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de barrières j qüe ‘le diftriCt d’Orange lui-même'
eft enclavé dans- le Çomtat ; que plufieurs communes
de ce diftriCt dépendent du Comtat ? &
que les barrières ne pourraient être établies qu’avec
des dépenfes énormes. Difons plus , la contrebande
Ce jouerait même de vos barrières, & une
guerre continuelle fubfifteroit entre ces deux peuples
: ces deux pays deviendroient le repaire de
tous les mauvais fnjets, de tous les ennemis de
la ehofe publique , de tous les contre-révolutionnaires:
au contraire , Avignon 8c le Comtat, s’ils
nous appartiennent , feront le boulevard de la
France ; il eft donc évident qu’il eft de l’intérêt
de la France d’adopter la réunion. _ ^ I
Mais, demande-t-on , les nations étrangères
verront - elles d’un oeil tranquille cette réunion ?
Pcut-on croire qu’elles aient befoin de ces pré- j
textes pour nous attaquer ? depuis deux ans elles
en auroient trouvé bien d’autres ; cependant elles
ne nous ont pas attaqués ; 8c pourquoi ? parce
qn’elles connoiffent notre énergie, parce qu’elles
connoiffent leur intérêt. On ne fe détermine pas
aufli facilement à des dépenfes énormes, à une
guerre fanglante. Seroit-ce pour empêcher la propagation
de nos opinions ? qu’elles rompent toute
communication avec nous. Seroit-ce pour détruire
notre liberté ? les Hôllandois ont voulu être libres;
ils l’ont été malgré tous les efforts de la maifon
d’Autriche. Les Suifles ont voulu être libres, ils
l’ont été ; les puiflances étrangères connoiffent
vos droits ; elles favent que cette réunion n’augmentera
pas votre puifîance, & qu’elle ne fera
que détruire quelque gêne dans le commerce;
E n fin , fi elles veulent nous attaquer, ne ferons-
nous pas plus en état de nous défendre, lorfque
nous n’aurons pas à redouter le foyer d’une guerre
inteftine ?
N ’expofez donc pas 150,000 individus à s’entre
égorger en maudiflant la France & l’aflemblée
nationale.
On nous a dit que ces peuples ne payoient
point d’impôts ; cela eft faux : il eft vrai que le
pape en retiroit peu de revenus directement j mais
les vexations de fes miniftres, les differentes dépenfes
publiques étoient une charge confidérable ,
& les dettes de ces deux états attellent même que
les impôts étoient devenus infuffifans. Mais le
gouvernement du pape , eut-il été le plus doux
poffible, encore feroit-il de l’intérêt de ces peuples
de demander la réunion ; car s’il vous reftoit
étranger, vous ne pourriez v<5us empêcher d’en faire
le plus malheureux peuple de la terre. D ’après
tous ces. motifs , vos comités vous propofent de
décréter que les états-unis d'Avignon & du Comtat
Yenaiflin font, dès ce moment, partie intégrante
de l’empire François ; que les commiflaires médiateurs
s’y rendront inceflamment pour effectuer
cette réunion ; que toute voie de fait fera réprimée
, 8c que le roi fera chargé de négocier avec
le- pape une indemnité.
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- M. l’âbbé Maury paroît à la tribiirfêJ
M. Malouet. Comme l’initiative fur tout ce
qui concerne la diplomatie , appartient au pouvoir
exécutif, 8c qu’en ce moment l’avis des mi-
niftrès qui, du moins , préfenteroient une refpon-
fabilité, n’a point été donné, je penfe.. . . ( L a
partie gauche réclame l’ordre du jour).
M. de Menou. Je ne connois point l’avis des
miniftres : mais M. le garde du fceau a pris
I l’initiative , en priant l’affèmblée de s’occuper de
1 cette affaire.
M. Malouet. Vous ne favez pas ce que c’eft que
l’initiative.
M. d'André. L ’incident qui vient de s’élever eft
une pure chicane ; car l’initiative' n’appartient au
I roi que pour les traités 8c les conventions avec;
les puiflances étrangères. O r , il ne- s’agit pas ici
de négocier avec le pape , mais d’èxamîn^r le
voeu émis par les Avignonois & les Comtadtns.
Je demande donc que l’on pafle à l’ordre du
jour.
