
.entre elles des rapports d’alliance & de fraternité ;
vous fentez, Meffieurs, combien il eft important
de conferver avec elles une proportion de force qui
puifle en impofer & ôter aux monarques qui en
difpofent le defir de nous attaquer, par l’efpoir de
le faire avec fucçès ; vous fentez combien il eft
important de nous affurer, de mettre au grand jour
nos moyens de défenfe, pour éloigner de nous les
agrefliônSj on les repouffer fi elles avoient lieu,.
Nous devons donc préparer des moyens dignes d’une
grande nation, & qui nous mettent à même d’en
jufer rarement.
Quand il s’agira de déterminer quel nombre de
troupes eft néceffaire à la pofition géographique de
la France, & aux circonftances politiques dont elle
eft environnée, il fera facile de prouver que les
;cent quarante mille hommes demandés par le comité
militaire , ne font pas, en temps de paix, un
nombre trop confidérable, & ne forme pas ^ en
temps de guerre , la moitié des forces qui peuvent
être néceffaires à notre défenfe. Il eft donc indif-
penfable de vous occuper des mefures à prendre
pour vous procurer cette quantité de foldats ; car il
eft impofîible de vous diffimuler, Mefiieurs, que
les engagemens volontaires font abfolument infuf-
fifans pour alimenter Y armée en temps de guerre;
que, dg. tout temps , il a fallu recourir à l’emploi des
milices ; que c’eft à ce régime, vicieux à- tant
d’égards., qu’il faut fuppléer. C ’eft ici le moment
de rappeller le principe , que tout citoyen doit fes
fervices à la patrie , & qu’il eft de fon devoir de
voler à fa défenfe. jad is , cette obligation étoit pénible
, lorfque la guerre fe faifoit prefque toujours
pour les intérêts particuliers des rois ; mais avec
quel enthoufiafme des citoyens ne prendront-ils pas
les armes, pour les feuls motifs qui pourront déformais
les leur mettre à la main, celui d’une légitime
défenfe, ou l’utile & glorieux projet d’aider
les autres peuples à conquérir leur liberté i Mais la
.conftitution doit s’aflurer que cette néceffité de fe
procurer des forces extraordinaires en temps de
guerre, ne fera pas un prétexte pour violer les
droits des citoyens & entreprendre fur leur liberté ;
elle aura donc à prefcrire les règles qui devront
être fui vies.
Un moyen facile fe préfente naturellement,
Meilleurs, pour vous affurer que la patrie ne manr
quera pas de défenfeurs, & ce moyen fe trouve
dans l’établiffement des milices nationales, En effet,
quoique j ’ignore fur quelles bafes votre comité de
conftitution fe propofe de les inftituer, il n’eft pas
douteux cependant qu’il n’établiffe une confcription
nationale, .où tous les citoyens en état de porter les
.armes devront être compris. C’eft dans cette maffe
impofante de la meilleure efpèce d’hommes, qui
prefque tous auront déjà quelques notions d’évolutions
militaires , ou au moinane feront pas étrangers
au maniement des armes, que devront'être pris
ceux que vous deftinerez à fervir d’auxiliaires en
peipps de guerre, i l nè s’agira plus alors que de
favôîr combien chaque département rêiifer-men
d’hommes infcrits, & de répartir, d’après cetrçl
opinion, le nombre de ceux que les circonftancçjl
exigeroient.
Je fais qu'au premier regard, il peut paroitreI
difficile de concilier cette mefure avec la liberté
v individuelle dont tous les citoyens doivent jouir * I
mais je fais auffi qu’en y refléchiffan.t, il fera facile
de trouver des moyens de convertir cette obligation
commune en une diftinéiion honorable., avanta-
geufe, & faite pour exciter l'émulation des ci-
toyens. Je pourrois, Meffieurs, mettre fous vos I
yeux plufieurs idées propres à remplir ces vues1
niais votre comité de conftitution ayant été chargé
de vous foumettre un plan fur l’infiitution des milices
nationales, dans le fein defquelles les foldats a
Jiaires feront néceffairement choifis., je m’abftiens I
de vous les développer, en vous propefant de char* I
ger ce comité de fe concerter àvçc le comité militaire
, pour vous prçfeiiter jnce.ffamment fe$ vues |
à c.et égard.
