
verrez l'inquiétude difparoître , & le crédit des
ajjignats s’affurer.
Ôn a bien penfé qu’il ne fuffiroit pas de chercher
à établir que les ajjignats éprouveront du discrédit
; on a cru devoir s’appuyer du changement
dans la proportion des valeurs. Il a fallu
foire la fauffe fuppofition d’une émiffion fimul-
tanée de dix-neuf cens millions d'ajjignats : on a
propofé , à la vérité de rembourfer les creances
exigibles pour cette femme ; mais il eft faux que
cette émiffion fimultanée foit poffible : mais vous
verrez, du moment où les ventes leront ouvertes ,
fe faire des achats confidérables ; en ne calculant
les ventes qui font actuellement certaines, qu’au
cinquième de la maffe des foumiffions qui ont ete
faites, au moment où les ventes s’eâèâueroient, il
y-aurait un retrait de quatre ou cinq cens millions
([’ajjignats. Il en rentrera d’autres pendant le
temps confidérable qui fera néceffaire pour la liquidation
: ainfi peut-être n’y àura-t-il jamais en
circulation que le tiers des ajjignats que vous
aurez décrétés. Si cependant- on'conferve des
craintes, il eft focile de déterminer dans le décret
la quantité qui pourra être mile Simultanément
émiffion : le langage de la loi peut raffiirer, s’il
refte des incertitudes fur le fifc. ( On applaudit ).
En créant des ajjignats, ce ne fera pas mettre
des valeurs nouvelles dans le commerce , mais
donner la faculté de fe mouvoir aux biens enchaînés
dans les mains du gouvernement c’eft:
en quoi ce papier ne reffemble en rien aux autres
papiers-monnoie. Vous manquez, de numéraire
& de capitaux circulans.; les droits.féodaux
doivent être rembourfés : les biens nationaux fe
trouvent mis en vente , & vous n’avez pas les
moyens d’acquérir; Il fe trouve avec une grande
augmentation de chofes à vendre , une grande
diminution des moyens d’acheter ; donc la proportion
des valeurs baifferoit prodigieufement ,
fi on, n’augmentoit les moyens d’acquérir ; donc ,
en augmentant les moyens d’acquérir dans une
proportion égale à l’augmentation des chofes à
vendre, la- proportion des valeurs ne fera pas
changée. ( On applaudit. ) Quelle eft donc la v é ritable
volonté de ceux qui demandent d es ajjignats y
& de ceux qui les. combattent ? Les uns veulent
rétablir- L’équilibre entre les moyens de vente &
lès. moyens d’achat ; les autres veulent le détruire.
( On- applaudit.. ) Je réduis ce parallèle à des.
expreffions plus fimples ceux qui veulent des
ajjignats,. veulent la poffibilifé d’acheter ; les autres,
l’impoffibilité de vendre r l’impoffibilité. de.
tranfmettrê l’impoffibilité d’être dépouillés. ( Les
applaudi ffémens redoublent).
On a multiplié avec prodigalité les niaux qu’on-
prétendoit devoir réfulter pour l’agriculture ,. de
l’émiflion* des ajjignats& l’on a écarté les maux.’
qui dévoient -réfulter,, pour les propriétaires de
terres de la privation de capitaux circulans. Ces
mêmes: propriétaires auroient intérêt à. leur circu-
1 latioiî, s’ils n’avoient intérêt .à empêcher l’exécu»
tion de nos vues coiiftitudonnelles. ( Une grande
| partie de l’affemblée applaudit. ) Les adverlaires
des ajjignats fe font bien gardés de donner à ces
lignes circulans leur véritable place. Ils ne les
ont pas mis dans ces grandes tranfa&ions où ils
font néceffaires & avantageux à la fociété. Ils les
ont placés dans les confommations immédiates *
dans le prix des comeftibles , où ils ne prendront
que la place du numéraire difparu. On
n’auroit vu que richeffe & profpérité ; on n’au-
roit pas vu 1900 millions de capitaux deftinés à
acheter du pain. ( Los applaudiftemens .redoublent.
) I l eft cependant certain que les ajjignats
entreront immédiatement dans la circulation des
capitaux , parce qu’ils feront fubftimés aux capitaux
des créanciers de l’état. On ne confomme pas
avec fes capitaux. La circulation de confomma-
tion n’attire que ce qui eft abfolument néceffaire.