M. Malouet. Lesraifons de M. d’André ne font
qu’un expédient de chicane. Les Avignonois , les
Comtadins ne font-ils pas un peuple étranger?
pouvez-vous les réunir à la France fans l’initiative
du roi ? dans' la pofition où nous fommes ,
fi vous donnez un tel exemple à l’Europe.. . . ( O a
réclame de nouveau l’ordre du jour).
M. Fréteau. Il y a eu upe réunion des comités
pour s’occuper de cette affaire. Plufieurs miniftres
s’y font trouvés, & ils ont paru être de l’avis de
la réunion , du moins M. le garde du fceau.
L ’affemblée pafle à l’ordre du jour.
M. l'abbé Maury. Pour procéder avec méthode j?
je diviferai mes obfervations en deux parties ; la
première fera relative au rapport dont vous venez
d’entendre la leCture , & la fécondé à la million des
commiflaires médiateurs. Quant au rapport, M. de
Menou vous a dit qu’il n’avoit pas été définitivement
communiqué au comité. Je demande que
toutes les pièces foient dépofées au comité diplomatique
, & qu’il foit libre à tous les membres
de cette aflesnblée d’aller y puifer tous les ren-
feignemens, & qu’enfuite l’aflemblée indique tel
jour pour la difcuflion. Relativement au fécond
objet, j’examinerai trois chofes : ï°. le voeu d 'A vignon
8c du Comtat Venaiflin. Il n’eft perfonne
ici qui ne convienne , quelle que foit fon opinion
fur le droit qu’a le peuple de changer fon gouvernement
, que ce droit doit avoir un terme.
( Quelques voix de la partie gauche : Non. ) Je
parle d’après vos propres décrets. Au mois de novembre
1789, toutes les communes du Comtat
ont protefté de leur fidélité au pape , leur légitime
, fouverain , 8c la commune d'Avignon a donnq
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l ’exemple. Le 4 mai vous avez décrété , après
ap.pel nominal , q iï Avignon & le comtat Venaiflin'
ne faifoient pas partie de l’empire François :
le 24 mai 1791 , vous avez rejetté une pétition
de la commune à'Avignon, qui demandoit la réunion
; & le 25 du même mois , vous avez décrété
qu’il feroit envoyé à Avignon 8c dans le
Comtat des commiflaires médiateurs, pour inter-
pofer les bons offices de la France, & faire cefler
les hoftilités. Mais vous n’avez pas envoyé des
hommes pour aller prendre pofleffion de ce
pays. ;
Examinons avec les précautions de la fagefle
8c de la probité la conduite des médiateurs. Qu’ont-
ils dû faire ? qu’ont-ils fait ? En rapprochant leur
conduite des principes qui auroient dû les diriger,
ils ont fait le contraire de ce que portoit leur
miflion: féduCtion , partialité, complicité avec les
fcélérats , violénces 8c injuflices perfonnelles ; voilà
le tableau de leur conduite. On me dira qu’ils font
porteurs de certificats & de lettres qui attellent
la reconnoiflance du peuple. Je n’accufe pas par
des épithètes, qu’on ne me réponde pas par des
panégyriques. Quelle étoit leur miflion ? De faire
ceffer les hoftilités, & de défârmer les parties bel*
iigér antes. Vous vouliez donc la paix : vous avez
dit formellement qu’avant que les Avignonois & les
Comtadins puffent émettre un voeu , il falloit qu’ils
jouiflent de la paix 8c de la liberté des opinions.
Vous avez le maire 8c les officiers municipaux
à'Avignon, ils vous ont apporté le voeu de cette
ville. Savez-vous ^comment ils en font partis ? dé-
guifés en huflards ; ils avoient peur d’être pendus :
ils m’entendent 8c ne me contrediront pas : ils fe font
réfugiés pendant deux jours chez les commiflaires
médiateurs , 8c le troifième jour 'ils font partis
pour venir vous parler de la liberté dont jouit le
peuple avignonois.
Si ce fait ne fuffit pas , j’ajouterai que dans
ce moment, tous les .officiers municipaux font en
prifon ; qti’Avignon eft maintenant gouverné par
l’armée des brigands , que meflieurs les médiateurs
n’ont pas voulu défârmer , 8c qu’ils préfentent
même, ainfi qu’il eft prouvé par un écrit figné ’
de la main de M. l’abbé Mulot , comme des
hommes dignes de l’eftime publique. Xe les appelle
du nom de brigands, parce qu’ils fe le font donné
eux-mêmes.