Les loix qui protègent l'honneur, la vie, les |
propriétés des citoyens, devant être d’une égale
impartialité pour tous, le pouvoir co.nffituant devra !
diriger avec fo.in l’établiffement des tribunaux militaires
, régler leur compétence, diftinguer les cas j
qui doivent y reffortir, de ceux qui font purement
civils ; déterminer ce qui doit appartenir à la loi J 6c ce .qui doit être abandonné à la fimple police.
Un préalable néceffaire fera fans doute de fupprimer !
le tribunal des maréchaux de France ; mais vous
penferez auffi 9 Meffieurs, que les citoyens dévoués ;
à la défenfe de la patrie doivent trouver, dans la
légiflation qui leur eft propre, les mêmes avantages
qui font affurés à ceux qui exercent d’autrfis profef- j
fions. Vous croirez donc de votre juflice ' d’intrc-1
duire dans le jugement des délits militaires, comme ;
vous Pavez fait dans la jurifprudence criminelle ordir
naire, les formes les plus propres à protéger l'innocence.
Une autre .çonféquence de ce principe, c’en j
que les militaires ayant le même droit que tous les
autres citoyens, d’appeller du jugement qui les con*
damne, l’établiffement cPune cour martiale, inftù ;
tuée pour revoir les jugemens des confeilsde guerre,
feroit d’une ftriâe équi.té. Cette idée, Meffieurs, eft
digne fans doute de toute votre a t t e n t io n . Cependant, |
comme les délits militaires font, par leur nature,
extrêmement fimples, qu’ils peuvent être facilement
prévus & déterminés par la loi ; que l'inftriiffion elt
fufceptible de la plus grande clarté, peut - eue
croyez-vous plus avantageux d’introduire des-a?
préfent, dans les jugemens militaires, la procédure
par jurés, qui, eu fupprimant le fécond degre de
jurifdiéHon, lui fubftitue une forme encore
avantageufe. Dans tous les cas, un code de délits
& de peines , difté par la juftjce & l’humanité,
preferira aux juges leur devoir, & affurera aux
militaires une diftribution éclairée & impartiale e
la juftice. Toutes ces idées , Meffieurs, auffi n01^
yelles qu’importantes, méritent fans doute, ava
iTètre adoptées, d’être mûrement approfondies ; &
[comme il n’eft pas preffant d’y ftatuer, j’ai l’hon-
I eur de vous propofer de les renvoyer à l’examen
[du comité de conftitution, qui fe concertera à cet
[égard avec le comité .militaire.
Je ne vous propofe point, Meffieurs, de placer
[dans la conftitution, le code de délits & peines militaires:
cette partie dé la légiflation a trop befoin
[d’être perfectionnée par le tempstk le progrès des
[lumières. Ces loix, faites pour être adoucies avec
le temps, comme le feront fans doute toutes les
[loix criminelles, à mefure que l’influence d’un gouvernement
libre aura amélioré les moeurs, & les
[habitudes de la nation, doivent être confiées au
[pouvoir législatif. C’eft ainfi que, fans être livrées à
I l’arbitraire, elles pourront cependant fe perfectionner
de jour en jour. Le pouvoir conftituant doit donc
| fe borner à prononcer que les règles relatives aux
[délits & peines militaires, feront de la compétence
[du pouvoir légiflatif.
La déclaration des droits, après avoir établi que
[toutes les diftindions fociales ne peuvent avoir pour
but que l’utilité générale, confacre ce grand aâe
de juftice, que tous les citoyens font admiffibles à
[tous les emplois & dignités civiles, militaires &
[eccléfiaftiques. Après avoir reconnu & proclamé
! ce principe comme un droit appartenant à tous les
[hommes, vous l’avez, Meffieurs, par un nouveau
décret, mis au nombre de ceux qui fervent de bafe
à la conftitution françoife : il ne vous refte donc,
[en ce moment ,• qu’à prendre les mefures néceffaires
[pour qu’il ne puifle éprouver aucune altération dans
la légiflation militaire : vous prononcerez donc
jconftitutionnellement, que le pouvoir légiflatif, ni
le pouvoir exécutif, ne pourront y déroger par
[aucunes loix, réglemens, ni ordonnances,
i On ne verra plus alors le grade d’officier dévolu
[exclufivement à la nobleffe, & les grades fupérieurs
concentrés dans une petite portion de nobles favo-
jrifés. Qui pourra fe plaindre , quand le mérite feul
[aura droit à ces préférences ?
