
toutes les conquêtes ne font pas lucratives pour
le tréfor public. A in fi, FIfle de Corfe , confidérée
comme pofte, eft fans doute d’une haute importance
; oc il étoit fur-tout de l’intérêt de la France
•d’en éloigner les Anglois, Mais fi on l’envifage
.dans fes rapports avec le fifc., on trouvera que
la Corfe nous a coûté des fommes très-confidé-
rables ; trois campagnes très-meurtrières ; §£. que ,
[loin de payer aucun impôt à la France, elle
augmente annuellement nos dépenfes nationales de
plus de cinq cens mille livres. Si le peuple con-
•noifloit ainlL le produit réel de toutes les conquêtes
qui tentent fa vanité, il feroit peut-être
.moins ardent à prefler, par fes voeux, ■ l’agran-
diflement de votre territoire.
Que ce peuple qui veut être libre, & qui eft
raflez inconféquent pour ne point pardonner'à fes
repréfentans même l’entière liberté de leurs opinions
; que. ce peuple trop peu inftruit de fes véritables
intérêts , pour reconnoître qu’un parti de
l ’oppofition., loin d’être odieux, eft toujours né-
cenaire dans une afîemblèe repréfentative ; que ce
peuple, dont la vue ne s’étend jamais, ni au-delà
du moment dont il jouit , ni au-delà du point
qu’il occupe ; que ce peuple nous entende dans
ce moment , & qu’il nous juge J II s'agit de favoir
fi une infutreéHon fomentée dans Avignon,
par des hommes qui difent avoir des protecteurs
puiflans dans l’affemblée nationale, & qui fe font
iignalés par les plus exécrables forfaits, peut devenir
un titre légal pour nous antorifer à con-
•fifquer les états d’un fouverain étranger. Voilà
pour de fait..: voici pour le droit. Il s’agit de fa-
voir fi nous fommes autorifés à revendiquer les
aliénations faites par les anciens comtes de Provence
, deux cens ans avant la réunion de la Provence
à la couronne. I l s’agit de favoir fi nous
■ pouvons nous mettre à la place de ces mêmes
comtes de Provence, dont nous ne fommes pas
les héritiers à titre univerfel, mais fimplement à
{titre fingulier , en vertu d’un teftament fouferit par
Charles du Maine , dernier comte de Provence ,
la veille de fa mort, au profit de Louis X I , fon
légataire. Il s’agit de favoir fi , en héritant de
cette riche fuccefiion, au préjudice d’un enfant à
qui elle étoit fubftituée, & dont le defeendant
eft aujourd’hui empereur, nous avons le droit de
réclamer, non-feulement la ville dé Avignon, mais
encore toutes les autres enclaves de la Provence,
qui avoient été aliénées par les afeendans du donateur
, telles que Villefranche, Vintimille, le
comté .& la viguerie de Nice , qui comprend
plus de foixante villes, bourgs ou villages : enfin
, le golphe de la Turbie, près de Monaco ;
•pofte maritime d’autant plus important, que l’amiral
anglois Mathews y refta confiant m en f fiationné
avec fon efeadre, avant la bataille navale de
To u lo n , en 1747. Pourquoi ne nous parle-t-on
pas de tous ces anciens démembremêns de la Prov
en ce P Pourquoi i/ofe -1 - on revendiquer ici
que l’aliénation d’une partie $ Avignon ? Poiïtz
quoi fe borne-t-on à envahir fur le pape cette
feule ville d’arrondiflement, tandis qu’il y a tant
d autres fouvera'inetés étrangères encore enclavées
dans l’intérieur de la France ? Vous n’en connoiû'ez
point, dites-vous ? Quoi ! vous ne connoifl'ez pas
le comté de Nice en Provence, la république de
Mulhauzeen en Alface , des portions de la fou-
verainete de Montbeillard dans la Franche-Comté ;
enfin , des dépendances de la principauté de Salm-
Salrn & de plufieurs autres principautés des cercles
du haut & du bas Rhin , dans l’Alfacè & dans
la Lorraine Allemande ? Il s’agit de favoir fi les
fouverainetés aéïuelles doivent être cir confiâtes
par leurs anciennes limites; car fi vous vous emparez
dé Avignon , qui eft fépaié de la France
depuis neuf cens ans, vous pouvez revendiquer
toute la fuccefiion de Charlemagne, & étendre
jufqu’à l'Elbe votre va fie empire , dont la France
ne fera plus qu’une province. Vous pouvez efîàyer
d’aller vous mettre en pofleiîion de l’Angleterre,
dont le fils de Philippe-Augufie a été couronné
ro i, & fur laquelle nous avons confervé des droits
d’autant plus inconteftables, du moins dans lés
principes de M. de Menou, que la France n’a
jamais renoncé à la fouveraineté de la Grande-
Bretagne, par^ aucun traité de paix. Il s’agir de
favoir, fi après avoir déclaré à la face de Puni-
vers que vous renonciez à toute conquête, vous
pouvez , fans vous jouer de vos : décrets & du
