
nationale j compofée de propriétaires plus riches,
auroit réprouvé cette fatale mefure. O r , voici qu’un
autre détraéleur des ajfignats dit au peuple, dans
fon pamphlet fur le renchériffement du pain, que
les ajfignats ne font bons que pour les gens riches.
Daignez donc vous accorder , pour que nous fâchions
auquel répondre.
En attendant , nous demandons à celui qui
• feinble invoquer le jugement des riches propriétaires
contre ces affgnats, comment il penfe que
ces propriétaires s’accommodent de la fituation
a&ueile des chofes, où les terres perdent chaque
jour de leur valeur, faute d’argent pour les acquérir
, où un très-grand nombre d’entre eux font
forcés de les vendre à vil prix , foit qu’ils ne
trouvent pas à emprunter pour les affranchir , foit
qu’elles ne puiffent pas fupporter l’intérêt énorme
qu’on leur demande. Qu’il nous dife fi , le numéraire
, n’étant -point augmenté , ces terre* ne
feront pas encore plus déprifées par la concurrence
prochaine de deux ou trois milliards de
biens nationaux. Qu’il nous dife encore, fi des
contrats ou des quittances, dont les dix - neuf
vingtièmes feront à vendre , loin de fournir de
nouveaux moyens de circulation, ne l’appauvri-
ronji pas toujours davantage ; fi tout cela peut
relever le prix des fonds territoriaux, & améliorer
le fort des propriétaires.
Il ne manquent plus à ce philofophe que dé
fe paffionner contre le projet des ajjîgnats , au
point d’y voir trois ou quatre banqueroutes les unes
fur les autres. Que nous confeille-t-il à la place ?
les chères quittances de finances, c’eft-à-dire, la
perte inévitable du quart au moins de ces' quittances
pour la malheureufe foule des vendeurs.
En vérité, c’eft-là un étrange remède. On reproche
au fyfiême de liquidation par les affgnats,
qu’ils feront 'répandus long-temps avant que les
domaines nationaux s’achètent ; qae l’acquit de ces
domaines, par leur moyen , ne s’accomplira qu’au
bout de plufieurs années ; & qu’ainfi l’on ne peut
regarder l’achat des biens nationaux comme dé-
barraflant à mefure la circulation, puifqu’elle en
fera d’abord furchargée. J’obferve fur cela, i !. qu’il
s’en faut bien que la fournie d'ajfgnats que nous
propofons , double, dans la circulation aâuelle ,
la forame de numéraire que nous pofi'édons ordinairement.
La moitié peut-être de cet avoir en
numéraire adifparu de la circulation ; ce déficit
qui tend à:,sîaccroître, peut parvenir au point le
plus effrayant. Ainfi l’émiffion propofée ne fait
en plus grande partie que combler le vuide & réparer
la perte. 3.0. Il eft impoffible, quelque diligence
que l’on mette dans fexamen des créances,
Pappurement des comptes & la fabrication des af-
Jîg/t-ats 9 de confommer cette grande opération fans
un érayail de plufieurs mois , peut-être de plus
d’une année. On n’a donc pas à craindre une
énîiffipn prompte & brufque de la totalité des
(tffimaçs. 30. Avan,t la liquidation de la dette exigîble,
St l’émiffion de tous les ajfgnats décrétés,
une partie de ceux qui auront déjà été délivrés,
rentrera dans la caiflê de l’extraordinaire , foit
par le premier paiement des acquifitiôns effectuées
, foit par'le paiement complet de celles
dont les acquéreurs ne voudront pas jouir des délais;
de forte qu’il n’exiftera jamais à la fois dans
la circulation la totalité des ajfgnats émis. 40. Cette
mefure ayant pour objet de nous faire franchir,
par des fecours néceffaires , cette époque de com-
preffion & de befoin , le numéraire à . mefure
que le calme & la confiance reprendront le
deffiis, 8t que les affaires fe rétabliront, fera rap-
pellé & remplacera à fon tour les ajfgnats qui
s’écouleront par » les paiemens annuels vers la
caiffe de l’extraordinaire. Cette fubftitution du numéraire
aux ajjîgnats, aura douze ans pour s’accomplir.
Pendant ce temps, la nation jouira
du produit des biens qui ne feront pas encore
vendus ou acquittés ; .& les particuliers tireront
des ajjîgnats fous les fecours que les bèfoins
de la circulation & l’état des chofes pourront
exiger.
