
76o A V r
d'hui le déféfpoir des a fia (Tins & Avignon, redouble
leurs alarmes, & accable du moins de tout le
poids de la honte, des brigands inacceffibles aux
remords.
Si M. de Menou fépare aujourd’hui la caufe
d'Avignon de celle du Comtat, ne croyez pas ,
Meilleurs , qu’il ait attendu, ce moment pour re-
cônnoîrre l’abfurdité dn voeu que l’on avoit arraché
aux Comtadins, aux deux époques de linva-
fion ; & des maffacres- de rifle du T h o r, ck de
Cavaillon. M,. de Menou,.qui foutenoir avec tant
d’intrépidité, au commencement de ce mois , la
liberté Sc ia légitimité des pétitions de ces malheureux
habitans du Comtat, lefquels fe jertoient clans
le fein. de la France pour y trouver un afyle,
comme on fe précipite du haut d’un édifice enflammé ;
M. de Menou connoiffôit clés-lors l’indécente,
irrégularité du voeu qu'il abandonne aujourd’hui.
Quel eft donc le motif fecret, je .ne dis pas de ce
changement d’opinion , mais de ce changement.de
Tangage de M. le rapporteur? Je vais vous le dire.
Les Avignonois venoient de commencer le fiège
de Carpentras. Cette ville ,queM.Bouche appelloit
fi burlefquement le cratère de l’ariftocratie;. cette
ville que l’on vous dénonçait comme un réceptacle
de prêtres, d’ariffocr-ates & de poltrons ;:
cette ville dont les Avignonois s’étoient flattés
d’enchaîner les habitans à leur char de triomphe
en venant vous demander de les proclamer François
par droit de conquête ; cette ville s’eft défendue
avec gloire : elle a mérité l’eftime & l’intérêt
de l’Europe entière;. St l’on a bien vu que
de pareils prodiges de valeur ne pou voient être enfantés
que par le plus fublime patriotifme. C ’ëff
ainfl que. Carpentras vous a expliqué le véritable
fens du voeu qu’il avoit émis d’être réuni à la
France ; voeu frappé des nullités les.- plus révoltantes
;. voeu contraire à tous fes véritables intérêts,
& que cette, ville défolée fera peut-être obligée de
tenouveller encore, pour invoquer, votre aftîftance
contre Avignon. Mais fi. cette / pétition reparoît,
je vous déclare d’avance qu’elle portera toujours
le même cara&ère de contrainte & d’illégalité^
j;ufqu’à.ce que depuis plufieurs mois ,Ja viile d'Avignon
foif réduite à Pimpoflibilité de. venir afîiéger.
Carpentras.
Vous vous en fbuvenez, Meilleurs : on ne dou-
toit pas ic i, au commencement du fiège, que la
ville de Carpentras ne fût emportée d’affaut par.
ces mêmes Avignonnois qui* fe font avilis , clans,
tous les. fens , devant fes murs; & alors il auroit
bien fallu- que le Comtat tout entier fe hâtât de-
eapituler , à., là fuite de cette cité malheureufe..
La ville de Carpentras. n’a heureufèment changé
ni de domination ni dé principes ; elle eftdemeurée
libre,,elle eft. reliée, indépendante des brigands,
elle s’eft couverte de. gloire.. Alors,, les Avigno-
nois défefpéranf de conquérir Carpentras, ont renoué.
leurs, in trig u e s6c. fo.nt venus, chercher des.
A V I
protefleurs dans çetfe affemblée, qui avoit tfo’p îê-,
gèréir.eiit compté fur leurs fuccès.
Prenez-nous feuls , nous ont dit leurs émiflairès»
Prononcez un décret de réunion qui nous affure
l’impunité de nos crimes... L ’unique argument nouveau
que. nous ayons à vous prêfenter, c’eft que
nous fournies devenus infiniment plus coupables ,
depuis que vous avez ajourné trois fois nos pétitions
clans une feule année; c’eft qu’en combattant en
votre honneur, nous nous fommes rendus, dans nos.
