
-font à fa convenance. Quelle idée auroit-on de
la juftice , li on ne ië croyoit obligé de l'exercer
qu’à fon profit, & jamais à la charge ? . . . . Si vous
adoptez des principes fur la politique , la morale
publique, & que vous vous fafîiez enfuiteun jeu
.de les violer.. . , Il vous feroit auffi très-important
d’acquérir la partie efpagnole de Saint-Domingue....
Il ne faut pas donner aux fa&ieux , aux attrou-
pemens le droit de provoquer & de légitimer des
infurre&ions. Il faut bien que le prince , dans une
monarchie, tant qu’il lé conforme aux loix du
pays , ait des droits à la fidélité des peuples ,
comme ceux-ci ont des droits à fa proteéUon. ( Il
s’élève des murmures ) . Sans ce principe , le premier
fàéUeüx qui parviendra à égarer le peuple,
fera maître de l’empire, maître de changer fes def-
tinées , de renverfer la conftitütion. ( Plufieurs
membres rappellent l’opinant à la queftion ). Je
vous demande fi-vous voulez vous expofer a une
guerre iulcitée par les puifîances rivales.... Quand
même Avignon auroit le droit de fe donner à la
France , je dis qu’il feroit injufte , qu’il feroit.
impolitique, & que-vous n’avèz pas le droit d’en'
profiter,
M__ Faites -nous donc un raifoncement fuivi.
M. Malouct. La pétition à'Avignon eft. un aéïe
d’ingratitude ; car quand même cette cité auroit
à fe plaindre de plufieurs abus, le refus du pape
de redreffer les griefs n’eft pas bien confiais.. . .
Mais fi au contraire le gouvernement du pape eft Un gouvernement bienfaifant , puifque fur cent
•communautés religieufes , quatre-vingt-fix. veuîen't
lui refier fidelles. (O n entend de.nombreux éclats
de rire ). Il efi même impoffible que des hommes
paifibles, qui peuvent obtenir votre conftitütion en
refiant fidèles au pape, & fans payer d'impôts ,
adoptent la motion de M, Bouche.,. . . Des é miliaires
ont été envoyés dans le Comtat.. .> ( L ’opinant
lit toujours plus péniblement fon dilconrs ,
dans lequel on le rappelle à chaque infiant1à l’état
de la queftion. La voix de l’orateur déclinant &
re fe faifaint plus entendre' aux extrémités de' la
fa lie , s'appelle plus le filenee. Une grande partie
de l’aflèmbié abandonne la falle ; M, Male net
quitte la tribune ).
Séance du tS novembre éÿço.
M. Durand. J’ai été chargé par 80 mille citoyens
de mon ancien bailliage de demander dans
les états-généraux, devenus Paffemblée nationale ,
Ja réunion à la France du Comtat Yenaiffin &
de la ville d'Avignon. Jamais occafion ne fut plus
belle ; les Avignonois invoquent pour eux les
bienfaits de la conftitütion françoife. Le pape , à
qui tout refpeét efi dû , comme chef vifible de
l’églife , comme prince temporel, trouve cela très-
mauvais. Pour concilier tout à la fois l’utilité &
la jufiiee , v o ic i, je penfe , le chemin qu’il faut
prendre. Je prepoferois le décret fuivant :
L’aiTcmblée nationale, confidérant que la pof-
fefîion delà ville d'Avignon & du Comtat Venaiffin
n’a paflè au faint-fiiège que par des titres qui
n’ont jamais pu dépouiller la nation françoife de
fes droits, déclare qu’elle a été perpétuellement
rachetable; après: avoir déclaré le principe du rachat
,*elle charge fon comité des domaines de lui
faire un rapport fur le mode de ce rachat.
. M. T abbé Jacquemarâ. Le peuple avignonois a-
t-il le droit de fe donner à la JFratace ? Avez-vous
le droit d’accepter fes propositions ? Quel efi ce
voeu formé au milieu des^ meurtres , du carnage
& du feu d’une guerre civile ?, il efi tracé en ca-
ra&ès defang. Quelles font ces liftes chargées de
Signatures furprifes ?. y. reconnaît-on le voeu unanime
d’un peuple ? . . . . Lorfque les Brabançons
vous demandèrent proteéUon , vous applaudîtes à
la conduit^ fage & prudente du monarque , qui
ne voulut pas protéger un peuple qui s’étoit fait
juftice pas? lui-même & par la force. (Il s’élève
de violens murmures ). Ils. avoient l’efpoir de l’avantage
dé leurs armes , 6c les apparences du droit.