Mais eft-on plus heureux dans les mefures qu’on
propofe , au lien d'affgnats , pour la liquidation
de la dette, que dans le combat qu’on livre pour
les écarter ? On vous parle des quittances de
finances.efeortées d’un intérêt plus ou moins fort.
A la réquifition du porteur -9 elles, feront échangées
directement contre Jes biens nationaux ; &
voilà cette créance éteinte , cette partie de la
dette liquidée. J’entends : on part donc de cette
vente comme inconteftable ; c’eft de l’or que l’on
met dans la main du créancier , qui n’a qu’à vouloir
pour acquérir. On ne peut donc pas refiifer
aux ajjîgnats la même folidité, la même valeur ;
c’eft de l’or auffi ; & la mqjndre défiance qui
ébranleroit leur crédit, feroit tomber de même
les quittances. Mais ces quittances, qu’en feront
les propriétaires ? que de papiers morts ajoutés à
d’autres papiers morts ! Quel cimetiere de capitaux!
Ces quittances auront-elles la faculté de métamo-
phofer leurs maîtres en agriculteurs? Le plus grand
nombre d’entre eux ne pourront pas faire cette
difpofition de leur fortune. Une foule de créanciers
& d’arrière-créanciers fe préfentexa ; le gage
n’eft pas tranfmiffble à volonté; & il faudra vendre.
Cette maffe énorme d’effets va créer, dans
la bourfe de Paris , un nouveau commerce im-
produâif, qui achèvera “de miner toutes les branches
du commerce utile , & toute autre efpèee
d’induftrie. C’eft-là que les ajfignats a&uellement
en circulation , & le peu d’écus qui reftent encore
dans le royaume, feront attirés par_ce nouveau
tourbillon vraiment dévorant. C’eft - là que feront^,
pompés les derniers fucs qui laiffent encore à nos affaires
une ombre de vie. Mais qui s’engraifl’era
derechef aux dépens delà chofe publique ? ceux-
là feulement. qui ont des écus libres , des millicins
à leurs ordres ; taudis que la pluralité des çréanciers
de l’état verront leur ruine, au moment où
ils feront argent dé lents quittances.
En laiffant dans l’abîme cette multitude de victimes
, fuivons la deftinée de ces effets. Ou le ca-
pitalifte accapareur.,. après avoir fpéculé fur les
quittances, fpéculera encore fur les domaines ; il
diélera la loi .aux campagnes, & vendra cher fon
crédit à leurs habitans ;ou il gardera dans fon portefeuille
ces quittances acquifes à vil prix, qui lui
rapporteront un intérêt confidérable ; & dès-lors
les biens nationaux ne fe vendront pas. Le remède
à ce mal feroit donc de fouftraire ces porteurs
de quittances à la fervitude de leur pofition,
à l’empire de leurs créanciers ; de donner à leurs
créances fur l’état une valeur qu’elles ne puiffent
perdre , de manière que, paffant de main en main ,
elles rencontrent enfin un propriétaire qui puiffe
les réalifer. Or , c’eft-là precifément la nature &
la fan£tion des a//îgnats-m onnoie. Des. revers multiplies
, dit-on, les attendent dans la carrière qu’ils
ont à fournir. Mais ces prophètes de malheur ne
connoiffent pas de quels fpéculateurs ils font les
aveugles échos ; ils fe perdent dans l’avenir, &
ne favent pas voir ee qui fe paffe autour d’eux.
Voici le myftère : on peut faire trois claffes principales,
des détrafteurs ou des déferffeurs de s ajjîgnats.
La première eft compofée de ceiix • qui,
jugeant la mefure des ajjîgnats indifpenfkble , ne
laiffent pas d’en dire beaucoup de mal ; & pourquoi
? c’eft qu’ils veulent , par ce moyerT, empêcher
l’effor des effets publics; & ils en achètent
tant qu’ils peuvent , certains de la faveur que la
nouvelle création à'ajfgnats leur donnera. Le décri
des ajjîgnats eft pour ces gens - là une fpé-
culation de fortune. La fécondé claffe eft v celle
qui a vendu des effets à terme ; elle tremble que
ces effets ne haùflent : fon intérêt eft auff de décrier
les ajjîgnats , de prêcher les quittances de
finances, les moyens qui retardent le crédit; mais
voyant que la mefure des ajjîgnats prend faveur ,
ils s’efforcent de leur affocier du moins quelque
papier lourd , d’artacher le mort au v i f , afin de
retarder l’aétion de celui-ci, & de diminuer leur
perte. La troifième claffe eft celle -qui fe déclare
en faveur des ajfignats , rondemeHt, confciencieufe-
ment, en les regardant comme un moyen nécef-
faire & patriotique. Je crois fermement qu’on doit
ranger dans cette claffe les premiers promoteurs
des ajfignats & la grande majorité de ceux qui font
attachés à.cette mefure. (O n applaudit).