contrées l'horreur du genre humain ; enfin, c’eft que-
nous fommes prêts- à nous armer contre Avignon
même rfi Avignon n’eft pas réuni à la France. Oui r
nous allons y porter le fer & la flamme ! Nous allons,
chercher notre luhfiftance , en pillant, en maffacrant
certe même ville qui. nous a déchaînés contre le
Comtat. Nous n’avons pu vous conquérir Carpentras
, les armes à la main: daignez nous con--
qnérir nous-mêmes par-un décret. Cette conquête
eft plus facile. Nous fommes placés entre la France
& i’échafaud. Il faut que. nous pétillions viéiimcs
des loix , pour peu qu’il refte encore de jitftice fur
la terre, fi les législateurs françois nous repouffent
encore une fois , en nous livrant au jufte reffen-
timent de. nos propres concitoyens. Voilà', Mef-
fleurSjJe véritable fens des pétitions, des adreffes y
& dès’ inftances qu’on vient de renouveller dans
cette tribune. La municipalité d’Avignon eft prof-
criie par fa propre armée, qui n’appartient plus
à préfent qu’à, fes chefs; & je la vois, dans ce
moment ,,profternée devant vous,.entre une horde
de brigands qui- la.menace, & un peuple courroucé;
qu’elle a trompé'.
Cette municipalité, qui a été enfin forcée de
rendre fes comptes ,;a révolté, tous les efprits , en
portant en dépenfes, dans un état imprimé.que voici,
une femme de 66,000 mille 424 livres pour l’affaire
du 10 juin , c’eft-àrdire pour l’exécrable fup-
plice de quatré citoyens vertueux qu’elle fit pendre,
à la porte de l’hôtel-de-ville ., moyennant une lon-ime
de i.7,ooo’livres par .tête L
Une pareille dépenfe na point d’exemple fans
doute, dans les comptes d’une adminiftration municipale.
L ’horreur qu’elie infpire, révèle d’avance,
les plus' terribles cl:ioniens, à cette même municipalité
qui ne craint pas d’avouer publiquement un-
tel crime. Le nommé Jourdan , que vousconpoifiez
tous par fon infâme furnorn de coupe-tête , tient
habituellement fur fon bureau une lifte de prof-
criptions, fur laquelle on lit les noms de la. plupart
des officiers municipaux avignonois.. S y lla ,
auquel je vous- demande pardon de comparer, pour
un moment, un fi fera me fcéiérat, le barbare Sylla
ne proferivoit du moins que fes ennemis-personnels.
Le nommé Jourdan fe charge de toutes les
haines 8c de toutes les vengeances de fes complices,
la . formule de profçription eft imprimée dans,
une feuille publique qui circule dans toutes vos
! provinces méridionales. On la préfente à tous les
• miférablcs qui. veulent, défigner. leurs viéfimes, à
éJS hMI
A V I
la mort'; en voici une copie authentique , où elle
éft conçue en ces termes: ceux qui voudront que les
ci-après nommés /'oient pendus , nautont qu'à figner.
C ’eft ainfi, c’eft avec çette horrible profanation
des formes légales, que l’armée avignonoife exerce
une feuveraineté malheureufement rrop connue en
France, la feuveraineté du brigandage. Le maire
cl 'Avignon eft à la tête des prolcrits. Que dis-je?
L a ville à'Avignon toute entière eft condamnée
au pillage ; elle va être affiégée par cette même
armée qui n’a pu conquérir Carpentras. Ce fera
donc Avignon même, que vous fauverez, en ordonnant
à ccs ennemis du genre humain de mettre
bas les armes. Si vous reiettez irrévocablement la -
requête forcée des Avignonois ; fi vous déclarez
folemnellement que toute violation du territoire
François , par des hommes armés, fera punie comme
un crime de lèfe-nation , auffi-tôr, je le prédis hautement,
oui, une heure après que votre décret
fera parvenu .dans le Comtat-, l’armée de Jourdan
fera difperfée., & Avignon fera tranquille. Avignon
n’attend que la paix, la^paix ! Sc ce ne font pas
les bons citoyens qui l^iroufilent. Ne vous y trompez
pas, Meflieurs ; ce n’èft plus leur réunion à
la France, c’eft votre prote&ion qu’invoquent les
Avignonois. Je les connois bien ; & j’ofe vous
•répondre qu’au moment où ils n’auront plus rien
à craindre, ils, cefleront de vous importuner par
leurs abfurdes pétitions.
