
7iî A U B 3°. Que le préfent décret fera tion royale dans le jour. porté à la fane-
M. Biau^at. Je demande que M. Dupont porte
fon projet de décret au comité de conftitution.
M. d’André. Je ne vois pas quelle obje&ion on
peut faire au décret propofé. Il eft inutile de dire
que les ennemis de la révolution cherchent à allumer
la guerre dans le royaume, on le fait ; il eft inutile de dire que dans le moment a&uel, ce
qu’il peut y avoir de plus dangereux, ce font les
émeutes, on le fait. On eflaie de perfuader encore
que l’affemblée n’eft pas libre, afin d’anéantir
la confiance en fes opérations ï pour cela on vous
fait entourer d’une multitude tumultueufe , afin
d’infinuer qu’elle influe fur vos délibérations : il
eft donc intéreffant que vos preniez des précautions.
La ville de Paris ne voudrait pas qu’on lui
imputât les a&es des mauvais citoyens. Si le dé-.
fordré continuoit, les gens riches s'éloigneraient,
& l’affemblée nationale ne pourrait continuer fes
féances dans un lieu perpétuellement agité par des
émeutes ; il eft donc de l’intérêt de Paris de maintenir
l’ordre. Si quelques membres ont des obfer-
vations à faire fur le décret propofé , qu’ils les
fàffent : il n’eft pas befoin pour cela de le renvoyer
au comité.. Je conclus à ce qu’il foit
adopté.
M. Fréteau. Je croirais manquer à mon devoir
de bon citoyen, fi je n’appuyois le décret propofé.
On vous a parlé de ce qui fe paffe dans
le royaume , & moi je fuis en état d’attefter ce
qui fe pafle hors du royaume : les mouvemens les
plus vifs fe font fentir en Allemagne & fur les
bords du Rhin ; j’ai là-deffus des avis certains ;
les miniftres du roi font forcés d’en convenir. On
foulève les puiffances étrangères , pour appuyer
par la force des armes les projets des ennemis de
notre révolution. Je vous en fupplie, au nom de
la patrie , ne fouffrez pas qu’on vous détourne
un inftant des projets de pareille importance. Je
demande que le décret foit adopté.
Le projet de décret préfentê parM. Dupont,
eft adopté à l’unanimité. Voye\ Ecrits incendiaires
, T roubles.
AUBAINE, f . m. Droit ou mage en vertu
duquel les biens d’un étranger ? non naturalifé
étoient dévolus au fife : l’aflemblée l’a fupprimé
à l’égard de toutes les nations ; il l’étoit déjà pour
un grand nombre.
Séance du vendredi 16 août iypo. ,
M. Barrère, , au nom du comité des domaines.
Vous avez chargé votre comité des domaines de
vons.préfenter fes vues fur la fupprefiion du droit
d’aubaine. Ce droit tire fon origine du temps où
il n’y avoit aucune communication entre les peu-
A U B
pies ; il appartenoit au roi, au fife , à la nation ?
qui fuccèdent à l’étranger naturalifé , quand il
n’avoit-pas difpofé , 8c au François , qui, en quittant
la France , avoit abandonné fa patrie. En en-
vifageant ce droit foiis le rapport de la conftitution
& de la légifiation, vos principes & vos décrets
ont déjà prononcé fous le rapport de la fifcalité ;
il*ne préfentoit pas de grands avantages, puifque
fon produit s’élevoit à peine à quarante mille
francs. Le comité m’a chargé de vous préfenter
le projet de décret fuivant.
L’aflemblée nationale , après avoir entendu
fon comité des domaines , confidérant que le
droit d'aubaine eft contraire aux principes de
fraternité qui • doivent lier tous les hommes ,
quels que foient leur pays & leur gouvernement
; que ce droit , établi dans des temps
barbares, doit être proferit chez un peuple qui a
fondé fa conftitution fur les droits de l’homme &
du citoyen ; & que la France libre doit ouvrir
fon fein à tous les peuples de la terre , en les invitant
~a jouir , {ous-un gouvernement libre, des
droits facrés & inaliénables de l’humanité , a décrété
& décrète ce qui fuit : i.°. le droit aubaine
& celui de détra&ion font abolis pour toujours
; 2°. toutes procédures , pourfuites & recherches
qui auraient ce droit pour objet, font
éteintes.