Un orateur s’élève avec un nouveau projet à
la main, il rejette , dès l’entrée, les ajfignats , &
fes premiers argumens font les troubles répandus
dans le royaume , les défordres fufeités par les
ennemis de la révolution , & la défiance publique
qui en eft la fuite. O r , je vois bien là les raifons
qui chaffent l’argent, qui créent la misère générale
; mais je n’y vois pas celles qui empêchent
qu’on ne remplace cet argent, qtfon ne fubvienne à cette misère | & je plains l’orateur qui marche
ici a rebours de fes intentions , & qui plaide fi
bien ', fans s’en appercevoir , en faveur du parti
qu’il vouloir combattre. Il continue ; il fe recrie *
de ce qu’on penfe faire des amis à la conftirution ,
par la cupidité & non par la juftice. Mais les ajfi-
gnàts - monnoie font juftice à tout le monde ; mais -
ils fouftraient une foule de citoyens à la cupidité
de quelques hommes. Eh ! vraiment, il eft permis
, peut-être , de combattre un intérêt par un
autre ; il eft permis d’oppofer à l’intérêt mal en-
tendu , qui fait les anti-révolutionnaires , un interet
bien entendu , qui arrache les égoïftes à
leux fyftême d’indépendance , & les lie , par leur
fortune particulière , à la fortune publique , au
fucces de la révolution. Je fupplie donc cesmo1-
rahftes fublimes qui s’indignent ici contre moi,
de me permettre de ramper loin d’eux dans” la
baffeffe du feus commun & d’une raifon toute
vulgaire. ( On applaudit ). L’honorable membre
defcend enfin à la propofition d’un décret, où il
admet pour huit cens millions de ces redoutables
ajfgnats. L académicien qui les a comparés à de
l’arfenic, pourra trouver que la dofe ici en eft
un peu forte ; mais voici le grand antidote : ce
font les quittances de finances. L’orateur en demande
pour le rembourfement de la dette &ces
quittances ne pourront être refnfées en paiement
par les créanciers bailleurs de fonds. Mais rien ,
félon moi, de plus inadmiffible que cette mefure.
Comment l’étar peut-il diftinguer deux efpèces de
créanciers pour la même quittance ? Celui qui la
reçoit de la fécondé main ne devient-ils pas créancier
de l’état , au même titre que celui qui la
reçoit de la première ? Pourquoi donc cette quittance
commence-t-elle par exercer, en faveur de
1 un , les droits de papier forcé, pour tomber rout-
à-coup , an préjudice de l’autre , dans les inconvénient
du papier libre? La juftice a-t-elle ainft
deux poids oc deux mefures ? 8c la nation peut-elle
les admettre dans fa balance ? Un prélat a fixé
l’attention fur cette matière,, Je ne me propofe
pas de fuivre le fil délié de fa difeuflion contre
les ajjîgnats. Il me fuffira d’en faifir quelques traits
effentiels, & de leur oppofer un petit nombre de
vérités Amples & inconteflables.
^ Cet orateur obferve que les biens nationaux
n étant point une augmentation de richefles territoriales
, les ajjîgnats qui en font le type ne re-
préfentent point non plus une richeffe nouvelle
& il rejette, en conféquence , la qualité de monnoie
qu’on veut leur donner. J’obferve h mon tour
que fi les biens.nationaux ne font pas une nouvelle
richefie , ils font du moins une nouvelle
marchandife ; que les ajjîgnats peuvent être institués
par-la meme, comme une monnoie accidentelle
pour les acquérir, & qu’ils difparoîtront
quand la vente fera coufommée. ( On applaudit >.
On a vu des mations forcées de créer au liafard
du papler-monnoie , dans des circonftances pareilles
aux nôtres, Plus hgureiçx dans nos befoins 3