[ La force de l'armée devant dépendre bien plus de
[fa compofition, que du nombre d’hommes dont elle
[fera formée, il eft important, Meffieurs, de chercher
tous les moyens qui, en améliorant le fort du
[foldat, puiffent l’inviter à remplir cet honorable emploi.
Il eft jufte ( & l’intérêt de la liberté l’exige j
de réunir, autant qu’il eft en notre pouvoir, la
ijouiflance des -droits de citoyens à l’exercice des
ponctions militaires. Si nons réfléchiffons à la dépendance
indifpenfable à laquelle fe foumettent ceux
nUl embraffent cette profeffion , aux fatigues qu’ils
|°nt a fupporter , aux dangers continuels qu’ils
affrontent, nous fentirons combien ils ont droit à
I obtenir de la patrie qu’ils défendent, un témoi-
» éclatant de fon eftime. Votre comité a été
Pénétré de cette vérité; & le fécond rapport qui
Vous a été fait de fa part, vous propofe de ftatuer
rjne les militaires qui auront fervi pendant l’efpace
|®e nente ans ,-jouiront des droits de citoyen aétif.
dj]emblée Nationale, Tome l î% Débats.
Il m’a femblé que cette faveur, qui ne confifte qu’à
fuppléer à la contribution de trois journées de travail,
6c à appeller les militaires à jouir d’un droit
naturel, que vous avez toujours defiré, Meffieurs,
étendre fur le plus grand nombrè de citoyens pof-
fible, étoit trop retardée par la difpofition de votre
comité ; & qu’étant réfervée pour un âge trop
avancé, tou? les avantages que les militaires pour—
roient en retirer, & l’émulation qu’elle devroit
exciter parmi eux, n’exifteroit plus. J’ai penfé que
feize années de fervice dévoient fuffire pour l’obtenir,
& que, fans rendre trop commune cette
récompenfe, & fans appelle» à en jouir des hommes
qui n’en feroient pas dignes, vous préfenteriez un
motif puiffant pour entrer au fervice, & ÿ renouveler
un engagement.
Il eft évident que la liberté individuelle des citoyens
feroit inceffamment expofée, fi les enrôle-
mens militaires n’étoient affujettis à aucune loi, ou fi
les règles à établir à cet égard, étoient abandonnées
au pouvoir exécutif. Chaque jour, Meffieurs, vous
feriez expofés à voir renaître ces abus, qui ont
défolé tant de familles ; vous feriez expofés à voir
introduire au milieu de vous ces moyens dont les
Anglois font ufage pour le recrutement de leur
flotte, & qui, quelle que foit la néceffité par laquelle
on prétend le juftifier, leur a , de tout temps, attiré
de fi juftes reproches. Ces violences, ces fiirpxifes
par lefquelles on ne peut que faire de mauvais foldats
, & préparer de nombreufes déferrions, doivent
donc être proferites par des loix qui, en réglant les
formes de l’enrôlement, affureront qu’ils feront tous -
l’effet d’une volonté libre , & garantiront ainfi l’exécution
du décret que vous avez déjà porté fur la
forme du recrutement. Il eft donc néceffaire, Meffieurs
, que la conftitution attribue au pouvoir législatif
le droit de régler les formes de l’enrôlement.
Les principes de l’admiffion & de l’avancement
aux différens grades de Y armée, n’intéreffent pas
moins, Meffieurs, l’ordre public 1 & les droits les
plus chers des individus. S’il importe à la nation
que les volontés particulières d’un miniftre ne puiffent
pas faire renaître ces diftinftions que vous avez
abolies, il importe également que tous les individus
de Yarmée cQÏÏent enfin d’être les jouets des caprices
miniftériels, & ne foient plus expofés à ces change-
mens continuels qui, depuis fi long-temps, la défo-
lent, & y portent le découragement. Il importe
enfin, que la faveur & l’intrigue ne puiffent pas
diéfer, pour leur avantage, des règles dont l’efprit
doit être de récompenfer le mérite, d’exciter l’émulation
, & d’âffurer la force de Y armée. Ces diverfes
vues, Meffieurs, ne pourront être remplies qu’en
attribuant au corps légiflatif le droit de difeuter les
principes & les règles générales de l’admiffion & de
l’avancement.
D ’après l’expofition que je viens d’avoir l’honneur
de vous faire, Meffieurs, il réfulte, premièrement,
que le pouvoir conftituant doit établir les bafes de
la conftitution militaire, fur plufieurs décrets génè