mens pofitifs , parce que leur perfection eft encore
en problème ; il en eft fur lefquelles * par prudence,
elle.,ne devra pas prononcer, pour ne pas
préparer, par des décifions précifes , des embarras
ultérieurs au pouvoir exécutif. D’ailleurs, comme
aflemblée nationale confidérée en elle-même, ne fe
pourroit-il pas qu’elle ne comptât parmi fes membres
aucun militaire ? Dans les motifs divers qui
ont déterminé le choix de nos commettans, les
connoiffances-réfléchies fur Vannée & fur l’art de
la guerre ont dû être comptées pour rien : cependant
pour prétendre ftatuer en détail fur lescom-
binaifons les plus parfaites de la formation de Varmée
, il faut connoître les différentes parties de 1
cette fcience ; & cette fçience tient néceflairement
à la connoiffance des plus grands principes militaires
, à la connoiffance de tout ce qu’il, y a de
plus parfait en ce genre chez nos voifins , à leur
comparaifon avec nos moeurs, nos befoins, notre
population.
Les armées de Pruffe & de l’Empereur, généralement
reconnues fupérieures à la nôtre par leur
formation, ont cependant entre elles des différences
auxquelles elles tiennent en les croyant préférables.
De quelle autorité l’affemblée oferoit-elle
s’appuyer pour ftatuer au milieu de ces différences
qui partagent les fentimens des peuples les plus
inftruits, les mieux exercés dans l’art de la guerre ?
Si les progrès de votre armée pour la combinaifon
& la divifion des* forces differentes, pour l’artillerie
, pour l’armement, &c. ne fuivent pas celles
des armées contre lefquelles vous pouvez avoir à
combattre, le fuccès de vos armes, & par con-
féquent celui de votre empire, de votre conftitu-
tion , peut être en danger.
. La fcience de la guerre fe perfectionne chaque
jour. Il n’eft peut-être aucune partie du fyftême
général de l’adminiftration , où le mieux pofîible
dépende autant que dans le fyftême militaire , de
l’exemple des autres & de la réflexion ; car le mieux
abfolu n’y eft pas encore trouvé.
Trop d’élemens mobiles entrent dans la com-
pofition des armées , pour que l’affemblée nationale
puiffé ofer entreprendre de fixer par un décret
, quelle doit être la meilleure formation de
Vannée françoife.
"Vouloir fixer, en aflemblée , la proportion pré-
cife de la cavalerie, de l’infanterie , des troupes
légères, la quantité & l’efpèce des armes, la quèf-
tion des places fortes, le fyftême des fortifications,
celui de ^artillerie , & les nombreux & importais
détails qui en dépendent , c’eft vouloir s’expofer
avec une grande vraifemblance , à décréter des
erreurs,
La formation d’une armée n’eft qu’un détail
d’adminiftration, qu’il ne faut pas confondre avec
la légiflation de Varmée, qui appartient effentielle-
• ment à l’affemblée nationale : elle ne doit, fi j’ofe
le dire , s’occuper que de la partie morale de
Yarméc. C’eft fur ces loix fondamentales qu’elle
doit prononcer, fur celles qui attachent la forç,
militaire à la conftitution : c’eft à elle à pofer
bafes fur lefquelles doit s’élever cet édifice pro.
teCleur de nos libertés, & impofant pour qui You.
droit les attaquer.
Il feroit bien à defirer, Meflieurs , que chacun
de vos comités n’eût à pçéferiter à vos- délibérations
que des objets-fur lefquels vous auriez arrêté
de délibérer, & dans l’ordre que vous au-1
riez preferit. Cette marche qui , dès le premier I
jour de votre travail , vous en feroit voir l’en. I
femble, plus sûre & plus prompte pour tous, eft
encore plus néceffairire pour le comité militaire-
car il eft , -par plus d’une confidération , inftant
de fixer , d’une manière pofitive , le fort & l’état
de Varmée.
