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miniftère public ne pourra franchir. Vous avez
des juges de paix , vous avez des municipalités ,
vous avez des gardes nationales , vous perfectionnerez
l’établiffement des maréchaufiees , vous
avez enfuke tous les citoyens : voilà les agens~ 3
fur lefquels vous devez compter , pour que les
malfaiteurs foient recherchés , quand meme ils
auroient la faveur du miniftère public. Si ces premiers
moyens manquent, c’eft alors feulement
«pie je fais intervenir le commiffaire du roi 5
mais alors je lui affigne un devoir fans autorité,
S? je veux qu'il ne puiffe aller jufqu’au citoyen
prévenu, qu'avec l’ordonnance du juge. Le citoyen
prévenu doit être déféré, dans le plus bref délai
que les circonftances comportent, à un premier
corps de jurés. L à , un premier examen aboutit
en réfultat à la déclaration qu’il y a lieu , ou
qu’il n’y a pas lieu de pourfuivre. Dans le cas négatif
, le citoyen eft libre , & il n’a nullement
a redouter l’ influence du commiffaire du roi j
dans le cas affirmatif, c’eft le réfultat des jurés
qui donne le mouvement au .commiffaite du roi.
C ’eft alors vraiment que ce t officier entre dans
fes fonctions, & elles confiftent à pourfuivre Yac-
cufadon déclarée par les jurés , à provoquer les
formes, qui doivent précéder & accompagner le
jugement, à procurer la compofition du nouveau
corps de jurés , qui décidera fi l ’accufë eft ou
non coupable , & a demander, s’il eft jugé coupable
, l’ inflidion de la peine déterminée par la
loi.
Voilà l’ idée générale qu’on doit fe-faire de la
nouvelle procédure. Maintenant je demande que
l’on m’indique le point dans lequel des craintes
juftes peuvent avoir les commiffaires du roi pour
objet. Vous fuppofez une action .dangereufe à la
liberté? Le commiffaire du roi ne pourra rien , en
aucun cas , par lui-même. La première impulfîon
me fera fon fait que 'fubfidiairement, 8c il faudra
qu’il obtienne le concours des juges. Enfuite l’ ac-
cufé ne dépendra que des jurés fucceffifs qui
feront appelés pour prendre connoifëvnce de fon
affaire, & les jurés feront entièrement indépen-
dans du commiffaire du roi. Vous fuppofez une
inaction dommageable à la chofe publique ? Il
faudra donc qu’il ait pour complice les juges de
paix , les municipalités , les gardes nationales,
les juges, tous les citoyens ? Mais alors je ferois
tenté de dire , comme à la comédie : Qui eft -ce
donc que l’on trompe , fi tout le monde eft d’accord?
On demande que la difcuffion fdit fermée.
MM. Duport & l’abbé Maury demandent la
parole.
M.Thouret obferve qu’il doit être entendu en
£2 qualité de rapporteur.
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L’ affemblée décide que la difcuffion fera fermée j |
après que ces trois orateurs auront été entendus.
M. Duport propofe de décréter que l’accufation I
publique ne fera pas donnée aux commiffaires du I
r o i , & que les comités de conftitution & de ju- I
rifprudence criminelle , détermineront quelles I
feront les formes de Y accusation publique en I
France,
M. U abbé Maury. À-t-on donc bien réfléchi au I
danger qu’il y a de faire de Y'accufadon publique une I
accufation populaire : quand le peuple accufe, il ,
juge ; & cependant le crime d’un accufateur de- I
vient le crime de tous. G’eft ainfi que l’ oftracifme, t;
qui fit profcrire Ariftide, fut le crime de tous, les I
Athéniens : l’ affaffinat juridique, commis en Hol- I
lande contre Barnewelt,fut l’opprobre de tous les I
Hollandois.Ceffons d’envifager le pouvoir exécutif |
comme celui contre lequel nous aurons à lutter per* |
pétuellement. Davjd Hume a dit qu’ une méfiance I
outrée contre le chef de la nation, étoit tou- I
jours une fource de trouble , & cohduifoit quel- I
quefois au plus affreux efclavage. Ainfi parloit un 1
Anglois d’après l’expérience de tous les fiècles.... I
