
à chaque armée des fecours en même temps, de
manière que fouvcnt le père^ fer voit contre le fils,
le frère contre le frère. L ’armée avignonoife étoit
partie du confentement général des habitans à 'A v ignon.
La guerre avoit été l’effet plutôt d’un cri
unanime que d’une délibération. Dans le premier
enthoufiafme on avoit promis une folde extravagante,
& telle qu’aucune puifiance ne pouvoit en
foutenir la dépenfe. Quand elle fut hors de fes
murs , l’amour du pouvoir, le defir de s’emparer
des moyens ne tarda pas à divifer les chefs de
l’affemblée électorale & les membres de la municipalité.
L ’affemblée étoit un corps nouveau ,
repoufie par pluûeurs communes ; il ne jouiffoit
pas d’un crédit sûr. La municipalité étoit l’ouvrage
immédiat du peuple & l’objet de fon amour. Le
peuple étoit à fes ordres : la municipalité abufa
de fon influence ; elle voulut fiéger dans l’affemblée
électorale , & cette querelle abfurde de prétentions
força i’afièmblée de quitter les murs d’Avignon,
au moins partiellement. Ainfi ces deux états étoient
déchirés par une guerre civile , .& Avignon Pétoit
par deux fa&ions. L ’armée aux ordres des chefs
de l’affembléé exigeoit ; la municipalité refufoit ;
on fe fàifoit une-guerre de mauvais traitemensj
de vexations, de calomnies; bientôt elle devint
guerre ouverte. Cette querelle mit la divifion entre
la garde nationale du Comtat & celle du camp.
Des juges furent deftitués fans forfaiture jugée;
de nouveaux juges-nommés par la municipalité ;
des officiers furent arbitrairement déplacés ; des
décrets rendus fans inftruéiion, par des juges in-
compétens, compromirent la liberté de beaucoup
de citoyens, & fur-tout des chefs de l’aflemblée
électorale & de l’armée ; leurs maifons furent envahies
, leurs effets mis fotis fcellés, & ils n’ofèrent
plus rentrer dans Avignon.
C ’eft à ce caraClère odieux, figne indélébile
d’un peuple corrompu, que l’on dut l’anecdote
d’un coupe-tête, attribuée au chef de l’armée. Elle
naquit de la méchanceté de fes concitoyens , &
d’un propos tenu par fa groffière franchife. Il avoit
dit que, fe trouvant à Paris dans le temps de ces
a (Ses effrayans fur lefquels nous devons tirer
un voile , il avoit dit qu’un garde national emprunta
fon fabre & lui dit , en le lui rendant ,
qu’il avoit bleffé une des victimes* de ces jours
de trouble & de fang. Cette anecdote recueillie &
façonnée par la haine, devint bientôt la matière
d’une accufation horrible pour lu i , déshonorante
pour ceux qui lui obéifioient; mais ce léger oubli
de lui-mémo & de tous les partis fur ce fait,
m’en ont confirmé la fauffeté. Jourdan eft un
homme groffier, mais plutôt fenfible que févère,
ayant le courage du fang-froid & le langage qui
convient au peuple. La politique des chefs lui
donna le commandement; ils vouloient un homme
brave , docile à leur ! corn mandement, qui les mît à couvert des événemens, s’ils tournoient mal, &
qui, aux yeux de la lo i , fût refponfable de ce
qu’ils ordonileroient eux- mêmes. Les défordres
à'Avignon eurent pour l ’armée des effets bien
terribles. Ils ne contribuèrent pas peu à ladésho-,
norer. D ’un autre côté, cette armée fans fonds,
fans moyens, preffée par fes befoins, y contri-
buoit journellement par fes exactions. Les contributions
forcées en argent & en nature, étoient
fes uniques moyens d’exiftence. Il eft vrai qu’on
donnoit à tous ceux de qui l’on exigeoit des
fubfiftances, des bons pour être payés fur la caiffe
publique'', & fur la vente des biens nationaux;
mais ce n’étoit pas moins une vexation intolérable
fur tous les individus, & une efpérance da
paiement bien précaire , & à mefure que l’on avoit
plus ou moins p a yé , plus ou moins fouffert, on
lui portoit une haine plus ou moins forte. C ar-
pentras fatiguée , épuifée par deux mois de clôture,
crut que c’étoit le moment de faire un dernier
effort pour fe délivrer d’un ennemi dont la persévérance
linquiétoif. En effet , elle sadreffa
à Valréas & aux communes du haut Comtat; Ce
n’étoit pas affurément le même fyftème politique.