Mais protéger les entreprifes du Comtat contre fon
fouverain, feroit une ufurpation. D ’ailleurs, les réclamations
des Brabançons n’étoient-elles pas plus
clairement exprimées ? ( Nouveaux murmures ).
Je vois dans les réclamations d'Avignon faction de
.l’intrigue , une faciiqn nombreufe qui en opprime
une plus foible. Je ne vois dans leurs plaintes contre
leur fouverain qu’exagération 6c impofture. Nul
gouvernement n’étoit plus bienfaifant 6c plus paternel
que celui du foüverain pontife ; ( les murmures
augmentent ) , les habitans du comté V e -
naifîin veulent vivre 6c mourir fous fes lo ix .. . .
.L’ufurpation des droits du pape ne. ferviroit ,qu’à
rendre odieufe votre conftitütion....
Si Neuchâtel vous faifoit aujourd’hui les mêmes
offres qu'Avignon , les. accepteriez--vous ? Il fuffi-
rcit doue- d’un prince faélienx qui sût en irapofer
aux peuples par les dehors d’une borné fimulée ,
pour diffoudre les empires ! Que l’empereur vous
dife aujourd’hui: je vous ai cédé \\ Lorraine ; les
peuples ont le droit inconteftable de fe donner ,
les Lorrains viennent de fe jetter dans mes bras....
Quelle feroit alors votre conduite?... Le pape
poffède Avignon par les titres les plus -facrés de
propriété , fous la foi des traités les plus folem-
nels.. . . Une province , une partie d’iin empire
n’a pas lé droit de fe féparer de la nation fans
le • confentement général ; farts cela il n’eft pas de
ville , de bourg, de village , qui ne puffent fe féparer
du royaume : o r , Avignon na que 3 5,000
habitans , tandis que le Comtat en a plus de 120,000 ,
6c l’on-ne faur.oit élever des. doutes fur l’identité ,
l’inclivifibilité de ces deux comtés. Sujets du même
prince , jufticiables des mêmes tribunaux, fournis
au mêmes lo ix , l’un ne peut fe donner fans lé
conféntement de l’autre.. . . Ainfi vous ne fauriez
adopter que le projet de décret fuivant:
«L’affemblée nationale décrète que le roi fera
fupplié de négocier avec le fouverain pontife,
pour obtenir à la ville d'Avignon le fort le plus
favorable , & la permiftion d’adopter la conftku-
tion françoife avec les modifications convenables»«.
Ç’eft ainfi que vous pourrez con-ferver la confiance
des Avignonois y 6c celle des fouverams,-
M. Roberfpitrre. La queftion que vous avez' à
décider fe réduit à deux propofitions : i°. la pétition
du peuple avignonois eft jufte : 20. l’affem-
blée nationale ne peut fe; difpercfer de [’accueillir.
Ou le peuple, avignonois fait une partie intégrante
de la France 6c ne peut en être féparé /ou c’eft un
peuple étranger qui demande à s’y réunir. Dans l’un
6c l’a titre cas, il ne faut que Fexpofiiion de quelques
faits 6c quelques principes de droit public pour
décider la queftion. En 1348 Avignon fut cédé
au pape Clément V I par la reine Jeanne ;; o r ,
cette reine étoit mineure & grevée de fubftiuition.
Avignon a été le prix de l’abfolution qu’elle né-
gocioit. Parvenue à fa majorité, elle récraéta une
donation qu’ellê n'’avoit> pas eu lé droit dé faire.
Les états-généraux du royaume, à qui elle avoir
promis de ne point faire cette donation, protestèrent
contre le traité de 1348-, 6c réclamèrent la
réincorporation d'Avignon au royaume. Les.comtes
de Provence, tous nos rois ont fucceffivement fait
valoir leurs droits fur cette ville , & n’en ont abandonné
la jouifiànce aux {Üpes que fous les claufes
6c réferves de propriété. Les vices qui frappent
de nullité la donatjon de 13-48 font nombreux,
Avignon faifoit partie intégrante de la nation provençale
, 6c en vertu de la conftitütion du pays,,
il ne p ou voit en être féparé. Le principe que nos
adverfaires même 'font valoir avec emphâfe, eft
que la portion d’une nation ne peut être féparée
de tous , fans le confentement général de l’affo-
ciation.
La reine Jeanne ne pouvoit donc pas donner Ou vendre Avignon au pape , lorfque la nation
provençale toute entière éleva contre cette donation
des réclamations unanimes , qui- furent exprimées
fur le champ par l’crgane des états-généraux....