Il feroit difficile à qui n’auroit connu jufqu’ici
1''armée françoife que par l’état de fes dépenfes !
de croire que , coûtant* de 105 à 106 millions le
nombre des combattans étoit moins fort qu’il ne
devoit être , quand la nation étoit fans milites•
nationales fur pied ; que l’état du foldat y étoit'
inférieur à ce qui eft dans aucun pays du monde; >
enfin, que l’épargnela plus forte, la plus nuifible j
pour les parties effentielles de cette grande machine
, fe irouvoit à côté des dépenfes exceflives
pour des parties qui préfentent beaucoup moins !
d’utilité.
v. Il faut donc , par efprit de juftice, augmenter j
la paie du foldat, rendre fon fort plus heureux,
& il faut le fixer promptement. L’incertitude de |
l’armée fur fon fo r t, après une commotion auffi
forte , aufli générale que ' celle qu’a éprouvée la
France entière , acheveroit de détruire tout efpoir |
de rétabliffement dans la difeipline que les dr-i
confiances ont confidérablement relâchée , mais
que beaucoup de régimens encore ont cependant
maintenue avec une confiance digne d’éloge. 11
' faut fe hâter de faire difparoître cette incertitude
par laquelle Varmée eût pu être fufceptible de re-
- cevoir toutes les impreffions funeftes contre la
liberté des citoyens , fi l’efprit de patriotifine n’eût
pas prévalu en elle fur toutes inftigations contraires.
A ces conditions de tranquillité intérieure qui
rendent néceffaire la prompte organifation de M|
mée, il convient d’ajouter, les confidérations politiques.
La tranquillité d’une partie de l’Europe en
troublée ; toutes les grandes puiffances femblent
s’agiter ; bien d'autres intérêts fe joignent peut-
être encore à ceux qui fe mhntrent avec plus de*
vidence : le choc de ces grandes maffes pourroit
avoir fur nous une réaétion qu’il faut prévoir, &
qui pourroit devenir dangeteufe , fi nous ne nous
hâtions , par rétabliffement de nos forces ^ militaires
, d’aflùrer notre indépendance politique»
fans laquelle il n’y a point de véritable liberté
civile.
Si la France eft dans l’heureufe pofition de jje
pas defirer l’accroiffement'de fes poffeflions,^
.t au moins prétendre à les conferver dans l’in- ;
'T-rité & l’enfemble qui font de ce vafte royaume ,
ieplns bel empire de ce monde. .
Je n’entreprendrai pas de dilcuter ici les motus
, lefquels le comité militaire établit que votre
'armée doit être forte, en temps de paix , de 142
mille hommes , & portée à 240 mille hommes
en temps de guerre. D ’accord avec lui fur les
confidérations qui réfultent de l’état militaire de
"nos voifins , de notre pofition politique à leur
égard, de la garde de nos frontières, je me permettrai
feulement de dire que Varmée qui , en
temps de paix , approche le plus de la force
qu’elle doit avoir en temps de guerre , qui eft
; préparée pour agir & entrer en campagne dans
; un plus court délai, eft celle dont l’empire doit
fe promettre de*plus grands avantages.^
Pour fe croire parfaitement en état dè'défenfe,
1 il faut être en état d’attaquer , & de repouffer
i fur fes ennemis le mal de la guerre ; il faut même
[pouvoir le prévenir quand il en eft temps , &
fur-tout ne pasfouffrir, s’il eft poflible, que fon
pays devienne le théâtre de la guerre ; car le
i fuccès le plus complet coûte encore bien cher,
| quand on a l’ennemi dans fes foyers.
Les moyens politiques d’équilibre pour un état
tel que la France , font tous dans le poids de fes
forces : c’éft aux états foibles encore , auxquels
l’ambition peut être néceffaire pour acquérir une
exiftence , à chercher à s’accroître par^ ces complots
dont le partage de quelques grandes dépouilles
eft le gage. Mais la France, riche; par-
: deflus toutes fes autres richeffes , d’une conftitu-
| tion heureufe & libre , n’ayant rien à envier à
qui que ce foit, ne doit voir que des amis dans
[ les nations qui peuplent le monde. J1 eft de fa
i dignité & de fa force , de n’avoir aucun fecret
politique : fon intérêt n’étant que l’intérêt général,
elle peut & doit annoncer hautement fes deffeins.
| Ne rien entreprendre & ne rien fouffrir ', voilà
I quelle doit être & quelle^ fera bientôt ,• fans doute,
I la politique. Mais ce maintien augufte ne convient
qu’à la force , parce que la feule préfence d’une
grande force dirigée par la fageffe , obtient le
[ refpeft des nations , & affure la paix qui , pre-
| mier bien &• première richeffe d’un état vraiment
puiflant, doit être le feui objet qu’il fe promette
dans l’entretien d’une grande armée.