Ce projet de décret eft adopté à l’unanimité &
fans difeuflion.
Séance du 12 fcptunbre lypo,
M. Barrère. En prononçant le 16 août dernier,’
l’abolition du droit d’aubaine & de détraélion,
vous avez donné un grand exemple de fraternité
à toutes les nations , & vous avez commencé à
effacer de leur code un droit odieux & barbare
que la raifon 8c la philofophie avoient proferit
depuis long-temps ; mais la difpofition trop vague
du décret que vous avez rendu, peut en diminuer
les bienfaits. Le fife, toujours ingénieux à reproduire
fes prétentions , menacé' d’élever deux
queftions importantes, mais bien Amples, fur lesquelles
vous devez prononcer aujourd’hui pour
difliper tous les doutes. La première confifte à
favoir fi le droit d'aubaine aboli en général par
votre décret du 16 août,eft aboli dans vos pof-
feflions dans les deux Indes. Sans doute il n’eft
aucun de vous qui perife que les légiflateurs de
l ’empire François puiffent en ifoler quelques parties
, & les priver ainfi des bienfaits de la légifla-,
tion.
Quand un droit qui avoit été attaché à la fou-
veraineté nationale , eft aboli ', il l’eft pour toutes
les poffeflions françoifes ; car , comment le fife engloutirait
- il les fucceflions- des étrangers morts
dans les colonies , tandis qu’il les làifferoit intaéles
en Europe ? O u i, l’étranger qui aborde nos bords
dans les deux hémifphères , doit trouver par-tout
une loi aufli hofpitalière , par-tout les mêmes
caraâères de liberté. Cependant des vaiflfeaux ont
a u B
été faifis dans nos colonies, 8c des habitans de
l’Amérique feptentrionale ; 8c vous fentez déjà
combien il eft important de pourfuivre dans fon
dernier refuge, ce droit d’aubaine qui n’a pas encore
cédé tout entier à la jufiiee de l’aflemblee
nationale : il importe à la gloire du légiflateur
que les dernières racines fie cet ufage viügotli
foient extirpées de tons nos domaines : il importe
à la bonne intelligence qui doit régner entre deux
peuples libres, que cette opération foit prompte.
Vous concevez fans peine, l’effet que doit produire
fur la nation américaine , la répétition de cette
cruelle confifcation qu’encourt, à la mort de fon
capitaine , un vaiffeau qui eft la- propriété de
plufieurs familles de la conftitution des Etats-unis.
Des hommes libres qui n’ont jamais connu cet infâme
üfage, inventé en Europe, ne doivent point
le trouver chez leurs femblables , leurs amis, leurs
frères en liberté. Prenez garde : demander la fup-
preflion, ou plutôt déclarer que vous l’avez étendue
aux colonies comme au continent , c’eft ne
rien demander qui augmente les privilèges ou les
avantages commerciaux des Américains. Par les
loix françoifes , les vaiflfeaux de cette nation font
librement admis dans certains ports de nos ifles;
c’eft en leur faveur feulement que le droit aubaine
doit être aboli. Quant à ces vaifleaux qui fe
livrent dans les mêmes ifles à un commerce interlope
& frauduleux , nous n’avons rien à demander
pour eux ; & pour avoir le droit de les
confifquer , on n’a pas befoin d’attendre là mort
de celui qui les -commande. Le comité a penfé ,
fur cette première queftion, que vous devez déclarer
que votre décret s’étend aux poffeflions
françoifes dans les deux Irides. La fécondé queftion
confifte à favoir fi , en aboliffant le droit à!aubaine
, vous avez entendu que les étrangers fuffent
capables de fuccéder à leurs parens françois décédés
en France, ou dans les poffeflions françoifes,
fans être affujetris à y demeurer pour y exercer
leurs droits héréditaires. Pour décider cette queftion
, il faut favoir que tous les traités par lefquels
la France a fait des conventions concernant le
droit d'aubaine, fe divifent en deux claffes. La
première claffe eft de ceux portant abolition du