genre humain, conquérir ou envahir, ou prendre,
ou même accepter la ville d’Avignort qui appartient
au pape ; à ce même pape qui , après
les maifons de France, de Saxe & de Savoie,
eft , par le fait, dans fa feule fouveraineté d'Avignon
, le plus ancien fouverain de l’Europe. I l s’agit
enfin de^ favoir s'il y auroit un feul prince qui
fut aflure de la pofteflion de fes états, en vertu
d’un autre titre que la force, lorfqu’il fuffiroif,
pour l’en dépouiller, d’y exciter une infurre&iori,
d’y ordonner des aftafîinats, d’en éloigner' les
principaux habitans par la terreur, d’arracher aux
peuples , ou plutôt à un vil ramas de brigands’
un voeu de réunion à l’empire François , & de couvrir
enfuite tant de manoeuvres, par je ne fais
quelles prétentions fondées fur quelques-uns de
ces parchemins poudreux, que tous les fouve-
rains trouvent toujours , au befoin, dans leurs
archives, pour compofer un manifefte. Si ce font-
là vos titres fur Avignon , je n’ai befoin , pour
vous reveler le jugement qu’en portera tonte
l’Europe , que de vous rappeller le jugement que
vous avez porté vous mêmes , dé toutes ces perfidies
diplomatiques qui ont précédé le partage &
l’invafion de la Pologne. Je vous annonce même
que vousn’àtteindrez point, dans votre manifefte
les fophifmes artificieux des cours de Vienne1, de
Berlin & de Pétersbourg , qui firent pourtant
beaucoup mieux plaider leur caiife par dés
armées de cent mille hommes. Si les fix grandes
puifiances de l’Eurcpe veulent fe coalifer ainfi
pour dépouiller les princes foibles , tontes les fou-
vevainetés du fécond, du troifième & du quatrième
ordre feront bientôt anéanties. Mais non ,
Meftieurs, vous ne donnerez pas ce feandale à
l’univers. Vous ne confommerez point ce grand
a&e d’injuftice. Vous regarderez comme de mauvais
citoyens tous les fadieux qui veulent provoquer,
par un décret fpoiiatoirc & injufte, l’entrée des
étrangers dans le royaume. O u i, fa-ns doute , tous
les membres de cette aftemblée qui denneroient
aux fouverains étrangers des prétextes d’attaque
contre vous, des prétextes de craintes pour eux-
mêmes, feroient les ennemis de la nation. Prenez
garde qu’en fa qualité de premier avoué de
l’égiife romaine , l’empereur a garanti toutes les
poffeffions du faint-fiège. Prenez garde que vous
êtes vous-mêmes les garans de la fouveraineté du
p*pe fur Avignon , puifqu’elle fut reconnue,
affinée & garantie en 1494, au pape Alexandre
V I , par le roi de France Charles V I I I , qui
réunit la Provence à la couronne; qu’en 1664 ,
après Je traité de Pife, Louis X IV , qui venoit
de rendre Avignon au pape, y envoya des troupes
pour réprimer une infurredion ; qu’il fit retirer
tous les canons qui étoient à l’hôtel-de-ville ,
pour les mettre entre, les mains du feul vice-légat
; & qu’il protégea ainfi de toute fa puiftance ,
la fouveraineté de la cour de Rome, après l’avoir
folemnellement reconnue & confirmée par une
refiitution volontaire , dans un traité de paix. Prenez
garde que l’audace des' opinions n’eft ni le
vrai patriotiime, • ni le véritable courage. Trois
expériences ont fuccefiivement échoué contre votre
juftice qui a déjà fagement refufé trois fois
l’invafion à'Avignon. Comment ofe-t-on renouveler
encore tous ces aftucieux fophifmes , pour
vous faire délibérer fur le voeu d’iuje ville qui,
de votre aveu, ne fait pas même partie intégrante
dé l’empire François , & qui ne peut énoncer
en ce moment aucune volonté légale ; fur un
voeu fouferit par des fadieux qui ont cru , par
leur félonie , échapper au dernier fupplice ? V ous
ne prévoyez pas , fàns doute, les conféquences
terrribles auxquelles ©n prétend vous amener
malgré vous. Ah ! comparez du moins les avantages
aux dangers. Voyez d’un côté, ce que vous
expofiz, & de l’autre, ce qu’on vous propofe de
conquérir.. La conquête, feroit une ville déferte ,
une ville ruinée, une ville criminelle , une ville
dominée par des brigands, une ville qui n’ouvri-
roit fis portes à la nation françbife , qu’après
avoir corrompu nos régimens & fuborné nos dé~
ferreurs. Voilà vos triomphes : voici maintenant
vos dangers. Votre décret préparèroit & légiti-
meroit la diftolution de l’empire François. Toutes
vos provincés toutes toutes vos cités,, toutes
vos colonies auroient inconreftablement les mêmes
droits que la ville d'Avignon ; & elles trouve--
roient.^ à leur tour ,, des.- fouverains qui pourroient
les réunir à leurs états , fans redouter votre:
vengeance.