D’après cette inconteftable vérité, Varmée qui a
la facilité de raffembler le plus promptement le*
S nombre le plus grand d’hommes équipés & exer-
; £es, réunirait la condition d’une moindre dépenfe ,
I eft celle dont la formation eft préférable , quand
| fur-tout, & avant toute autre condition, elle aura
edle1 plus précieufe encore , de ne pouvoir, par
; fa compofition & fon fyftême, porter aucun effroi
a la liberté nationale.
Car il faut , en aflùrant la conftitution de Var-
\ nce de manière à pouvoir puiffamment écarter les
, tenaces d’une guerre étrangère, placer dans fa
conftitutîon même , des moyens de sûreté pour
la confervation de notre liberté , des moyens qui
ne laiffent aucune inquiétude aux efprits les plus
méfians.
Je trouve ces moyens dans l’impoflibilité pour
le roi d’augmenter, (ans tin décret de l’aflemblée,
le nombre de fes troupes étrangères ; d’augmenter
même , à un certain point, la force de l’armée ;
dans l’impoffibilité d’employer les troupes dans l’intérieur
du royaume , autrement que par les formes
ordonnées par la conftitution; Ces moyens acquerraient
une nouvelle force encore , en y ajoutant
celui de la refponfabilité des miniftres & des agens
militaires.
Cette précieufe refponfabilité, puiflant régulateur
de l’autorité, eft une indifpenfable précaution
contre le pouvoir militaire.
Cependant, pour le falut de Varmée & par con-
féquent pour celui de l’état , elle doit être employée
avec mefure. La refponfabilité des agens
militaires *ne peut concerner aucun de ceux qui
agiffent comme fubaltewies ; la fubordination fi
néceffaire aux armées fe trouverait détruite, fi chacun
, en vertu de fa refponfabilité particulière ,
avoit le droit de difeuter les motifs de fon' obéifi
fance. Les fubalternes ne peuvent répondre que de
Pexéciltion arbitraire qu’ils auraient donnée aux
ordres dont l’exécution leur eft confiée ; mais la
refponfabilité doit être bornée à celui qui donne
des ordres, à celui qui agit en ch e f, de quelque
grade qu’il foit, à celui qui agit fans ordre. Où
l’ordre peut être montré, la refponfabilité n’attaque
que celui dont il émane ; là , fi elle attaque
les lo ix , elle doit s’exercer avec la plus grande
rigueur.
Le cara&ère de cette refponfabilité eft fimple,
ne peut caufer d’erreurs, 8c elle réunit le double
avantage de protéger la liberté civile , fans donner
prétexte à l’indépendance militaire.
Qu’il me foit permis d’ajouter encore quelques
mots fur les précautions prifes dans la conftitution
de l’Angleterre , pour la confervation de fa-libertè
contre l’exiftence d’une armée , pour répondre à
ceux qui voudroient les introduire en France , dans
leur entier.
Les Anglois ayant, ainfi que nous , recouvré
leur liberté , & voulant, ainfi que nous , conferver
auffi le gouvernement monarchique, comme
le plus propre à unir la force publique & à défendre
les intérêts d’un grand état, reconnurent la
néceffité de conferver à la prérogative royale la
levée , la difpofition & le gouvernement entier
des forces de terre & de mer ; mais pour prévenir
le danger dont la liberté conftitution nelle
pouvoit être menacée par la préfence d’une armée
conftamment fur pied, ils eurent recours à deux
aéles préfervateurs.
Le premier, dont l’objet eft de punir la défer-
. tion & la révolte , & d’affùrer le paiement des
troupes, n’a de force que pour un an : s’il n’eft