De même, quand un particulier' n’a pas aflez de
revenu, il eft obligé .de prendre une petite partie
de fon capital pour la joindre à fon revenu. ( Les
applaudiftemens augmentent ).
M , h prèjidmt. J ’ordonne, aux tribunes de fe
tenir dans le filence.
M. Barnave continue. C ’eft donc une véritable
abfurdité, une fouveraine ignorance dés principes
de la circulation, que de croire & de dire que
les ajjignats feront employés en quantité confidé-
rable à l’achat des confommations. Lorfqu’on a cité
l’autorité de Shmith , dont on n’a éefte de traveftir
les raifonnemens, il aûroit fallu expofer fes véritables
principes , qui. font en entier à l’avantage
de mon opinion. A quoi feront donc employés
les capitaux pendant le temps qu’ils pafleront dans
la fociété, avant de s’amortir fur les biens ecclé-
fiaftiques ? Aux grandes tranfo&ions qui font fleurir
. l’agriculmre , qui vivifient le commerce ; ils
augmenteront l’aélivité des mannfaâures ils fo-
voriferont L’induftrie & amélioreront les changes,.
au lieu de les détériorer. Tant qu’il n’y aura pas
de proportion entre les chofes à vendre & les
moyens d’acheter, il n’y aura donc nulle diminution
dans les valeurs ; la proportion -du numéraire,,
par la mile en vente des biens nationaux ,,
fe trouvera moins confidérable qifavant la révolution.
Donc , le change, loin de nous être défavorable
, tournera- à. notre avantage, il en fera
de même de la balance du commerce. Je le prouve
1 par le fait : elle a perdu depuis le commencement de
la révolution': cen’eft pas l’augmenta tion de confom»
mation de march an dites étrangères; car toutlemonde
fait qu’on en a moins confommé-. Elle n’a pas perdu
par l’accroiffement du numéraire ; car tout le
monde fait qu’une grande partie du numéraire a
difparu. Elle n’a pas perdu par l’augmentation du
prix des folâtres; car tout le monde fait que ce
prix a diminue. D ’où réfulte donc la diminution
de notre balance de commerce- depuis la révolution
l C ’eft du delféchement, c’eft.du befoin decapitaux
; c’eft donc là qu’il faut porter le remède. Il
eft fi réel-, que c’eft par le défaut de capitaux &
de numéraire, que c’eft toujours par les mêmes
coups qu’une nation perd ou gagne dans la balance
du commerce. Si le désavantage dans cette-ba-
lance venoit de l’augmentation du numéraire, la
Pologne feroit, fous ce rapport, le pays le plus
favorifé. L ’Angleterre & la Hollande, les deux
nations qui ont le plus de numéraire, font celles
qui profitent le plus dans les tranfa&ions avec
les autres peuples ; elles ont augmenté leurs papiers
circulans pour conftcrer leur numéraire
effectif aux opérations extérieures. Si vous voulez
dire que la Pologne eft dans une meilleure pofi-
tion à cet égard que ces deux nations, fuppri-
mez le numéraire ; fi vous reconnoiffez que l’Angleterre
& la Hollande font les plus induftrieufes
& les plus commerciales des nations , reconnoiffez
tfonc qu’il faut accroître le numéraire , que c’eft
le moyen d’augmenter la balance du commerce
& les avantages du change. Ou les raifonne-
inens & les faits ne font rien, ou les coüféquen-
Ces de ce parallèle font inconteftàbles-; ce pa-
rarallèle eft ici la véritable prophétie : cela
eft fi vrai , qu’avant le moment où la défiance
avoit foit difparôîrre le numéraire, chacun fe plai-
gnoit du défaut de capitaux , chacun demandoit
la fortie de ces capitaux enfouis", refferrés au centre
du royaume par un gouvernement emprunteur.