Vous avez décrété que les officiers du miniftère I
public feroient nommés par le ro i, & pour leur l
donner plus d’énergie, vous avez décidé qu’ils I
feroient nommés à vie 5 vous avez jugé la quef- I
tion } ne les regardons point comme les ennemis I
de la conftitution. Il y a un grand danger àfuppo- I
fer des maux chimériques pour s’ aftujettiT à des I
maux réels. Le roi doit appartenir à la conftitu- I
tion..............a . La conftitution qui excite dans le I
moment de fi vifs.débats , finira par être le patri- f
moine commun de tous les François, de tous les I
peuples : ce fera un titre de famille , 8c celui-là I
l’ outrageroit, qui pourroit penfer qu’elle aura I
d’éternels ennemis. Si cela é to it, vous pourriez I
dire d’avance qu’elle eft anéantie. N’aùrez-vous I
pas toujours la furveillance nationale ?.... Qu’étoit I
le procureur du roi ? 11 recevoir les dénonciations, |
& s’ il refufoit de requérir , le tribunal y fûp- I
p léo it, en nommant un fubftitut j il n’étoit pas I
un ju g e , il ne difpofoit pas de la fortune des I
citoyens. Vous favez tous qu’un procureur-géné- I
rai qui avoit calomnié un citoyen , étoit obligé I
de nommer le dénonciateur., & de ptéfenter à I
l’aceufé le regiftre des accufations 3 fin on on pre- I
noit le fubftitut, on pouvoit le prendre lui-même I
à partie. Donc il ne pouvoir jamais être un ea.lom- I
niateur 5 donc l’intérêt du peuple étoit! affuré. La I
caufe publique n’ eft-elle pas en danger, l’intérêt I
particulier n’ fcft-il pas compromis, parvee luxe de I
nouveautés, par ces expériences dangereufes ?
Il eft manifefte que fî le juge <e:ft dénonciateur ,
il eft en même têtus juge & partie. On verrok en- I
core des tribunaux qui ; comme les comités des I
recherches, prolongeraient les. terreurs' du peu- I
pie. Etcertos il ne. fauc-pas des comités des-cechec- I
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ches à un peuplé libre. Repouffons loin de 110'uS
les moyens d’inquifttion.Le riche paieroit le jfigej
foudoieroit des agens, 8c le pauvre qui n’ o fer oit,
qui ne pourroit fe plaindre , refteroit fans réparation
8c fans vengeance. ’C ’eft compromettre la
sûreté publique , l’intérêt du pauvre, 8c confondre
toutes les notions judiciaires, que de renfermer
Y accufation dans lé tribunal. Mais combien
n’eft-il pas plus furprenant encore que le comité
préfente un décret ifolé ? . Vous avez change; l’ ordre
judiciaire , 8c vbtis ne l’avez pas1 encore or-
ganifé î vous, avez décrété les jurés en matière
criminelle, 8c très-peu de perfonnes ont une idée
nette des jurés. Ce n’eft qu’ au moment ou vos
vues feront fixées à cet égard, que vous pourrez
décréter Y accufation publique. Aurèz-vous un ou
deux jurys3 ou trois, comme en Angleterre ? Si
vous [adoptez lé'grand jury , comment fera-1-il
inflitué ? Vous youlez deux feffions non interrompues.
En Angleterre le jury ne s’affemble que
deux fois par année. Pourquoi a-t-on établi un
grand jury en Angleterre ? C ’ eft que le royaume
n’eft divifé qu’en cinquante-deux comtés : mais
en France ou vous avez cinq cens diftrids , où
tous doivent'être indépendans les uns-des autres ,
tfl-il poffible de trouver dans chacun un nombre
de citoyens éclairés pour former lé grand jury 3
Pourra-t-il donc exifter ? S’il exifte ., quelle autorité
lui donnerez-vous ? Vous ne pouvez le dire.
Ainfi, là queftion qui vous occupe eft prématurée
: c’ eft vouloir décréter la forme avant le
-fond, 8c fe vouer à de grandes erreurs. On a
voulu vous faire craindre qu’aux approches des
éledions, • les miniftres, par le moyen de leurs
agens, ne fiffent accufer un citoyen vertueux ,
pour l’éloigner des fonctions où fa vertu feroit
redoutable } mais en Angleterre , une accufation}
une incarcération même, ne prive pas du droit
d’être' élu : un jugement par contumace ne peut
déshériter un Anglois du droit acquis par fa naif-.