Cette armée , à la tête de laquelle eft le'’fameux
général Jourdan coupe - têtes , porte ces mots
écrits fur fa cocarde : braves brigands du quatre-
vingt-quatrième département de Vauclufe. En arrivant
dans ce pays , les médiateurs parurent fentir la né-
ceflité de faire exécuter vos ordres, 8c ils ont
fait une proclamation pour que les déferteurs fran-
çois quittaflent les corps où ils étoient , & pour
engager les divers partis à mettre bas les armes.
Pourquoi ont-ils fait cela ? parce qu’alors on jouif-
foit de la paix , .8c que fans eux ce malheureux
pays en jouiroit encore. ( Il s'élève de violens mur«
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mures dans la partie gauche). Voici la preuve. Les
habitans du Comtat étoient réduits à fe défendre
contre l’armée de Jourdan. I/armée de Carpên-
tras étoit la plus forte du doubJe, 8c les Avignonois
alloient être exterminés. (Une voix de la
partie gauche : vous appeliez cela la paix ? ) Si
les habitans du Comtat avoient été feuls en danger,
on n’auroit défarmé perfonne. ( Une voix s’élève :
la preuve ).
Cependant, le refpeCt des habitans du Comtat
a été tel, qu’ils ont mis bas les armes fur le champ ;
les brigands feuls les ont confervées ; on eft allé
foin mer les commiflaires de les défârmer ; ils ont
répondu: « Les armes font mal placées entre vos
mains, mais fort bien entre les leurs v. ( Plufieurs
voix de la partie gauche : la preuve ). La preuve
n’eft-elle pas dans le palais d'Avignon, dont ils
fe font rendus maîtres, dans des faits que toutes
les puiflances de l’enfer ne contrediroient pas ?
(Une voix s’élève : vous êtes une de ces puiflances).
N ’eft-il pas vrai que les brigands ont refufé d’obéir
à la proclamation qui ordonnoit le défarmement
de tous les partis ? Qu’ont fait alors Jes commif-
faires médiateurs ? Us les ont protégés 8c les protègent
encore ; j’en ai les preuves, 8c je les donnerai
a Orléans. Qu’ont h it ces hommes protégés
par lés commiflaires ? Us ont fini par être républicains
; ils vouloient, difoient-ils, donner un grand
exemple à la France. Que fontenfuite devenus les
commiflaires ? Us ont été décrétés par l’aflemblée
électorale de Bédarides.
M. l’abbé Mulot s’eïl tant attiré de vénération
à Avignon , qu’il a été obligé de fe réfugier dans
une autre commune. Je vous allure qu’il y, a bien
d’autres ennemis que fes créanciers. Voiià la preuve:
il a emprunté 3600 liv. à un marchand d 'Avi*
gnon. ( On murmure. ) Ne vous fcandalifez pas,
Meffieurs, je n’en fuis encore qu’aux peccadilles.
Aprçs avoir entendu la leCture d’une lettre deiM.
l’abbé Mulot, l’aflemblée électorale du département
de Vauclufe , féant dans l’églife paroiifiale de Bédarides,
a déclaré qu’elle contenoit des principes
erronés, qu’elle étoit offenfante pour l’affemblée
électorale, 8c qu’elle pouvoit altérer la confiance.
Cette délibération a été prife fur l’avis du comité
des rapports de l’affemblée électorale , car elle
connoit auffi les grandes manières. ( Quelques voix
s’élèvent dans la partie gauche : ce n’êft pas-là un
décret ). Je me fuis fervi d’un mot impropre ; car
un corps adminiflratif né,rend pas de décrets. Un
juge d'Avignon, nommé Draphel, s’eft établi le
grand juge prévôtal du coupe-tête Jourdan ; alors
la municipalité 8c le diflriCt l’ont révoqué de fa
fonction de juge : mais MM. les médiateurs exerçant
leur fouveraineté, ont ordonné que M. Draphel
feroit toujours regardé comme juge , 8c ont
enjoint' à la force publique de protéger l’exécution
de. fes jugemens. M. Heno, auffi juge d'Avignon
, ainftruit contre cet attentat; mais l’armée
de Jourdan ? qui yenoit juger la juftice d'Avignon •