Carpentras & tout le bas Comtat vouloient la- conf-
titution françoife. Le haut Comtat étoit fidèle a
la cour de Rome; mais ils étoient réunis par le
fouvenir de la bataille de Sârrians, parleur haine!
commune contre les Avignonois. Les amis de Car- .
pentras remuèrent auffi vers le Libron & la tour
de Sabran; de nombreux raffemblemens d’hommes
fe faifoient de ces côtés divers. Le projet étoit de
partir du nord & du fud, pour, d’accord avec ceux
de Carpentras , fe porter de trois côtés différens
fur Monteux & anéantir l ’armée avignonoife.
T e l étoit le fort déplorable d-’Avignon & du
Comtat, lorfque l'affemblée nationale s’en occupa
au mois de m ai, lorfque fon humanité autant que
fa juftice, arrêtèrent d’y rétablir la paix avant
de prendre un parti ultérieur au fujet de fes droits
fur ce pays. Telle fut enfin la tâche à remplir par
les médiateurs décrétés par Pafiemblèe nationale
& envoyés par le roi pour remplir fes vues.
Les médiateurs s’arrêtèrent à Orange ; ils crurent
qu’il étoit fage d’arrêter une nouvelle rivalité entre
Avignon & Carpentras, puifqu’il étoit impoffible
de fe rendre dans les lieux qu’ils habitoient. Ils
crurent qu’il importoit de connoître les difpofitlons
de tous avant' de s’expofer dans un pays ou rien
alors n’étoit refpe&é. Ils crurent qu’il importoit
d’amortir le choc des paffions leppofées , de réunir
ces hommes & de les faire difeuter en leur -pré--
fence, pour leur dire enfuitè lé but de leur million.
L ’expérience confirma la ■ jufteffe de'leurs vues;
ils obtinrent bien plus de facrifiees qu’ils n’en âu-
roient obtenus. D ’autre part, chacun deftroit la
paix , & elle mettoit un frein aux paftions.
Cependant, d’un côte, le: territoire de France
venoit d’être violé à Gig-undapar des affaffinats
commis par des gens de l’armée du haut Comtat;
de l’autre, les raffemblemens fe continuoient, &
il étoit à craindre qu’en licenciant l’armée ; a.vi-
gnonoife,
g^otfoîfe J Celle qui fe formoît S i éjüî pafoiffoit
confidérable, qui fembloit avoir des liaifons très-
étendues , ne caufât de pins grands défordres
encore. Déjà les chefs, à l’inftar de ceux & A v ignon
, exigeoient des contributions forcées , & ils
trouvoient bon pour eux ce qu’ils condamnoient
dans les autres. I l fallut retarder le licenciement
de l’armée d'Avignon , jufqu’à ce qu’il fût confiant
que les raffemblemens fe diffipoient, & que des
préliminaires de paix, fignés de tous les partis,
Jiffureroient la tranquillité générale.
Au nombre des contraétans, étoient les députés
de cette affemblée électoralereconnue par les
uns, repouffée par les autres, & affez généralement
haïe, puifque l’armée étoit à fes ordres, &
qu’elle fe portoit à d’odieufes vexations. L ’affemblée
nous parut fondée en principes ; elle préfentoit
foixante-huic procès-vèrbaux fur quatre-vingt -
quatre, en vertu defquels elle exiftoit. Appeller
une nouvelle députation, un nouveau corps délibérant
, eût été oppofer puiffance à puiftance,
doubler les embarras & créer un nouvel obftacle
a notre million. Mais il ftilloit ramener celles qui
»voient rappellé leurs électeurs ; il fiilloit enfin
obtenir la volonté , la parole de toutes les communes
, de mettre bas les armes. Nous trouvâmes ce
point de réunion dans les principes d’intérêt particulier
avec les intérêts de tous. Dans le troifième
article des préliminaires , l’affemblée éle&orale
devoit être reconnue par - tout, mais feulement
être le noeud commun des intérêts de tous. Pour
ôter toutes craintes de fes entreprifes & de fes
opérations politiques, elle confentoit elle-même à
être paralyfée pour tout autre objet, & à n’avoir
d’autres fondions que de recevoir, de, recueillir
& conftater le voeu dés communes fur leur fort
politique ; car on fentoit fort bien, que pofer les
armes, n’étoit pas bannir l’anarchie d’un pays où
chaque commune formoit une petite république,
où il n’exiftoit aucun gouvernement , aucun ordre
judiciaire; ils fentoientfort bien qu’il étoit important
pour eux de preffer le moment de déterminer
leur fort politique, 8c que tous les moyens d’y
concourir dévoient être faifis par eux avec avidité.