droit d’aubaine, avec conceflion de la faculté de
recueillir toutes fucceflions teftamentaires ou ab intestat
, comme des regnicolés. Tel eft le traité paffé,
figné par la France,à Aix-la-Chapelle. La fécondé
claffe renferme les traités contenant l’abolition réciproque
du droit d'aubaine, avec conceflion de
la faculté de tefter & autres concédions qui n’équivalent
pas à ce qui eft porté par les traités
de la première claffe , en ce qu’il n’en réfulte pas
que l’étranger ait droit de recueillir la fucceflion
de fon parent françois , feul ou concurrement avec
d’autres parens françois. Tels font les traités de
la France avec la Bavière, la Polpgne , Francfort
, &c. &c. Ainfi, la fimple abolition du droit
dé aubaine, prononcée par votre décret du 16 août,
A U B 7zî
f eft infufffante & incomplète, fi vous ne déclarez-
: le droit qu’a l’étranger de fuccéder à fon parent
françois décédé en France. Vous devez effacer le
Vice de pérégrinité dont le fife pourrait encore'
abufer contre vos intentions connues. Vous devez
accorder7 le même bienfait à tous les peuples. —
Voici les principes du fife. Les étrangers font incapables
de fuccéder & de recevoir par teftament.
Les étrangers font incapables de tranfinettre leurs
fucceflions, foit ab inteflat, foit par teftament ;
la feule exception”eft en faveur de leurs enfans
& defeendans régnicoles, c’eft-à-dire, non-feulement
établis dans les royaume , mais encore naturels
ou naturalifés .*• & ce qui eft encore plus
barbare , c’eft que les pères & mères ne fuccèdent
pas, dans les mêmes cas, à leurs en-
fans,'la réciprocité n’ayant pas lieu à leur égard.
C’eft à vous qu’il appartient de faire ceffer cette
différence odieufe que nos Ibix établiffoient entre
le droit ftridement appellé droit d’aubaine, 8c le
vice de pérégrinité ou capacité de fuccéder.
C’eft à vous de faire cefl'er cette diftin&ion de
droits plus ou moins favorables à diverfes nations.
Sans doute vous n’avez pas voulu faire feulement
pour les autres nations une fimple remife
du droit fifcal, qui donnoit au roi la fucceflion
de l’étranger ; vos froids diplomatiftes alloient bien
plus loin, lorfqu’ils accordoientà quelques peuples
voifins, non-feulement la capacité de tranfmettre
leurs fucceflions, mais encore la capacité de fuccéder
& de recevoir par teftament fans aucune
reftri&ion. Il y a plus, les anciens tribunaux de
France adjugeoient les fucceflions à des étrangers.
On connoît tous les efforts que fit en 1781, devant
un de ces tribunaux , les requêtes du palais ,
un de nos collègues , M. Martineau , plaidant
pour MM. Pellerin, Français, pour faire exclure
de la fucceflion de M. Lemmens, M. Maximilien
Lemmens , prêtre , ancien curé de Lenzon en
Brabant, fous prétexte que l’ordre des fucceflions
eft immuable , 8c que les étrangers feulement
exempts du droit d'aubaine , font incapables de
fucceflions & de legs , parce que les privilèges
accordés par les traités , ne pouvoient, difoit-il
avoir lieu que fous la réferve des droits de leurs
füjets. Mais les principes de monopole de fucceflion
furent rejettés par une fentence des requêtes
du palais. Jj Ainfi , ce ■ que des diplomatiftes
8c des juges de l’ancien régime écrivoient
8c jugeoient ,. ce que le légiflateur provifoire ac-
cordoit aux autres nations ., ce que la politique
a acc©rdé pour certaines foires 8c marchés, pour
certaines profeflions, pour certaine nature de biens
& de rentes , le véritable légiflateur peut l’accorder
en faveur des grands principes de la liberté
8c de la raifon,. & de l’efprit fraternel qui doit
unir tous les peuples. C ’eft d’après ces obferva-
tions que j’ai l’honneur de vous propofer le projet
de décret fuivant, du comité des domaines.
« L’affemblée nationale ne voulant laiffer aucun