D ’après ces confidérations, je conclus en vous*
proposant le décret fuivant :
L ’aflemblée nationale, perfiftant dans fon dé---
cret du 4 de ce mois, par lequel elle a reconnu:
que la ville d?Avignon & le Comtat Venaiftin
n’étoient point partie intégrante de l’empire Fran-r
çois, rejette la pétition des habitans d’Avignon, &
des autres communes du Comtat , tendantes à'
faire prononcer leur réunion à la France. Elle-
décrète , qu’en vertu de la demande de la coui7
de Rome , & pour préferver nos provinces nié--
ridionales des progrès d’une infurreâion alarmante
le roi fera fupplie d’envoyer des forces fuffifantes»
à Avignon & dans lé Comtat, pour y rétablir'
l’ordre , de concert avec les repréfentans du fou-"
verain pontife. Déclare qu’elle regardera toute-
violation du territoire françoispar les Âvigno--
nois armés ou leurs ayants caufe,- comme une:
agréftion formelle contre la France, & qu’elle lai
repouffera par tous les moyens qui font au pouvoir
de la nation. L ’afiëmblée nationale charge;
fon préfident. de prier le roi js dans- le jour , d’en-',
voyer trois commifiaires à Avignon, pour- veiller'
à l’exécution du préfent décret, en les autorifant'
à requérir , s’ils le jugent néceffaire, l’affiftance;
des troupes de ligne & des gardes nationales*
des provinces voifmes- , pour- remplir l’objet de:
leur miflîon..
Obfirvatïons particulières fur le voeu que- l’on attribuez
au Comtat VmaiJJin , d'être réuni à la France 9,
développées dans mon opinion du 4. mai dernier.. ■
On vous a envoyé Meftieurs » pliifieurs'copiés»'
informes des délibérations prifes par les commu--
nautés du Comtat. La municipalité d'Avignon ^
qui-eft partie dans cette caufe,- préfente à;nos*
comités des expéditions de ces aéles , certifiées 8c'
légalifées par elle feule. Cette feule bbfervatiom:
fuffiroit pour faire rejetter toutes ces pièces illé-'
gales ;• mais ici. le- fond eft encore plus vicieuxt
que la forme.
Oublions d’abord tous lès- fermens- de fidélité:
que les communes du Comtat renouvellèrent- a ut
pape , de leur propre mouvement, dès ou’eliesî
furent inftruites de la motion qui; tendoit à- les*
réunir à la France. C ’étoit- bien .à pourtant loi
voeu véritablement libre & fincère de ce peuple',,
qui n’a befoin que de connoître fes intérêts, poutv
chérir, pour défendre jnfqu’à-la mort, l’autorité*:
douce N. bienfaifante de fon légitime fouverain.-
Depuis cette époque le Comtat n’a pu manififter*
aucune volonté légale ; & les calamités publiques*
de cette contrée 11’atteftent que trop éloquemment*
que les Comtadins n’ont plus jcui d’aucune liberté:
dans leurs délibérations.-
Obfervez Meftieurs , que fur qnatrt-vihgr^
quinze communes du Comtat ^ travaillées depuiss