Si leur cruelle pofltion né peut vous émouvoir,
fouffrez du moins qu’une puifîance flipérieure à
la vôtre, fouffrez que la vérité vous éclaire dans
ce moment, en vous dévoilant vos propres inté- ’
rêts. Il eft facile fans, doute de faire trembler ici
les conquérans d’Avignon eux-mêmes. Qu’il me
foit donc permis' de leur expofer les fuites ter-
i?les de cette folle ambition , qui les abaifferoit à
une aflociation honteufe avec des brigands. A peine
.auriez-vous revêtu ; du titre glorieux de citoyens
François,dè$ monftres qui ne méritent, plus de porter
le nom d’hopiimes, que vous donneriez à toutes
lés puiffances dé l’Europe , les; -plus juftes fujets
de crainte , & par conféquent d’agreffion. Vous
leur fourniriez impriidepmignt un. prétexte plau-
fiblé', . d’attaqnér une. "nation .qui ,(e feroit un jeu
de fufeiter , de fomenfe.r_, de protéger;, de feu-
doyer des révoltes,, pour fe créer je ne fais quel
droit chimérique , de faire des conquêtes mal colorées
, en pononçant .des confifçations. Cette doc-
.triii'é. en aêlion, de la feuveraineté . du peuple ,
feroit regardée comme un manifefte defliné à détrôner
tous les rois. Il n’eft aucun potentat qui ne
fût menacé par votre décret d’invaflon ; ils fe réuni
rotent do,nc tous contre une nation dont les
régiflàteiifs fe cléclareroient des embaucheurs de
peuples. , comme les, Avignonois fe font .établis ,
de leur propre, aveu , embaucheurs de. foldats dé-
■ ferteufs.
Maïs fi cette ligue inévitable ne vous préfente
.encore qtaedes dangers éloignés, vo ic i, Meflieurs ,
A V I 7 61
d’autres périls qui vous environnent," au milieu
de la France elle-même. Un décret qui réuniroit
Avignon, en vertu du feul voeu des Avignonois ,
autoriferoit manifeftement toutes les provinces du
toyaume, toutes vos frontières, difons plus, toutes
vo,^ villes dominées par des fa dieux, excitées par
vos. ennemis, fatiguées des troubles de votre révolution
, à arborer aulfi-tôt l’étendard de l’indé-
pendance& de la révolte. Vous croyez échapper
à mon raifonnement, en me répondant ici, que
vos provinces avoient bien ce droit avant l’acc-ep-
tafion de la cpnftitution, mais qu’elles ne l’ont plus,
depuis la fédération du 14 juillet dernier. E li bien!
fans difputer fur un fait dont la difeuflion nous
méqeroit trop loin g fans examiner fi une fête militaire
a pu, exproprier le peuple françois de fes
droits, qui, félon vous, font inaliénables; fims
m’arrêter aux; principes & aux conféquences de
cette fédération, je prétends que votre réponfe
ne retarde ici votre défaite, que d’un feul fyllo-
gifme; & en voici la démoiiftration. Vos colonies,
n’ont pa's encore accepté votre conftitution ,
qui, de votre propre aveu , leur eft étrangère ;
çlles font dans le même état où fe trouvoient les
provinces françoifes avant la fédération , c’eft-à-
dire , dans, l’état de la liberté primitive & de l'indépendance
naturelle. Je fuppofe maintenant ,
qu’un décret folemnel accueille aujourd’hui le voeu
fi illégal des Avignonois , vous reconnaîtrez dès*
lors qu’un peuple a le droit de changer arbitrairement
de'domination.& de fouverain. Que pourrez
vous répondre ensuite aux colons , f i, adoptant
les principes & les exemples de. nos prédicateurs
de révolte ; f i, employant les moyens de leurs dignes
profélytes ,• les féditieux d'Avignon ; fi , écartant
les diflidens par ia (terreur, aflurant leur au-
^torité par la multitude des émigrations, étouffant
-les plaintes par ..la violence, extorquant à main armée
des fignatures au milieu des échafauds , les
colons blancs, libres.encore & fouverains, viennent
vous dire dans cette affemblée : u Vous avez
» conquis la. ville d'Avignon, ou du moins vous
» l’avez, acceptée; par un décret. Vous avez donc
J ? reconnu qu’un peuple avoit le droit de chan-
» ge'r du fouverain, fans même être obligé d’en
» énoncer les motifs ? Eh bien ! nous fommes aufit
n un peuple , comme les Avignonois ; & nous
vous déclarons que no.us voulons ufer de nos droits
y) pour nous donner à l’Angleterre. Telle eft notre
» volonté fuprême. Et quoique nous foyons dif-
» penfés dVIléguer nos griefs, nous confentcns à
vous les faire connoître. Nous femmes irrités de
j> votre décret du 15 mai dernier, q ui, en appei-
» lant tous les hommes de couleurs aux droits de
.» citoyen aftif, nous dégrade , nous avilit, ren-
» verfe le gouvernement fous lequel nous avions
» prpfpéré, fous lequel , nous voulions vivre tou-
» jours ; qui nous livre enfin à la merci des efclaves
. que nous avions affranchis ,. & compromet ainfi
» nos propriétés 6c notre exiftence ».
D d d d d 2