Si l’affemblée nationale s’étoit contentée de rétablir
la paix avant de ftatuer fur fes droits , ce
n’étoit pas affez pour ceux qui n’appercevoient de
bonheur que dans la réalifation de ce voeu, qui
déjà avoient préfenté (bixante-huit délibérations fur
quatre-vingt-quatre qui demandoient la réunion,
qui avoient vu ce voeu ajourné , & à qui on
avoit .reproché qu’ils ne l’a voient pas émis libre- :
ment; pour eux , dis-je , la chofe la plus importante
étoit d’employer les premiers momens d’une !
pajx garantie par la France , pour émettre de j
nouveau , & à l’abri de tout reproche, un voeu.
duquel ils faifoient dépendre le bonheur public.
Elle fut la matière & les vues des articles 3 & 4
des préliminaires de paix. Ces préliminaires de
paix furent adoptés par l’affemblée nationale ; vous
ÂflfipiidU N&ùoaoii. Tome IL D&eLL
efi fîtes là loi du 4 juillet dernier \ & vous daignâtes,
en approuvant la conduite & les mefures
des médiateurs, donner à letirs travaux la plus
flatteufe efpérance , à leur zèle le plus puiffant
aiguillon.
Notre première entrée dans le Comtat, fut la
plus douce des jouiffances. Des champs couverts
de riches taoiffons, attendoient les bras des cultivateurs
: abandonnés depuis long-temps, ils virent
reparoître les mains qui les avoient fertilifés, 8c
de tous côtés nous recueillions pour vous les
aCtions de grâces d’un peuple, qui vous devoit
le bonheur. Cependant les raffemblemens de Lor~
güe , Livron & Caron venoient d’êrre diffipés par
nos foins & notre fermeté. L ’armée d'Avignon venoit
d’être licenciée ; & afin de prévenir tout
trouble, & fur la demande de la municipalité
conformément à la garantie de la loi du 4 juillet,.
nous avions fait marcher à Avignon deu'x bataillons
du régiment de la Fère, un de Sonneoeberg, S i
deux efeadrons de huffards. Nous avions fait marcher
à Carpentras un bataillon du ci-devant Soif*
fonnois, un efeadron de dragons , & une com^
pagnie d’artillerie. C ’étoit tout ce qu’il nous avoit
été poffible d’obtenir, quoique infiniment au-def-
fous de ce qui étoit néceffairc pour maintenir là
paix dans un pays de haines fi multipliées, fi;,
invétérées. Toutefois l’armée rentre dans Avignonjj
cette armée à laquelle les haines inévitables qu’ellé
avoit produites, les haines de la municipalité &
les calomnies qui en avoient été la fuite , avoient
attaché la défignation odieufe de brigands de 1»
garde foldée avignonoife ; forte d’un détache-*
ment de la garde nationale de cette ville , de$
détachemens de foixante communes & de cent
quatre-vingts déferteurs françois à-peu-près, elle
mon toit à plus de trois mille hommes armés. Après
avoir remis leurs armés, la plupart des détachemens
fe retirèrent tranquillement dans leurs eom*
mîmes. Nous proclamâmes Famniftie, 8c nous fîmes
partir - les déferteurs.
Nous n’avions alors qu’à nous louer des chefs-
6c de i’afferablée électorale ; ils fe conformaient
ftriCteroent à la lo i, & l’ordre régnoit dans Avt-*'
gnon. Mais les haines étoient encore trop fraîches ,
les reffentimens trop aCtifs pour obtenir une tran-r
quillité abfolue. Caron avoit été une de ces villes-
infortunées qui, flottant dans fes opinions, avoit
fourni des détachemens aux deux armées e n n e mies.
Nous avions prévu les effets de cet inconvénient
, & pour les éviter, nous avions écrit an
commandant de Sciffonnois de protéger la rentrée
par un détachement de troupes de ligne.
En arrivant fous les murs de Carpentras , eeüîç
de Caron font attaqués par le peuple ; un d’emç
eft maffacré malgré les efforts de nos troupes. M..
Defterot fauva le refte : il les fit conduire à. Caron
par foixante hommes de ligne , & remettre fous la
proteâion d’une compagnie d’artillerie. Le peuple,
excité par' uu nommé Clément, commandant, de“