Serions-nous , en cette circonftance , moins-
eo'uragéux à reconnoître les droits des peuples que
ks anciens màgiftrats d^Aix , quir par plufieurs
arrêts , décidèrent qu'Avignon devoit être réincorporé
à la France ?... Porterions-nous un jugement
moins jufte , moins décifif que les pubîiciftes de
tous les fiècles ?. , . . I 1 eft donc prouvé qu 'Avignon
a fait une partie intégrante du comté de Provence,
depuis réuni à la France ,. 6c qu’il n’a jamais dû
en être féparé. Confidérons maintenant Avignon
comme- un peuple étranger qui* veut librement fe
réunir à nous-
Si les loix , fi le gouvernement font établis
pour le maintien de la fociété, 6c non pour Tin-
réiêt de quelques individus, qui-peut contefter à
VaiTociaiion- polioique le droit de changer la- nafurede
fon gouvernement ? car fi'un homme pouvoit
dire à un peuple : vous ne changerez pas
votre gouvernement, j’ai des droits fur lui, 6c je
puis vous forcer à le maintenir, il s’enfuivroit que
cet homme ne feroit point fait pour le gouvernement,
mais que le gouvernement feroit fait pour
lui; qu’il feroit la propriété-d'un individu ,6c non-
pas-, celle de la fociété la fouveraineté du peuple-
auroit été aliénée au profit de cet individu ; il n’y
auroit plus de peuple ,- il n’y auroit qu’un defpote-
6c des efclaves. Cette propefitiôn n’a. pas encor©
trouvé un feul contradiéleur^
On a prétendu qu'Avignon ne faifoit pas-, ne"
pouvoit pas faire un état féparé des autres états1
du pape. Quoi ! deux peuples n’en font devenus
qu’un ont perdu leur indépendance mutuelle 4
parce qu’ils ont chôifi le même individu pour tenir
les rênes de îeuf gouvernement t Les habitans
d’Angleterre 6c de Hanovre ,• pour avoir le mêir#
roi ne font-ils pas deux peuples diftinéls ? 11
fëmblè que les peuples fe confondent fous la main*
d’un même roi, comme deux troupeaux fous la
direction d’un même pafteur. , . . Non , les peuples1
font maîtres de choifir le? mêmes chefs , 6c de
refter indépëndans entre eux.- On a allégué , pour
détruire ces rafionneinens , r\u'Avignon a été de'
fait incorporé aux autres états du pape. Tous les»
titres tous les monumens prouvent qu’il en diffère
6c*par la forme de fon gouvernement, 6c par
fà conftitütion civile , militaire 6c judiciaire. Norw
feulementil eft étranger aux états d’Italie, mais il
Peft encore au Comtat Venaifiin.
C’eft en 1275 Ç11® le. Comtat a été cédé par Phr-
:-Ie-Hardi, pour rippe- payer la levée d’une fentence
di’eexxccommunicà-tion : c’eft en î 348.qu ’Avignon g ét-è
cédé par la reine Jeanne,- pour payer une abfo-~
lution..,. Depuis cette époque , ces deux pays-
ont toujours été'diftinéls, ont toujours exifté fous-
un régime différent. Le Comtat a des états-généraux
; Avignon a des parlemens - généraux. Le
Comtat a un gouverneur ; Avignon a un' reâeuri
Les lo ix , les coutumes , les tribunaux font différées
les bulles du pape ne font communes pour
les deux états , que lorsqu’elles en portent la-clsufe
expreffe.
Dans cette révolution , lès- Comtâdins n’oiit pas*
penfé que leur confentement fût néceffaîre pour'
qu'Avignon adoptât votre conftitütion ; ils n’ont
jamais regardé les Avignonois comme foumis.à
l’autorité de leurs états-généraux. Laftesablèe 'du-
Comtat elle - même quoique contraire au voeu»
d'Avignon , a attefté , dans une adrefiè envoyée'
à cette affenablée , la diftin&ion qui êxifte entre'
les deux peuples ; elle a même écrit au premier-'
rapporteur de cette affaire (à M. Tronchet) , exile
remerciant de la manière honorable »dont il a-
parlê en faveur du Comtat, & a léclamé expref-
fèment contre l’erreur où il eft tombé | en diiàm
qu' Avignon faifoit partie dit Comtat,.
Répondrai-je aux futiles- cbj.eélious-par lefait* Ueÿ