
décidé positivement, quand ils n’ont eux-mêmes
cefi'é de répéter, d a n s leurs opinions, que les circonstances
les plus, impérieufes nous commandoient
une décision prompte & définitive ? Ils lavent
très-bien que nous avons renoncé pour jamais,
au droit de nous emparer d'Avignon & du Comtat,
. Tous peine de nous dénoncer à 1 Europe, comme
les plus odieux 8c Tes plus ir.confequens ue tous
les uSurpateurs.... Cette proposition vous étonne ?
Quoi ! ne feroit-ce donc pas une uforpation, que
d’envahir un territoire q u i, de votre propre aveu ,
ne fait pas même partie intégrante de votre empire
? Àinfi , pour n’avoir pas connu la force des
termes, pour s’être réduit à des rutes de guerre,
ou plutôt aux miférables chicanes du barreau , nos
adverSaires ont lai (Té fubfider dans le procès-verbal
ce qu’ils en vouloient retrancher. Iis ont confirme
les droits du pape., en s’efforçant de les anéantir, ;
& ils fe font interdit à jamais tout droit for A v ignon
& for le Comtat, en voulant conferver un
prétexte d’agrcffion , par des réferves infiriieufes
oc des commentaires abfordes , dignes des feholiaftes
du quatorzième fiècle.
Le décret jufte & fage que vous avez rendu,
p’a donc été réformé, ni par le fait, ni dans le
.droit. L ’abforditè s’eft heureufeinent confondue
elle-même, en cherchant à l’annuller. On n’ofera
pas dire , fans doute, que l’objet de votre délibération
étoit de favoir fi Avignon & le Comtat
faifoient a&uellement partie de l’empire François,
.puifqu’ils en font féparés fans interruption »depuis
neuf cents ans. On nous a propofé de décider fi
Avignon & le Comtar étoient partie intégrante
de la France. Ce mot intégrante qui fe trouvoit
dans le projet de décret, n’eft point une de ces
expreffions vagues dont vous puifüez veus difîî-
muler l’énergie. .Qu'eft-ce en effet qu’une partie
intégrante ? c’eft une portion dun tout, dont elle
forme le complément, mais qui ne lui eft point
effentieÙe. Ainfi , un bras eff une portion intégrante
du corps humain, parce que le corps d’un
homme ne fer oit pas complet , s il lui manquent
un bras. La tête, au contraire -, eff une partie effentielle
de l ’homme-, parce que l’homme ne fauroit
exrfter fans une têts. Vos comités vous ont donc
fommés de déclarer fi Avignon & le Comtat
'étoient partie intégrante de la France , c sff-a-d r j ,
s’ils formoient le parfait complément de l’empiré
François. Vous vous'êtes décidés nettement pour
la négative. Votre décret n’a pas été révoqué ;
& il n’auroit pu l’être , que dans la même forme
de l’appel nominal qui avpit manifeftè, légalement
•votre vceu le plus folemnel.
Je demande maintenant fi c’eft au gré de la
minorité de cette affcmblée, fi c’eft en l’abfen.ce
de la pluralité de fes membres, fi c’eft à la le&iire
d’un procès-verbal, fi c’eft par des explications
heureufement affez abfordes pour révolter votre
propre raifon, que l’on a pu denâturër un pareil
décret, fans vous dénoncer a la France ienfîerê, '
I comme uriè troupe d’infenfés ? Pour moi, }e regarde
ce décret libre & raifonnè, comme là recon-
noifiance la plus facrée de la fouveraineté du pape.
C ’eft é vos propres mains que Pie V I a reçu cét
aveu authentique, fans l'avoir folhcité, fans-s'être
défend, u , & par un fini pie mouvement fpontané
de votre jufiiee. L ’affemblée nationale eff incapable
I fans doute d’agir par furprife , & de s’abamer à
J de perfides fubterfuges. C ’eft l’outrager,, c’eft l'avilir
, que d’employer des moyens ténébreux &
lâchés , pour infirmer le voeu de la majorité ; voeu
auquel nous nous fommes fournis dans des occa-
fions beaucoup plus importantes voeu dont le
peuple lui-même a fi bien fenti toute la force 8c
tonte l’évidence , qu’il a voulu nous punir de mort,
nous qu’il en regardoit comme les véritables moteurs
; voeu que cette multitude en délire a légalifé
aux yeux de l’Europe entière , par l’attrocité de
fes menaces, qui en ont du moins attefté le vrai
fens ; voeu enfin que vos tribunes elles-mêmes
n’oferont pas méconnoître, puifqu’elles ont voulu
le fceller de notre fang , 8c que des hommes libres
8c juftes ne peuvent plus ni le défavouer ni le
combattre !