Tance de repréfenter le peuple au parlement., où
M. Wilkes , repTéfentant de Mildeffex , s’eft
trouvé en cette pofition $ on a jugé qu’un décret
de prife-de-corps ne pouvoit empêcher de remplir
les fondions de repréfentant, que lorfqu’il
y avoit capture d’exécution. On nons effraie donc
inutilement du concert du procureur du roi avec
le grand jury. Que conclure de pes obfervations ?
Que la quation eft prématurée j que îe pouvoir
judiciaire n’étant pas organifé, on ne peut décréter
au pouvoir exécutif le modè de Y accufation publique.
Je ne cherche pas des échapatoires , 8c je
n’ai dyutre intérêt que celui de votre gloire. Le
pouvoir, exécutif reçoit la loi des mains du pouvoir
légiflatif : comment le pouvoir'exécutif pourra-
t-il faire exéciiter la loi , fi un officier'du roi ne
peut en dénoncer Finexécutiau ? On peut cependant
préfnmer que vous donnerez ad r o i, pour ne
vous écarter, ni de la néceffité', rri de la prudence,
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ni des principes , le droit de choifîr les accufateurs
publics. Je conclus 8c je propofe de retrancher
du projet du comité, les quatrè premiers articles ,
8c de commencer par celui-ci : « une des fonctions
des procureurs du roi fera d’ intenter les accufations
publiques :3 Bc de pourfuivre les crimes 8c les délits
fuiviint les règles 8c la cohcurrence qui feront éta-
blies par l’organifation judiciaire.
M. Thouret. Il faut réduire la queftion à fes termes
les plus fimples. Vaccufation publique fera-t-elle
déléguée au roi ? Sera-t-elle exercée par les officiers
qu’ il nommera ? en répondant par oui ou par non,
on écartera toutes les queftions acceffoires qui font
inutiles,8c qui ne fervent qu’ à faire vaguer leraifon-
nement. La queftion ainfi pofée y .il y a un principe
à fixer : expofons lé nuement, décidons le
vigoureufement : un principe n’admet jamais de
moyen terme. Si le principe eft que Vaccufation publique
ne peut appartenir au roi ni aux officiers du
roi j il faut le dire ; on ne peut jamais réparer la
perte d’un principe , ni en juftifier la violation.
Mais à qui déléguera-t-on le droit d\accufation }
Par qui fera-t-il exercé i Si le principe exclut la
délégation au r o i , une nouvelle délégation eft forcée.
C e n’eft point de. cette délégation que nous
avons à nous occuper maintenant j ce qui eft né-
ceffaire 8c fuffifant, c’ eft de décider fi le roi nommera
les officiers chargés de Vaccufation publique.
Un des préopinans a penfé que le moment le plus
favorable1 pour traiter cette queftion fera celui où
les jurés auront été organifés , parce que cette
organifation pourra , en changeant quelque partie
de notre fyftême, donner de très grandes facilités.
C e n’eft pas le point aéluel de la difcuffion qui peut
être fufpendu , parce qu’ il eft indifpenfable de le
régler pour que le comité qui s’occupe en ce moment
du réglement des jurés , puiffe marcher avec
certitude dans ce travail.
Je reviens donc à la quefiion précife. Quand vous
ayez déclaré que les r officiers du miniftère public
feroient nommés par le r o i , elle eft reftéè entière
Vous n’avez point préjugé la délégation au roi ;
vous l’ avez ainfi reconnu jeudi dernier, en rejet-
tant la queftion préalable. Vous décréterez que les
commiffaires du roi ne peuvent pas être accufateurs
publics : il leur reliera toujours des fondions
- utiles.. Être les régulateurs de tous les mouve-
mens, maintenir les formes ; prévenir , en expliquant
le féns '& I’éfprit de la lo i , lés erreurs judiciaires
au premier, au fécond degré & au-deffu's ;
demander là caffation , affurer les jugemens, veiller
à la difeipline des tribunaux 8e à la régularité
du fervice j telles feront ces fondions. Revenons
au fond d elà queftion. Déterminer la délégation
de toutes ces efpèces de fondions publiques, c’eft
faire un ade conftitutionnel ; c’eft donc au fond de
la conftitution qu’il faut remonter. J’écarte de ce
feul mot toutes confidérations tirées de nos anciens
ufages ou des ufages aduels des peuples qui n’ont