empêcher l’effet' de l’excellente obfervation
de M. Fréteau.
La queftion prévftable eft mife aux voix.
La première-épreuve paroît douteufé ; à la fécondé
M. le: préfîdent annonce qu’il n’y a pas lieu
à délibérer.'
f a parçiç, droits réclame Tappel npminal.