Après avoir ainfi difeuté le voeu de certe affem-
blée, ileft temps de faire compâroître , àfon tour,
votre rapporteur ( M. de Menou ) , fophiftique
militaire qui ne fait faire des conquêtes qu’avec
des décrets. Je vais réduire avec lui, à leur juftè
valeur, les pétitions du peuple avignonois.
Je lui ferai grâce du principe qu’il vient d’avancer
dans fon rapport, que tout contrat entré
lé gouvernement 8c les gouvernés, eff révocable
à là volonté des derniers, vu que le peuple confier
vè toujours le droit de changer à fon gré fon
gouvernement. Ah ! ce feroît faire aux peuples un
préfent bien funefte, que de leur accorder ce droit
terrible , qui lés. livreroit tous les jours à de nouvelles
fâchons ! M. dé Menou s’eft réfuté d’avancé
lui-même, quand il a reconnu que depuis le 14
juillet dernier, les provinces du royaume , fôlëoe-
nellemént confédérées, ri’avoient plus le droit de
fe féparer le la monarchie. Il y a donc , félon M.
dé Menou lui-même, un moment où le peuplé
qui, d’après fa do&rinë, ne peut jamais aliéner fa
fouVêràineté, n’a pourtant plus le droit de rompre
le contrat de fon gouvernement ? Je le prie, où
je le défie de concilier cette conféquence-, avec le
principe q'uéje viens de rapporter ; oc je n’ai béfoiii
que de rapprocher fes contradictions pour rénverfer
tous fes fyftêmes.
'Mais avant de traiter le point dé fait, qui éft
relatif au voeu du peuple avignonois , il éft une
autre qùeftion de droit qù’il'faut d’abord éclaircir ;
je veux parler de là fouveraineté du peuple & dé
là prérogative qu’on lui attribue, de changer arbitrairement
de gouvernement ’& de domination.
Qu’éft-ce donc, Meffièurs, que la fonveraincté ?
C ’en lé trànTport & là réunion de toutes les forces
1 p'àirticulièrës, dafis les thalhs d’un roi ou d’un féiiat
qui commande en dernier reffort, dans la fociété
civile. Chaque individu eft obligé de facrifier à
fa fureté perfonnelle une portion de fa liberté. C ’eft
l’affemblage de toutes ces portions de liberté , dans
un dépôt commun , qui forme la fouveraineté, en
é ta b liftant une puiffance fuprême , qui eft à la fois
la modification de la force particulière, 8c le centre
de là force publique. Il réfulte de ce principe , que
la religion nous donne line idée vraiment grande
oc lumineufe de l’autorité qui régit les peuples,
quand elle la fait émaner dire&ement de la divinité.
L ’Etre-fuprême en effet, a dû , comme auteur de
l ’ordre, eonfacrer la puiffance qui maintient la fo-
ciété, après avoir laiffé à chaque peuple le choix
de la forme de gouvernement qui lui convenoit
le mieux. Quand on dit que la fouveraineté vient
du peuple , 8c qu’elle réfide originairement dans
le peuple , il me femble qu’on ne s’entend pas
toujours bien foi-même. Sans doute que chaque
membre de la fociété a facrifié par le contrat fo-
cia l, une portion de fa liberté individuelle, puifque
fans ce facrifice, la fociété, je veux dire l’union
des citoyens, ne pourrôit plus exifter dans une
-agrégation d’hommes qui voudroient vivre dans
■l’état de nature , 8c par conféquent dans un état
de guerre. Si le peuple eft la fource de tous, les
pouvoirs politiques, comme on le prétend, le trône
dans-une monarchie en eft le réfervoir. Tous les
pouvoirs émanent donc du peuple. Mais le pèuple
e& obligé de les déléguer tous; 8c s’il s’en ré-
fervoit un feul, il tômberoit auffi-tôt dans la plus
déplorable anarchie. La fouveraineté nationale
ii’exifte donc ,- au milieu d’mi peuple, que parce
qu’il la délègue, 8c au moment où il la délègue.
Le pouvoir fuprême , qui n’eft autre chofe que la
colleftion des forces particulières, ne réfide, 8c
-même n’exifte nulle part, avant qu'il foit ainfi délégué
: d’où-il-fuit que cette qùeftion de la fou-
verainete du peuple eft .purement métaphyfique ,
une qùeftion infignifiante , 8c abfolumeni: ftérile
en eonféquences politiques ; qu’on ne peut en rationner
que par abftraérion; que la fouveraineté qui
Vient du peuple , ne peut jamais retoùrner au
‘peuple; 8c que c’eft manifeftement l’égarèr, que
de lui'parler fans ceffe d’un droit qu’il ne peut
pas plus exercer, que fon droit primitif de pror
■ priété- fouveraine fur tout le territoire national.