Il y a long temps que le commerce bien entendu
, que l’indufirie vraiment aélive follicitent
ce qu’on vous propofe aujourd’hui. ( On applaudit. )
A in fi, toutes les frayeurs dont on s’étaie, portent
fur deux erreurs de foit , l’aviliflement des
ajjignats, la diminution de l’induftrie. S’il eft vrai
que les ajjignats ne feront pas av ilis, qu’ils feront
revivre l’induftria,, c’eft à nous à les rétorquer à
ceux qui les ont préfentés. Mais, s’il n’y a rien
de réel dans ces motifs, il en eft d’autres qu’on
n’a pas voulu dire ; ils font palpables. Si on s’eft
attaché à feruter les intentions de ceux qui veulent
des ajjignats, il eft jufte de feruter les intentions
de ceux qui les combattent. ( On applaudit. )
Je divife ces adverfaires en deux clafles ; je trouve
d’un côté l’intérêt des financiers, des agioteurs ,
des agèns-de-change ; de l’autre , l’intérêt de ceux
qui ne veulent pas la révolution. ( On murmure'
à droite, on applaudit à gauche. ) Cette' opération
qui balaie la place des papiers qui s’y réunif-
fent, qui anéantit ce genré coupable d’induftrie ,
fait grand tort à ceux que cette induftrie ali—
mentoit. I l eft évident que les créanciers opulens
retiraient un intérêt plus fort ; il eft évident,
qu’avec dés quittances de finances qu’ils accapareront
, ils accapareront les biens nationaux. Il eft
évident que ceux qui ont dans leurs mains tous
les capitaux , font les ufuriers de la fociété ; qu’ils
vivent de l’ufure continuelle , qui a perdu l’état
& l’induftrie ; il eft clair qu’ils perdent dans une
opération qui répand les capitaux dans toutes les
[ mains, & qui affure à l’état & à I’induftrie des
fecours à un prix modéré ; il eft clair qu’ils perdent
dans une opération qui fera difparoître ces
richeffes ufurières. On a ofé oppofer ici l’agiotage
aux ajjignats , dans le même moment où
l’on propofoit des quittances de finances. Mais
comment s’alimente l’agiotage ? par la variabilité
des valeurs, par les marchés étroits & concentrés.
Dans des marchés refferrés, on peut,
en répandant des nouvelles fauffes., des inquiétudes
préparées , faire changer les prix ; mais quand les-
capitaux font difféminés fur toute la furface du
• royaume, il n’eft que la raifon & la vérité quiL
foffent varier les valeurs.
Les quittances de finances fe trouvant en pende
mains , n'étant pas tranfmiffibles , iront des mains
du créancier pauvre dans les mains du créancier
riche ; elles fe concentreront davantage ; toutes
les nouvelles agiront fur elles, & leur valeur
variera fans proportion ni mefure. Dans cette
foule de tranfaélions qui fe font continuellement
entre le riche & le pauvre, les prix & les valeurs
varieront dans les proportions diverfes des befoins
des divers vendeurs. Dans un gouvernement arbitraire
un petit nombre d’hommes femoient l’efpoir
& la crainte, & difpofoient de la fortune publique ;
l’agiotage n’aura pas, il eft v ra i, les mêmes refr
fources chez un peuple libre ; mais les illufions
momentanées & locales qui n’exifteront pas pour
les ajjignats répandus par-tout, influeront fur les
quittances de finances qui ne fe trouveront qu’à
la bourfe, dans ce marché étroit & concentré, où
l’adreffe & l’intérêt fauront, avec fuecès, multiplier
leurs dangereux efforts. Donc les quittances
de finances ne fe trouveront inftituées que pour
l’agiotage. Mais après avoir fait rentrer dans fes
mains , d’une manière inique les quittances de
finances , le petit nombre de leurs propriétaires
viendra faire , fur les biens nationaux , les mêmes
opérations. Le pauvre avoit été dépouillé, parce
qu’on avoit abufé de fes befoins, on abufera de
même des befoins publics. Ainfi , les quittances
de finance, fovorifent l’ufure envers les pauvres
créanciers, envers l’état, une ufure énorme qui
avilirait les ventes en enrichiffant quelques-uns.
De-là ces écrits , ces délibérations des villes.
Donc l’intérêt eft dévoilé, la caufe eft connue.
Ceux qui font intéreffés à empêcher l’émiffion des
ajjignats, impriment le mouvement contraire au
voeu national & de la raifon. ( On applaudit ).
Il y a encore un autre motif pour empêcher
que la vente des biens ci-devant eccléftaftiques
ne s’effeôue ; on efpère que l’impôt, par fon
accroiffement, devenant odieux au peuple, on r.e
pourra mettre en mouvement nos inftitutons ,
payer nos adminiftrateurs, & que la conftitution
n’exiftera que fur le papier. On a beaucoup dit
ici qu’il felloit rétablir l’ordre, qu’il folloït rendre
de l’énergie à la puiffânee publique, de l’a61 ivite
aux lo ix , que fans Cela on n’auroit ni numé