Si le peuple vouloit lev reprendre , au lieu dé,rétablir
'l’ordre, il s’eùvironneroit d’un vafte chaos.
.11 eft pourtant très-dangereux, fur-tout au milieu
-dès vapeurs enivrantes ,de la liberté , d’inveftfr
'inconfidérément Fopinioiï publique de ce principe
jabftrait de la fouveraineté du peuple. Le peuple
-qui ne le comprend pas, croit qu’on veut lui dire
quelque' chofe, quand on l’avertit ainfi de la fource
primitive des pouvoirs. Il en conclut que -perfonne
n’a le droit de le contenir ; & alors tout le monde
-commande'dans uivétat, excepté le feul chef légitime.
Le peuple, fe perfnacle bientôt qu’il n’eft
pas de fa dignité dé le fotimettre à -l’obéiflance.
Il eft cependant très-vrai que le peuple eft in-
téreffé lui-méme à obéir, 8c qu’il ne doit point
en être humilié, parce qu’en dernière analyfe, obéit-
dans l’ordre public, ce n’eft autre chofe que s’entendre.
L ’indépendance individuelle ne peut jamais
produire qu’une épouvantable confufion, ou plutôt
l’entière déforganifation du corps foetal.
Au refte, quelque opinion que l’on adopte fut1
l’origine de la fouveraineté , il eft impofiible de
livrer aux caprices du peuple, l:e droit d’en changer
arbitrairement le dépofitairë. Son .intérêt 8c fes
fermens l’obligent, autant que la juftice elle-même,
de renoncer à ce droit terrible, qui bouleverferoit
continuellement les empires , & qui deyiendroit
ainfi le plus redoutable fléau pour tous les états.
Toutes les obligations font réciproques. Les peuples
ont des devoirs à remplir, comme les rois eux-
mêmes , puifqu’ils ont des droits ; 8c certes, les
autorifer à l’infurreâion , à la révolte , à l’infidélité
envers le fouverain légitime qui eft chargé de les
gouverner ; reconnoître dans le peuple, 8c for-tout
dans une feâion du peuple, le droit de changer
ainfi dé domination, fans motif, fans prétexte,
fans être même tenu de rendre nul compte à perfonne
d’.un pareil abus de la force , c’eft .tromper
la multitude pour mieux la trahir, c’eft fe dénoncer
foi-même à l’univers, comme le plus dangereux
ennemi du genre humain.
Je reviens maintenant à ce voeu des Avignonois,
dont on ofe fe faire un titre pour confifquer légalement
la ville (^Avignon.
Vous n’avez pas oublié , Meilleurs, que le voeu
des Avignonois fut folemnellement difeuté, l’année
dernière , dans plufieurs de nbs féances. On n’ofe
plus nous parler aujourd’hui de ce voeu de réunion
émis le 11 du mois de juin 1750, fix mois atîrès
cet autre voeu folemnel des Avignonois , qui avoient
.renouvelle volontairement leur ferment de fidélité
au pape ; de ce voeu que M. Tronchet avoir fi
lum'ineufemènt difeuté dans cette tribune ; de c.è
voeu figné au pied des échafauds, 8c tracé avec
le fang des plus vertueux citoyens de là ville d 'A -
y,ignoh. M. de Menou lui-même , qui .certes n’eft
pas' difficile en preuves, 8c qui nous parloit de ce
voeu av.ee tant d’alforance , au commencement de
ce mois , garde aujourd’hui un filcnce prudent fur
ce même a&e, qu’il oublie à deffein. Il faut donc
le lui rappeller-, non pas comme Un flambeau qui
piiiffe nous ,éclairer dans cette difcuflîon , mais
comme un titre nul que l’on nous a produit des
.Tôiiÿèrtiire de' cette caùfe , dont il a vicié tous
les aéles fobfequens, qui en ont été là fuite nè-
cèffaire. Tous lés contrats que l’on nous préfentë
ic i, font frappés du même défaut de liberté qui
déshonora, cette première 'délibération , dont on
n’ofe plus à- préfent çontefter la nullité.
En' effet, Meilieurs, depuis cette journée à jamais
déplorable, tous les citoyens honnêtes 8c
éclairés , tous lés riches liabitàns , tous les propriér
taires, qui font les juges naturels Sc'les véritâbles